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& de deux mille pieds de hauteur, fans mélange
d’autres pierres ni d’autres terres j eile eft prefque
plate à fon fommet., tic le marbre y eft parfaitement
à .découvert, fans.que ni les eaux, ni les vents, ni
les auaes agens qui décompofent les rochers les
plus durs, y aient laifïe la moindre impreffi6n. On
peut fe convaincre, là comme dans beaucoup d’autres
endroits, qu’ il n’ y a. point de terres végétales
ou il n’y a point de décompofition de pierres.
^De cette belle plate-forme on découvre, du
cote de 1 queft, tout le royaume de Grenade, dont
la fuperficie offre l’afpeék que préfentent naturellement.
les montagnes 8e les vallées qui les réparent.
On aurait grand tort de croire que cet afpeét eft
le rëfultac des vagues d’ une mer agitée, comme
**onc prétendu des naturaliftes nullement habitués
àd’obfervation de tous ces détails.
En fe portant au fud on arrive au cap de Gâte :
la montagne qui le forme, eft compofée d’une terre
argileufe & de fable , fans aucun principe calcaire-
La pierre fait feu au. briquet, tic n’eft point attaquable
par les acides.
L ’efpèce de prefqu’ île à l’extrémité de laquelle
fe trouve, le cap de G âte , prélente quatre maffes
montueufes , que l’on nomme le Sacrijlaïn , les
deux Moines tic la Montagne-Blanche.
3 L e cap de Gare, du-.cç.té de la mer, peut avoir
environ huit lieues de circuit;. il offre plufieurs
objets intéreffans : i 0". un rocher de plus de deux
mille pieds de hauteur à cinquante pas de la mer,
entièrement criftallifé en maffes compofées de feuillets
encaifl'és les uns dans les autres, d‘un gris,
cendré ;
z°: Une caverne dans la montagne que lo i*
nomme de Bujo on y trouve des pierres roulées
par la-mer, tic qui ont été détachées de la montagne.;
gg
3°- Enfin, des traces de volcan*
A i’b u e ftfo u s le trente-feptième dégrève latitude
environ, eft la chaîne de montagne que fon
nomme Sierra-Nevada à caufe des neiges qui Ja
couvrent. Elle eft formée de matériaux non calr
caires, qui ferventà la compofition de collines dont ;
Je fommet eft arrondi-,
Sur les bords de la mer au contraire, àcommen- !
ceràune petite diftancedu cap de Gâte versl’oueft, j
on trouve d’abord une grande plaine remplie de !
grenats dans du mica. Ces pierres proviennent de j
la décompofition de la montagne d ’où fort un tor* j
rent. ,On côtoie enfuire des montagnes compofées j
tantôt de marbre,.depuis la bafe jufqu’ au fommet,.
tantôt dè roches calcaires , & enfin de roches ar-
gileufes* Les bords de la mer font comblés- de
fable.
Près-d’Alméria eft là. montagne de Gadôr, qui
ne forme qu’ un bloc de marbre prodigieufement'
élevé , & donton fait de très-bonne chaux*
A deux lieues à l’ oueft de Malagav on trouve ;
une cavern? dans laquelle l’eau forme d’énormes
ftalaâites. Dans q uelque s-unesTe. fond eft blanc,
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mêlé de veines de différentes couleurs; mais ordi-
nairement quand ces morceaux font polis, ils of-
frent une farface d’un gris agréable, mêlé d’autres
teintes variées. Cette caverne.eft précifément au
deffous d’ un grand banc de pierre calcaire : il eft
aifé de voir que c’eft de la décompofition de ces
maffes & d e l’infiltration des eaux chargées de principes
calcaires que fe forment les ftaia&ites de la
caverne.
En fartant de Malaga, le terrain va en s’élevant
vers I oueft jufqu’à Ronda ; il eft compofé en partie
de cailloux &c d’une terre rouffe qui réfifte au feu,
& qui fer t utilement à la conftruétion des fourneaux
dellinés à fondre les mines de fer qui font fort
voifines. Ces mines font ficuées dans des vallées
profondes, formées par différentes montagnes compofées
de roches calcaires, dont les bancs font en
feuillets & en couches inclinées à l’horizon; & à
la profondeur d’environ quatre-vingts pieds, tous
ces filons de mines de fer font prefque verticaux,
tandis que dans d’autres endroits tous fe préfentent
par couchas horizontales fort régulières.
En continuant d’ avancer vers.le fud, on trouve
la montagne fur laquelle eft lïtué Gibraltar; elle
eft toute entière de pierre calcaire, au milieu de
laquelle fe trouvent des os d’animaux d’une efpèce
inconnue. On peut avancer encore au fud, où eft
jTarifa, & les rochers font toujours conftamment
'calcaires.
•§• II. Sur les troupeaux de. moutons en Efpagne.
Il y a en Efpagne deux efpèces de brebis : celles
dont la laine eft commune, paffent leur vie où elles ’
naiffent, ne changent point de pâturage tic reviennent
tous les foirsà la bergerie;, les autres, dont la
laine eft fine, voyagent tous lès ans, & après avoir
paffé l’été fardes montagnes en defcendent pour
gagner les prairies des provinces méridionales , ou
elles trouvent une température fo r t chaude. CèS '
brebis ambulantes peuvent être au* nombre de*-
q-uatre ou cinq millions.
Pour l ’ordinaire un troupeau eft compofé de dix
mille brebis , dont le foin eft confie à un maître
berger, qui en a cinquante autres fous Tes ordres,;.*
-avec autant de chiens qui conduifent ces trou»
i, peaux.
| Les bergers , en arrivant à l’endroit ouilsdoivent-
: paffer l’été , commencent par donner aux brebis
autant dè fel qu’ellès en veulent. Mille brebis coii«-'
fommenten cinq mois vingt-cinq quintaux de fel;-.
elles le lèchent fur- des pierres dont onTe-fërt à.
cet effet.
A la fin de juillet , lè berger introduit lès béliers-
dans le troupeau-, au nombre de fix- à' fept dans les
troupeaux de cenfc Trois toifons de bélier donnent
ordinairement vingt-cinq livres- de laine, au lleu^
que pour cette quantité il faut réunir- cinq toifons;
de brebis.
A U fin de feptembre,. les brebis ambulances fë;
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mettent en marche pour fe rendre dans des climats
plus chauds : leur route eft réglée par les lois.
-Gomme elles paffent par des contrées cultivées,
!les propriétaires font obligés de leur réferyer un
“paffage de quatre-vingt-dix pieds de large. Ces
troupeaux font environ cent cinquante lieues en
quarante jours. Arrivés au terrain qu’ils occupoient
•l’année précédente, on les y parque, & peu après
-.les brebis mettent bas...Au mois d’avril les troupeaux
fe remettent en route pour regagner la mon-
ttagne, tic au mois de mai on les tond. Un homme
en tond fept à huit par jour. Lorfqu’on veut tondre
les brebis, on les renferme dans une grande cour
d’où on les fait paffer dans une étuve. Comme elles
y font extrêmement ferrées, elles y fuent beaucoup :
cela graille leur laine tic la rend plus ailée à couper.
Cette précaution eft encore plus néceffiire avec
Tes moutons, dont la laine eft plus rude tic tient
davantage.
Les bergers ne laiffent jamais fortir les brebis,
du parc, que le foleil n’ait pompé la rofée de la
' nuit. Il ne les laiffe pas boire non plus dans aucun
ruiffeau^ ni dans aucun marais après qu’il a gelé. ;
L’expérience a fait connoître que fans cette pré-
■ caution les brebis périroient.
Les brebis d’Andaloufie ont toutes la laine grof- !
‘ «ère , parce qu’elles ne changent pas de climat.
M. Boy/ley ajoute une remarque , que les ani-
maux qui ne changent point de climat ont toujours
les mêmes couleurs, comme on le voit par les
cochons d’Eftramadure , qui font toujours noirs.
Ce n’eft que parmi les animaux domeftiques que
l’on en voit de blancs tic de noirs.
VEfpagne y confidérée fous des rapports géologiques
, préfente des phénomènes qui expliquent
T’étonnante variété des climats & des températures i
qu’ on obferve en cette contrée. Placée entre le' j ■ trente-fixième & le quarante-quatrième degré de
latitude ; baignée à l’oueft par l’Océan, à l'eft par
la Méditerranée, au lud par les deux mèrs ; bornée j
au nord tic au midi, tic coupée dans l’intérieur par !
des chaînes de hautes montagnes, elle doit éprouver
tour-à-tour, fuivant l'influence des abris tic le
plus ou moins d’élévation du fol au deffus du ni-
■ veau de la mer,-tantôt des chaleurs brûlantes, tic tantôt des froids excefiîfs.
Si l’on fe repréfente Y Efpagne, coupée de l’oueft
a l’eft par une ligne qui, partant de Lisbonne tic paffatit à Madrid, fe termine à Valence , on remarque
la Sierra de Guadarama, dont la cime
s’élève à plus de douze cents toifes au deffus du
niveau de l’Océan. Madrid, placé à trois cent neuf
toiles , & la Sierra-Cuença qui, quoique non
mefurée, doit néanmoins s’élever à de grandes
hauteurs , puifque le Tage, la Guadiana tic le
Guadalquivir, fleuves dont le cours eft rapide &
très-prolongé , y prennent leurs fourcés."
Si d’autre part on confidère VEfpagne du nord au
fud, en partant du centre des Pyrénées & fe dirigeant
vers la Sierra-Nevada dans le royaume de
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Grenade, l’oeil fixe d’abord le Mont-Perdu, dont
-la hauteur eft de dix-fept cent feixan te-trois toifes,
& le cours rapidedel'Ebre, q u i, prenant fa fource
furies montagnes de Sarnt-Ander, à quinze lieu'es
environ des côtes de l’Océan, va fe jeter'dans
la Méditerranée après avoir traverfé près de cent
lieues de plaine. On remarque enfuite les montagnes
très-élevées de Soria ., fou vent couvertes de
neige toute l’année, &Ie Duero, dont le cours eft
auffi prolongé que celui de l’ Ebre. On voit fur le
reversée la Guadarama, Ségovie, les efquiieos de
Près-Cafas, d Àlfaro, de Villa-Caftin tic de Lef-
piner, fitués à peu près fur la mêmejTigne de hauteur
queSaint-Ildephonfe, à cinq centquatre-vingt-
treize toifes. On s'élève à Puerto de Nava-Cer-
rada, jufqu’à^ neuf cent quarante-cinq toifes, &
d un autre côté on retrouve Madrid à trois cent
neuf toifes, tic I on defcend à Aranjuez fur les bords
du Tage , à deux cent foixante-fix toifes. On finit
par traverfer une chaîne de montagnes, qui lie la
Sierra-de-Guença avec les hauteurs de l’Eftrama-
dure, pour arriver a la Guadiana, & on remonte
la Sierra-Morena, chaîne fort élevé e, qui court de
1 eft à 1 oueft ; & après avoir paffé le Guadalquivir,
on entre dans les Alpuxaras, où (e trouve la Sierra-
Nevada, haute de dix-huit cent vingt-quatre toifes,
& dont le fommet furpaffe de foixante-une toifes
celui du Mont-Perdu.
Il refaite de cet apperçu géologique, que J fous
certaines zones & fui vant les afpeéts, Y Efpagne
doit éprouver, dans l’état de l’àtmofphère, des èf-
fets qui fembleroient ne devoir appartenir qu’à des
régions beaucoup plus feptentrionales. Ces obfer-
vations faffifent pour attefter l’ influence qu’exercent
fur ces contrées méridionales l’élévation du
fol tic l ’élévation des montagnes.
Le génie paftoral a fu tirer le parti le plus avantageux
des diverfites de température, pour créer
un régime de troupeaux toujours en harmonie avec
les faifons, & dont les réfultats ont été tels dans
les races qui y ont été foumifes, qu’il a été permis
de douter fî la perfection de ces races venoic
plutôt de leur primitive origine , que du fyftèrae
adopté pour leur amélioration.
En effet, en confidérant les habitudes de ces
troupeaux, on les v o it , en hiver, dans les plaines
tempérées de J ’Eftramadure & fous une latitude
dont l’aétion n’eft contrariée par aucune descaufes
phyfiques, qui, à de légères diftances de cette ligne,
changent ou modifient confidérablement le climat.
Dans cette partie de Y Efpagne, la n eige, les gelées
font des phénomènes inconnus, tic fes^paturages y
abondent lorfque, dans les provinces plus fepcen-
trionales, ils y font entièrement anéantis.
Quand l’été fe* fait fentir en Eftramadure, le
printems commence dans les Sierra des deux Caf-
tjlles. Alors les cavagnes . s’ébranlent, les races léo-
nèfes fe dirigent vers les efquiieos de Ségovie ,
où elles retrouvent, dans la chaîne de Guadarama ,
un air pur & une verdure paiffante. Après la conte,
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