
donner un caraétère plus mâle & plus vigoureux
à leurs figures-.mais ils fe trompent, ils prouvent '
tout au plus qu’ils favent l’anatomie ; quand on
veut exprimer la force &. la vigueur, il faut
choilir un modèle plus robufte, plus nerveux,
& le deflîner tel qu’ il eft : alors on trouvera
bien de la différence entre un deflin fait d’après
nature, & celui que l’on auroit, pour ainlidire,
écorché d’imagination. Ce vice eft d’autant
plus dangereux pour ceux qui fe livrfent-à cette
manière, qu’ il leur pft prelque impoflibe par la
fuite de s’affujettir à rendre fidèlement les grâces
& !a (implicite de la nature -, ainfi oh doit donc
s’habituer de bonne heure à deflîner les objets
tels qu’on les voit, en ne le fervant des lumières’
que l’on a acquifes que pour en juger laine-
ment.
On fe fervira des mêmes principes pour
deflîner d’après nature les femmes, les enfans,
en obfervant que les mufeies font moins appa-
ren s , ce qui rend les contours très - coulans ;
& que les proportions en font différentes.
Voyei PI. X IX , X X , X X I , X X II 8t XXXV ,
& leurs explications.
Lorfque l’on vent caraétérifer l'enfance,
V ado! e/cence, la vieillejfi, il faut aufîi en faire
dés études d’après nature, & faire un bon choix
des modèles dont on fe fervira. Voyez PI. XXI
& X X I I .
L’expreflïon des pallions eft une étude qui
demande beaucoup d'application, & que l’on
ne doit point négliger, parce que les moindres
compofitions ont un objet qui entraîne nécef-
faîrement le deflinateur à donner aux têtes de
fies figures le caraétèra qui leur convient relativement
à fon fujet •, mais comment pouvoir
deflîner cjfàprès nature les mouvemens de l’ame ?
comment pouvoir faifir d’après une l’cène com-
pofée de plufieurs perlonnes ( en fuppofant que le
deflinateur y fût appellé) toutes ces fenfations
qui lès affeétent chacune différemment, fuivant
l ’ intérêt particulier qu’ elles prennent au fpec-
taeîe qui leur eft commun, ou de haine, ou de
liolère, ou de défefpoir , ou d’étonnement, ou
d’horreur 1 Quand on fe propoferoit de ne faifir
qu’une de ces expreiïions , la tentative deviendrait
prefqu’impoflible, parce qu’elles ne font
toutes produites que par les circon(tances d’ un
moment , que l’inftant d’après décompofe &
détruit, c ’eft-à--dire, que tel homme paffera
d’un moment à l’autre de la haine à la pitié,
de l’étonnement à l ’admiration, de la joie à la
douleur ; ou que la même paflïon fubfiftant,
elle fe fortifiera ou s’affoiblira, & que le même |
perfonoage prendra, pour un oeil attentif, une 1
infiniré de phyfionomies fùcceflives. Voilà des I
difficultés infurmontables pour le deflinateur qui
fie propoferoit d’attraper à la pointe de fon crayon J
des phénomènes aufli .fugitifs ; il n’en eft pas
moins important pour lui d’être témoin des j
différentes fcènes de la vie. Les images
frappent, elles fe gravent dans fon efprit, &
les fantômes de fon imagination fe réveillent
au befoin, fe repréfentent devant lu i, & deviennent
des modèles d’après Tefquels il çom-
pofe.
Mais pour tirer un parti fûr & facile des
richeffes de fon imagination, il faut auparavant
avoir étudié dans les tableaux , les ftatues &
les deflins des maîtres, qui les ont le mieux
rendus, les (ignés qu’ ils ont trouvés convenables
pour exprimer , dans une tête , telle ou
telle paflïon. Le deflinateur confultera aufli fa
raifon & fon coeur , & ne fera rien que ce qu’il
fentira bien. Le célèbre le Brun qui avoir
étudié cette partie, nous a laide des modèles
que l’on peut- conlulter. Voye^ les PI. X X IV ,
X X V & X X V I,
C’eft un objet important dans une figure que
les draperies en fuient jettées naturellement,
& que la cadence des plis fe reffente de la
nature des étoffes -, on doit donc, autant qu il
eft poflible, les defliner d’après nature & lur
un modèle vivant. Cependant comme le modèle
eft fujet à varier, 8c que les moindres mouvemens
peuvent déranger , finon la maffe generale
d e là draperie, du moins la quantité, des' plis,
& leur donner à chaque inftant des Formes
différentes : il arrive de-.là que le deflinateur
eft ^obligé de paffer légèrement fur quantité de
petits détails importans, pour ne s’attacher qu au
jeu du. tout enfemble & à l’ effet général, &
fiuppléer au refte en travaillant d’ imagination.
Cet inconvénient eft très - grand ,. & apporte
fouvent de grands défauts de vérité dans un
deflin } car il eft effentiel, comme nous venons
de le dira, que la forme des plis, leurs ombres
& leurs reflets caraélérifent la nature & l’ efpèce
de l’étoffe, c’e ft -à -d ir e , fi c’eft du lin g e , du
drap , du fatin, &c. Or, comment rendre ce qui
appartient à toutes ces efpèces, fi les formes
des.plis , les lumières, les ombres & les reflets*
s’évanouiflent à chaque inftant, & ne paroiffent
jamais dans leur premier état, fur-tout lorfque
les étoffes font légères & caftantes l
Voici un moyen dont on fe fert pour étudier
plus commodément, & qui eft d’ un grand
fecotirs fur-tout pour les commençans. On jette
une draperie quelconque fur une figure inanimée,
mais de proportion naturelle , que l’on
nomme mannequin» Voye\ PK V I & V I I . On
pofe cette figura, dans l’attitude qu’on a choifie :
alors on en defline la draperie telle qu’on la
voit ; on peut l’imiter dans (es plis, fes ombres,
(es lumières & fes reflets, par la com parai fon
que l’on-en fait. Il faut réitérer cette étude
fur des étoffes différentes, afin "de s’habituer à
les traiter différemment. Les formes des draperies
fe foutjennent davantage dans certaines
étoffes,
■ Étoffes, & fe rompent & fs brifetit plus ou moins
dans d’autres. _
On obfervera aufli que les têtes des plis (ont
plus ou moins pincées, & les reflets plus ou
moins clairs -, c’eft à toutes ces chofes que 1 on
connoît que les draperies ont été deflinées
d’après nature,.
Il ne faut pas ignorer la manière de draper
des anciens, & on la connoîtra en deflinant
leurs figures drapées ; c’eft un ftyle particulier
qui a de très - grandes beautés, & où l’on
trouve les principes les plus*certains de l’art
de draper. On en pourra faire l’application en
différentes ôccafions. Voye% PI. X X V I I I &
XXIX. x
Après une longue & pénible étude d’apres des
deflins, la boffe & la nature, fi l’on a du genié,
on paflera.à la compofition.
Lorfque l’on compofe un fu je t, on jette fa
première penfée fur le papier au crayon ou a
la plume , afin de diftribuér fes groupes de
figures fur des plans qui puiffent produire un
effet avantageux, -par de -belles maftes de lumières
& d’ombres -, ce deflin fe nomme croquis.
C ’eft en conféquenc.e de cette diftribution que
l ’on connoît toutes les études de figures *&: de
draperies à faire, pour que "le deflin foie correct
& fini.- Voye\ PI. X XX & XXXI.
A l’égard du payfage, on pourra en deflîner
d’après nature, en fuivant la.règle générale que
nous avons établie ci-defliis , pour la perfpectivè
des plans , i’exaétitude dans les formes , &
l ’harmonie de l’effet. C ’eft une pratique que
l’on acquiert plus facilement, quand on fait
bien deflîner une figure. Voye^ PI. X X X II ;
il en eft de même des ruines, des marines, & c .
On fe fert quelquefois pour defliner des
payfages , des ruines ou des vues perfpeélives ,
de la chambre obfaire; cet inftrument a cet
avantage , qu’ il repréfente les objets tels qu’ils
^font dans la nature , de manière que ceux
même q-ui ne. fa vent pas defliner, peuvent facilement
répréferiter tout ce qu’ils veulent très-
correétement ; mais lorfque l’on pofféde le
deflin j- on ne doit point abufer dé la facilité
que cet inftrument procure, en ce qu’il refroidirait
le goût, 8c que cette habitude arrêterait
inftenfiblement les progrès de l ’art. Voye^
P i. IV & V .
Pour defliner les animaux, il en faut connoître
l’anatomie j on confultera les deflins des meilleurs
maîtres , & enfuira on étudiera la nature.
Si l’on fe pïopofe-quelque fupériorité dans un
genre, quel qu’ il foit,. on ne doit rien faire
que d’après elle -, elle feule peut conduire à
une imitation vraie qui eft le but de l’art.
Tour ce qui eft fait de pratique, n’en impofe
qu’ un moment, & quelque agrément féduéteur
qu’il puiffe préfenter fans la vérité, il ne peut
Satisfaire le vrai connoiffeur.
Peaux-Ans. Tome U.
Enfin l’art confifte à voir la nature telle
qu’elle e f t , & à fentir fes beaùtés ; lorfqü’on
les len t, on peut les rendre, & l’on pofféde ce
qu’on appellera bonne manière , expreflion qui
fuppofe toujours la plus rigoureufe imitation ;
mais ce n’eft que par le zèle le plus ardent,
l ’étude la plus laborieufe , & l’ expérience la
plus confommée que l ’on parvient à ce but.
La récompenfe eft entre les mains de l’artifte ;
il cultive fon propre héritage, il arrofe fes
propres lauriers •, 8c les fleurs & les fruits qui
naîtront de fon travail, le conduiront au temple
de l’ immortalité, que l ’envie elle-même feia
forcée de lui ouvrir.
Nous crayons devoir confeiller aux commençans
de ne point defliner d’après Veftampe, à
moins qu’ ils ne puiffent faire autrement, ou
qu’ils ne veuillent apprendre à defliner à la
plume , parce que la gravure n’ eft point du tout
propre à enfeigner la vraie manière de defliner
au crayon : au contraire, elle donnera à ceux
qui s’y appliqueront trop long-temps , un goût
(èc, maniéré, 8c fertile dans l’ arrangement des
hachures. Si l’on s’en fe r t, il faut être affes.
avancé pour ne prendre que l’efprit du deflin &
de l’effet, fans fe propofer de rendre coup pour
coup tous des traits.
P L A N C H E I.
Vue d’une école de de f in , f o n plan & fon profil.
La vignette de M. Cochin repréfente à gauche
de celui qui regarde 8c fur le premier plan,
de jeunes élèves qui copient des'deflins. Ces
deflins font attachés à une forte* de croix qu’on
appelle porte - original. La branche de cette
croix , au moyen de chevilles & de trous percés
à des hauteurs différentes, peut s’élever 8c fe
bailler au gré de ceux qui en font ufage. Sur le
fécond plan eft un autre, groupe d’élèves qui
deilinent d’après la boffe-, le modèle qu’ ils copiens
eftpofé fur une f i lle ^ 8c eft éclairé par là lampe
que l’on voit fufpendue au - deffus. A droite 8c
fur le plan le plus éloigné , font des élèves qui
deflinent d’après nature i le modèle eft au m ilieu
d’ eux & élevé fur une table que l’on ^ reprér
fentée dans le bas de la Planche, fig. i . Un de
fes genoux eft appuyé fur une caiffe, afin de
contrafter le mouvement de cette attitude. Les
écoles acadéiniques doivent être munies de
caift’es de proportions différentes dont on fe fert
au befoin pour fervir d’appui au modèle , fuivant
lès différentes pofes auxquelles on l ’affujettir.
Le plancher doit aufli avoir un fort anneau pour
recevoir une corde dont le modèle eft obligé
die fe faifir dans certaines pofes'y & fans laquelle
il né pourrait les tenir. On voit un des élèves
opeupé à prendre les à - plombs de* la figure, en
préfeatant v is - à - vis d’ elle fon porte -cra yoa
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