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tourbe , dépofés fur la pente do.uce des cotes,
un peu au-deffus du point de raffemblement des
eaux, fe font confervés fur cette pente, & même
ont continué à s’y former, de manière à fournir
aux exploitations des habitans , lefquels profitent
d'un travail de la nature qui s’ eft fait fans eux &
avant eux.
Les mêmes circonftances n’ exiftant pas dans la
.moyenne région, fur le plateau intermédiaire
entre la baffe plaine & les hautes montagnes , on
ne trouve point de ces dépôts. Dans la baffe
plaine, au contraire , on rencontre de la tourbe,
parce que plufieurs parties de cette plaine font ex-
pofées à recevoir les dépôts, des matières Végétales
qui defcendent des cimes élevées.
D ’ailleurs, les plantes aquatiques ayant une
production fucceflive & annuelle au milieu des
eaux fiagnantes, il en réfulte des couches de
tourbe très-bien fui vies ^mais propres à ces feuls
terrains inondés , jufqu'à ce qu'ils foient parvenus
au-dèffus des eaux.
Après avoir préfenté ces objets les plus propres
à faire connoître le Jura, nous allons citer ic i,
plus en détail , quelques productions de ce pays.
Le bu.is , comme nous l’avons déjà d i t , couvre
feul une multitude de cimes & de côtes, les plus
arides, indiftinCtementdansdifférentesexpofitions
de la partie montueufe >il n’y acquiert guère que
quatre à cinq pieds de hauteurs on le coupe en
buailles pour chauffer les fours & faire des balais.
Celui qui vient dans les forêts, qui eft plus fort
& plus vigoureux, ell un objet de commerce &
d’exportation. Il fe trouve communément dans
les forêts méridionales du p la te au à la rive droite
de l'Ain, particulièrement dans celles des Vieilles-
Mai fous & de Vauclufe. L à , fes tiges s’élèvent
à plus de quinze pieds de hauteur, fur une
groffetir proportionnéeÿ elles font fort droites,
prefque fans noeuds & propres à tous les ouvrages
excepté celui des tabatières. Les tiges ,
qui fe trouvent le long des haies & des chemins,
font courtes, tortues, & donnent feules des
racines noueufes qui peuvent être tournées en
tabatières marbrées:
Les buis des forêts, qui font les plus foibles,
après qu’on les a dépouillés de leurs fommités propres
à chauffer les fours , comme nous l’avons
d it , fervent à faire des échalas. Les plus forts
font employés très-avantageufement à faire des
écritoires, des inftrumens de mufique, des uf-
tenfiles de cuifine, des manches d’outils & plu-
{leurs ouvrages de tour >. & enfin „ lè s racines fervent
à faire des tabatières.
C ’eft à Menouil que lé buis fe travaille en
«ailiers; & . fous toutes formes,- à Saint-Claude
& à Saint-Etienne en Forez : pour être envoyé'
dans cette dernière ville,, on l’embarque fur F Ain
à Vauclufe, & il defcend à Lyon par eau,
pour cette deftinarion. Quant aux échalas , ils
font vendus aux vignerons de Lons-le-Saunier 5
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tantôt à la forêt même, tantôt aux marchés d’Or»
gelet & de Lons-le-Saunier, & c .
Les étangs , qui forment un grand moyen dé revenu
, & qui demandent des foins fuivis & combinés,
font très,-multipliés dans la plaine balle,.
Près de quatre-vingts, dans le feul canton de C o lonne,
peuvent être confidérés comme une portion
du fermage de la terre. Ceux qui les louent,,
fe chargent de les defféch-r tous les fix ans. C ’eft
en hivér que fe fait cette opération : enfuite, le
fol à découvert eft enfemencé au printemps en
avoine ou en maïs ; il reprend l’eau en feptembre
& fans aucune préparation du terrain, car les inégalités
dés filions retient fenfibles pendant un an ,
& ne s’effacent qu’ à la fécondé année,par le mouvement
des eaux.
C ’eft dans ces étangs que fe fait [’éducation
régulière du poiffon, fui vaut les principes fuivans.
On y met d’ abord de la carpe err abondance-, purs
du brochet , enfuite la tanche & la perche en
moindre nombre, avec très-peu d'anguilles.-Pour
faire i’éducation de la carpe & du brochet comme
il convient, il faut trois étangs. Dans la première
année, on y met la carpe grande fur le pied de
cent par journal, en ob-fervant de mettre deux
femelles oeuvées pour un mêle laite. Ce poiffon
donne fon frai dans l'année, & fraie même deux
fois, la première en mai-, & J a fécondé en juillet
; la fécondé année en mars. Le petit poiffon
dit feuille ou ea rp illon eft mis dans un étang à
part, où il prend croiffance fous le nom de carpeau.
La troifième année,, au mois de mars, il
fraie encore :1 e carpeau fe met dans un autre
étang, y fraie fans produit ; feulement il y prend
du volume , s’y engraiffe , .& n’ en fort que pour
être vendu..
On mêle toujours, avec îè carpeau, lè broche-
ton du meme âge , dans la proportion d’ un far-
dix. C e nouvel affocié empêche la' carpe de fe>
multiplier, afin qu’elle trouve plus de nourritu
re , qu’elle prenne du volume & qu’elle s’en-
graiffe.- Ces deux efpèces vivent entemble juf--
qu’au defféchemenf de l’étang , & fe pêchent
pour être vendues, fous lès noms de car/e. & bvo->
cket. A mefure qu’on pêche ,, on remet la même
quantité, foi t de carpeaux, foit de. broche tons
que nous avons indiquée ci-deffus. Ceux-ci dévorent
lefrar de la carpe aufiïtôt qu’ il eft répandu,
& les carpilions ne leur échappent jamais lorfqu’il
arrive à quelques oeufs d’éclore..
S i , ce qui eft ordinaire , le propriétaire ne
peut, pas difpofer de. trois-étangs pour faire à lui
feul une éducation complète , il tient la partie
qui lui convient le mieux. Il trouve le oarpillon
chez.fonvoifin , qui trouve, la carpe ou le carpeau
chez lui* Mais la fuite des opérations que
.nous avons.indiquées,, eft le vrai.fyftème d’éducation
qu'il faut adopter fi l'on veut, obtenir les
plus grands produits*.
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Nous terminerons cet article par la confidéra-
tion d’un objet d’économie rurale très-important
dans le Jura, C ’eft la fabrication des fromages.
C’eft dans lès ateliers particuliers, ,nommés fruiteries
, que fe fabriquent les fromages de Franche-
Comté, connus au fl! fous le nom dé 'Gruyère.
Dans les grands chaîais fupérïeurs, chaque propriétaire
a fa-fruiterie ; mais un grand nombre
de petites habitations où l’ on entretient quelques
vaches, fourniffent à des- fruiteries communes
la quantité de lait que ces beftiaux leur donnent
chaque jou r, pour compofer des meules de fromage
qui puiffent être exportées du département,
& faire un objet de commerce, comme
les maffes qui fe font dans les grands chalais.
Tous les jours, foir &r matin, une fille occupée
du foin de la vacherie des petits chalais, ap^
porte le lait qu’elle obtient de fes beftiaux ; le
fruitier qui préfide au travail de l’affociation ,
marque chaque recette fur une double coche,
femblable aux tailles des boulangers ; ainfi tous
ces différens laits fe réunifient pour la cuite commune
, qui fe fait alternativement, pour être délivrée
à quelqu’un des affoçiés. A la fin de la
faifon , le fruitier, d’après le dénombrement des
quantités de lait fournies 8c des fromages qui
en font les produits journaliers, règle un compte
exa& , où tout eft co'mpenfé avec une juftice
diftributive qui fait le bien de tous.
Le fromage ne fe fait qu’une fois par jour,
c’eft-à-dire, le matin. Le lait de la traite du fôir >
fe dépofe dans des vafes de fapin plats & ronds,
d’environ dix-huit pouces- de diamètre , & de
trois à quatre pouces-de profondeur. Au moyen
de cela , ils offrent une fuperficie fort grande &
une foible épaiffcur, à travers laquelle la crème
monte très - vite & fe fige à la furface, de
manière qu’on peut la recueillir tous les matins
dans une feule barate. Le beurre s’en tire chaque
jour pour être- diftribué tour à tour à chacun
des affoçiés, le même jour où le fromage fe fabrique
pour lui ; & c’eft une perfonne attachée
à l’atelier commun , qui bat le beurre & qui l’arrange.,
Quant au lait du matin, il ne donne pas
,de ctê.ne, étant fournis à la préfure incontinent
,ap ès qu’il eft tiré, & mêlé avec la portion de j
lait écrémé dont nous venons de parler, ce qui
.fé fait promptement j enfuite on dépofe toutes
cesportions dans un chaudron fait de cuivre jaune,
de quatre pieds de diamètre, fur trois pieds de
profondeur, & qui peut contenir quatre à cinq
ceyts livres de la it , lequel, devenu fromage,
.pèfe environ cent livres.
Une dethi-potence en b o is , mobile fur un pivot
-de f e r , & au moyen d’un collet qui la maintient
dans la partie fupérieure, fert à fufpendre le chaudron
.; le fruitier le place fucceflivement fur le
fou , & l ’y laiffe jufqu'à-ce que le Lait ait acquis le
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degré dé cuiffon qui convient pour que la pâte
de fromage foit entièrement dégagée-du petit-lait.
Ces opérations demandent beaucoup d ’attention,
& la plus grande adreffe de la part du fruitier :
quand le lait eft cu it, & que la préfure a fait
fon e ffe t, le fruitier approche la potence, & le
chaudron d’une table attachée au mur de l’atelier
, & , les manches de fa chemife retrouffées
jufqu’aux épaules, enfonçant les bras dans lav liqueur
, il retire la pâte du fromage poignée à
poignée, & la dépofe dans un grand cercle de
bois , o ù , en fe confolidant, elle prend la forme
d’une meule, qui eft celle que l’on connoît au
fromage de Gruyère. Sitôt que toute la fubftance
apparente du fromage eft extraite du petit-lait,
le fruitier replace le chaudron fur le feu , fait
bouillir le petit-lait jufqu’ à ce que les dernières
parties caféufes s’en dégagent par la précipitation
fous forme de nuage ; ce qui fert à faire un
fromage fecondaire, lequel eft employé à la con-
fommation des diverfes habitations voifines de la
fruiterie.
A côté de l’appartement où fe travaille le fromage
, il y en a un autre où il fe dépofe fur
des1 tablettes bien rangées autour des murs, où
on le fa le & le retourne tous les jours, & où
il fe raffine à la longue. Il lui faut plufieurs mois
de cave ( c’eft ainfi qu’on nomme cet appartement)
pour qu’ il foit parvenu à fon point de
peifeétion.
. On a vu que le beurre fe fait tous les matins,
avec la crème recueillie fur le lait du foir précédent
y elle n’a donc que douze à quinze heures
de traite, & ne peut être plus fraîche ÿ aulfi
donne-t-ellè un beurre exquis, & qui a beaucoup
plus de réputation que celui de la plaine baffe
de ce département.
Ju r a (Département du). C e département
prend fon nom d’une chaîne de montagnes (voyeç
Ju r a ) , donc il occupe une partie des cimes, &
s’étend depuis les Alpes de Suifle jufqu’aux
Vo fge s: il renfermé la partie de l’ancienne province
de Franche-Comté, qui eft au fud-eft.
Il eft borné au nord par le département de la
Haute-Saone; à l ’e ft, par ceux du Doubs Sc du
Léman, & par une partie de laSuiffe j au fud , par
le département de l’ Ain; enfin, à l’oueft, par
ceux de-Saône & Loire & de la Côte-d’or.
Les'principales rivières font :
Le Doubs, qui en traverfe une partie d e l’eft à
l’oueft, & q u i, dans ce trajet, arrofe la ville de
Dole; il reçoit la Loue, qui paffe à Mont-Barey,
&: plus au fud, la Granfaune, groffie de la Glante»
relie, qui paffe à Poligny.
Vers le fud on voit la Seille, qui prend fa fource
à Château-Châlons.
Er.fin, la y ie lle a qui paffe à Lons-le-Saunier.
Kk k z