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fa it perfonnel n’aura pas été remplie) inforntâ
fpecificâ.
Pour rendre ce dernier principe plus fçn-
fible , nous dirons que dans les métiers, par
exemple, celui du peinturage ( i ) , la condition
perfonnelle n’eft exigible dans aucun cas,
Ainli quoiqu’on fe foit accordé pour le décore
d’un appartement avec un maître peintureur
que l’on a fçu être intelligent & bon praticien
, dans l’efpérance ou même fous la convention
qu’ il travaillera lui-même à telle partie
en m arbre, à telle corniche, à telles mou*
Iures teintes en pierre ou autrement, fon obligation
fera également accomplie, quoiqu’ il ait
confié ces travaux à d’autres ouvriers. Le marché
qu’on aura fait avec lui devra avpir fon
entière exécution , fi l’ouvrage eft jugé bien
traité. Les. raifons en font i° , que le maître
peintureur aura accepté la condition de faire
lui-meme , parce qu’ il y aura été forcé pour
obtenir l’ entreprife*, z°, c’eft qu’ il n’y a pas
deux manières de bien faire les ouvrages de
métiers, & que nombre de perfonnes de l’état
font capables de parvenir complettement au
même but: au lieu que dans les arts, le goût,
& le gén ie , tendent par des effets très-divers
au but de- là1 '.perfeéHon qui ne s’atteint
jamais, & que le mérite du Corrège, n’eft
pas celui du Guide dont on defiroit jouir.
Les Jurifconfultes propofent une efpèce fort
rare dans laquelle le marché doit être annuité.
Un homme entre chez un lculpteur croyant
entrer chez Bouçhardon ,* & le nommant B qu-
jhardon à qui il croit parler, il fait chez lui
convention d’acheter une ftatue à tel prix ,
pc'rfuadé que cette flatue eft bien de Bouçhar-
don. Cette erreur de perfonney dans laquelle
l ’acquéreur eft maintenue par le ftatuaire , an-
nulle le marché ; & il en doit être ainfi toutes
le« fois que la confidération de, la perfonne
entre dans la convention , 8c qu’ il y a une fourberie
contre cette condition.
Si au contraire un amateur entre chez un
péintre croyant entrer chez Chardin, & lui demande
un tableau fans faire entendre à ce
peintre qu’ il le prend pour un autre ; l ’ erreur
étant reconnu^ quand le tableau eft fa it, l’amateur
eft obligé de prendre & de payer le
tableau. « Ce n’eft pas, dit Pothier, (z) la con-
» vention qui l’ y oblige , car la convention
» qui eft n u lle , ne produit pas obligation
» mais c’eft l’équité qui oblige à indemnifer
» celui qu’on a , par imprudence, occupé 8c
» induit en erreur » .
f l eft arrivé des conteftations fut les chan-
£1] Voyez Peinturer.
£2] Part. I..Ch. I. § 19.
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gemens opérés par l ’artifte, dans les projets
en deflins ou efquiffes qu’on avoit acceptées.
I l nous femble qu’ il n’y a qu’un cas où de
tels changemens puiflent lui être défavorables.
Ç’eft celui où il feroit démontré qu’ il auroit
fait des changemens défavantageux à l’ ouvrage,
dans 1 intention de fe donner moins de peine :
*1®$$ 9 eîïé t, la condition d’avoir tel tableau
n étant pas fuffifamment accomplie par le défaut
d’ une ou plufieurs figures effentielles dans
le fu je t, il en doit réfulter que la condition
du prix foit auffi annullée , & qu’on en donne
un qui foit proportionné à la nature de l ’ouvrage.
Mais s’ il n’eft pas détérioré par les changemens
qu’aura fait l’artifte, il d o it, quels
qu’ ils foient, recevoir le prix convenu pour
fôn travail. On aflure que notre fameux Jou-
venet ayant fait marché avec les Religieux
du Prieuré de St. Martin-des-Champs, pour
quatre tableaux repréfentant des traits de la
vie de St. Benoît, cet artifte jugea que tous
les habillemens noirs qui entreroient dans
l ’ordonnance de ces tableaux, rendroiene uniforme
& trifte le ton général du coloris. I l
ne voulut point, ce font fes termes, s’occuper
à peindre des fa c s à charbon, & fans rien
communiquer aux religieu x , il choifit quatre
beaux fujets de la vie de J. C . , & les exécuta
tels que nous les admirons dans la nef
de leur églife. Les religieux inftruits du changement
qu'il s’étoit permis dans le choix des
fujets, voulurent lui laifler les tableaux, di-,
fant que ce n’étoient pas ceux qui lui avoient
été demandés. Sur les preuves évidentes que
Jouvenet établit, qu’ il ne s’étoit déterminé
à changer de fujet que par des raifons très-
favorables au fuccès de fes tableaux, les religieux
furent forcés, très-heureufement pour
eux , à les prendre tels qu’ il les avoit faits.
D’où il eft fage de conclurre qu’ il ne faut
pas commander rigoureufement le génie &
le circonfcrire étroitement dans le cercle des
conditions qu’on aura faites avec l ’auteur
conditions dont il n’aura pas d’abord lui-même
fenti toute l’étendue ni prévu tous les incon-
véniens.
I l peut arriver par maladie, mort, ou quel-
qu’autre événement particulier, que la ftatue
la planche $ ou le tableau demandé, ait été
commencé, & foit interrompu. On demande
fi l’on eft en droit de le faire prendre dans
l’état où il fe trouvera lors de la circonftance
qui a empêché qu’ il ne fût terminé, fauf à
celui qui l’a commandé, à le faire achever
de telle manière qu’ il lui plaira : toutefois
en ne payant ledit ouvrage non-fini, qu’en
proportion de ce qui fera fait.
Sur cette queftion les Jurifconfultes ont pro-<
noncé que Vobligation de conftruire une maip
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fbn} défaire un tableau, une'Jlatue, &c. etoit
une obligation indivifiblc ; individuum obliga-
tione (1). Ainfi l’amateur ne fera pas obligé de
prendre le tableau, ni la ftatue non-finis,
bien qu’il les ait demandés. I l arrive dans ce
casqu e, pour remplir ^obligation de l’artifte,
fes héritiers, s’ils peuvent en obtenir le con-
fentement de la partie, & fi l’ouvrage eft d’ailleurs
très-avancé , le font achever par une main
habile, capable d’entrer dans les intentions
de l’inventeur : c’eft ainfi que 'Jules-Romain
a terminé le fameux tableau de la bataille de
Conftantin conçu 'pavRaphaël San\io fon maître.
La plupart des queftions que nous venons
d’examiner fur les conventions verbales peuvent
s’appliquer à celles qui font écrites, &
•nt par-Jjà le vrai caraéière de l’obligation.
Nous ne fommes entrés dans autant d’ efpèces
que par la railon que la plupart des traités
avec artiftes , 1e font verbalement.
Cependant fi l’ouvrage eft deftiné pour un
corps, tel qu’ une municipalité, une communauté
, ou un chapitre, Scc. & c . , ou fi l’ouvrage
fe fait par l’entrèmife d’un tiers qui ait
intérêt dé mettre de la précifion dans les conditions
du marché; fi enfin l’ouvrage eft de
longue haleine, & que l’artifte ait un véritable
intérêt de s’en affurer, dans la nécefftté
où il eft de renoncer à tous autres travaux
pour remplir les engagemens par rapport à
ceux pour lefquels il contrarie, alors il eft
bon , & il eft même d’ ufage que le marché'
fe falfe par écrit.
Il eft trifte d’ être obligé de confeiller aux
artiftes de faire des marchés par é c r it, dans
la crainte d’être fup,plantés par des confrères
cupides, capables de propofer un rabais fu r ie
prix convenu ; mais ces procédés ignobles ne
font pas fans exemple, & il eft prudent de
s’en garantir.
Le premier cas qui fe préfente fur les conventions
écrites , eft une fuite de celui que
nous avons traité en dernier lieu , & qui entre
dans la queftion fur Vindivijibilité de l'obligation.
Nous allons voir ici qu’il y a des ouvrages
tellement fufceptibles de divifion, que
les conventions du payement n'e doivent pas
moins s’en tenir, bien que les travaux n’ayent
pas été terminés.
Par exemple/, tel peintre eft convenu de
repréfenter , en divers tableaux , l ’hiftoire d’ un
pays ou d’un fameux perfonnage. Les perfonnes
avec qui il a contra&é, ont en cela defiré que
l’ hiftoire peinte donc il s’agit fû t , comme on
dit, de la même palette , (z) & du même ftyle.
£i] Pothier j fur Dumoulin. T. I. p. 2. Ch. 4. $ 297.
£2] Voyez l&moç Peintute,
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L’ouvrage eft interrompu par une force majeure.
On demande, fi la condition de l’indi-
vifibühé n étant pas accomplie , on fera tenu
de payer les tableaux faits. Nous croyons que
l’on doit les payer, y ayant un obftacle indépendant
de la volonté du peintre, & qui
empêche que les autres tableaux ne foient faits
par lui.
On doit diftinguer en ce cas la nature de
l indivifibilkeqm, entre plufieurs tableaux d’une
même fuite, n’eft pas aufli néceflaire ni auffi
exigible que dans les parties d’un même tableau.
Il y a , en outre, uneraifond’équité qui
doit déterminer en faveur de l’artifte qui éprouveroit,
a railon d’un événement accidentel un
préjudice bien grave par le non-payement’ des
tableaux finis. D’ailleurs ces tableaux , quoique
détachés, font terminés , & ont une valeur
reelle. Au lieu qu’ un taljjeau qui n’eft pas
fini n’en a qu’ une très-médiocre. Un motif
encore de ne pas punir l ’artifte , c’eft que le
goût qui a déterminé à la condition de l’en-
femble par le même peintre, eft la fuite
d une recherche prépieufe dans uns hiûoire
en tableaux ; mais le contraire de cette recherche
n’eft pas une imperfeéiion, 8c l’en-
treprife fe peut achever par d’autres mains :
le mélange de divers artilles pour la même
hiftôire a été employé en beaucoup d’endroits
~8c a trouvé des partifans.
D’ un autre côté un peintre ou un lculpteur
auroit entrepris & fait marché pour exécuter
une fuite de tableaux ou de ftatues, & il auroit
cédé à la convention d’ un prix médiocre
a raifon de la quanti té des ouvrages. Cependant
les perlonnes qui l’auroient mis en oeuvre
l’arrêteroient au milieu de l’entreprife, & ù, If
tendraient ne payer l’ouvrage fa it, qu’en proportion
du prix convenu pour le tout.' i
I l nous paraîtrait injufte de décider en faveur
de cette, prétention. L’evènement qui interrompt
1 entreprife totale, n’a pu être prévu
lors de la convention du prix , & caufe un
dommage évident à l’artifte. Son obligation
l’a forcé à refuler des ouvrages avantageux '
Elle a pu auffi arrêter les perlonnes inüruites
de. fon entreprife, qui en auraient eu à lui
propofer...
A in fi, l’obligation n’étant pas accomplie par
l a , défenfe de continuer l’ouvrage ; il lém_
•ble jufte que la condition du prix convenu
foit auffi annullée;. que les ouvrages faits
foient payés.-fuivant une nouvelle efiimation
& que l ’artifte foit dédommagé de fon efpé-
rance fruftree, qui falloir la baie de toutes les
conditions du marche...
La condition du temps dans l’efpace duquel
on doit, rendre un ouvrage, eft fouvent une
! claufe d’obligations dans les ouvrages de l’ art
Cependant,il le faut avouer, cette claufe tourné