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deffus du niveau de la mer, La neige tombe beaucoup
plus bas j mais, ainfi que nous l'avons déjà dit,
elle eft fujette à fe fondre le jour même, au lieu
qu'au-deffus elle fe conferve toujours fans fe fondre
•dans toute la partie des Cordilières, qui eff à une
certaine diftance de l'équateur au fud & au nord.
Quelques montagnes qui n'atteignent pas ce point
«'ont jamais de neige permanente} d'autres qui y
touchent, en offrent une certaine couches d'autres,
en très-grand nombre, qui s'élèvent plus haut,
ont toujours léur partie fupérieure continuellement
couverte de neige, & par conféquent inàccellible,
parce que la neige s'y convertit en glace s car (a
furface ne peut manquer de fe fondre pendant le
jour lorfque la montagne n'eft pas cachee dans les
nuages. Mais le foleil ceffe-1-il d'agir, il Ye forme
comme du verglas, la furface de la neige devient
glacée, & polie comme un miroir.
Ce terme de la neige permanente dépend d'un
trop grand nombre de diverfes circonftancés pour
m’être pas fujet à de grandes, irrégularités. Plusieurs
montagnes, par exemple, dans le Pérou, ont
une difpofition prochaine à l’incendie, car pref-
-que tous les fommets ifolés & en forme conique
ont été des volcans : une certaine chaleur intérieure
dans une grande malfe peut éloigner le terme
de la congélation. D’un antre côté, la partie neigée,
lorfqu’elle eft d'une certaine étendue, produit un
effet-tout'contraire s elle caufe à la ronde un plus
grand froid, capable de congéler l’eau un peu plus
b a s } cependant ces anomalies ne font pas grandes.
Pour peu qu’on parcoure avec attention les montagnes
neigées, on remarque aifément que la partie
inférieure de la neige torme comme une ligne
de niveau dans toutes ces montagnes j de forte
.qu’on peut juger de leur hauteur par un fimpie
coup d’oeil.
Mais fi nous confidérons ce phénomène en grand,
& que nous généralifions cette confervation de la
neige fur toutes les parties du Globe qui fe trouvent
élevées à un cercain poiat, nous trouverons
que la ligne neigée n’ eft pas exa&ement parallèle
à la furface de la terre : il eft évident qu’elle doit
aller en defeendant d'une manière graduée, à me-
fure qu'on s’éloigne de l'équateur & de la zone
torride , ou qu’on avance vers les pôles. Cette
ligne , comme nous l’avons v u , eft élevée de 2454
toifes au-deffus du niveau de la mer dans le milieu
de la zone torride} elle ne fera pfus élevée
à i’entréedes zones tempérées que de 2100 toifes,
en paffant par le fommet du pic de Ténériffe, qui
a cette hautéur à peu près. En France & dans le
C h ili, cette ligne paffera à iy ou 1600 toifes.de
hauteur, & continuant à defeendre à mefure qu’on
s’ approchera des zones glaciales , elle viepdra toucher
enfuite la terré au-delà des cercles polaires,
quoique nous ne confidérions fon état que pen-.
dànt l’été, où la plus grande aétion de la chaleur
a lieu.
On peut appeler cette ligne celle du terme in-
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férieur de la neige) car il doit y en avoir une autre
, “Celle du terme fupérieur, mais que, fuivant
toutes les apparences, lès plus hautes montagnes
de la terre n’atteignent pas. S’il y en avoit d’afiez
élevées pour porrerleurs cimes au-deffusde tous les
nuages, ces plus hautes pointes feroient exemptes
de neige dans leurs parties fupérieuresj & comme
elles pénétreroient vraifemblablement dans cette
même région cù l’air n’eft plus agipé, on jouiroit
en haut, fi l’on pouvoir y parvenir, d’ une féré-
nité parfaite & perpétuelle , comme on l’a fou-
vent mal-à-propos fupoofé de. l'Olympe, du mont
Ararat & du pic de Ténériffe, quoique ce dernier
atteigne à peine le terme inférieur de la congélation.
Il y a quelques-unes des montagnes' du
Pérou, comme le Gotopaxi, qui ont une partie
neigéè de 6 à 700 toifes de hauteur perpendiculaire
; le Chimboraço, à 3117 toifes au-deffus
du niveau de la mer, a plus de 800 toifes dans fa
partie neigée ; fi les nuages paffent beaucoup plus
bas , ce qui permet de voir le fommet de la montagne
au-deffus , ils paffent aulli quelquefois beaucoup
plus haut. En-un mot, l'intervalle entre
les deux termes, le fupérieur & l’inférieur, dans
le fens perpendiculaire, eft pour le moins de u
ou i2eo toifes dans la zone torride. Ain.fi, s’il
y avoit des montagnes affez hautes, on leur ver-
roit une ceinture ou zone de glace qui com-
menceroit à 2440 toifes, & qui finiroit .à 3500
ou 3600 toifes , non pas pour la ceffation du
froid, puifqu'il eft certain que le froid augmente
à mefure qu’on s’éloigne de la terre dans l’atmof-
phère, mais parce que les nuages ou vapeurs ne
peuvent pas monter plus haut.
NEUCHATEL . Ce pays offre une variété de
ciimats & de productions réunies dans une très-
petite étendue. Les vignes font la principale culture
de la partie la plus baffe, qui borde un lac de
huit lieues de longueur fur cinq quarts de lieue de
largeur moyenne. Deux vallées principales qui
s’étendent dans l’intérieur du Jura , occupent une
région un peu plus froide, & produifent des grains
& des fourrages,
La partie fupérieure, qui confine avec la Franche-
! Comté, ne produit que des pâcurages & du bois î
l’air y eft froid , même dans les Vallées , & l’on
ne peut élever des arbres fruitiers à cette hauteur.
Ainfi l'on trouve dans ce pays, intereffanc
d’ailleurs par fon induftrie & fa population, trois
climats agraires bien difiingués par les caractères
que nou>s venons d'expofer , tirés de leurs
productions} ce qui nous indique une gradation
dans les degrés de température qui influent fur
ces productions.
N euchâtel ( Lac de ) . Ce lac peut être
confidéré, ainfi que nous l’avons d it , comme ayant
fon baffm dans la vallée de l’Orbe , groflje par des
torrens. La plus grande longueur de ce lac , entre
. Saint-Blaife
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Saînt-Blaife & Yverdun, eft de huit lieues, 8c
fa plus grande largeur, entre Gudrefin, Vuilli &
Neuchâtel, n’eft que de deux lieues. Le baffm de
ce lac , très-ét-roit relativement à fa longueur,
préfente affez la forme d’une vallée. Quant à fa
profondeur, elle varie beaucoup, non-feulement
én partant des bords pour fonder au milieu,
mais encore dans les différentes parties du milieu
ou des bords} il y en a même qui penfent qu’un
obfervateur attentif & à portée, de renouveler
les fondes affez fou vent, trouveroit que fa profondeur
change fenfiblemenc d’une année à l’autre.
M. de Sauffure ayant fondé à une demi-lieue du
bord au midi de Neuchâtel 3 a trouvé le lac profond
de 325 pieds. Le niveau de fës eaux au-
deffus de celui du lac de Genève, a été trouvé
de 26 toifes, qui, ajoutées à l’élévation du lac de
Genève au-deffus de la Méditerranée, donnent
pour la ^hauteur du lac de Neuchâtel 214 toifes 7
au-deffus de la même mer.
Les différèns auteurs qui ont parlé de ce lac ont
remarqué qu’il a été plus grand autrefois qu’ il ne
Féft actuellement. En effet, on obferve prefque
partout des traces de la retraite dé fes eaux à
différentes époques le long de fes bords, & particulièrement
fur fa longueur vers fon extrémité’
méridionale : on peut s’alfucer que cette époque
n’eft pas bien reculée. Les marais qui fe prolongent
d’un côté jufqu’à Encre-Roches, aux environs
de la Sara, à trois lieues des bords aCtuels dü lac,
& de l’autre prefque jufqu’à Orbe, donnent'lieu
de croire que les embouchures de l'Orb e, du
Talenc & du Buron, étoient bien plus reculées
qu'elles ne le font. On fait d'ailleurs par une tradition
confiante, qu'au-deffousde la ville d’Orbe le
marais a diminué çonfidérablement dans ce fiècle,
& que les dépôts de la rivière, dans fes inondations
annuelles:, y ont beaucoup plus contribué que les
travaux qu'on y a faits. Par la même raifon le lac
s'eft retiré affez loin des murs de la ville d'Yverdun,
qu’il battoit autrefois de fes eaux j il en eft éloigné
de plus de 200 toifes. D’ailleurs, on a trouvé à la
diftance d'un quart de lieue des bords du lac, des
reftes d’anciens murs & des pavés énfevelis fous les
fables depuis trois pieds jufqu’ à douze. On obferve
affez généralement que,- dans plufî-uis maifons
d'Yverdurt, Jes offices font plus bas que le niveau
du pavé des rues, ce qui ne peut avoir lieu que
par l’exhauffcment du terrain de la plaine} mais
une preuve moins équivoque encore de l ’ancienne
étendue du baffïn du lac, fe tire de la nature-
mêmé de la plaine qui environne fes bords, &
qu’il a abandonnée. Cette plaine en généra^ eft
humide , marécageufe-, & compofée de couches
peu difiinétes & d'une épaiffeur variable : i p. de
terre noire de marais} 20. de tourbe plus ou môins
combuftible} \°. enfin d’argile mêlée de fables,
de graviers, dé cailloux roulés & des mêmes coquillages
que l’on trouve dansde lac.
• G.es mêmes-attériffemens.s'obfervent auffi dans
Géographie-Piiyjique. Tome IK ,
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pl 11 fleurs endroits de fa rive méridionale. Au-de:-
fous: d’Yvonens , par exemple , on trouve une
plaine tres-marécageufe à fa furface, car elle offre •
en quelques endroits de grands joncs j ce marais
peut avoir environ 65 toifes de largeur fur une
demi-lieue de longueur : le fonds eft un limon
mêlé de fable. Cette plaine porte tous les carac- •
tères d’ un terrain affez récemment abandonné par
les eaux dont il eft inondé chaque année au prin- '
temps , & qui en étoit recouvert il y^ a trente à.
quarante ans. 11 exifte même à Yyonens une tradition
confirmée par l’obfervation des phénomènes
que nous venons d’indiquer, d’après.laquelle il
paroît confiant que les eaux du lac alloient battre
autrefois ,1e pied de la côte fur laquelle le village,
eft fitué en grande partie} d’où l’on peut conclure
q ue , fur cette r iv e , lé baffm du lac s'étendait
à un quart de. lieue dans les terres plus,
avant qu’aujourd’hui. Au refte , les matériaux
de ces attériffemens font chariés par la Mantua ,
dont l'embouchure eft voifine d’Yvonens.
L'extrémité feptentrionale du lac de Neuchâtel
eft .en grande partie formée par les attériffemens
de la Broyé, par laquelle le lac de Morat fe dé-,
charge dans •.celui' de Neuchâtel y ils préfentent,
entre Cudrefin & la Sauge, une plaine.d’un quart,
de lieue de largeur, couverte de marais : il fub-
fifte encore, entre la Thielle &. là Broyé, des
amas de fable fi confidénbles, qu'ils forment unè-
chaîne de monticules affez femblables aux dunes,
que l’on obferve le long des côtes de la mer en.
Hollande & ailleurs. Les grandes moules d’eau
douce que l'on trouve parmi ces dépôts, & qui.
n'habitent que dans le lac de Morat, ne làiffent,
aucun doute que ces dépôts ne_foient ceux de la
Broyé.,
Outre les terrains d'alluvion, a&uellement à
fe c , dont nous venons de parler ci-deffùs , il eft
aifé dé reconnoître, en fuivant les bords du lac de
Neuchâtel, qu’ il règne le long de fa rive orientale,
& interieurement dans fon baffm, une lifièré de
fable qui peut avoir environ un quart de lieue de
largeur. On la fuit de l’oeil par une teinte grifer
que prend l’eau, & qui contraire fenfiblement avec,
le vert des eaux profonde^. Toute cette partie du
lac eft fort embàrraffée de joncs Sr de rofeaux}
de force que cette lifière ou bordure qui s'exhauffe
chaque année par des inondations annuelles 8c
accidentelles parviendra peut-être, avant qu'il foie
un fiècle, à fe montrer à'la furface de l'eau , 8c à
tefferrer d’autant les limites du baffm.
On voit que ce lac fe comble continuellement,
furtout à fes extrémités, par des dépôts qu'y for-^
ment les rivières qui s’y jettent. Ces dépôts ,
d’abord accumulés aux environs des embouchures,
s'étendent peu à peu de part & d’autre, & en-
vafent autant les rives occidentales que les bords'
orientaux : c'eft ainfi qu'entre Cheyre & Ëfh-
voyer, & dans beaucoup d'autres endroits, le
fable s'élève environ de trois à quatre pieds au-
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