
y voudra graver. Si c’eft un c ie l , un horizon ,
une rivière, ou quclqu’autre objet qui exige
des tailles horizontales, ou perpendiculaires, on
y tracera d’abord des lignes d’ efpace en efpace
avec le trufquin. Sans ces guides, on ne graveroit
jamais les tailles de niveau & bien d’à-plomb.
On les croirait telles, elles le paraîtraient, &
elles ne produiroient pas cet effet à l’épreuve :
elles feroîent plus ou moins recourbées à l’ex-
trêmité -, c’eft la fuite du plus ou moins de
profondeur du creux.
I l faudra graver un peu plus à - plomb que de
coutume fur le glacis d’ un endroit creufé, afin
que la gravure ne foit point faite ni couchée
fur le même plan que ce gla cis , ce qui la fendrait
lu jette à pocher ou à s’engorget d’ encre.
On lèvera le coude ou le poignet en y gravant,
fans quoi on rifqueroit de feritir la pointe s’arrêter
par l’extrémité du manche aux bords fu-
pétjieurs de l’endroit creufé. I l faut aulfi que la gravure foit plus profonde fur le glacis , 8c les
traits des bords plus à - plomb, par les mêmes
raifons. On veillera à n’y point couper les tailles
par le pied. Pour peu qu’on s’oubliât, & qu’on
ne contînt pas fermement fa pointe, la pente
du glacis rejetteroit l’outil en dehors en faifant
les coupes , & le repoufferoit en dedans en
faifant les recoupes, ce qui occ&fionneroic né-
ceffairement l’accident qu’on a dit.
Pour rendre des tailles plus fortes ou plus
épaiffes qu’elles n'auront été gravées, & qu’elles
n’auront paru à la première épreuve, on grattera
légèrement leur fuperficie. On lent que puif-
qu’elles font coupées en talus , on ne peut ôter
quelque chofe de leurfuperficie fans leur donner
plus de largeur. On fe fervira pour cette opération
du grattoir à cveufer, ou plutôt du grattoir
à ombrer, parce que ce lui-c i n’étant prefque
point courbe, on en avancera plus facilement
l ’ouvrage; On choifira celui de ces grattoirs qui
mordra le mieux , & l’on grattera l’endroit à
retoucher, opérant, autant qu’ il fera poffible,
dans le fens du bois *, autrement ©n pourrait
rendre les tailles barbelées. On évitera de les
gratter fur leur travers , de peur que le grattoir
ne les égrene en fautillant de taille en taillé.
On broffera avec une petite broffe , on foufflera
fur la gravure, afin de chaffer la raclure du bois
qui pourra refier, & qui remplirait les inter-
"val-les des tailles. Quand les tailles grattées
paraîtront plus larges & plus nourries, on tirera
une fécondé épreuve de la planche. Si les tailles
grattées femblent encore trop maigres, on recommencera;
& ainfi de fuite, jufqu’à ce que
l ’on foit fatisfait. Cependant il faut procéder
avec circonfpeétion. D’ailleurs on ne parviendra
pas à rendre très-larges des tailles qui auront,
été gravées très-fines & un peu écartées les unes
des autres ; il faudrait atteindre à la racine des
taille?, 8c ces tailles grattées, devenant trop
baffes, ne marqueraient pas à l’ impreffion, parce
que leur fommité ne pourrait atteindre le papier.
Le milieu des endroits grattés doit être feulement
d’ un quart de lign e , ou tout au plus d’une
demi-ligne plus bas que le refie de la gravure.
Le plus ou moins de profondeur doit dépendre
du plus ou moins d’étendue de la partie qu’on
fe croit obligé de gratter. Si cette partie efl
petite , il faut lui donner moins de profondeur :
car le papier, quoique comprimé par la preffe
ou le rouleau, ne pourrait aller atteindre le
fond de l’elpèce de trou qu’auroit formé le
grattoir, s’ il avoit trop de profondeur avec très-
peu de largeur.
Il faut encore obferver de former un glacis
imperceptible qui, à-mefure qu’on approchera
des bords de la partie que l’on gratte, s'élève
un peu davantage, & gagne imperceptiblement,
& par la pente la plus douce , la gravure qui efl
a l’entour. Ce travail efl très-néceffaire-pour
faciliter le tirage des épreuves ; autrement les
tailles grattées marqueraient difficilement à
& l’on auroit la peine très-em —
barraffante d’ajufler des hauffes au tympan.
D ’ailleurs on efl toujours maître de retoucher
& d’ammaigrir un peu avec la pointe à graver
les tailles où l’ on a formé.ce glacis, quand on
appçrçoit que le- grattoir les a rendues trop
épaiffes.
Cependant je ne puis nier, dit M. Papillon,
que cette pratique do gratter les tailles, pour
les rendre plus fortes, ne m’ait fait fou vent
obferver qu’elles devenoient inégales & brôuil- -
lées ; qu’elles fe pâtoient & ne faifoient plus
qu’ une partie matte & noire. Xa pointe avoir
enlevé le bois inégalement dans le fond des
tailles par la coupe & par la recoupe. - Comme
il efl impoffible de l ’enfoncer également partout,
foit parce qu’ il y a , dans le bois, des
veines plus, tendres les unes que les autres ,
foit par l’incertitude de la main & de l’outil,
il arrive qu’à mefare que l’ on a plus approché
du fond des tailles, on les a confondues davantage.
Le feul remède qu’ il y ait, c’eft de repafler
légèrement la pointe dans les mêmes coupes &
recoupes, & <aenlever le bois qui empêche le
blanc de paraître net &. égal. Cette remarque
e fl importante. Alors la retouche efl néceffaire,
à moins que le mauvais effet ne vînt de la
pouffière retenue entre les tailles, d’où on la-
chaffèra avec une pointe à calquer, fine & ricm
mordante, qu’on effuiera à chaque inffant à
mefure qu’on s’ein fervira. La pouffière peut
tenir fortement, quand elle efl mêlée avec le
noir qui la maflique , pour ainfi dire, dans la
gravure.
On*j>eut creufer également le cormier, le
poirier, & c , pour graver félon la méthode de
M. Papillon ; mais il faut, en poliffant, fulvre
le fil du bois ; fi le grattoir ayoit été employé
à contre-fil , on ne pourrait plus polir proprement.
Il en faut dire autant des tailles que l’ on
gratterait pour les rendre plus nourries après
avoir été gravées.
PIufleurs perfonnes s’ éroient apperçues que
les creux des planches de M. Papillon étoient
trava liés fingulièrement. Des graveurs en bois
l ’ont queflionné là-deffus ; malgré cette obferva-
tion de leur part, M. Papillon ne connoît aucun
artifle qui ait encore tenté de graver de cette
minière. Ceux qui favent que l’on peut retoucher
la gravure en bois, croient que ces creux font
produits’ par la fréquence dés retouches : & ce
nombre même efl fort petit, prefque pérfonne
ne croyant qu’ on puiffe retoucher une planche
après une première épreuve. Quant à l’art de
forcifier des tailles & de les rendre plus nourries,
il penfe auffi qu’aucun graveur ne s’ en efl avifë,
& il ajoute qu’ il n’en efl pas lurpris, & que
cette manoeuvre lui paraîtrait abfurdè à lui-
même , fi l’expérience qu’ il en a faite ne la
juflifioit.
Manière de retoucher proprement. II n’y a
prefqu’aucun morceau gravé en bois qui n’ait
befoin , après la première épreuve, d’être retouché,
quelque net qu’ il paroiffe, à moins qu’ il
ne foit de forte taille , comme une affiche de
comédie , & c . Les pièces délicates ne peuvent
refier gravées au premier coup, parce que,
deflinées pour l’imprimerie en lettres, &.foulées
par la preffejnen plus fortement que par le
rouleau , elles paraîtront bien nettes lorfque les
épreuves feront tirées au rouleau par le graveur,
& toutes les tailles déliées en paraîtront dures,
quand elles feront imprimées fous la preffe. On ne
peut donc alors fe difpenfer de les retoucher.
Pour ne pas toujours avoir à regarder en
gravant, lorfqu’il s’agira de placer & de traiter
les ombres, un deflin qui efl dans un fens
contraire de celui qui fe trouve fur la planche,
M. Papillon lave à l’ encre de la Chine fes deffins
fur le bois même : ce qui épargne du temps &
donne du feu. Il ne fait qu’un croquis au crayon
rouge ; il le calque fur la planche, le reélifie
enluite à la mine de plomb, & finit à l ’encre
& à la plume , traçant, lavant, 8c ombrant.
L’ encre de la Chine qui a fervi à ombrer peut
former fur la planché une certaine épaiffeur :
ainfi, avant de faire Une première épreuve, on
nettoiera la planche avec une éponge imbibée
d’eau, on la laiffera féçher , & on tirera l’épreuve.
Si l’on s’ apperçoit qu’il y ait beaucoup à retoucher,
on ne tirera pas, pour l’effuyer, une
fécondé épreuve fans encre, car c’gjl de cette
manière qu’on nettoie les planches. On laiffera
l’encre qui y fera refiée après le tirage de la
première épreuve, & , par ce moyen , on diftin-
guera facilement ie§ tailles, & Qn remarquera
les endroits qu’ il faudra adoucir 8c abaiffer.
On retouchera ces endroits avec la pointe à
graver.
Pour éviter de fe falir les doigts, on laiffera
lecher, la planche un jour ou deux. La vue fe
/repofera pendant ce temps ; car , fatiguée d’une
application affidue d’un mois ou deux fur une
meme planche, elle n’en peut prefque pas juger
la première épreuve.
Pour retoucher, on aura devant foi fon
epreuve ; on n’oubliera pas que les tailles y
font à contre-fens de celles de la planche. On
verra fi une taille efl trop éoaiffe feulement
dans quelques endroits, ou fi .elle l’ efl dans
toute fa ^longueur. On la diminuera d’épaiffeur
par- le côté convenable, égalifant autant qu’il
efl poffible la diflance de cette taille à la fui-
vante, avec les autres entre-deux ou diflances
de tailles : on veillera à ne point trop ôrer de
bois, fans quoi la taille fera perdue ; on aura
foin de broffer à mefure qü’on avancera, afin
que les petits copeaux ne refient pas dans la
gravure.
On fent combien le deflin efl néceffaire dans
la retouche, foi: pour ne pas eflropier un contour,
déplacer un mufcle, pécher contre le
.ciair-obfour ; foit pour ne pas renfler ou am-r
maigrir mal a propos, en diminuant le trait par
le coteoppofé a celui qu’on devoir choifir ; foit
pour ne pas rendre clair ce qui devôit refier
o b four, en revenant fur des tailles qui étoient
bien ? foit enfin pour ne pas courber ce qui
devoit être redreffé, 8c redreffer ce qui devoit
être courbé, & ç .
Quand on fera obligé de retoucher ou dimi-
nuer , par exemple, l’épaiffeur du trait A , par
le cQté où- il tiendra aux tailles B , on le fera
taille par taille ; ceft-à-dire qu’on appuiera un
peu la pointe au coté de la coupe d’ une taille
à fon extrémité, fur le trait duquel on fera
entrer le taillant de la pointe, fuivant à peu-
près l’épaiffeur du bois qu’on voudra ôter au
trait. On fera la même çhofe vis-L-vis , fur le
côté de la recoupe de la ta ille , qui efl au-!-
deffus de celle dont on vient de parler. Cela
fa it, on retouchera le traie, en levant le bois
depuis utie taille jufqu’à l ’autre, comme on voit
parles points de la figure fui van te : ce qui fora
trois coups de pointe à donner entre ces deux,
tailles. Trait A , tailles B. C , partie recran-»
çhée 4u trait.
C’eft ainfi qu’ il faut s’y prendre, pour retoucher
le trait du .côté qu’ il tient à des tailles • car
fi l’on faifoit d’abord une coupe en paffant la
pointe dans l’épaifleur du trait & dans route fa
longueur, pour couper & recouper enfuite le
bois en travers, taille par taille , cela ferait
coupe fur coupe, & toutes les tailles feraient
infailliblement endommagées, interrompues par
le bout, 8c jae tiendraient plus au trait. Elfes
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