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• _ cette partie de l'Amérique feptentrionaîe où
rencontre un article de commerce fi précieux,
- peut être une chofe indifférente.
En général, les oifeaux. font rares, non-feulement
quant aux diverfesefpècës, mais quant au
nombre des individus $ ceux qu'on aperçoit font fi
farouches, que, félon toute apparence, ics habitans
du pays les pourfuivent fans ceffe, peut-être pour
les manger, 8c à coup fur pour s'emparer de leurs
plumes, dont ils ont foin de fe parer. Il y en a,de
fort beaux , -& qui n’ont point été décrits dans les
ouvrages iur cette partie de Ehiftoire naturelle.
Les oifeaux de mer qui fréquentent les cotes ,
&Jes oifeaux de terre qui aiment à vivre fur J||
eaux, ne font pas en plus,grand nombre ; maisé.on
ne fe permettra aucun détail.fur cet objet.
N . Il y a plus de poiiTons que d oifeaux, mais les ef-
p ècesne -font pas très-variées : .di verfes circonf-
tànces néanmoins donnent lieu de croire qu'elles
le font davantage, àj certaines failons. Les autres
animaux de la mer font une petite médufe en
forme de croix, des étoiles de mer, 8cc.
La .claffe des coquilles préfente dés variétés plus
étendues : il y en a qui ont été décrites , & d autres
qu'on n’a point encore aperçues à la même la*
ticuvie dans l'un 8ç l'autre hémilphere.
Oh rencontre dans les bois plufieurs reptiles,
entr'autres des ferpens bruns de deux pieds de
longueur, qui ont des raynres blanchâtres fur le
dos & fur ies côtés, & qui ne font point de ma1.
-Lâ'famiiie des infcCtes parôît être plus confidé-
rable, quoique la faifon où ils fe montrent ne fît
que commencer lors de la découverte de cette
tèrre : ils- doivent être plus multipliés l’é té ,*&
plus fatigans dans'un pays fi rempli de bois.
Quoique l'on trouve du fer 8c du cuivre dans
cette partie de l’Amérique, il eft difficile de croire
que ces deux métaux viennent des mines du pays.
On n'aperçoit aucune efpècé de minerai, fi l'on en
excepte une fubftance groffière & rouge de la nature
de la terre ou de l'ochre, dont les naturels fe
fervent pour fe peindre le corps, 8c qui vraifem-
blablement contient un peu de ftr. On voit aufli
du fard blanc 8cdu fard no^r qu'ils emploient au
même ufaga, .mais on ne peut dire précifement
quelle eft.leur compofition. .
Outre la pierre dure ou le rocher des montagnes
& des côtes, qui renferme quelquefois des morceaux
d'un quartz'groftîeron trouve, parmi les
naturels, des ouvrages d’ un granité noir qui n’ eft
remarquable ni par fa dureté, ni par la fineffe
de Ion grain i fine pierrè à aiguifer, grifâtre; la
pierre à rafoir ordinaire des charpentiers, 8c des
morceaux d’ une îeconde, ndire, 8c péu inférieqre
â la pierre fine à aiguifer : ces morceaux étoient
plus ou moins groffiers. Les naturels fe fervent auffi
du mica à feuilles tranfparentes, ou du verre de
Ruffie,'3c.d’une efpèce dé fubftance .ferrugjneufe,
brune & à feuilles ils ont 'encore du criilal de
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roche_affez tranfparent. Il eft vraifemblable qu’on
trouve les deux premièies (ubfiances près de l'entrée.,
car les habitans paroifi’ent en avoir une quantité
allez confidérable ; mais le criilal de roche
femble venir de plus lo in, où il eft plus rare,
puifque les fauvages n'en vendent qu’avec répugnance.
Plufieurs des'morceaux étoient oêtangu-
! ai rés, 8c l'on juge que la main de l'ouvrier leur a
donné cette forme.
La taille de ces fauvages eft au-deffous de la
taille ordinaire,mais ils ne font pas minces en pro-.
portion de leur petiteffe ; ils ont le corps bien a i- ’
'rondi, fans être mu feule u x : leurs membres potelés
ne paroiffent jamais acquérir trop d’embonpoint.
Les vieillards font un peu maigres : le vilage cie
la plupart eft rond 8c plein; il eft large quelqué-
foi§, 8c il offre des joues proéminentes ; îl.eft îou-
venc très-comprimé au-dtfius des joues, où il
femble s’abaifler brufquement entré les.tempes :
leur nez, aplati à la bafe, présente de larges narines
& une pointe arrondie: ils ont le front bas,
les yeux petits, noirs, & plus remplis de langueur
que de vivacité ; les lèvres larges, épaiffes 8c arrondies,
les dents affez égales & affez bien rangées,
quoiqu’ elles ne foieht pas d'üne blancheur
, remarquable . En général, ils manquent àbfolurneqt
de barbe, ou i s en ont une petite touffe peu fournie
fur ia pointe du menton , ce qui ne provient d’ aucune
défèêtuqfité naturelle, mais de cè qu’ils l*af-
r :chrtir plus ou moins; car quelques-uns d’entre
eux, 8c particulièrementles vieillards, portent une
barbe é paille fur tout le menton, 3c mêmedes
mouftaches fur la lèvre fupérieüre, lefquelles def-
cenient obliquement vers la mandibule inférieure.
Leurs fourcils font peu fournis & toujours étroits,
mais ils ont une quantité confidérable de cheveux
très-durs, très-forts-3 & fans aucune exception
noirs, liffts 8c flottans fur leurs épaules'. Leur'
cou eft court. La forme de leur bras' 8c de leur
corps n’ a rien d’agréable ou d’élégant; elle'eft
même un peu.groffière. Leurs membres, en géné-?
ral petits en proportion des autres parties, font
courbes ou mal faits; ils ont dé grands pirds d’finè
viaine forme, & les chevilles trop fa if] an tes.: ce
défaut femble provenir de ce qu’ils s’ affeyent beau- ’
coup fur leurs jarrets, dans leurs pirogues 8c uar.s
leurs maifons.
O.i ne peut deviner précifement la couleur de
leur teint,.parce que leur corps eft incriifte de peintures
& de fais tés; mais ayant engagé quelques individus
à fe bien nettoyer, la blancheur de la pèap de ‘
ceux-ciégaloit prefque la blancheur de la peau des
Europeens, & offroit la nuance pâle des peuples du, ‘
midi de. l’Europe. Les.enfans dont la peau n’avoic
jamais été couverte de peinture, égalo’ient les nôtres
en blancheur. Quelques-uns des jeunes g ns, •
comparés au gros du peuple, ont la phyfionomie
aff; z agréable -, miff il paraît que ç’ elt uniquement
l’effetde-cette veihté vermcifle, naruveÜë à la jeu-'
neffê; 8c lorfqu’ils^font arrivés à un certain âge ,
III . WÊÊÊKÊ
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leur vifage" n’ offre plus rien de particulier. En
tou t, l’ uniformité de la phyfionomie des individus
de la nation entière eft très-remarquable.; elle
manque toujours d’expreffion, & elle annoncé des
efprits lourds & flegmatiques.
L?s femmes ont à peu près la même taille, le
même teint 8c les mêmes: proportions que les
hommes; il 'n’eft pas aifé de lès reconnoître, car
on ne leur trouve pas cette dé'icateffe de traits
qui diftingue le fexe dans la plupart des contrées,
&. à peine en voit-on une feule, parmi les jeunes,
qui puilfe ayoirla moindre prétention à la beauté.
On nè peut voir fans une forte d’horreur ces
fauvages chargés de leur attirail guerrier; mais
lotfqu’ ils.ne font point équipés dé cette manière,
lôrfqu’ ils portent leurs habits ordinaires & qu’ils
gardent leur allure naturelle, leur phyfionomie
n’offre pas la moindre apparence de férocité; ils
paroiffent ail contraire d’un-caraêlère doux, paisible,
flegmatique 8c indolent; ils femble nt dénués
de cette vivacité fi agréable dans le commerce
de la vie. S’ ils manquent de réferve, ils font
loin d’être babillards ; leur gravité eft peut-être
un effet de leur difpqfition habituelle, plutôt que
dun-fentimerit de convenance, ou la fuite de leur
éducation;.car dans les momens où ils ont le plus
de fureurj ils paroiffent incapables de] s’exprimer
complètement par leur langage ou par leurs geftes.
Puifqu’ ils mettent en vente des_ crânes 8c des
offemens humains', on n’a que trop de raifon de
cioirequ’ ils traitent leurs ennemis avec une cruauté
féroce; mais ce fait indique plutôt un rapport général
avec le caractère dé prefque toutes les tribus
non civîlifées, dans -chaque fiècla 8c dans chaque
partie du: Globe , qu’unè inhumanité particulière
dont on doive leur faire reproche, 8c l’on n’a pas
lieu de jirger défavorablement de leurs difpofitions
d cet égard. Ils paroiffent avoir de la docilité, de
la polkefte naturelle 8c delà bonté. Quoique d’un
tempérament flegmatique, les injures les mettent
en fureur; 8c, comme la plupart des gens emportés,
ils oublient auffi promptement le mal qu’on
leur a fait : ils paroiffent déterminés à punir.î’in-
fuîte, quoiqu’ il en puiffe arriver, & ne laiffènt
échapper aucun ligne de frayeur.
Leurs autres pallions, 8c en particulier la curio-
fité , femblent être engourdies à bien des égards.
Us ne témoignent ni le defir de voir, rfi d’examiner
les chofes qu’ils ne çonnoiffent point, .& qu’ ils
regardent avec Une indifférence parfaite, ce qui
prouve le peu d’envie qu’ ils ont de s’inftruire ; ils
ne cherchent jamais que les articles qu’ils con?
noiffent, 8c dont ils ontbefoin : peut-être doit-on
attribuer cette infouciance pour des objets nouveaux
, à leur pareffe, qui femble fort grande.
D ’un autre cô té ; ils paroiffent fufceptibles, à certains
égards j des paffions tendres, car ils aiment
ex trêmement la mufique : celle qu’ils font eft grave
&cl--f é r-i e ufe m a i s touchante.
La manière de commercer de ces infidaires eft
Géographie-Pkyfiquc. Tome /K.
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pleine de franchife 8c de loyauté : l’honnêteté la
plus rigoureufe préfide à leurs échanges; 8c, excepté
la difpofition au v o l, fi commune dans les
parages dé l’Océan pacifique, on ne peut qu’applaudir
à. la probité avec laquelle-ils font leur commerce.
Les habitans des îles de la mer du Sud volent
fout ce qui leur tombe fous la main, fans jamais
examiner fi leur proie leur fera utile ou da
quelqu’ ufage. La nouveauté des objets fuffit feule
pour les déterminer au v o l, d'où il réfulte qu’ ils
font excités par une curiofité enfantine, plutôt
que par une difpofition mal-honnête. Les naturels
del’entrée de Noocka font voleurs dans toute la force
du terme, car ils ne dérobent que les chofes donc
ils peuvent tirer parti, 8c qui ont | leurs yeux une
valeur réelle, tels que le fe r , le cuiyre ou tout
autre métal. En les voyant fi bien pourvus de-ces
objets précieux, on defire connoître par quels
moyens ils ont fu fe les procurer. Il y a toute
apparence que ce n’ eft point par un commerce
direêl avec des vaiffeaux européens, car tout
femble annoncer qu’avant la vifite que leur fit le
capitaine C o o k , ils n’avoient jamais vu de bâti-
mens européens. On eft donc fondé à croire
qu’ils tirent ces articles utiles d’ une fource confiante
■ 8c habituelle , par la voie des échanges
avec d’autres tribus de l’Amérique qui ont une
communication immédiate avec les étabÜffemens
européens du Nouveau-Monde, ou qu’ ils les reçoivent
par le canal de plufieurs nations intermédiaires.
Dès, les premiers moinens qu’on fe trouve
avec ces fauvages, on voit qu’ ils font habitués
à une forte de trafic, qu’ ils aiment à faire des.
échanges, que c’eft parmi eux un ufage confiant,
que cet ufage leur plaît beaucoup , 8c qu’ils lavent
fort bien tirer parti dé ce qu’ ils veulent vendre.
L’agriculture , fi utile à la. fubfiftance des individus
, 3c qui accroît leurs jouiffances par les productions
dont elle les enrichit, eft abfolument hé- •
giigée par cette peuplade. La pêche 8c la chaffe*dés
animaux de terre 8c de, mer paroiffent être la principale
occupation des hommes, 8c la nourriture
des familles : les végétaux qui croiffent fur cette
contrée lointaine, achèvent de compléter leur
régime diététique.
La mal-propreté de leurs repas répond parfaitement
à la mal-propreté de leurs cabanes & de leurs
perfonnes. La conftruêtion des habitations eft grôf-
fière Cv fans aucune régularité : les rentiers qui y
conduifenc , n’ont .pas une apparence beaucoup
plus agréabje; 8c ces fauvages paroiffent peu curieux
de joindre aux fimples beautés de la nature,
ce que les foins de la culture y ajoutent de richeffe.
D’après le grand nombre d’arcs,, de traits , de
frondes,, de piques 8c d’armes de pierres ou d’autres
matières qu’on voit parmi eux , il paroît fût
qu’ils font dans l’habitude de fe battre corps à
corps, 8c que leurs querelles font fréquentes 8c
meurtrières.
Leurs manufactures 8c leurs arts mécaniques font
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