
La Nature femble avoir voulu accompagner par-
tou t, dans cette contrée, Tes tréfors de fels fou-
terramspar des montagnes de gypfe. On trouve ces
montagnes proche des grandes falines d'Illetzky.
- e..Ÿ*c Indenk, , dont nous parlerons bientôt, eft pa-
î f ; . n v T enviro" né de montagnes de gypfe, dont
iljaiJltt de toutes parts des iources fortement chargées
de fel. On voir auflî près de Gurjef, au mi-
if11 d un marais fa lé , un monticule féléniteux.
Oans un dtilrtâ très-riche en fel, fitué 1 la hauteur
ae Uchernoyar, a .cent cinquante verftes environ
ou vv Olga dtflria qui renferme non-feulement le
lac taie de Bafchuntfchazki, mais encore, à ce qu'on
prétend, du fel foflïle, fe trouve, au milieu de la
oreppe , un roc efcarpé de gypfe.
A en juger par l'afpeét que préfentent en général
s monts Inderski , il faut qu'ils foient principalement
compofés de gypfe, d'argile & de differens
genres de marne : on y rencontre quantité d’ébou-
îemens de terre, de crevaffes & de cavités, où les
eaux de pluie & de neige fe ralfemblent comme
aans autant d’entonnoirs , & pénètrent dans i'im
erieur de la montagne. Quelques-unes de ces ca«-
vttes ont dans la vallée des ouvertures qui condui-
lent a de yaftes grottes fouterraines, où l’air eft
un froid infupportable j propriété commune à
toutes les cavernes pratiquées dans des roches de
nature gypfeufe.
La pente & le fond de la plupart de ces en-
foncemens ou éhoulemens de terre font couverts
pe brouffailles, telles que le petit arbriffeàu à
pois, le rofierfauvage, dont les rofes font trèsodo-
nreçantes,} le prunellier , la douce-amère ou mo-
felle rampante, & c . Ôn ne trouve pas une feule
lource d’eau douce dans toute l’étendue de cette
montagne, & l'on n’y rencontre pas cependant de
places extraordinairement falées, quoique le fol
annonce partout, comme dans toutes ces contrées,
par la nature des plantes qu'il produit, quelque
chofe de falin.
% Auffirôt qu'on eft parvenu fur le haut de la montagne
, on voit devant foi le lac dans toute fon j
etendue, femblable à une vafte plaine qui jette
un éclat refplendiffant comme celui de la neige $ il
eft entouré de collines dans toute fa circonférence.
Dans quelques endroits, l'on n'a pas un verfte à descendre
pour atteindre la rive 5 de forte qu’abftrac-
tion faite de la hauteur de ces bords & de tout le
refte, ce lac eft manifeftement fitué beaucoup au
delfus du niveau du Jaïk. On peut effectivement
& à jufte tftre appeler ce lac une merveille de la
Nature; & il mérite inconteftablement cette dénomination
, non-feulement à caufe de fon étendue
, mais aufli pourles Angularités très-remarquables
qu'il offre tant en lui-même, que dans tout ce
oui l’environne. Sa- diftance du Jaik n’eft que de
dix verftes en ligne droite, & il eft fitué à trois cents
verftes de Jaitzkoi-Çorodok , directement au fud
de cette place. Les Cofaques évaluent communément
fon circuit à quatre-vingts verftes. Il paroît en
général peu profond, & toute fa rive baffe eft très-
unie j elle eft compofée d’une vafe argileufe &
lablonneufe, & 1 on peut aller à cheval dans le lac
jufqu a une demi-verfte du bord avant d’avoir de
1 eau jufqu au poitrail. Mais, dans tous les côtés du
nord, de 1 eft & de l'oueft, les collines environnantes
forment une rive à efcarpement brufque,
qui a trois ou quatre toifes d’élévation, 8c dont iî
jaillit dans le lac quantité de fources, dont les unes
font permanentes, & d'autres tariffent dans les
etes fecs : toutes fourniffent une eau limpide & en
partie complètement faturée de fel. L'eau du lac
meme 1 eft aufti à un tel point, qu’il fe forme continuellement
fur la partie plate de fon rivage , à
moins que l’humidité de la faifon c ’y mette
tacle, des cubes de fel, qui, lorfque les vents agitent
violemment l'eau Talée, fe trouvent répandus
fur la vafe, ni plus ni moins que s'ils y avoient été
femés(i). Comme le la c , qui reçoit continuellement
des eaux fi richement chargées de f e l , pré-
fente une furface immenfe à l'évaporation, il n’eft
pas étonnant que fon fond foit couvert partout
d une croûte de fel auffi folide que la glace. Cette
croûte de Tel eft auflî dure que la pierre ; elle eft
5 -o n-V & Préfente* dans fes fra&ures, une
criitallifation régulière. Quant à fa fuperficie, elle
ottre a la venté quantité de criftaux cubiques 5
mais la majeure partie des grains qui la compofent,
font irréguliers (2), & dans laquelle on peut enfonce
r , comme dans un fable mouvant, une lance de
Colaque de plus de neuf pieds de longueur fans
en rencontrer le Tond. Il n’eft guère poflîble d’en
déterminer 1 épaiffeur, vu que cette couche eft
vraisemblablement fuivie d’un lit de vafe, dans la-
quellela lance n’éprouveroit pas plus de réfiftance.
Quant au fe l, lorfqu'on le tire avec la pelle, il
s éboulé continuellement des deux côtés. C'eft de
ce fel que les Cofaques ont principalement foin
<J®.îe ^ u rn ir , parce qu'il eft facile à recueillir,
déjà réduit en petits grains, 8c par conféquent plus
propre a la falaifon.
(T) p n trouve dans l'argile qui entoure le réfervoir d’eau
Talée des falines de la haute Autriche, des cubes de fel dé
trois lignes de diamètre, qui y font comme incruftés. (B o r n
p a g e s 3 5 1 & 3 52. )
(2) Le paflage fuivant, tiré de la Defcription que Schober
a donnée des falinés de Wielizka en Pologne, pourra contribuer
en quelque chofe à l’application de ces' phénomènes.
« Lorfqu on vida, en i n^6 , les chambres ou réfervoirs Sie-
” dit ^Kotzlow, qui depuis quelques années étoient reliés
s> pleins d’eau, on y trouva , dans le fond , des crillaux de
» lèl qui s etoient formes dans cette eau pendant cet inter-
? valle-> & qui compofoient, dans toute l’étendue de ces
» chambres , une couche de la hauteur d’environ Cix pouces.
» Ces criftaux etoient, en quelques endroits, lîpetits, qu’au
».premier coup-d oeil on-les auroit pris pour au fel produit
» par la cuiflbn ; mais, dans d’autres places, ils avoient, en
» les mefurant par les côtés, une ligne & demie de long j
» & s i l s avoient feulement été adhérens, je fuis certain que
» perfonne n auroit jamais pu foupçonner qu’ils -fë fulïent
» formés auffi récemment f r de cette manière. » ( Born »
p a g e s 352 & 353. )
Ils chargent ce fel fur le lac même dans leurs
petits chariots, 8c, pour le purger de la vafe dont
il tft mélangé , ils ont la précaution de l’arrofer
avec de l’eau du lac avant d'en fortir, 8c cela
jufqu’à ce qu’ il ait perdu fuffifammen't de fa couleur
grife. Il n’eft pas facile d’ expliquer comment ce fel
friable 8c grumeleux s’ eft engendré dans le lac j 8c
il nel’eft pas davantage de rendre rai fon de la formation
de ce fel blanc & très fin, que les Cofaques
appellent famofat[-kajafol. Il femble, au premier
coup-d'oeil, que ce foient autant de gros 8c de petirs
grêlons, femés fur la vafe du rivage, lefquelsparoif-
fent ne toucher la terre que par un feul point. On les
croiroit fphériques > mais, dans le fa it, leur forme
eft affez régulière , 8c leur furface rabdteufe. Les
plus gros grains de ce fel font communément de
la taille d’une petite noix : le plus grand nombre
eft de la groffeur d’un pois, & les plus petits font
comme la plus fine grêle. L/eur blancheur eft éblouif-
fante, & ils fontfouvent fi compactes, qu’on abien
de la peine à les brifer entre les doigts. On ne fau-
roit y diftinguer aucune configuration criftalline,
même avec le microfcope; 8c leur fubftance tient ,
quant à l’extérieur, delà nature de l’albâtre, dont
les parties conftiiuantes fontprefqu’imperceptibles.
Ce fel, qui fe maintient très-lec, fe d iiiout, malgré
la féchereffe de fa compofition, encore plus lentement
que le fel gemme. Si l ’on mêle dans l’eau
chargée de ce fel du fel lixiviel en diffolution,
elle devient très-fortement laiteufe : la fait-on évaporer
fans aucun mélange, fa falure fe criftallife,
pour la majeure partie, en criftaux de fel de cui-
finej mais elle dépofe encore bien plus de fel au
vafe dans lequel s’eft fait l’évaporation, & monte,
au-delà de quelques pouces, le long des parois du
vaiflèau. C e n’ett qu’ après une longue féchereffe,
accompagnée de violens coups de vents, qu’ on
trouve ce fel que nous venons de décrire. O r ,
vers le mois de feptembre, fi ce fel n'a pas été
ramaffé, les pluies d’orages l'emportent totalement,
& les chaleurs qui luccèdent au retour du
beau-tems ne paroilîent pas en engendrer de nouveau
, quoique la vafe de ce même rivage foit en
revanche abondamment parfemée de fel en cubes,
dont on en apperçoit rarement dans la belle faifon,
mais bien quelques croûtes de fel femblables à des
glaçons qui fe forment fur la fuperficie de plufieurs
petites flaques d'eau répandues çà 8c là fur le rivage.
On pourroit inférer de tout c e c i, que ces
grains de fel dont nous venons de parler font
formés de particules falines que le vent & un air
chargé de vapeurs falinés raffemblent, & qui fe
réunifient par une forte d’attraéfcion $ car nous
avons dans les rofées falées de Gurjef une preuve
très-claire^ que l'air fe charge de particules de fel
marin, qui fe mêlent avec l'évaporation.
Les bords de ce lac remarquable font entièrement
compofés de marne, d’argile & d’autres terres
de diverfes couleurs : foutes ces terres ont été
bouleverfées par le déplacement des eaux, de façon
que les terres fèches, tant les terres en pouf-
lière que les mayneufes, n’ocdupent que la couche
fupérieure , & qu’on trouve fou vent immédiatement
au deffous les terres argileufes } mais les
terres gralfes & tenaces compofent conftamment
la partie la plus baffe & la plus intérieure du rivage
, 8c paroilîent fe prolonger en profondeur.
Les plus belles couches argileufes ,& qui embraf-
fent un dirtrlét aflez étendu du rivage , font ou
d’un rouge - foncé ou d’un vert-pâle, l ’une &
l’autre finguliérement tenaces, 8c mêlées, mais de
manière que c’eft tantôt l’ une 8c tantôt l'autre qui
a le deffus. En d'autres endroits ils s'entre-mêlent
en forme de marbre. On trouve auflî quelquefois
dans ces couches , des argiles jaunes, grifes 8c
noires, mêlées de gravier , mais en petite quantité.
L'argile verte, qui eft furies lieux d'un vert
céladoa des plus agréables, perd, en féchant la
plus grande partie de fa couleur, furtout lorfqu'on
l’a dépouillée, par le lavage, des fels dont toutes
ces argiles font pénétrées. La rouge 8c toutes les
autres perdent également, par ce p rocédé, beaucoup
de la vivacité de leur couleur. Il n’eft pas
poflîble de tenir cette argile parfaitement fè ch e ,
vu même qu'après en avoir ôté tout fon fel, elle a
encore la propriété d'attirer à elle l'humidité de
l’air ( c e qui a été pareillement obfervéde l'argile
qui eft pénétrée de fel des falines de la haute Autriche
). On trouve dans les environs un fchifte
gris fablonneux , dont les couches s’enfoncent
dans une direction prefque perpendiculaire. En
tirant de là vers le fud, on voit une certaine étendue
du rivage entièrement compofée d'une terre
alumineufe, fèche, ou tout au plus marneufe, de
couleur grife , blanche , 8c jaune-clair entre-mêlées.
On en retire par une fimple leffive près
du quart du poids de la maffe de terre en c r is taux
d’alun pur. Cette terre eft en même tems
très-fulfureufe. Lorfqu'on- la fait rougir au fe u ,
fes couleurs, agréablement diaprées de jaune-clair
8c de griSj fe changent en brun café, & , lorS
qu’ on la leflive enfuite, en couleur de rouille.
Dans ce dernier procédé elle laiffe appercevoir
plus de qualités vitrioliques. Pendant qu'on la .fait
rougir, elle exhale une vapeur fulfureufe très-
pénétrante , qui emporte plus des cinq feizièmes
du poids de fa maffe. Lorfqu’on leflive cette telre
fans l’avoir fait calciner, il fe précipite, au moV
ment de la première criftallifation , une matière
compofée de petites aiguilles prefqu’imperceptibles
, dont le goût tient beaucoup de l'alun , 8c
qui paroîc être un véritable àlun de plume. Au
deffous de cètte partie alumineufe 8c fulfureufe du
rivage, on voit jaillir,parmi des pierres, une fource
d’une eau claire comme le criftal , extrêmement
falée, qui exhale une forte odeur de foie de foflfre
ou d’oeufs pourris ( voye^ l’article Tamowitç en
Siléfie >, 8c qui dé’pofè immédiatement fur les
pierres d’entre lefquelles elle fo r t, une quantité
de matière vifqueuie d'un rouge-pâle, 8c, fur la