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Paros la ftatue de cette divinité vengerefle *.
ce marbre avoit été apporté par les Perfes:; ils
l ’avoient deftiné à en élever un monument de
leur victoire, & il fervit à confacrer leur défaite.
On voyoit, dans la couronne qui cei-
gnoit la tête de cette ftarue, des cerfs, & de
petites figures qui repréfentoient des Vi&oires.
Ces figures defigiroient apparamment le triomphe
des Grecs fur les Perfes; & les cerfs, la promptitude'dé
leur fuite : là figure de Néméfis fîgni-
fioit que leur défaite avoit été P effet de la vengeance
célefte. La déefle tenoit de la main
droite une phiole fur laquelle étoient repré-
fierités des Éthiopiens; & de la gauche, une
branche de frêne. Paufanias n’ a pu favoir ce
que fignifioient ces fymbolèsv II obferve que
cette Néméfis n’avoit point d’ailes, & qu’on
lie lui trouvoit ces fymboles dans aucun monument
ancien. Il ajoute que les habitans de
Smyrne furent les premiers qui lui donnèrent
des ailes, fymbole de l’amour, parce qu’ ils la
régardoient comme la, vengerefle des amans malheureux.
Sur la bafe' dé' la ftarue on voyoit
Léda préfenter Hélene à Néméfis : ce fujet fe
rapportoit à un trait de la mythologie des Hellènes
péu connu des modernes : ils crovoienc
qu’Hélèriê 'n’étoit ' pas fille de Léda, mais de
Néméfis & de Jupiter, & que Léda n’avoit
fait que lui prêter la mamelle ( i ) . Cette bafe
contenoit d’autres fujets qui n’avoient aucun
rapport entre eux, Tindare & fes fils ; un homme
debout avec un cheval ; on nommoit ce
grouppé' l ë ' cavalier; Agamemnon, A ch ille ,
Pyrrhus Ion fils, époux d’Hermioncy on n’avoit
pas repréfenté O rèfte, parce qu’ il s’étoit fouille
du fang de fà mè'ré. On voyoit encore de fuite
fur cette même bafe un jeune homme nommé
Épochus , & fon frère : c’ étoient les fils d’GEnoë
qui avoit donné fon nom à une tribu de l’ at-
tique. Les bas-reliefs de cette bafe pouvoient
avoir un grand mérite de deffin & de travail ;
mais on ne peut fe fairë une idée favorable de
leur compofition : il faùdroit qu’ un moderne
fe fit pardonner par de grandes beautés une con-
fufion de fujets fi difparates.
A Mégare, dans le temple de Jupiter Olympien,
étoit la ftarue de ce Dieu que Théo-
cofthus de Mégare & Phidias avoiënc commencée
enfemble & n’avôient pas terminée. Ce
que Paufanias dit de ce morceau, nous apprend
quel étoit le procédé des anciens dans les fta-
tues d’or 8c d’ivoire. La tête étoit finie; l’ or &
l ’ ivoire J étoient appliqués : le relie n’étoit
( i) G’eft ainfî quç. s’exprime Paufanias. Le Scholiafle
rie Callimaque dit, fur levers 232 de l’Hymne à Diane,
que ; dans un bourg de l’Attique, nommé Rhamnus,
Jupiter eut commerce avec Néméfis qui produifit un oeuf,
.qiie-Léda , l’ayant trouvé , l’échau»à, qu’il ça fQrÿt
k s £>içtfçutc? & Hélèiifti
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que de plâtre ; 8c cette ébauche devoit fel'vir :
feulement de noyau ou de foutien à la forte de
marqueterie qu’on fe difpofoit à y appliquer.
On confervoit dans une chambre qui étoit derrière
le temple, des pièces de bois feulement
ébauchées ,- fur lefqüelles les artiftes devoiént
appliquer l’or & l’ ivoire pour terminer la fia- ;
tue. On commençoit, pour c es fortes d’ouvrages,
par établir un noyau de plâtre qui n’avoit
qu’imparfaitement la forme que devoit:
prendre la ftatue. Omtenoic ce modèle un peu
maigre, & on négligeoit d’y mettre ce qu’on
nomme les finefles; il luffifoit c’y obferver les-
proportions de la longueur des parties,* enfuite
on fculptoit en bois des pièces de rapport def-
tinées à être appliquées fur ce noyau; & enfin
, on colioit fur ces pièces de bois les tablettes
d’ ivoire & les plaques d’or : c’étoit de
l ’art que l’on mettoit à ce dernier travail que
dépendoitla perfeâion de l’ouvrage. Plaignons
les artiftes les plus célèbres de l’antiquité;
d’avoir été fournis, par le goût égaré de leurs
comtemporains, à une femblable manoeuvre.
Lés deux ftaruairës avbient repréfenté fur la
tête du Dieu les parques & les faifons. ■
De la dépouille des Piféens vaincus., les ha*?
bitans de l’Élîde avoient confacré à Jupiter un
temple & une ftatue. Une infcription apprenoit
que Celle-ci étoit l’ouvragé de Phidias. On
voyoit aufli dans l ’Élide une ftatue du même
artifte repréfentant un jeune homme ceint d’une
bandelette;
Une ftatue de Minerve, en or & en ivoire,’
dans la citadelle d’Élis, étoit regardée comme
un de les ouvrages. Le cafque de la déefle étoit
furmonté d’ un coq oifeau guerrier, peut-être
pour lignifier que c’étoit une divinité belli-,
queufe : cependant comme on la nommoit ércinéy
la travailleufe, on peut croire que l’artifte avoit
cru devoir la défigner par l’ oifeau dont le chant
appelle à l’ouvrage.
Sa ftatue de Vénus célefte, aufli d’or 8c
d’iv o ire , foulait d’ un pied une tortue.
Celle de Minerve Aréa ou martiale, à Platée,
avoit le corps de bois doré; la tête, les pieds
& les mains étoient de marbre panréiique; mé-i
lange qui ne devoit pas produire un effet heureux.
On voyoit de lui à Delphes un grand,nombre
de ftatues : Minerve, Apollon , Erechtée ,
Miltiade, Ceerops , Pandion , Antiochus fils
d’Hercule & de Midée , Agée , Acamas fils
de Théfée, Codrus, Théfée , Phileus. Quoique
le génie de Phidias le portât fur-tout à
imprimer à fes ouvrages cette grandeur de
caractère qui ne fuppofe pas toujours lé talent
de fendre avec précilion les formes individuelles
, & qui même femble l ’exclure , it
réuflit à faire le portrait avec beaucoup d®
relfeniblançe ; coxnjne on lç semarquoiç
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1a Égare d’ un jeune homme nommé Panfar-
cè s , qu’ il avoit repréfenté en bas-relief fur la
bafe du Jupiter olympien. Il fit aufli fon propre
portrait fur le bouclier de Pallas.
Phidias, malgré l’autorité que devoit lui
donner fa grande réputation , fut; obligé de
foumettre fon goût à celui des Athéniens. On
ne doit pas lui reprocher , par exemple, d’avoir
fuivi fon propre goût quand il fit des ftatues
en or & en ivoire. Nous voyons par un
paflage de Valère-Maxime , qu’il voulut obtenir
des Athéniens la permiflion de préférer le
marbre pour la ftatue de Pallas. Ils l’écouterent
tranquillement, tant qu’il ne leur parla que dé
la foliditë du marbre & de l’avantage qu’il
avoit de conferver plus long-temps fon éclat:
mais quand il eut l’imprudence d’ajouter qu’il
coûtoit moins cher , ils refusèrent de l’ entendre
, & crurent qu’ il ; étoit de leur honneur de
préférer ïa matière qui coûtoit davantage. Peut-
être n e ’ fit-il de même qu’obéir, quand il
chargea d’ un trop grand nombre d’ornemens
quelques-uns de fes chefs-d’oeuvre. Il eft fou-
vent bien difficile à un artifte de réfifter au
goût erroné d’un feul homme qui l’emploie : il
lu i eft impoflibîe de réfifter à celui de tout un
p’euple.
Croiroit-on que les contemporains de l’artiftè
qui produifit lés figurés coloflales de Jupiter 8c
de Pallas, admirèrent peut-être encore davantage
de petits ouvrages qu’ il fit en s’amufant
eu qu’ils lui demandèrent, tels que des poif-
fons, une c ig a le , une mouche? Ces défait e-
'mens d’un habile homme ne pouvoient avoir
que le petit degré dé mérite dont des bagatelles
font fufceptibles , & furent encore célébrées
pl u fie 11 r s fie cl es après la mort dé l’artifte.
On péut avancer que ; .la plupart , des
hommës aiment le petit par goût, & ne feignent
que par vanité d’ aimer le grand.
Phidias eut contre lui les ennemis que lui
firent fes taie ns, & en même temps les ennemis
dë Périclès qui pérfécutoient le protecteur
dans la perfonne du protégé. Ils l’accusèrent
d’avoir fouftrait une partie de l’or qui étoit
entré dans la ftatue de Minerve : mais par le
confeil de Périclès, il l ’avoit appliqué de
manière qu’on pouvoit le détacher, & il lui
fut aifé de confondre fes accufateurs. Cependant
on aflure qu’ il finit fes jours en prifon.
Ou lit dans une déclamation de Sénèque le
père, que les Eïééns n’obtinrent dés Athéniens
la permiflion d’appeller chez eux Phidias pour
faire le Jupiter Olympien, qu’à condition qu’ ils
leur rendroiéntsou cet artifte lui-même ou cent
talens : mais que , l’ouvrage fait, ils l’accusèrent
d’avoir louftrait une partie de l’or qu’ ils
lui avoient confié, lui coupèrent les mains, 8c
le renvoyèrent aux Athéniens ainfi mutilé.
;Çe conte n’eft qu’une narration falfifiée du
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traitement que lui firent éprouver fes concitoyens
eux-mêmesi'
On voyoit -à Rome, du temps de P lin e ,
une Vénus en marbre que l’on l'egardoit eom-,
me ,un ouvrage de cet artifte.
(40) T héocosmus de Mégare étoit contemporain
de Phidias fut aid é, comme
nous l’ avons d i t p a r cet artifte , dans l’exécution
d’ une ftatue de Jupiter en or & en ivoire
qui ne fut pas terminée. Il fit aufli la ftatue
d’Hermon à qui lés Mégariens avoient accordé
le droit de c ité , 8t qui avoit commandé le vaif-
feau amiral de Lyfander.
(41) A pe ile s , ftatuaire dont le nom a été
omis' par Junius, devoit être plus jeune que
Phidias» I l fit la ftatue de C ÿnifca, ftîlè
d’Archidamus , Roi dë Sparte1 ÿ la première
des femmes qui ait * nourri des chevaux &
qui ait été viélôrieufé aux jeiix- olympiques.
Lacédémonienne elle-même, elle fut imitée
par plufieurs Lacédémoniennes. Le- temps où
régnoit Archidamus qui mourut 430 ans avarie
notre ère , nous indique à-peu-près celui où
fleurit Apélles le fculpteur. Né feroit-il pas 1®
même que Pline nomme- Apellas , & qui avoifi
fait des ftatues de femmes én adoration ?
(42,) St ip à x de Cypre avoit confervé dè la
célébrité au temps de Pline par une feule fta tue
, repréfentant un jeune homme qui fait
rôtir des entrailles. I l foufïloit le feu , & il
eft vraifemblable que le gonflement de fe»
joues, & la vérité de fon aétion , contribuer
rent beaucoup à la réputation de ce morceau»
Ces vérités triviales , dont l’ expreflîon n’eft pas
d’ailleurs fans mérite, plaifent toujours pltis
au peuple que des conceptions plKs nobles &
plus dignes de l’art. La figure d’un jeune
homme fouffiant aufli le feu , dans le tableau
de Saint Paul prêchant à Ephèfe , par le
Sueur', attire bien plus les regards de la multitude
que le refte de la compofition» C’eft
même quelquefois un défaut qui aflure , auprès
du vulgaire, le fuccès d’un bon ouvrage«
(43) Myrmécide de Lacédémone ,-fe rendic
célèbre par de petits ouvrages qui fuppofenc
de bons yeux & beaucoup de patience ,- plutôt
qu’ un vrai talent. Il fit un char à quatre
chevaux , qu’ une mouche pouvoit couvrir de
fon àîle; On parle aufli d’un vaifleau qu’on
pouvoit cacher tout entier fous l’aîîe d’une
abeille. Si ces ouvrages n’avoient pas le droit
d’ être admirés, parce que l’admiration doit
être réfervée au vrai b eau, ils avoient au
moins celui d’ étonner, puifqu’ ils étoient en
marbre ; ce qui ' ajoute à la difficulté. Mais
Elien a parlé judicieufement de cès chefs