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grande réputation d’Annibal Carraclio le fît
'appeller à Rome •, il étoit alors le' premier peintre
vivant de l5Italie : il ne le. crut pas affez
parfait, pour n’avoir pas belbîn d’étudier 1 antique
(L).
P L IS , (fubft. mafc.) Ce mot s’ employe
dans les arts -par rapport aux plis que forme
la peau , & par rapport aux plis des draperies.
La ptemière de ces applications a été traitée
dans le mot peau : il a été aufli queftion
de la fécondé dans les mots draperies, 8c je t
des draperies. -
Nous ne croyons cependant pas qu’ on ait
épuilé tout ce' qu’ il étoit néceffaire de dire
fur cette matière intéreffantè. C’ eft une des
.parties de l’ art dans laquelle le goût & l ’imagination
le manifeftent de là manière la
plus fenlible. A chaque p liy le peintre montre
la jufteffe de fon jugement, & la fagacité
de fon efprit, comme un écrivain les fait voir
-par les penfées fines, & les ex prenions exacte
s qui découlent de fa plume.
. Tous les principes qu’on peut acquérir fur
•l’art de draper font généraux , & ne peuvent
-déterminer la précifion avec laquelle il con-
-vient d’accompagner, de couvrir, ou de lai 1-
fer voir ies mouvemens innombrables du corps
de l ’homme par la difpofition des plis de fes
•vêtemens. Le' goût feul de l’Artille les fait
Tervir au cara&ère & aux mouvements de la
figuré. Bien plus, il les fait contribuer à
l ’ exprelTion générale d’une fcêne pittorefque,
par leur choix , & par les effets de clair-obf-
cur dont il les rend fufceptibjes.
Le génie particulier de l’Artifte fe recon-
noît dans la manière'dont i l choifit & difpofe
les plis de fes figures ; mais fans parler de
ce caraélère fpécial dé tous les talens divers,
nous nous attacherons à parcourir en géné- !
ral les principales opinions adoptées fur le .
choix des étoffes & fur les plis qui lescârac-
• térifenr.
La fculpture antique fe diftingue par de
-petits plis fort multipliés , fouvent fort rapprochés
, & toujours tendans à tomber en bas
par leur propre poids. Les peintures antiques
ont le même caraélère de plis. Ce goût de
draper a été imké depuis la renaiflance des
arts, 8c l’on remarque particulièrement cette
imitation dans les ouvrages du célèbre Pouf-
fin, & dans quelques uns de Michel Corneille
.& de le Sueur.
Nous voyons enfuite que les fculpteurs &
les peintres modernes de la plus grande célébrité
ont habillé leurs figures d’étoffes qui
par leur confiftance produifent des plis larges
& foutenus. Mais ils n’adoptoienç pas ces
fortes dç draperies d’ur.ei manière exclufive.
Les tuniques qui touchoiem les membres ne
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donnaient que des plis fins &: légers ! c’é-
toient des linges ou d’autres vêtemens- d’une
fineffe qui alloit quelquefois jufcju’à la tranf-
parence. Ils refervoient les étoffes dont les
plis font plus grands pour les manteaux qui
fe jettent librement fur le corps. C ’eft par
cette méthode qu’ils ont donné du je u , de
beaux effets, & une agréable variété à leurs
'ouvrages.
Nous exceptons le terrible Michel-Ange,
qui n’a pas adopté le fyftême de les contemporains
dans l’ufage des draperies à larges
plis. C’ eft dans les ftatues de l’Algardi -,
de le Gros, de Pujet, de le Pautre •, dans les
tableaux de Raphaël, de Louis Carrache, du
Dominiquin, de Baroche , de le Brun, de
Jouvenet ,■ & d’une infinité d’autres maîtres
de ces écoles anciennes ou de celles qui exif-
tent à préfent, que cette pratique a été conf-
tament fuivie.
D’autres Artiftes font reconnoiffables par
les plis caffés de leu.rs draperies. Ils femblenc
n’avoir jamais connu que des étoffes d’ un tiffu
dur & fec. Albert Durer montre l’excès de
cette manière dans fes tableaux & fes eftam-
pes. Elle a fon charme par la fermeté de la
touche & la vivacité des bruns & des clair$
pétillans qu’elle favorile. Elle a été fuivie
par des fculpteurs du fiècle d’A lb e r t, & par
les Zucchàro, Devos, les Sadelers & beaucoup
d’autres Artiftes de Flandre & d’Allemagne.
Pierre de Cortone à introduit un fyftême
qui lui étoit particulier. Ses élèves* & -quelques
fculpteurs de fon tems l’ont adopté. Les
plis de leurs étoffes font fi liants 8c tellement
finueux , q ue , malgré la foupleffe avec
laquelle ils fe prêtent aux mouvemens les plus
gracieux, aux agencemens les plus flexibles,
ils n’en répugnent pas moins v comme toutes
les manières affe&ées qui ne fe reffentent pas
des fines variétés que montre la nature.
Telles font les grandes divifions des goûts
connus dans l’ordre & l’exécution des plis,
C’ eft par ces caraélères principaux que les
peintres d hiftoire & les fculpteurs, qui ont
toujours marché d’égal avec eux t ont écrit
leur différents fyftêmes dans cette partie ef-
fentielle de l’art.
Les peintres de portraits qui doivent être
des copiftes, plus ferviles des objets qui entrent
dans leurs tableaux, ont toujours, fait
aufli les portraits, des étoffes de leur tems.
Us en varient les plis fuivant la nature du
tilfu qui les forme. Aufll ne diftingue t -o n
guèjres les artiftes de ce genre par la manière
de leurs plis : fi l’on n’en excepte cependant
Rigaud, qui affeéloit l’abondant emploi des
moëres & des velours. Par l à , il ne pouvoit
préfemer que des p ü s de même cara&ère.
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Mais revenons atix différentes fortes de plU
adoptés par les artiftes du grand g enre-
nétrons, anaiyfons lés raifonsde leur choix,
& par-là, nous découvrirons a ceux qui^etu-
dient l’art pour le cultiver ou le connoitre ,
la fource des beautés innombrables que ces
maîtres ont produits. , ’S g i
Malgré tout ce qui fe pourroit dire contre
la manière de draper qui fè remarque dans les
ouvrages des artiftes grecs, ils nous lemble que
ces maîtres de l’ art ont aufli atteint le fublime
dans cette partie , furtout fl on s accorde avec
nous fur les motifs de choix dans les -plis, &
fi on veut les juger fans partialité fur 1 effet
toujours viftorieux de leurs admirables pro-
durions. J _ ,, r . « fSg
Sans parler de cette fineffe d efprit, & de
ce goût, rare & ' exquis qui influoit fur tout
cè lu i fortoit de la main des Grecs ; le choix
des étoffes légères, telles que feroit la ferge
la plus fine qui fe puiffe imaginer, a dû les
conduire à attéindre cette éternelle fupériorité.
D’abord, il eft réfulté de ce choix, la necet-
fité de laiffer appercevoir le nud ; en lecond
lie u , les petits, plis de ces draperies font partout
en oppofition avec la largeur 8c la foli-
dité des parties du corps ; d’où vient cette
grandeur imprimé fur leurs figures drapees,
comme fur tous leurs ouvrages. Mais allons
plus loin , & difbns que ces étoffés flexibles
étant diTpofées naturellement a tomber, &
leurs plis fempliffant les intervalles que les
membres laiffent entre eu x , il s enfuit une
grande largeur de maffes, tant parce que ces
»/ôr rempfiflent les efpacés vuïdèsi, que parce
que les grandes parties du corps n en. étant
pas couvertes, reçoivent fans obflaclo tous
les effets de la lumière & deS ombres. De ces
plis difpofés à tendre vers le bas, il naît un
comrafte frappant avec les membres qui par
leurs mouvemens, fortent de la perpendiculaire.
Les artiftes de l’antiquité fentoient toute la
valeur du oorps de l’ homme, & fon impreffion
fublime dans les ouvrages de l’art. Ils lui fa-
crifioient tout : payfage , archtteaure, ac-
ceffoirbs de tous genres-, fouvent même les
animaux. FaudroiGil donc s’étonner fi pour
lui donner' toute fa grandeur ; fl pour rendre
fes mouvemens forts & fenfibles, ils ont adopte
éxelufivement les plis les plus déliés.' Tout ce
qu’ iis ont produit concourt à établir la. vente'
des principes que je préfènte de leur doârine.
I l eft vrai cependant que les ouvrages mé-
dioc'res dé l’ antiquité laiffent voir des plis
longitudinaux, raides, durs & fortement acco
la s ; maïs c’éft fur la Cléopâtre ( i) , la Flore,
■ m On ne croît plus que cette Statue repréfentant une
femme couchée, foie une Cléopâtre; o i t reconnu que ce
’ n __..lu - n o n . u n oroto # .r lin brâCClCt i IïlillS 11
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le. tableau appelle les nôces Abdobrandtnes,
& plufieurs . autres chef-d’oeuvres, qu il tau.
les juger & fixer fes opinions fur nos preuves.
Le fyftême des maîtres q ui ont paru depuis
la renaiflance des arts eft féduifant*, il porte
fur les vues de la'nature qui indique 1 emploi
de plufieurs fortes d’étoffes, & il flatte le goût
des peintres & de leurs appréciateurs par la
cliver fl té des p lis larges & des p lis nns Sc
délicats. Mais aufli, convenons-en V plus les
étoffes font fermes ou grofles , plus leurs p lis
font larges , & alors moins les corps qu ils
environnent découvrent de parties, & moins
celles qu’ ils laiffent appercevoir paroiffent grandes.
Pour en donner une preuve tres-leniible
fur la nature même , qu’on regarde le plus
grand homme enveloppé d’un large manteau
de drap à peine vo.it-on l’etre que la dra-
perle recouvre. On le devine feulement au
mouvement de fa tête & de fes pieds. Au lieu
que fous des. p lis délicats, le Pouffin, religieux
imitateur de l’antique , laiffc fe delhner
; le corps d’une femme que fon habit recouvre
en entier. Voyez le facrement de mariage.
Mais fans nous écarter du point où nous
fommes, nous avouons que dans les maîtres
' qui ont employé les p lis des diverCes étoffés,
ils y a des efprits excellens qui, en ménageant
tout, ont ufé d’une fage proportion en-
' tre les p lis les moins délicats & les membres
de . leurs figures. Par cet art précieux , li le
corps de l’homme n’a pas toute la grandeur
que lui laiffent les vêtemens de 1 antique, au
moins , bien loin d’êtreê.clipfé, il conferve encore
une grande valeur.. On fent ici que je
veux parler de .Raphaël & des ’ autres grands
peintres de l’éçole Romaine & de 1 ecole Françoife.
. ’ 1 r- - 1 . . ,
Ouant à Michel-Ange,- il a fenti les principes
de l ’antique , il les ,a. fuivis ; mats en fe
fervant d’étoffes, dont les p lis font lourds & gros
comme feraient des vêtemens de peaux ou du
gros lin g e , il, n’ y a mis que peu de fineffe
; & de-légèreté. Ajoutons, que çe grand homme
n’ a pas connu la grâ ce, & quq fes agencemens ,
' tout vrais qu’ ils font, ne font imprègnes d au- ,
cun fentiment délicat. . . .
Pour paffer àu dernier des fyftêmes que
nous avons propofés, celui d’Albert Durer &
de fes imitateurs , les p lis cajfes qu ils ont
adoptés n’ont pu leur être fuggéres qu a la vue
de certains cam elots, qu’on appelmt cbam dots
dans le treizième fiècle ( i ) , ou d’autres étoffés
d’ un riffu dur & peu flexible.-. Ils en ont fçu
tirer un p a rti d é g o û t; mais Albert lui-même,
falloit déligner k l cette figure par ,1e nom_fous lequel elle
est généralement connus. [ IVete du. RedaSeur. ]
II yen o i t , Joinvillç, en parlant de St. Louis,
au jardin "* Pari»» f S «P*« * ........