
La troifiéme palette a cinq couleurs : blanc |
léger , blanc de plomb, encre de la C hine, verd
de veille , terre de Cologne.
Enfin il deftine la quatrième palette à l’eflai
des teintes , des demi-teintes & des ombres qui
proviennent des couleurs primitives.
Tout ce qu’ il y a de v rai, c’ eft qu’on peut
guider un commençant dans l’ arrangement de fa
palette ; mais qu’un artifle diipofela fienne fui-
vant Tes vues, Tes observations & la pratique
qu’ il s’efl formée.
On fe fert pour la miniature, de pinceaux
faits de poil de petit gris: mais lès meilleurs font
ceux qui font faits de poils de queues de martres.
On en fait aufli de très bons avec des poils de
chats d’Angora : mais iL n’y a que les poils du
dos quiToient propres à cet ufage. I l faut avoir
des pinceaux de trois fortes de grofi'eur : les plus
gros fervent à coucher les fonds ; les moyens à
ébaucher ; & les plus petits, à finir & à poin-
ciller.
11 efl très-important d’être fourni de bons
pinceaux & de favoir les bien choifir. Pour cet
e f f e t i l faut les humeéler un peu , & après les
avoir tournés fur le d o ig t, fi tous les poils fe
tiennent enfemble, ik ne font qu’une petite
pointe, on peut juger qu’ils font bons. Si au
contraire ils ne fe raflemblent pas bien , & qu’ ils
fafîent plufieurs pointes , ou qu’ il y ait des poils
plus longs les uns que les autres, ils ne valent
rien , furtout pour le pointillé & pour les carnations.
Quand ils font trop pointus , & qu’ il n’y a
que quatre ou cinq poils qui partent les autres,
quoique d’ailleurs ils fe tiennent aflemblés, ils
ne laiflent pas que d’être bons ; mais il faut les
ébârber avec des cifeaux &prendre garde de n’ en
pas trop couper.
Pour faire aflcmbler plus facilement les poils
de votre pinceau , & lui donner une bonne
pointe, il faut le pafler fouvent fur le bord de
vos lèvres en travaillant, & le ferrer & l’hu-
mècler avec la langue , même après l’avoir trempé
dans la couleur. Par ce moyen , s’il y en a
trop, on l’ôte du pinceau^ & il n’en refié que
ce qu’ il faut pour faire des traits égaux & unis.
On ne doit pas craindre que cela farte aucun
m a l, car toutes les couleurs qu’on employé pour
la miniature, (excepté l’orpin qui efl un poilbn )
n’on t, quand elles font préparées, ni mauvaifes
qualités, ni mauvais goût. 11 faut furtout en ufer
ainfi pour poinriller & finir les carnations , afin
que les traits en foient nets & peu chargés de
couleur. Pour les draperies & les autres accef-
foires , foit qu’ il s’agifle d’ébaucher ou de finir,
on peut fe contenter d’artèmbler les poils de fon
pinceau, & de le décharger lorfqu’il efl trop
plein de couleur, en le partant fur le bord de la
coquille ou godet, ou fur le.papier blanc qui
fert à pofer la main , en donnant quelques coups
deflus ^ avant de pafler le pinceau fuj: i’ouyrage.
Ce qu’on lit au fuj et des pinceaux , dans Tan*
cienne Encyclopédie, efl très-judicieux, w II
» eflaffez difficile ^dit l’auteur, de décider fur
» la vraie qualité que doivent avoir les pinceaux
» de la peinture en miniature. Chaque peintre
» s’étant fait une maniéré d’opérer qui lui efl
» propre, choifit fes pinceaux en conféquence,
» Les uns les veulent avec beaucoup de pointe
» & très-longs, quoiqu’ aflez garnis -, d’autres les
» choififlent fort petits & peu garnis. I l femble
» cependant qu’on doit donner la préférence à
t> un pinceau bien garni de poils, pas trop long ,
» & qui n’ait pas trop de pointé : il contient plus
» de couleur ; elle s’y féche moins vice , & la
» touche en doit,être plus large & plus moël-
» leufe. En général la pointe d’ un pinceau doit
» être ferme & faire reflbrt fur elle-même ». ,
Quand on doit être longtemps à fefervir des
pinceaux , il faut avoir loin dé les enfermer dans
une boète où il y ait un peu de poivre fin; autrement,
il fe fourre entre les poils une efpéce de
mites qui les rongent en fort peu de temps.
Le peintre , en travaillant d’après le modèle,
ne doit tirer le jour que d’une feule fenêtre , &
même, pour que la lumière ne vienne que d’en-
| haut, il doit la boucher jufqu’à une certaine
hauteur avec une forte toile, une pièce d’étoffe,
ou par quelqu’autre moyen. Sa table efl placé«
à l ’endroit où commence a tomber le jour. Sur
cette table efl un pupitre ordinairement couvert
d une ferge , à laquelle il peut fixer fon ouvrage
à l’aide de quelques épingles.
Il commence par arrêter le trait de. fon oiir
vrage , ce qu’il fait avec des couleurs qui tiennent
de l ’objet repréfenté, mais qui doivent être
très-foibles. Enfuite il ébauche. Dans le temps
que la miniature ne connoiflbit d’autre travail
que le pointillé , c’étoit avec des points que
l’ on ébauchoit. Des artifles, en Allemagne &:
en Italie , ont confervé jufqu’à préfent cette méthode
, & feu tiennent même qu’elle conflitue la
miniature proprement dite : elle confifle à placer
les couleurs, non en touchant le fond d’un des
côtés de l’extrêmitédu pinceau ; mais en piquant
feulement de la pointe, ce qui forme des petits
points à peu près ronds & égaux entre eux. Cette
méthode uniforme demande peu d’art , mais
beaucoup de patience -, & comme fous les objet*
font traités de la même maniéré, ils paroiffent
tous de la même nature. On s’efl fait une pratique
plus favante & plus vraie. On ébauche les
fonds & les draperies à gouazze , c’efl-à-dire ,
avec des couleurs mêlées de blanc , & c’ efl encore
à gouazze qu’on les termine, quoiqu’on
puifle y introduire du pointillé, fi l’on trouve
qu’il farte un heureux effet, & qu’ il Toit nécefr
faire pour accorder le travail avec celui des parties
voifines. Comme il n’entre pas de blanc dans
les chairs, on les ébauche en lavant avec le»
teintes convenables. Partout on touche la couleur
à grands coups , comme font les peintres à
l’ huile- : mais on a foin de ne pas lui donner
toute la force qu’elle doit avoir dans le fini ; car
comme on doit pointiller par-deflus , il faut fe
réferver le moyen de fortifier le ton de fon ouvrage
, fans être obligé de le porter à un ton plus
haut qu’il ne convient.
On peut, dans la miniature , fe montrer colo-
rifleaulli vigoureux que dans toutes les autres
maniérés de peindre. Le b iflre, bien employé,
& furtout mêlé avec du carmin, efl d’un grand
fecours pour s’élever à la vigueur.
Le pointillé ne doit pas fe faire conflamment
de la même maniéré , & en ne piquant que de la
pointe du pinceau, enforte que tout l ’ouvrage
îoit compofé de petits points bien ronds. Cette
maniéré efl froide & léchée. Elle peut être d’ une
propreté capable de plaire au vulgaire ; mais elle
efl d’une monotonie & d’ une infignifiance qui
rebute les connoifleurs. On doit mêler artifle -
xnent des points ronds ', des points foiblement allongés
, d’autres qui fe c.roifent dans' tous les
fens , d’autres qui fe recourbent fur'eux-mêmes
& décrivent des portions de petits cercles. Tout
ce travail offre une variété qui plaît, quoiqu on
puifle la remarquer à peine , car il faut que les
points ne tranchent pas avec la couleur qui leur
fert de fond ; il faut qu’on reconnoifle que ce
travail ex ifle , & que partout il tende à fe cacher.
S i , par le ton, les points fe détachent de la
teinte qu’ ils couvrent, loin d’offrir l ’agrément
qu’on recherche dans la miniature , ils ne pré-
Tentent qu’un travail délagréable & qui rompt
partout l ’union.
On peut, dans ce genre de peinture, effacer
les parties qui déplaifent même dans un ouvrage
avancé. On parte avec le pinceau un peu d’eau
fur l’endroit défeélueux : on lui laifle le temps
d’imbiber la couleur, & on l’enlève avec la
pointe d’un pinceau net & un peu humeété.
On peut & l’on doit même varier les fonds : il
y en a qui conviennent mieux aux carnations
très-blanches, d’autres aux carnations brunes ou
jaunâtres. La couleur dominante des draperies
peut engager aufli à fe décider pour un fond
plutôt que pour un autre. En général, quand on
veut faire un-fond ou quelque grande partie, on
fait la teinte dans des coquilles, ou du moins on
la prépare en aflez grande quantité fur la palette,
pour qu?elle fuffife à toute la partie à laquelle on
la defline ; car s’ il falloit la recommencer, on
auroit beaucoup de peine à y parvenir , & l’ on
crouveroit toujours quelque différence.
Les fonds bruns fecompofent de terre d’ombre
oude terre de Cologne, avec un peu de noir &
de blanc : fi l’on veut les rendre jaunâtres , on y
mêle beaucoup d’ochre ;fi on les veut grifâtres ,
on y met de l’ inde. On fait des fonds bleuâtres,
^vecde l’indigo, du noir & du blanc. Des tons
g^grçjâtres fe font ayeç du noir, du flil-de-grain
& du blanc ; ôn les rend plus ou moîns clairs à
volonté, en faifant dominer davantage ou le
blanc ou le noir.
Quelle que foit la teinte du fond , on commence
par en donner une couche" très legere ;
enfuite on en reparte une fécondé plus épaifle ,
qu’on étend fort uniment & à grands coups. II
faut la coucher le plus vite que l’on peut, & ne
repafler jamais deux fois au même endroit, a
moins que la couleur ne foit féche ; car le fécond
coup emporteroit tout ce que le premier auroit
fa it , furtout fi Ton appuyait un peu trop le pinceau.
I l efl permis , il e f l ’ même très-fouven-t
nécertaire, en finiflant, de mêler aux fonds des
variétés de teintes qui tendent à les rendre moins
cruds.
Ce qu’on va lire e fl extrait du Traité de La
Miniature l’auteur fait entrer du blanc dans
les teintes des chairs ; c’ efl ce que quelques artifles
habiles hazardent avec fuccès : niais,
comme nous l’avons déjà d i t , le blanc efl exclu
des carnations; il les rend lourdes, à moins qu’i l
ne foit manié avec beaucoup d’a r t , & les teintes
des chairs doivent être légères & tran("parentes.
Ecoutons donc notre auteur avec précaution:
nous indiquerons enfuite d’ autres procédés.
Si l’on peint des femmes , des en fans ou des
perfonnes qui ayent un coloris tendre , on couche,
pour rendre leur carnation , une teinte faite
de blanc & d’ un peu de bleu. Si c’ efl une carnation
d’homme, au lieu de bleu , on met du vermillon
, & fi c’en efl une de vieillard , on met
de l’ochre. Enfuite on recherche tous les trait»
avec une teinte formée de vermillon , de carmin
& de blanc mêlés enfemble , & l’on en ébauche
toutes les ombres, ajoutant du blanc à celles
qui font plus faibles , & n’ en mettant que peu
ou point aux ombres plus fortes. On ne met preT-
que pas de blanc au coin des yeux , fous le nez ,
fous les oreilles, fous le menton , dans la réparation
des doigts , & dans tous les endroits où Ton
veut marquer quelque réparation.
Après avoir couché lès clairs & les ombres,
on fait des teintes bleues avec de l’outremer &
beaucoup de blanc pour les parties qui fuien t, &
Ton met au contraire un peu de jaune pour celle*
qui avancent. A la terminaifon des ombres, du
côté du clair , il faut confondre imperceptiblement
la couleur dans le fond de la carnation
avec du b leu , puis du rouge, fuivant les endroits.
S i, avec le verd & le rouge , on ne peut
donner aflez de force aux ombres, on les finit
avec du biflre mêlé d’ochre ou de vermillon , &
quelquefois avec du biflre pur, fuivant le coloria
qu’on veut produire, mais toujours légèrement
èc mettant la couleur fort claire.
I l faut encore pointiller fur les clairs, pour
les finir, avec un peu de vermillon, ou du carmin
, beaucoup de blanc, tant foit peu d’ochre,
pour les feire perdre dans les ombres, & pour
R r r r i j