
la majeure partie du fleuve s’ étant détournée le
long de la chaîne orientale du pays & au deflus
de Girgey , une autre portion , prife à l’entrée
du détroir d’Yllaoum, s’étant dirigée dans le nord-
ou®ft de Bénéfuef, coulant enfuité le, long de la
chaîne libyque , néceflîtèrent , pour Y Egypte &r le
Fayoum , un nouveau fyftème d’ irrigation pour £a-
vorifer !a ferrie de la portion d’eau qui lui reftoit
des larges & profonds ravins dans îefquels elle
fe trouyoit encaiffée, fans pouvoir opérer le bien
à fa furface : c’ eft ce qui obligea de conftruire à
Rentrée du détroit d’Yilaoum une forte digue qui
s attache aux deux montagnes oppofées, & qui
eft fou tenue par une maçonnerie éperonnée. Au
milieu de cette digue eft un pont fous lequel paffe
1 eau deftinée au Fayoum , laquelle fut portée par
ce moyen & celui du batardeau conftruit à la
tete de chaque ravin particulier qui va aboutir
dans 1 oueft de Médine 8c du Fayoum 3 o ù , après
l’avoir traverfé, il fe divife & fe fubdivife. Ce canal
eft le feul appelé par les habitans, bar-el-Youfef
{ canal Jofepli). En conftruifant cette précieufe
digue on a eu l'intention de mettre à profit le
plus d’eau poifible; Elle forme , du côté de la pyramide
,_un vafte Téfervoir ou la c , qui conte-
nqit un volume d’eau confidérable, deftiné à féconder
les environs. Orr voit dans le fnd du village
de Sarke un pareil ouvrage, qui fervit fans
doute au même ufage que le précédent. Ces
monirmens, qtri font honneur aux fïècles qui
nous ont précédés , furent, fuivant les apparences
, négligés fous le gouvernement defiruc-
teur des T u r c s , de manière que ces digues n’o-
péroi-ent plus la fécondité dans leurs environs, ni
même dans le lieu de leur emplacement. La partie
près le pont d'Yllaoum é to i t , dans l’an 8 d e là
République, fans la moindre culture * l’autre part
ie , près le village de Sarke, qui forme, à certaines
époques, une vafte Hache , écoic à la vérité
couverte de la plus riche moifîbn.
On y a trouvé, dans un petit marais qui eft au
Las de la chauffée de ce dernier ouvrage , le
lo tu s , ,qui a totalement difparu dans toute la
Haute-Égypte.
Quoi qu’il en foit, on peut dire avec vérité que
Je fyftème d’irrigation, du Fayoum eft le mieux
jaifonnné de toute YEgypte ; ce qui rend cette
petite province la plus inté reflan te .& la plus
fertile de cette contrée , malgré la qualité inférieure
de fon fo l, dont la fuperficie fut emportée
par les eaux, qui caufècenr aufli les inégalités
■ qui font à fa furface.
T e ls font les faits à l’égard du canal Jofeph &
-des ouvrages que l’ infuffifance de fa portion d’eau
riéceflita. Si les voyageurs français enflent vifité J
les Heux , ils fe feroient difpenfés, l’ un de croire ;
i des pétrifications de vaifleaux & de mâts pour .j
juftifier fon fyftème, l’autre d’une longue difcuf-
fcooJbt 1e même fujet, qui fe termine par monter
fur la_ grande nyramide, comme fi de là il avoit
pu vifiter le Saiid.
'Nous obf:rverons encore que les monnmens
de YEgypte font ordinairement firués le long des
montagnes , particuliérement près la chaîne libyque
: c’ eft fans doute parce qu’on arrivoit plus tôt
à la terre folide pour en afleoir les fondemens.
On pourroit préfumer que les monumens de
L u xo r , CarnaK, d’Indéra, Gaho & Acmonnaih
furent élevés fur des îles ou refcifs de cet ancien
golfe , qui avoient à cette époque quelque fo-
lidité malgré les alluvions.
T e l eft le précis des obfervations que M. Cha-
brié , chef de bataillon du génie, a raffemblées
pendant un fèjour de près de quatre ans, fur la
géologie de YEgypte, fur les caufes particulières
de la fertilité de ce beau pays. Il a moins cherché
à bâtir un fyftème qu’ à rapporter des faits, & s’eft
renfermé dans l’expofé fimple Sc nu de la vérité.
Des lacs de la Bajfe-Egypte.
Les lacs de la Bajfe-Egypte occupent des baffins
dont la plupart ont pour fond les couches calcaires
du fo l , lequel a été encombré du côté de
la mer par les vafes que fes flots y ont accumulées.
Voilà ce qu'il importe de favoir concernant les
baftins de ces lacs. Maintenant il faut faire connaître
comment ils font alimentés. D’abord on y
voit affluer les eaux douces ou chargées de na-
trum , qui viennent de l'intérieur des terres ,
& q u i, fuivant les fai Tons, débordent par les
émiffaires qui aboutiflent à la Méditerranée. Dans
d'apres tems les eaux de la mer, q u i, comme on
l’a dir, ont contribué à former les digues des lacs,
débordent dans les terres , de manière à faille
éprouver un remoux aux eaux des émiffaires, & à
fe porter jufque dans les lacs j en forte que dans
ces tems de tourmente les eaux falées fe trouvent
furabondantes aux eaux douces. C ’eft à la fuite
de ces inondations qu’on voit fe former, par une
force évaporation, de grands amas de criftaux,
qui font les réfultats des eaux falées de la mer
Méditerranée & des eaux douces ou chargées de
natrum.
En fuivant avec attention la forme des digues
de ces lacs on pourroit eftimer l’ancien niveau
des eaux de .la Méditerranée, particuliérement
d’après leur plus grande hauteur. On ne peut
pas douter que la formation & l’entretien de certains
lacs de la Bajfe-Égypie n’aient eu lieu à la fuite
de .circonftances particulières, quant à la pofitfon
des terrains ,bien différente en cela de tout ce qui
concerne les lacs des bords de la mer dans lés
[landes & le long des côtes du Languedoc , lef-
quels font tous remplis d’eaux douces, tans éprouver
aucun remoux des eaux falées de la mer. Mais il
-y en a d’ autres dont la position eft aflez feni-
L k b le . -Ç’-eft pour déterminer cette diîtin'éf ion,
qti'il faudra par la fuite voir en détail les lacs
à'Egypte.
D'après l ’infpeftion des cartes de Danville, je
crois qu’il y a des lacs qui font dans des polirions
différentes : les uns font fur les bords de la mer,
comme ceux des landes de Bordeaux '& des cotes
du Languedoc. Ainli il y a grande apparence qu'iis
doivent leur formation & leur entretien aux mêmes
caufes & aux mêmes circonftances. Mais ceux qui
font dans l’ intérieur des terres , & à une certaine
diftance des bords de la mer, peuvent être rapportés
à l’explication précédente. Au refte., i l
me paroît qu’il convient de raffembler tous les
détails qui peuvent fe trouver dans les voyageurs,
& déterminer ce qui peut avoir quelqu'applica-
tion à ces lacs dans les circonftances que j’ai développées
ci-devant, 8c que je regarde d’ ailleurs
comme les circonftances fondamentales de la formation
des lacs voifins des bords de la mer , mais
pourtant placés à un certain éloignement.
ELBE ( Ile d’ ) , île de la mer de Tofcane, remarquable
furtouc par une mine de fer criftallilée.
De toutes les mines de fer connues, il n’y en a
pas de plus digne que celle de l’ïle d‘E lbe, d'in-
téreffer à la fois le minéralogifte, le métallur-
gifte, & celui q u i, fous le nom générique de na-
turalifte, s’attache à envifager les rapports généraux
des différens amas de fubftances minérales.
On a dit 8c on a écrit que l’ ïle d’ Elbe eft toute
de fe r , ou tellement chargée de la mine de ce
métal, qu’on en rencontre partout. On ajoute
même que, la bouflbie perdant fa direction aux
approches de cette île , les navigateurs ne voguent
plus qu’à l’aventure fi la lumière du jour
ne vient à- leur fecoucs.
Il s ’en faut bien que l’ïle d’Elbe foit toute de
fer. La mine de ce matai y eft fans doute abondante,
mais feulement dans un certain canton,
comme on va le faire voir. Dans les autres on
trouve des terres , des empreintes ferrugineufes
qui décèlent à la vérité la matière du f e r , mais
à peu près comme on en rencontre dans plusieurs
provinces , qu’on ne regarde pas pour cela comme
des pays à mines de fer ■ -car on fait que rien
n’eft plus commun partout que ces indices ferrugineux.
- Quant à ce qu’ on raconte de la bouflbie, le
fer 8c ’l'aimant n agi fient pas l'un f e l ’autre à de
pareilles diftances > 8c ce qui décruic encore plus
cette fable ridicule , .c’ eft que la mine de 1 lie
d’Elbe n’eft pas attirabLe à l’aimant.
. Il jn’y a dans toute 1 île d ’ Elbe qu’une mine de
'fer exploitée j elle eft iituée fur la côté orientale
8c qui borde le canal de Piombin-o, par lequel
cette île eftféparée de la Tofcane.
La montagne qui borde cette .‘côte préfente-
réellement des motceaux de mine de fer à chaque
pas , -non à la furface ‘du fol ', qui eft recouvert
prefque partout de plufieurs pieds de terre rougeâtrè,
mais dans tous les endioits où l ’aélion des
pluies & de la mer a entraîne cette terre ou feulement
les pierres. Les rochers qui forment la
côte font tous fillonnés de veines ferrugineufes
enrre-mêlées de quartz, quelquefois colorées en
rouge ÿ quelques-unes même de ces roches pa+
roiiî'ent être des malles de mine aflez pures. Ces.
rochers, ces pierres roulées dans les ravins, font
quelquefois des feh ftes j mais généralement ce
font des pierres de cette e fp èce, qu’on nomme
pierre à rafoir, qui appartient bien au genre des
fehiftes, qui d oit, comme eux , fon origine à l’argile
, mais qui fait une cl a fie diftinéte de celle des
pierres fchilteufes proprement dites.
Aflez fréquemment on rencontre dans cette
partie de l’ïle , & même à plufieurs lieues de U
montagne dont on a parlé , des morceaux, des
blocs même de cette pierre, qui annoncent avec
quelle prodigalité la nature a répaniu la matière
du fer dans ce canton. Quelques-uns fonttout gercés
, & portent dans leurs fentes des impreflions
noirâtres, femblables à ces ferres de végétations
figurées que laide toujours un fluide prefie.entre
deux furfaces qui s’appliquent l’une contre l’ autre.
Quelques-unes de ces végétations font brillantes,
parce qu’elles font formées par des filtrations de
mica ; mais le plus fouvent elles font brunes, 8c
ne font autre chofe que de l’ocre figuré. Il y a
de ces pierres qui ne font point gercée s, qui
font d’un grain très-compaète, & qui, dans toute
leur épaifleur, portent de ces fortes de végétations
ferrugineufes , qui alors font très-petites &:
reffemblantes à de h moufle.
C ’eû généralement la pierre à rafoii qui domina
dans toute l’ïle d'Elbe,* elle fe montre à .-plufieurs
degrés de perfection & de dureté. Sur le rivage
& dans les fonds elle paroît ordinairement comme
une argile blanche & très-fine qui commence à ie
durcir , & par gradation cette pierre fe trouve
devenir pierre à rafoir très-dure & très-compacte.
Dans les fonds & fur les petites montagnes , les
bancs.de cette pierre font aflez horizontaux* mais
fur le fommet des "montagnes les plus élevées les
couches deviennent prefque perpendiculaires.. Qn
obferv.e conftammenc cette perpendicularité dan«
les couches des hautes montagnes de l ’îie d'Elbe,
airtfi cfue dans -.celle de C orfe, lefquelles , Fchif-
teufes pour la plupart, prèle tâtent fort fouvent des
; feuillets perpendicuia res ou prefque perpendiculaires
, contournés quelquefois comme.les fila-
i mens ligneux qui compofent ce qu’on appelle les
noeuds d'un.,arbre. G è t ordre perpendiculaire, fur-
tout lorfqu’i! eft joint à ces dire&ions ©adiilées ,
j eft . fans doute ce»qu’iT y a de plus difficile à expliquer
dans la formation des maftift.
Celui dans lequel fe trouve la mine de fer
tout au plus cinq cents pieds d’éléyatiian SCidttpofé
par couches borizonra’es. On n'y voit point «fe.
| ces têtes de rochers mis -à nu par la chute des
1 pluies, la fonte des neiges des ïvspæs