
une grande politcflc, il unifloit beaucoup de
courage. Paris manquoit encore de police,
cette ville étoit infeftee de voleurs; mais Gu ilia
in s?étoit rendu la terreur des perturbateurs
de la sûreté publique. Il ne marchoit jamais
la nuit fans porter un fléau garni, de chaînes
qui fe terminoient pàr des pointes d’acier:
avec cette arme , maniée d’ un bras vigoureux-,
il bravoit les malfaiteurs & leurs armes, &
eut plufieurs fois le plaïfir de fauver des per-
fonnes attaquées. Sa réputation de valeur lui
mérita d’être élu capitaine de fon quartier;
alors les bourgeois de Paris, fe gardoient eux-
mêmes, ufage tombé depuis en défuétude, mais
qu’une conftitütion nouvelle vient de faire
renouvelles Cet artifte eft mort en 165.S, âgé
de foixante &: dlx-Tept ans.
(iS) Jacques Sar r as in, né à Noyon en
1590, fut amené à Paris dès fon enfance,
te eut pour maître le père de Simon Guillairr.
Le defir d’imiter les grands maîtres, lui sît
entreprendre de bonne heure le voyage d’Italie,
& il ne- tarda pas à le diftinguer entre les
habiles artiftes qui étoient alors à Rente. Le
Cardinal Aldobrandin, neveu de.Clément V I I I ,
fentit le mérite du ftatuaire françois, & lui
confia l ’exécution de l’Atlas 8c du Polyphénie
quifoutiennentàFrefcatî, le-voifinage desngures
antiques , dont cette maifon eft décorée. Ce fut
là que Sarrafin connut le Dominiquin & mérita
fon amitié. Ces deux artiftes réunirent leurs
talens pour faire en commun quelques ouvrages,
entre lefquels on diftingue deux termes
en ftuc. Notre ftatuaire eut à Rome le bon
efprit d’étudier beaucoup Michel-Ange, & de fe
rendre propre la lcience & le génie de ce
grand maître , fans devenir fon imitatejr.
I l ne revint à. Paris qu’après dix-huit ans
d’âbfence, & tous les ouvrages qu’il a faits
adurent fa réputation. Mais on diftingue fur-
tout les cariatides qui décorent le grand pavillon
du vieux louvre, figures colloffales & en
même temps fveltes & légères : le crucifix qui
eft placé à Saint-Jacques de la Boucherie ; on
en voit le modèle à FAcadémie; le maufolée
de Henri de Bourbon, Prince de Condé ; le
grouppe de Romulus 8c Rémus à Verfailles;
le grouppe de deux enfans & d’ une chèvre
placé à Marli; ces deux figures font un peu
maniérées >. mais elles femblent de chair; le
tombeau du Cardinal de Bérulle, aux Canné-,
lites; ouvrage dans lequel Fauteur a vaincu
la dureté au marbre. Sarrafin poffédoit de
grandes parties de F art, l’élégance, & les
grâces, jointes à la févérité. I l fut en France
pour la fculpture, ce que Vouet fut pour la
peinture, le che f d’une école féconde en
artiftes célèbres ; entre lefquels on compte le
Gros & ïerambert. }I1 eft mort en i-ôôo, âgé
de foixante dix ans.
Ci9) F rançois do Q üésnoi, bien plus connu
fous le nom de François Flamand, naquit à
Bruxelles en 1594. Fils d’ un fculpteur, il reçut
de fon père le« leçons de fon art, & n’avoit
pas encore quitté cette école, lorfqu’ il fut
charge d’ouvrages publics pour fa v ille natale.
La manière dont il s’en acquitta r lui mérita
la protection de Farchiduc Albert, qui lu i
accorda une penfion pour faire le voyage d’I--
talie. Arrivé à- Rome, il crut ne pouvoir fe
preferire un meilleur plan d’étude que celui
de modeler les plus belles figures antiques,
Mais il avoit à peine atteint l ’âge de vingt-
cinq ans, lorfque, par la mort de fon bienfaiteur
, il fe vit obligé de travailler pour fa.
fubfiftance , Sc de faire des - ouvrages plus capables
d’arrêter que d’avancer lès progrès : telles
étoient de petites figures en ivoire 8c en bois r
8c des têtes de Saints deftinées à orner des
reliquaires. Il étoit dans cette fituation-, lorf-
qu’il fe lia avec le Pouflin, infortuné comme
lu i, & comme lu i, embraie de l’amour de 1 art- Tous deux employôient le moins de
temps qu’il leur étoit polnble aux travaux qui
les faifôient vivre , & donnoient le refte d*
leur temps à de favantes' étudesv Le Flamand
fit des modèles, 8c de petites figures en- marbre
qui- furent admirées : & , ce qui’ eft fingulier,
pendant que le Pouflin.cherchoit à porrerdans
fes tabléaux le ftyle des ftatues antiques j le
Flamand tâchoit de donner a la fculpture l ’aimable
mollefle des tableaux du T itien , 8c ce
fut par l ’ étude de ce peintre qu’ il furpaffà-
tous les fculpteurs dans l’art de traiter les
enfans'. I l fe fit bientôt, pour Gette partie'
de Fart, une grande réputation, & fut chargé
de modeler les grouppes d’enfans qui accompagnent
les colonnes du maître-autel de Sains»-
Pierre-. Malgré les obligations qu’ il- eut aux
tableaux du Titien , il ne négligea pas la
nature, 8c l’on fait qu’ il fit un grand’ nombre
d’études d’après les enfans de l’Alba-ne.
L’env ie, forcée de l’applaudir, fe plaifoit à
repéter qu’ il p/avoit de talent que dans un
petit genre, & qu’il feroit incapable de réulfiï
dans de grandes chofes. Il confondit-les envieux,
en faifant la Sainte Suzanne qui eft placée à
Notre-Dame de Lorette, figure à laquelle il
fut communiquer quelques-unes des beautés
de l’antique. On y admire la nobleffe de l’attitude,
la beauté de la. tête, une douce expref-
fion de pudeur 8c de piété,, une belle & fa-
vante maniéré de draper; Il mit beaucoup de
temps à cette figure , il en recommença plusieurs
fois les modèles , qui tous étoient le
fruit d’une profonde étude : mais on ne compte
ni le temps ni les travaux, quand ils font
couronnés par le fuccès. Par fa figure de Saint- !
André, placée dans la bafilique de Saint-Pierre,
il effaça la figure, de Saint-Longin que fit en \
même temps le Bernin qui ofoic le méprifer,
& qui dil bit qu’au lieu d’ un apôtre, il ne I
ferott qu’ un gros enfant. Cette ftatue haute f
de vingt-deux palmes, & fruit laborieux de
cinq ans d’étude eft une des plus belles de la
Rome moderne. Les proportions font élégantes,
la" tête élevée vers le ciel exprime la plus
tendre dévotion , & eft pour les artiftes, un
objet d’admiration & d’étude ; la draperie eft
d’ un grand goût. Un moine qui fréquentoit
l ’attelier du Flamand, prétendit que le Sculpteur
lui avoit obligation du mérite de cettè
figure, 8c qu’il lui avoit fait réformer des
défauts choquans qui déparoient le premier
modèle ; dès-lors le Flamand prit l’ ufage de
travailler fans témoins. Si tous les artiftes
étoient aufli fenfibles queDuquefnoià de fem-
blables ce proches, ils dendroient leur portes !
fermées a tous les connoiffeurs : mais en fait q^jg
les avis des connoiflcurs peuvent faire gare?
un ouvrage, & qu’ ils n’infpirent des beautés
qu’à de grands artiftes.
SiDuquefnoy, n’a fait qu’ un petit nombte
d’ouvrages capitaux, c’eft: que fon travail étoit 3e fruit des plus profondes réflexions & d’uné
«tude répétée de la nature & de l’antique. I l
faifoît plufieurs modèles non feulement du corps,
des bras , des mains, des jambes , des pieds, &
fur tou des têtes, mais encore dès doigts , & des
maffes de plis des draperies. Peu d’Artiftes ont
moins produit de grands ouvrages & fe font fait
une plus grande réputation. Quelqu’un lui difoit
qu’une figure à laquelle il travailloit étoit allez
terminée : » Vous le croyez ainfi, répondit le
» Statuaire, pareeque vous n’avez p^sfous les
» yeux le modèle que j’ai dans l’efprit, & dont
» mon ouvrage doit être une copie fidèle ».
Les Artiftes qui prennent tant de foin de leur
réputation , vivent ordinairement dans la pauvreté
: tel fut le fort du Flamand ; il voyoit des
fculpteurs médiocres^comblés derécompenfes., &
il languiffoit dans la mifère. I l alloit paffer en
France avec le Pouflin ; un traitement honorable
lui étoit affuré ; déjà il avoit reçu l’argent de fon
voyage , & il faifoît les apprêts de ton départ,
lorfqu’ il mourut, empoifonné , dit-on, par fon
firèré , en 1646^ à l’âge de cinquante-deux ans.
Le fcélératfut brûlé à Gand pour d’ autres crimes,
& l’on affure que, dans les tourmens, il confeffa
qu’ il avoit donné à fon frère un breuvage mortel.
Ce fait a occafionné l’erreur de quelques
perfonnes, qui croyent que le Flamand lui-
même a été brillé pour un péché que réprouve la
nature. On a confondu le meurtrier avec fa victime.
La conformité de nom & de profeftion a
w fortifié cette erreur.
puquefnoy , que les Italiens nomment $
Fidmhigô, ( le Flamand ( cet homme qui a vécu
dans la mü’ère, & «jue la calomnie pourfuit après
fa mort, é<oit du caractère le plus doux , de la
plus belle taille , du plus aimable commerce , &
Fon ne pouvoit le corinoître ni même le voir
fans l ’aimer. La tendrefTe qu’ eu res c pour lui le
fage Pouflin & l’Albane , cet Artifte qui avoit
tant de pudeur , fuffît à fa juftificar-ion , & feroit
l’apologie de fes moeurs , s’il 11e l ’avoit pas
écrite dans la douce & vertueufe expreflion de
fes chefs-d’oeuvres.
(20) P h il ip p e B u y s t é r , naquit à Bruxelles
en 1595. » Il quitta fa patrie , dit Dandré1 Bar-
» don, pour exercer fes talens en France. II
» donna des preuves de capacité dans la compe-
» fition du tombeau du Cardinal de la Roche-
» fonçaud , Ji Sainte Geneviève, le joueur de
» tambour de bafque, le grouppe de deux fa-
* tyrès , la déeffe F lo re , le Poème faryrique ,
» & plufieurs autres figurés qu’ il fit pour le
» parc de Verfailles». II eft mort en ,
âgé de quatre-vingt-treize ans.
(21) Jean- L a u r e n t Be r n in i , né à Naples
en 1598, tint, pendant le dix-feptième fiècle, le
feeptre de deux arts, la Sculpture & l’Archw
teélure. Avec un génie fa c ile , abondant, impétueux
, il fuivit plus fes caprices que les loix
fondées par la fageffe des Artiftes de l’antiquité ,
& s’ il prêta un éclata ces Arts ,.il faut convenir
que ç’étoit un éclat trompeur qui les menaçoît de
leur décadence. Plus fa réputation fut grande 8c
méritée , & plus devint dangereufe l ’ influence
de fes défauts. La célébrité de fon nom, la réalité
de fon mérite devinrent des autorités puiflantes
pour ceux qui" s’écartèrent de la fimplicité, &
l’on ne peut abandonner la fimplicité , fans s’éloigner
de la route dans laquelle fe trouve la
véritable beauté , fans fe lalfl'er tromper par des
manières affeélées que l’on prend pour elle.
Le Bernin , fils d’un Sculpteur, fut au nombre
des enfans prodigieux : fes premiers jeux
furent des ouvrages de l’ art; il en mania les inf-
trumens en fortantdu berçeau , & dès l ’âge de
huit ans, il fit une tête de Fause qui étonna les
connoiffeurs. Conduit à Rome par fon père il
paffoit à l’âge de dix ans les journées dans le
Vatican, toujours occupé de l’étude des chefs-
d’oeuvre qu’ il renferme, & fit dès lors une tête
de marbre qui fut placée dans l’églife de Sainte
Potentienne. Les Amateurs de l’a r t, croyoienc
voir^s’élever un nouveau Michel-Ange; mais le
Bernin n’avoit pas reçu de la nature le grand caractère
de l ’artifte Florentin. Michel - Ange
étonne, inftruit, en même temps qu’il repouffe
en quelque forte par pne auftérité fauvage : le
Bernin plaît par des charmes féduéleursj mais
il attire à fui pour égarer.
La protection du Cardinal MafFei ; de la maifon
des Barberins, lui procura celle du pape Pat4
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