noient autrefois plus d’eau encore que les Commets
les plus élevés j & que c'eft par la raifon que ces
Commets ont été plus détruits , qu’ ils font prefen-
rement les plus bas.
De cette difpofition du Commet général par
rapport aux Cources des contrées circonvoifines
de Langres , on pourroit peut-être s’imaginer que
dans ces temps éloignés > & même aujourd'hui encore
j les eaux qui fortoient du plus bas de cette
ligne provenoient des lieux les plus hauts de cette
même ligne;mais., dans ce câs-là , îlfaudroit que,
Cous cette ligne étroite qui defcend des Cévennes
îk des . Vofges vers Lang-es, il y eut èu ou qu’il y
eut encore des conduits fouterrains & des aqueducs
naturels avec une infinité de rameaux q u i,
malgré les obfhc es & les irrégularités d’ une fi
longue chaîne de montagnes , & dans toutes les fi-
nuofités & les inflexions de la ligne des Commets,
xamperoient Cous terre toujours régulièrement &
parallèlement à ces continens.il faudroit, eri mille
& mille endroits, admettre ces fiphons ridicules
& merveilleux par lefquels, félon l'opinion de
plufieurs, l’eau defcend de l’intérieur des montagnes
les plus hautes, paflfe Cous des vallées, des
vallons, des plaines & fous des contrées entières,
& s’ élève au haut des montagnes des pays inférieurs
ou coHiffés On voit combien une telle or^
ganilation eft impoflible & difficile à Contenir,
iauf que l’on en l'oit plus avancé ; car il ne fau
droit pas moins chercher enfuite l ’origine dis
fourccs qui fourniroient les premiers réfervoirs
de ces aqueducs imaginaires. L’hydraulique n’eft
pas dans ce cas, le moyen .qu’ emploie la nature ,;
nous nous en fervonspour produire desijefs d’eau
& des Cources artificiellesj mais ic i, comme,©lie
ne peut.être admife & r e ç u e , q u e de plus les
montagnes de ces contrées ne font pas de nature
à être, facilement & généralement pénétrées par
les eaux des pluies, pour qu’on les puiffe regarder
aufii comme l ’unique principe de ces Cources, il
faut reconnoître que la nature a encore d’autres
Jois que celle de l’ équilibre des liqueurs, & d’autres
agens que nous ignorons} mais nous pouvons
légitimement foupçonner que les Cources les plus
élevées, comme les Cources les plus-baffes -, font
propres & particulières chacune à leurs contrées,
& qu’elles font toutes indépendantes les unes des
autres ; enfin, que leur caufe efi prefque toute
inférieure, & que les dehors de la terre ne contribuent
qu’ à leur donner des direélions diverfes
& à porter Couvent, vers les points du Globe les
plus oppofés, les eaux dés mêmes Cources & des
mêmes tranfpirations, comme cela a lieu fur les
Commets de Langres.
Suite de Langres & Chaumont,
La multiplicité des Cources q u i, depuis Langres
jufque vers Vefeignes, Ce font réunies à la Marne,
3 tellement déchiré le pays ,, que l’on ne voit lé
long du cours de cette rivière , dans cette partie,
que des vallées très-profondes qui y tombent de
toutes parts , & entr’elles des ci oupes de montagnes
fort étroites on ne voit pas dans cet efpace
de trois lieues de longueur, des côtes Continues
& d’un talus régulier, comme on en obferve plus
bas,,parce que ces terrains ont eu à fouffiir moins
du courant général des eaux, que de l’éruption
d’une infinité de fources fanées çà 8c là. La çonf-
titution du terrain, généralement tendre & gélifie,
excepté fur les hauteurs, a dû aufii faciliter, 8c
donner lieu à de grands ravages j néanmoins on
peut remarquer, au pied de la plupart, des croupes
qui Ce prolongent dans la vallée, des dégradations
caufées par le choc du torrent, lorfqu’il n’avoit
plus qu’une quinzaine de toiles dé hauteur, &
ces dernières imprelfions font très-fenfibles alternativement
d’une rive à l’autre. ,
Au-deftous de Vefeignes il Ce fait un changement
dans la nature du terrain, en forte que la
vallée a pris une forme plus terminée, mais cependant
beaucoup plus finueufe & plus étroite. La
vallée de la Marne n’eft pas la feule dans ce cas}
la vallée de Nogent-le-Roi, qui la fuit à une lieue
lur la droite, a , comme la première, au milieu de
croupes fréquentes, une infinité de vallées larges
& mal terminées, & enfuite elle fe trouve de
même réduite, vers Louvière, en un vallon profond
& très-finueux : ce qui fait connoître que toutes
ces fources ont trouvé des terrains de même nature
à leur origine , puifqu’elles y ont produit les
mêmes effets, & que la différence du terrain qùi
a occafionné ce changement doit avoir à peu près
la direction de Vefeignes à Louvière.
De Veieignes à Chaumont, l’on peut fuivre
toutes les inflexions différentes 8c fréquentes du
torrent, & la vallée, dans toute cette longueur,
contient de très-merveilleux mônumens du torrent
qui l’a crtufée. La côte qui eft.au-de {Tous de
Vefeignes préfente beaucoup de couches culbutées
& précipitées , &r paroît, jufqu’à la defeente
de Marnay | avoir dégorgé une grande abondance
d’eau : il y a encore aujourd’hui beaucoup de
fources dans toute fon étendue. Outre cette caufe
de deftru&ion, le torrent.de la Marne y tombôit
avec impétuofité, & de-là s’engorgeoit enfuite
dans ces terrains de plus dure confiftance | où il
a fait beaucoup de dégradations.
Il a enfuite fouffert, jufqu’à Foulain, une infinité
de réfractions : le terrain des contrées fupérieurcs
n’ eft plus revêtu- d’une, fi grande abondance de
bonne terre, ainfi qu’au-deffus de Veleig.nes}
tout y annonce un terrain plus d ur, plus iec 8c
plus aride.
Avant que d’arriver à Foulain , le torrent de la
Marne reçoit, au-deffous de Poulangy,.ie torrent
de Nogént-le-Roi , .dont la vallée, depuis
Louvière, a éprouvé une quantité de détours :
outre cela, elle eft extrêmement profonde & ef-
çarpée dans la maffe des rochers qui la bordent.
"" Aux
Aux lieux qui ont le plus fouffert, on trouve de
fort grands coquillages, qui font des nautilites &
des ammonites.
Au-deffous de Foulain, auprès d’un grand pont,
la chute du torrent de la Marne fe fait entièrement
remarquer par une côte circulaire & très-
roide, qui préfente un fingulier fpeétacle dans la
coupe des terrains qu’elle nous offre. Cette malle,
qui parôît ne faire aujourd’ hui qu’une feule montagne
, étoit cependant, avant les grande^ eaux, un
groupe de trois monticules féparées, qui fe pro-
longeoient en pente douce dans l’efpace qu’occupe
la prairie aujourd’hui, 8c étoient féparées
de deux petits vallons, dont il ne refte plus que
les naiflances fupérieures, parce que le torrent, en
ruinant les parties élevées des deux croupes ,
a fait difparoître les malfes qui les bordoient 8c
les formoient. Il eft aifé de s’èn convaincre en
confidérant l’enfemble & la difpofition des val-/
Ions voifins qui font dans leur entier , & des
croupes qui les féparent.
Ces croupes entières 8c ce qui refte des autres,
font connoître ce qui a été & ce qui n’eft
plus, ce qui refte du vallon , & c . Une coupe auffi
extraordinaire fait voir clairement que les deux
croupes exiftoient dans leur entier , 8c étoient en
tout femblables à leurs voifînes avant que le torrent
de la Marne eût éprouvé cet accroiffement
prodigieux qui lui a fait remplir & élargir la
vallée'.
L’ infpe&ion de ce qui refte de ces vallons xioit
détruire l’opinion qu’ont bien des gens, que ce
font les pluies journalières qui ont donné lieu à la
plupart des vallons qui fe rendent dans toutes les
vallées, 8c que les ravines formées tous les jours
par les pluies peuvent devenir avec le temps des
valions femblables aux autres. Si les pluies avoient
opéré ces effets depuis les grandes eaux , on ne
peut difeonvenir qu’elles n’aient auffi’ formé les
vallons, 8c produit le même approfondiffement
fur leurs naiffances} 8c en conséquence on doit
croire que ces reftes de vallées ayant les arêtes
de leurs croupes tronquées, ne font plus aujourd’hui
dans l’état où les grandes eaux les ont
laiffés.
La plus grande hauteur de cette cô te , à l’endroit
fie la coupe, eft d’environ une trentaine de toifes,
le terrain s'élève encore de beaucoup au-deffus
de l'efearpement, mais en pente douce jufqu’aux
fommets du Rognon, à deux lieues de-là fur la
droite. La conftru&ion intérieure de tous ces terrains
eft d’être lits par lits horizontaux de quatre
à fix pouces de hauteur. Aux deux tiers de
la côte, ces lits fe féparent affez aifément; mais
daps le bas ils font tellement durs & tellement
unis, qu'il eft néceffaire d’employer la poudre
four les exploiter.
Sur tous les terrains qui forment les plaines
les-plus hautes de cette contrée , on y trouve çà
& là des quartiers bizarres, dont le grain eft étran-
Géographie-Phyjique. Tome I k ,
ger à toutes les pierres du pays-, & qui vraisemblablement
font les débris des anciens lies fupé-
rieurs qui ne font plus.
Sur la hauteur, v is - à - v is 8c à une centaine
de toifes de Foulain , à environ trente-cinq toifes
au-defiùs de la Marne, eft une fablière, choie rare
8c peu commune dans cette contrée , où la Marne
même ne charie point de fable : cette fablière eft
par ondulations, & le fable n’eft que de pierre :
calcaire brifëe, pierre du pays. Il n’eft point rond
& uni comme un fable qui a beaucoup roulé, mais $
fa figure irrégulière & fa nature font connoître
qu’il.n„e pouvoir pas venir de fort loin ; il eft d’a i lleurs
un peu terreux & aflfez tendre. En confidérant
les environs de cette fablière, on voit que
ce fable n’a pu être amené là que par un torrent
qui fe jetoit dans la Marne, entre Marnay & Foulain.
Le torrent pouvoit avoir une lieue de cours ; -
mais il avoit une telle rapidité, qu'à tous les lieux--
où il a frappé, on voit des roches dreffées auffi à-
plomb que les revêtemens d’un baftion, auxquels
même elles refte mblent en bien des endroits. C e pendant
le lit de cette vallée eft aujourd’hui de
beaucoup inférieur à la pofition de la fablière. Or,
comme tout fable doit rouler fur le fond du torrent
qui le charie, il faut q ue, îorfque ce fable
a été apporté là , le. lit du torrent ait été bien
plus élevé qu’ il ne l’eft aujourd’h u i, 8c que ce ne
loit que depuis ces dépôts qu’ il a été creufé, ce-
qui a dû être bien du temps à s’opérer dans des
terrains fi folides 8c fi durs. Une autre réflexion
non moins naturelle, c’eft que, comme tout fable
ne peut être châtié que du haut en bas, ce fable,
quoiqu’aujourd'hui fur une hauteur très-expofée,
étoit alors dans un fond & dans un abri par rapport
aux terrains circonvoifîns & au torrent; &:■
qu’ainfi les. terrains entiers dont il eft la démolition
ne peuvent être que les terrains autrefois fu-
périeurs à ceux d’aujourd’ hui : ce qui juflifie ce
que nous avons dit ci-iefifus, qu’il n’y a point de
terrains fi élevés qu’ ils foient maintenant, qui n’en
aient eu au-deiïus d’eux de plus élevés encore.
La grande côte du pont de Foulain a renvoyé le
torrent vis-à-vis de L u zy , de-là fur Verbiefles; il
s’eft porté enfuite fur l’autre r iv e , & il y a formé
une côte des plus longues & des plus efearpées ,
qui décrit un demi-cercle prefque parfait, depuis
le Val-des-Ecoliers jufqu’au-deffous de Chama-
randes. Rien n’eft plus lignifiant que la forme &
la figure de cés montagnes déchirées. Dans tous
les 1 ieux que le torrent a frappés, on ne voit que
roches nues & découvertes, qui offrent de loin
le fpedtacle trompeur d’une ville en ruines, au
lieu qu’à leur oppofite fe voient fi tués des terrains
très-fertiles & abondans ; contrafte bien fubit .&
bien fenfible.
L’on jouit à la vue de-toute cette vafte ravine,
fur les avenues de Chaumont, en venant de Langres
,9 en voyant comme deffous fes pieds la variété
infinie des coteaux, des rochers, des terres Qqq