expreflions triviales ou équivoques quand elles
devroient être bien déterminées, bien appropriées
a la fi tuât ion ; par des têtes, des at-
tudes baffes ou indifférentes, quand elles de-
vroient avoir de la nobleffe & de la dignité-,
par des draperies mefquinement collées-, quand
elles devroient être majeftueufemenc flottantesj
par de petits plis multipliés 8c fans caractère,
quand les plis doivent être favamment diftri-
bués par grandes maffes ; par des acceffoires
étrangers au fu je t, quand tout doit s’y rapporter
; par des ëpiiodes dont la melquinerie
eontrafte avec la nobleffe de l ’objet principal.
r
Petit fe prend aufïi fubftantivement ; on dit
U petit pour fignifier le genre dans lequel on
n’employe -que des figures de petite proportion.
Les Hollandois fe font plus diftingués
dans le petit que dans le grand.
Le petit a luirmême fa grandeur & fa petir
tefle. On peut, dans de petites proportions,
faire des figures dont les formes foiént grandes
; des tableaux qui aient de grands effets,
des compofitions qui aient un grand caractère.
On peut dans le petit avoir une grande
& une petite exécution.
Le petit eft petitement fait , quand il eft
traité d’une petite manière : on peut même, dans
, le p e t it , avoir un pinceau la rge, établir de
larges malles , avoir une touche large &
nourrie.
Le Pou (lia peignoit en petit & fes ouvrages
réunifient tous les genres de grandeur : fes
expreflions font grandes, fes figurines font‘très
grandement defhnées.
Un grand nombre de Hollandois ayant cherché
principalement le j în i , la propreté, le léché
, ont traité petitement le petit.
Comme le petit ne peut être bien vu fans
etre placé affez près de l’oe il, il exige d’ être
plus fini que de'grands tableaux qui font placés
loin du fpeâateur; mais on peut encore
parvenir à ce fini d’une grande manière ; des
touches frappées à propos terminent le petit
beaucoup mieux, & d’ une manière bien plus
ragoûtante, qu’un ouvrage peinible & recher- ;
ché. Le très-petit furtout ne demande ,vpour être i
fini^ autant qu’ il doit l ’être , que des touches !
fpirituclles , qui annoncent tout ce qu’on ne 1
peut rendre dans défi foibles proportions. (L )
PEUPLÉ ( adj. ) Je trouve ce mot dans la
nomenclature que M. Watelet avoit drefiee
des articles dont il fe propofoit de compofer
fon dictionnaire, Cette expreffion peut en effet
être devenue un terme de l’ar t, depuis qu’on
fe propofe plutôt de bien peupler un tableau
.de le meubler d’un grand nombre de figures,
que d’y faire entrer feulement le nombre de
^gures qui font' néceflaires à l’expreffion du
fujet. I l femble , & le fage Mengs en a fait
plus d une fois des plaintes amères, que plu-
fleurs des peintres Italiens qui fe font fait une
grande réputation depuis la dégradation de l’art,
fe foient propofe, comme un problème de peint*
tuj-®•> de-faire entrer le plus grand nombre
• P^hible de figures fur une toile où un enduit
donné. Ce font- les peintres qui ont fu multiplier
le nombre des figures dans un vafte
champ , a qui les juges modernes ont accordé
le génie de ce qu’ils appellent la grande mai
chine , le génie de la compofition par excel*
lence. I l y auroit fans doute bien plus de
genie a economifer le nombre des figures, &
à n en admettre aucune fans avoir bien réfléchi
fur les motifs qui la rendent-nécefiaire , &
fur les moyens de la faire contribuer à porter
plus vivement, à imprimer plus profondément
dans l’ame du fpeélateur l’intérêt du fujet.
|| Demandez aux peintres à grandes machines>
a ces hommes fi favans dans les règles clafli-'
ques de la compofition , pourquoi ils ont introduit
telles ou telles figures dans un tableau*
Ils répondront le plus fouvent : « c’eft pour
» boucher un trou ; c’eft pour lier ce grouppe ;
» c’eft pour élargir cette mafle ». Eh' ! ce n’eft
la que du métier. L’art eft d’exprimer le fu-
\e t ’ t » grouppes , les mafies, la chaîne de
I la compofition ne doivent exifter que pour
rendre cette expreffion plus paillante. Le (pec-
tateur ne doit pas feulement .s’appercevoir que 1 artifte fe foit occupé de ces moyens. Laiflez
des trous , des interruptions i de chaîne 8c
toutes les leçons de l'école, & ne venez pas
diftraire mon attention du fujet par une feule
figure , un feul accefloire inutile. Comme l’art
eft dégradé par tous las petits principes aux-r
quels on veut foumettre ceux qui le profef-
fent ! S
I l les ignoroit, ces principes, le prince de
l ’art , le divin Raphaël ; & c’eft à caufe de
cette heureufe ignorance, que tant de juges,
tant d’artiftes modernes ne lui ont rend#
qu’ un hommage forcé.- ( L. )
P H
P H Y S I O N O M I E ( fubft. fem. ) Le«
anciens ont cru que la faculté de juger
du caraélère des hommes par la conformation
de leurs traits, étôit fondée fur des principes
qui pouvoient conftituer une fcience.
Les hommes fe figurent aifément qu’ ils peuvent
ce qu’ils ont le defir de pouvoir, 8c cette foi-
bleue de l’efprit humain a donné rfâiflance à
dss fciences différentes, qui n’ont d’autre fondement
que cette foiblefle même. Les hommes
voudroient pouvoir changer en or des ilibf-
tances communes ; de çe defir eft née l’alçfiyt
fftïe. Ils voudroient lire dans Üavenlr ; & de
là font nées l’aftrologie judiciaire , la chiromancie
, la nécromantie 8c toutes les fuperfti-
tions qui forment l’ art prétendu de la divination.
Ils voudroient pouvoir lire fur le- front
des hommes l’ intérieur de leur ame 8c les
qualités de leur caraâère, & ils ont formé
une fcience qu’ ils ont appellée physiognomonie.
Ariftote n’a pas cru indigne de lui d’en
compofer un traité, & l ’ on y trouve, avec les
préjugés de fort fiècle, des traits dignes de fon
génie. Polémon , Mélanthius ont fuivi fon
exemple , mais ils n’ont pu joindre , comme
l u i , des obfervations profondes à leurs imaginations
fuperftitieiïfes. Jean - Baptifte Porta ,
gentilhomme Napolitain, homme crédule, a
renouvelle, dans le feizième fiècle , cette
fpiértce fondée fur la crédulité, & il a eu le
fucoès que peuvent toujours efpérer ceux qui
flattent la fuperftition. Enfin , dans le l8 e
fiècle , qu’on appelle le fiècle de-la philofophie,
un homme s’eft rendu célèbre par fes prétendues
découvertes phyfiognomoniques, 8c il a
trouvé de zélés.partifans chez des peuples qui
ont une réputation de fagefle, & fur des hommes
qui ne devroient pas être tout-à-fait étrangers
à la philofophie.
La phyfiognomonie eft une fcience faufle.
La conformation du front , du nez, de la bouc
h e , des yeux plus ou moins fendus, plus ou
moins ouverts, des cheveux droits , légèrement
frifés ou crépus , ne décident point du
caraélère dés hommes. On peut ajouter qu’il
eft dangereux de croire à cette fcience, parce
qu’il l’eft de former fur les hommes des ju-
gemens iniques.
Mais fi l’ on ne doit porter aucun jugement
fur les parties de notre vifage que nos habitudes
ne peuvent changer, fi un front large,
un menton pointu, un nez aquilin n’ont aucune'
influence fur notice caraélère, il eft des
jugeinens que l’on peut porter fur les parties
muiculeufcâ & mobiles ; parce que nos pallions
habituelles ont fur elles de l’ influence.
L’habitude de réfléchir creufe des plis au
front, rapproche les fourcils. L’habitude du
calme intérieur répand un , doux repos fur toute
la phyfionomie. L’habitude de la douleur éteint
l ’éclat des yeux , abbaifle la paupière fiupé-
.rieure : celle du rire fait relever les angles
des lèvres-, & fillone le voifinage des angles
extérieurs des yeux. L’habitude de la colère ne
laiflè pas toujours des traits ineffaçables ; mais
en obiervant bien l’homme très-irafcible , on
verra que fes traits expriment une colère commençante;,
lors même qu’il ne fait que s’animer.
Le peintre n’ayant d’autres moyens de faire
connoitre le caraélère des hommes qu’ il re-
préfente, que la conformation de leurs traits,
doit faire une étude profonde de tout ce qui
indique fur la phyfionomie l’habitude des
paflions.
I l doit faire plus encore. Quoique nous ne
croyons pas, & que lui même ne doive pas
croire que la conformation des parties immobiles
de la tête ait quelqu’ influence fur les
moeurs , ou reçoive des moeurs aucune influence,
il n’ en eft pas moins vrai qu’ il y a
dans la conformation de ces parties certains
caraélères qui donnent à l’ homme l’air bo.n où
méchant, l ’air fpiritucl ou ftupide, qui fem-
blent indiquer des habitudes fages ou défor-
don nées, prudentes eu folle s , tempérées ou
îuxurieufes.
Un homme peut avoir les yeux couverts,
8c une ame franche. Mais un peintre ne donnera
pas des yeux couverts à une figure dans
laquelle il veut exprimer la franchife. Une
face allongée , dans la forme de celle des
moutons , donne une phyfionomie ftupide, 8c
peut être cependant celle d’ un homme d’ ef-
prit.: mais le peintre qui voudra re préfente r
un philofophe, ne lui donnera pas cette configuration.
On fait qu’ il y a eu des héros de
fort mauvaife mine ; un peintre fëroit très-
juilement répréhenfible , s’ il donnoit une man-
vaife mine à un héros , à moins qu’il n’ en
fit le portrait.
Il ne fauroit donc trop étudier les caraélères
qui conftituent les phyfionomies qui font re-
gardéegeommebaffes , nobles , hautaines, fines,
fpirituelles, réfléchies , perfides, fincères, humaines;
cruelles. Ces caraélères peuvent être
trompeurs, mais ils font vrais pour l’artifte.
L’hiftçire nous apprend que Charles-Oe-
Mauvais , roi de Navarre , avoit une belle
phyfionomie, des manières agréables , qu’on
ne. pouvoit le voir &. fe défendre de la féduc-
tion : mais le peintre ne repréfentera jamais
un méchant homme fous les traits que. l’hif-
toire donne à Cliarles-le -Mauvais.
L’art doit donner un air aimable à l’homme
qu’ il veut nous faire aimer, un air cruel à
celui dont il veut peindre la férocité, un air
perfide au traître , un air fervile à l’homme
bas.
. Perfonne. n’a plus varié que Raphaël le caraélère
des phyfionomies. Ce maître inimitable
dans un fi grand nombre de parties capitales
de l’art, eft encore le plus grand maître dans
cette partie. Il n’a pas craint de dégrader l ’ art
en repréferttant les phyfionomies même les plus
ignobles. Les peintres qu’on appelle de-grande
machine ne l’ont point imité en' cela. Dans la
foule innombrable de figures qu’ ils fe plaifent
à créer, à groupper, à faire contrafrer, il
n’en eft pas le plus fouvent une feule qui
préfente un cara&ère bien marqué. Quand ils
ont fait des f ig u r a , ils croyent avoir tout