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collent à tout ce quelles touchent : on peut les
étendre jufqu’ à vingt-cinq pieds de longueur j
ç'eft en elles, que paroît réfider la vie de la galère
3 car c’eft ainfî qu'on nomme cet animal. Le
relie ne paroît en être que la bafe 8c le foutien.
Quand on examine ces appendices, elles paroifient
être un amas innombrable de petits animaux
blancs ,, qui ont. la faculté de s'alonger & de le
raccourcir jufqu’ à la longueur de deux poucés :
ils ont une bouche, béante, garnie de quatre tubercules
femblàbles à des clous de girofle1 ; ils
tiennent par leur queue à une membrane fine &
délicate, qui leur eft commune, & qui les em-
brafie lorfqu’ils. le contractent:
Lorfqu'on retire la galère de l’eau, toute la
maffé fe partage en fept à huit parties diftinCtes
qui préfentent des couleurs brillantes , parmi lef-
queiles le violet domine. Cet animal eft d'une
caufticité qui lui fait produire fur les parties du
corps qu'il touche, la lenfation d'un feu très-adtif.
Les orties de mer, qui reflemblent beaucoup à la
galère quant au tiifu , produisent les mêmes acci-
dens. Ce font feulement les appendices de la galère
qui produifènt ces effets é.tonnans, car on
J>eut en manier le corps'ïmpunément. Cet animal
fe trouve partout dans les parages" de la zoi\e torride
, 8c même en certaine quantité dans les zones
tempérées.
On trouve au fommet des marnes qui dominent
le quartier de la Souffrière, une grande quanti
té. de "pierres calcaires, & même de coquillages
de mer de toute efpèce : la rencontre de ces corps
à cent quatre-vingts toifes au-deffus du niveau de
la mer adtuelle eft un fait q u i, réuni à tant d'autres
femblàbles, attelle l'abailfement de la*mer au-
de flou s de fon ancien niveau.
Les anciens habitans de Sainte-Lucie 8c des autres
Antilles furent des hommes. de couleur
jaune ou bafanée, qui avoient des cheveux longs
8c plats comme les Européens, & qui s'appe-
loient Carats : on les a nommés* Caraïbes.aC e peuple
doux a été défruit prefque partout. Depuis
qu'il a été chafle de Sainte-Lucie, cette île a été
habitée par des Européens de toutes nations, dont
les Français font les cinq fixièmes par leurs affranchis
& leurs efclaves. Le dénombrement fait
en 1788 a donné deux mille cent foixante Européens
, mille cinq cent quatre vinge-huit hommes
de couleur libres, tant nègres què mulâtres &
métisv & mille fept cent vingt-un efclaves: on
croit que le recensement de ceux-ci, qui eft fait
par les maîtres, n’eftpas.à beaucoup près exadt, &
qu'il y a un bien plus grand nombre d'efclaves.
On a trouvé que le nombre total des morts eft
à*peu près d'un fur vingt-quatre : ce qui rend la vie
moyenne beaucoup moins longue qu'en France ,
où le nombre des morts eft à celui des vivans dans
le rapport d'un à trente-deux 5 il y a cependant
des quartiers de cette île qui font fort fains, &
oft Ton trouve cette proportion.
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Dans les jours les plus chauds, le thermomètre
monte jufqu’à 3 0 & 31 degrés à l’ombre , & dans
les jours les plus froids il defeend à 16. Sur les
montagnes , au fole il, le thermomètre a marqué
3 9 degrés, & 41 degrés d^ns les plaines : c'tlt à
peu près la chaleur à laquelle les nègres font ex-
pofes toute l'année, depuis fix heures du matin
jufqu'à midi, & depuis deux heures jufqu'à fix:1
aufli l'influence de cette chaleur eft-elle marquée
par la lenteur & l'apathie de ces hommes.
Lès variations du baromètre font moins grandes
dans la zone’ torride qu’en Europe : leÜerme
moyen des ofciilations *diL mercure obfervées à
Sainte-Lucie eft à vingt-fept pouces fept lignes
& demie. Souvent le mercure monte dans le temps
de pluie, 8c defeend quand le temps eft au beau :
ce que nous avons oblervé fort fouvetît à Paris.
Plufïeurs phyficiens ont remarqué dans le baromètre
des ifiouvemefls d’abaiffement & d ’afcenfion
qui fe renouveloient deux fois dans vingt-.quatre
heures : ori a obfervé le même phénomène à Sainte-
Lucie , mais»alfez peu fenfîble & régulier î on a
cru remarquer aufli que ces effets fuivoient les
marées.
Quant aux variations des vents, on a vu qtüe les
phis grandes étoient de l'eft-fud-eft à l’eft-nord-
eft j que le vent ne s'arrête jamais long-temps au
nord-eft ni au fud-oueft; qu’ il va & revient prefque
toujours au nord 8c au fud, & qu'il ne pafle
a l'oueft que dans les grandes crifes 8c les mou-
vemens violens de l'atmofphère.
II s'élève ordinairement au même air de vent
vers les huit heures 8c demie ; il augmente à midi
8c ceffe au coucher du foleil.
On doit fans doute attribuer au vent l'humidité
exceflive des Anti.les, parce qu'il n’y arrive jamais
qu'après avoir parcouru la vafte étendue
des mers.
Le ciel eft très-beau à Sainte-Lucie, & il n'y il
pas de jo u r , quelque pluvieux qu'il fo it, où le
foleil ne fe montre pendant quelques heures, parce
que les nuages n’occupent jamais la totalité de l’horizon;
pour l’ordinaire ils ne découvrent qu’une
petite partie du c ie l, & toujours vers l’eft. Ces
nuages ont l’apparence de maffes fufpendues dans
l'air : aufli les pluies qu’ ils donnent par leur chute
font-elles fo*rte.s 8c abondantes. La maffe des nuages
8c la viteffe du vent étant connues, on devine
fort fouvent le point où ils doivent aller crever ,
& il eft rare*qu'on s'y trompe.
Qn évalue la quantité d’eau qui tombe à Saint-
Domingue à cent vingt ou cent vingt-cinq pouces,
8c l'on n'a eu que la moitié de ce réfultat à Sainte-
Lucie , quoique cette île foit réputée une des plus
humides des Antilles. La quantité d'eau qui tombe
chaque jour fur le# montagnes de cette île eft
d'une ligne*cinq fixièmes par jour, & la quantité
d’eau qui s’évapore d'une ligne quatre cinquièmes,
c'eft-à-dire , d'un cinquantième de ligne moindre
que pelle dp l’eau qui tombe, Qn fera peutrêtrp
étpnné
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étônfié que, dans les régions chaudes de la zone !
torride, où il fouffla un vent prefque continuel,
l’évaporation ne foit pas double de celle qui a lieu
en France : on attribue ce phénomène à l’état de
l’atmofphère , qui dans la zone torride tient toujours
beaucoup d’eau en diAblution , 8c ne peut
s’en charger d’ailleurs autant qu’ il le feroit fans
cela. '
[.es fubftances volcanifées qu’on rencontre dans
les Antilles , depuis la pierre-pbnee jufau'à la lave
la plus compacte, prouvent aux yeux des naturalises
inftruits que. ces îles ont éprouvé plufieurs
éruptions de volcans ; c'eft particulièrement à
Sainte -Lucie qu'on en trouve des veftiges affez
remarquables pour faire penfer que les feux fou-
terrains^ne font pa& entièrement éteints. On y
voit encore le cratère du volcan qui a embrafé
cette île ; il fe trouve au milieu d’une chaîne de
montagnes élevées & efearpées qui la traverfent
du nord-eft au fud-oueft. Il exhale du fol qui l’avoi-
lînë une quantité de vapeurs d’hydrogène fulfuré
fi confidérable , qu'il faut avoir foin de ne porter
aucun bijou d'or ou d’ argent quand on l’approche
: ces vapeurs dont on eft environné ne
riuifent point aux habitans , qui jouiffent d’une
fanté robufte. La chaleur de la terre en quelques
endroits eft telle, que fi l’on n’avoit pas foin de fe
munir de fouliers épais, on courroit le rifque de
fe brûler.
Les terres jufqu’auprès du cratère font extrêmement
fertiles, ainfi que celles qui font dans le voi-
finage du Véfuve ou de l’Etna. Qn defeend
dans ce cratère par une pente affez rapide pour
qu’on ne puiflfe y aller a cheval. A mefure qu’on
en approche, le terrain devient très-chaud, & il
en fort des vapeurs plus abondantes. Le baftîn
qu'il forme, a cinquante toifes de profondeur 8c
foixante de*longueur; il eft élevé à peu près de
cinquante toifes au-deffus du niveau de la mer.
Sans doute l’éiuption des feux fouterrains a formé
le baffin du cratère en divifant la montagne qui
les renfermoit ; car les deux côtés de la gorge
font également élevé s, & ils font compofés des
mêmes matières, & d'ailleurs les pentes du terrain
font à peu près les mêmes,;
Lafolidité du terrain fur lequel on marche, varie
beaucoup; il eft d’autant plus chaud, qu’il approche
davantage du centre du cratère. Les matières
qui le forment font légères & friables,
& entr'ouvertes d’efpace en efpace par des fou-
piraux naturels, d ’où s’élèvent des vapeurs ful-
fureirfes fort épaiffes , 8c donc les bords font
garnis de foufre criftallifé : un bâton enfoncé dans
le fol donne lieu à l'éruption de femblàbles vapeurs
, 8c les bords du trou qu’ il forme donnent
aufli du foufre. Le terrain eft traverfë par un ruif-
feaU dont la fource paroît être dans une montagne
qui domine le cratère au fud-oueft. L’ eau
de ce ruiffeau laiffe échapper quelques bulles
d’air q u i, étant raffemblées, font nuifibles aux
Géographie-P hyfi^up, Tome IK*
L U C 537
animaux; on la croiroit chargée de gaz acidulé;
cependant lorfqu’on retire l'air qu'elle contient,
au moyen d’un appareil pneumato-chimique, cet
air reffemblea.celui de l'atmofphère, ce qui montre
qu'il ne fait que læ traverfer fans s’^ mêler.
De tous les objets que renferme le cratère ^ les ^
plus remarquables font vingt-un baffins d’eau'
bouillante, dont quelques-uns ont vingt pieds
de diamètre. Les bouillons s’élèvent jufqu à cinq
pieds de haut, 8c le thermomètre y monte .au-
deffu? du degré de l’eau bouillante : cependant
on peut y plonger la main fans fe brûler , ce
qui prouve que l’élévation des vapeurs qui forcent
dit fond de ces chaudières eft ce qui produit
l'ébullition , 8c que l’élévation de la liqueur dans
le thermomètre eft due à ces mêmes vapeurs qui
traverfent ’fêtua fans rien perdre de leur chaleur,
& qui agiffent fur lui dans cet état.
, La couleur du terrain eft généralement d’un
blanc-terne ou d'un jaune-pâle : il eft parfeme
de criftaux de foufre, de félénite, de fragmens
de quartz 8c de vitriol ferrugineux, qui tous fe re-
connoiffent aifément par des indices qui leur font
particuliers. La dernière de ces fubftances eft vrai-1
femblablement le! réfultat de la décompofition des
pyrites martiales, qui*ont éprouvé l'adUon de l’air
8c de l’eau. Le foyer qui les contient eft fans doute
d’une grandeétendue, puisqu'on trouve des fources
d'eau chaude à une diftatice affez éloignée. Au
refte, le foufre eft la matière la plus abondante
qu’on trouve dans ces lieux : on le rencontre répandu
en fubftance fur une furface de plus de cent
toifes de longueur fur trente de large ; mais il eft
difficile d’en tirer un certain parti. Des effais don-
noient du foufre qui, purifié, revenoit à un écu la
livre; peut-être ce mauvais fuccès doit-il être attribué
à uneexploitation mal entendue, & dirigée par
des perfonnes peu inftruites des procédés économiques
en ufage dans les mines de foufre. Les dé-
penfes en bois feroient très-peu conlilérables ;
car en établiffant des fourneaux fublimatoires au-
deffus des crevaffes dont nous avons parlé ci-
deffus, il feroit poflible de fe procurer affez da
chaleur pour fublimer le foufre dans des aludels.
La médecine pourroit retirer de grands"avantages
du volcan de Sainte-Lucie : les vapeurs ful-
fureufes qui s'en exhalent, peuvent être utiles dans
les maladies de la peau. La chaleur que l’on éprouve
au milieu de ces vapeurs peut offrir des reffources'
qu’ on tire des eaux dans les maladies chroniques.
Le voifinage offre des eaux thermales analogues
à celles de Barèges & d 'A ix - la -C h ap e lle ; ces
eaux pourroient être d’une utilité d'autant plus
grande, qu’elles épargneroient aux colons américains
la néceflité de faire des voyages en Europe
pour y chercher la guérifon de bien des maux:
elles offrent d'ailleurs la reffource des douches,
parce qu’il y a des endroits où elles tombent da
haut.
Y TY