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même feu dans fon exécution ?-non qu’ il ne peignit
mais avec beaucoup de facilite; il aimoit
mieux bien terminer fes ouvrages, que leur
donner l’apparence d’ une chaleur fa&ice. S.o.n
deflin étoit d’un bon goût & d’une grande manière;
fon pinceau large & moelleux, là,couleur
bonne & vigoureufe. Ses figures fe dé-
tachoient en relief, fur le fond. Ses têtes avoient
du caraélèr,e,*de: l’.expreflion , & même de.;la_
beauté ; quoique cependant-il nq mît; pas Je;
plus grand choix dans la nature qu’il, repré-<
fentoiï. Il peignoit bien à frefque,, avoit beaucoup
de goût; dans la manière dont il.trairait
les enfans, & métrait beaucoup de vérité dans
fes figures de. femmes. Comme l’Albane, il
a cherché la grâce, mais il y a joint plus de
grandeut.
Entre les eftampes. faites d’après ce peintre }
on remarque furtout la chafteté -de Jofeph,
de la gallerie de Drefde,, gravée par P.
Tangé.
(2,06) Marie V an Oosterwyck, de ï’école
Hollandoil'e, née au bourg de Noortdorp ,
près de D e l f t , en 1630 , étoit fille d’ un prédicateur
de la religion réformée, qui remarquant
la paflion.de la fille pour la peinture,
la plaça à U.trecht, chez Jean David de Héem,:
; habile peintre de fleurs. Elle fit affez de pro--
grès dans ce genre, pour voir ,fes ouvrages
recherchés par les Ibuverains. Elle avoit l’art
d’oppofer avec un goût exquis les differentes'
couleurs des fleurs , & d’ en faire un tout har^
monieux. Malgré fa grande âflïduité au travail
, fes ouvrages font rares, parce qu’elle
employoit beaucoup de temps à les finir. Elle
mourut à Eutdam en 1.693., âgée de foixante,
(k trois ans»- ; ,• .
(207) Guillaume Ka l f , de l ’éçoie Hol-
landoife,- élève d’un peintre d’hiftoire, crut
devoir limiter fa carrière pour être plus fûr de
la franchir avec fuçcès, & fe borna à rèpré-
fenter des fruits dans deç vafes d’or , de nacre
, d’argent , & c . On peut trouver de la
gloire dans tous I g g j g g e n r e s K a l f n’ eut
point à fe repentir .,de. la inode|He, de .fon;
choix. I l v it fes tableaux recherchés, & ils
continuent de l ’être. Ils joignent à une grande
vérité d’ imitation , une touche ferme & un
bon ton de couleur. K a lf ;efl:. mort; em 16^3. ,
(208) Jean-Henri Roos, de l’école A lle mande
, naquit à Otterdorf, dans le Palatinat
du Rhin, en 1631. Il fit le portrait de l’E-
leéleur de j^ayence, d’un grand nombre de
feignéurs & de princes, & fut magnifique-'
ment récompenfé. S’ il n’ a voit cherché que la
fortune, il fe feroit uniquement confacré -à
çp genre ; mais il ainia mieux luivfe l’ impul-
PEI
fion ae la nature qui l’ éntraînoît vers la peinture
du payfage & des animaux. I l èxcelloit
lurtout à reprélenter les chevaux, les vaches,
les moutons & les chevres. Les arbres de fes
payiàges font d’un beau choix ; fa couleur eft
belle & vigoureufe, & fa touche décidée.
Le feu ayant pris à fa maifon , il périt à Francfort,
en voulant fauver un vafe de porcelaine.
II.é toit né dans la plus grande ihiferé, '&
avoit acquis une fortune confidéràblè. Sa mort
arriva en 1685.
’ I l a gravé lui-même un alfez. grand nombre
de planches d’après les. tableaux.
T héodore Roos, fon fils, né à Wézel en
1638 , fe diftingua dans le portrait & dans
l ’hiftoire. Il avoit un pinceau large &: fa c ile ,
une couleur vigouréuiè, mais un deflin trop
peu correél.
Philippe R o o s , fécond fils de Jean Henri>
né à Francfort en 1675 , & mort à Rome à
l’âge de cinquante ans, fe diftingua par fa
vie crapuleufe & infenfée , & par fon talent
dans la peinture des animaux,
(209) Adrien V ander Kabel, de l’éçoleHol-
landoife, né à Ryfwick, près de la Haye en
16 31, fut élève de Van Goyen. Il voulut voir
l’Italie , prit fon chemin par la France, &
refta à Lyon*. II y fit eftimer fes talens qu’ il
dégradoit par fa vie crapuleufe. Sa manière ne
tient point de l’école Hollandoife : on le prendrait
plutôt pour un élève de l’Italie. On trouve
dans fes payfages une imitation des Carraches,
du M ole , du Benedette, de Salvator Rofe. Il
lui arrivait fou vent de faire des tableaux fort
négligés, & ç’.étoient, ceux qu’ il affe&oit de
loùér.'Il ne difoit rien des ouvrages auxquèîs
il avoir mis tous fes foins , & leur laifl’oit faire
eux-ïiiêmes leur fortune. Sa manière eft grande
& v agué, les- figures correctes , fes animaux
traités avec éiprit & vérité. On lui reproche
fouvent une couleur trifte & rembrunie; mais
ce défaut ne l’empêche pas de tenir une place
honor’able entré les payfagiftes. Il eft mort à
Lyon en 1695 âgé de foixante & quatre ans.
I l a gravé rplûfieufs de fes tabléaux à Peau-
forte. Ses deux pièces capitales repréfèntefte
l’une Saint-Bruno (& l’autre Saint-Jérôme , dans
des payiàges en’ hauteur.
’ .. (2^0} Louis Baèhuysen, de Pécole Hol-
landoifè,, naquit à Embden en 1631. Il t in t ,
jufqu’ à i’âge de dix-huit ans, la plume fous fon
père,, qui étoit feçréraire des. Etats. La beauté
de fon .écriture, & fon habileté à tenir les compte
s ’, l(e fit appeller à Amfterdam chez un négociant!
Ce ne fut. qu’ à Page de dix-neuf ans
qn’ il s’avifa de 'defliner , & il fe féirvit alors
! de i’ inftruinent qu’ jl a voit coutume de manîèr
ç’qft-à-dfiç
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c’ e fU-d ire de la § | f | Son maîtfefut I g g
ture Arnfterdam lui offron le fpeâacle d un
port toujours garni de w iflë au a j ce fut des
vaiffeaux qu’j l dellina , & fes deiÇns lu. furent
fouvent payés cent florins fe même davantage, On
lui confeilla de peindre ; il fe mit fous la conduite
‘d’Aldert Everdingen, apprit les fectets de 1 a r t ,
fe continua de dérober ceux de la nature. Pour
les furprendré , il ne craignait pas d’affronter
les plus grands dangers , . & montant fur
de frêles barques , c’e'toit au milieu des flots
tourmentés & prêts à l’engloutir, qu’il alloit
étudier les tempêtes^ Souvent il etoit ramene
à terre malgré lui par les matelots qui refufoient
de partager fon audace.' Auflitôt, lans fe dif-
traire y fans parler à perfonne, fans rien regarder
, il courait à fon cabinet & fïxoit fur la toile
les horreurs qu’ il venoit d’admirer. A la grande
vérité que lui procuraient de Semblables études
, il jo’gnoit une belle touche , une excellente
couleur. » C ’e f t , dit M. Defcamps,
>3 un peintre dont les ouvrages feront*, eftimes
» de tou? les temps, comme ils le furent pen-
» dant fa vie >?. Les bourguemeftres d Amfter-r
dam lui commandèrent une grande marine ,
qu’ ils regardèrent comme un prelent digne
d’ être oftert à Louis X IV .
Backhuyfen étoit l’homme d’Amfterdam qui
traçât le -mieux les cara&ères de l’écriture :
il avoit la complaifance d’ en donner des leçons, j
11 inventa même une méthode pour en fixer j
les.principes, & q u i, dit-on , eft encore fuivie.
Cette occupation lui ravifloit un temps
cieux. Ses récréations étoient confacrées a la
pôëfie , & il avoit pour amis les meilleurs
poètes & les fa van s les plus célébrés de fon
temps. Il mourut en 1709, âgé de foixante &
dix - huit ans.
(2 1 1 ) Luc Gio rdan o , de l’école N ap olitaine
, naquit à Naples en 1632. Son père
étoit voifin de Jofeph Ribera : Giordano le
voyoit peindre & prit le goût de la peinturé.
L’artifte Efpagnol le reçut dans fon école ;
l ’élève avoit^reçu de la nature une grande facilité
, & dès fon enfance, il étonna par fes
brogrès. Échauffé par le récit des beautés qu’offrent
les tabféaux de Rome , il s’évada de la
maifon paternelle', & partît pour ce;te .ville.
Il y connut Pietre de Cortone , aida ce peintre
dans quelques grands ouvrages , goura fa
manière & l’adopta. Son père , qu’ il aidoit à
fubfifter par fon travail , fit avec lui le voyage
(de Bologne, de Parme, de VenUe, de F lo ren
ce , & dans ces differentes villes célèbres
i>ar les chefs-d’oeuvre des plus grands maîtres,
jl fit de riches provifîons a’érudes. On pourrait
Jui reprocher de les avoir faites avec trop de
Célérité.
H étoit obligé de fe partager entre elles 8c
tieaux-Artf. Tome IL
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lés qu’ il faifoit pour fubfifter & pour
nourrir fon pere, qui lui difôit fans ceffe*
Luca i fa preflo , » Luc , fais vite » ; on a
fait de ces mots fon furnom , & il 1 a mente
par la prefteffe extrême dont il s’eft trop piqué
toute fa vie. La fituatioti où il fe trouva
dans fa jeuneffe peut le faire exeufer : mais
rien ne doit engager à le prendre en cela pour
modèle. : ^ '
Comme il avoit étudié tous les maîtres , u
fe fit une manière compofé© de toutes lès ^manières.
On le loua, on le compara à l’abeiiie
qui compofe fon miel du fuc de toutes les fleurs«
Avouons qu’ il feroit plus louable encore, s ri
fe fût fait un cara&ère qui lui eût été propre,
ou fi l ’on n’ eût pu remarquer au moins l’ imitation
que dans un petit nombre de parties.
Quelques uns de les tableaux paffèrent’ en
Efpagne. On manquoit de peintres à frefque
dans ce Royaume , il y fut appelle , & en, peu
d’années il y fit de grands ouvrages dans les
palais du roi & dans les temples. ■ . . ^
U excelioit dans un genre-fort inférieur à
fes talens ; celui des pafliches.. Il avoit fi bien
retenu les manières des différens maîtres , qu’ il
n’avoit plus befoin de voir leurs ouvrages pour
le» imiter. Le roi d’Efpagne lui montra un tableau
du Baffan, & témoigna le regret de n’en
avoit pas le pendant. Giordano le f i t , & les
connoiffeurs le prirent pour un ouvrage du
Baffan lui-même. Le monarque le récompenfa
par l’ordre chevalerefque de lui avoir caufe cette
lurprife.
A fon retour dans la patrie , il le vit accablé
d’ouvrages fa maniéré expéditive lui per—
mettoit d e 'n ’en refufer aucun. Quelquefois,
dans la chaleur du travail , il employoit fes
doigts au lieu de broffes. Une heure lui fuffi-
foit pour peindre une demi - figure, grande
comme nature. Aufli perfonne n’a fait un fi
grand nombre d’ouvrages , pas même le T în -
toret. I l les prodiguoit avec généralité, & en
a donné plufieurs fois à des églifes qui n’avoienc
pas le moyen de les payer.
I l n’avoit de la vivaçité que dans Ion
art; jamais il n’eut d’emportement dans la
fociété. Son humeur égale & douce le rendit
cher à fes amis , à fes émules & a fes éleves.
Le Giordano a cherché quelquefois , & fur-
tout- dans fa jeuneffe, la vigueur du-Ribera,
mais bien plus fouvent l’agrément de Pietre
de Cortone. Sa grande prefteffe lui a fait commettre
des incorrections , mais généralement
fon deflin fi*eft pas vicieux : on peut ajouter
qu’ il n’ a pas non plus un grand cara&cre „ qu’ il
manque trop de fermeté , qu’ il a trop de rondeur?
Les chairs de fes femmes ont de la mor-
bideffe ; celles de fes enfans ont la molleffe
qui convient à cèt âge. Il peignoit b ien, d’un
pinceau moelleux, d’ une grande manière; fes