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Sculpture fous un maître dont le nom eft aujourd’hui
oublié , mais il le perfe&ionna par
l ’étude de la nature & des grands maîtres. Il
refta quatorze ans à Rome où il étoit allé avec
la penfion du Roi. De retour en France, il
s’attacha à l’académie des maîtres, & ne voulut
pas fe préfenter à l’académie royale. Cela
refiembloit à de la modeftie, mais la modeftie
cache bien fouvent de l’orgueil. Il ne difli-
muloit pas à les amis qu’il n’étoit pas fâché
de. refier dans un corps où il n’avoit pas de
rivaux. D’ailleurs le Brun tenoit le fceptre
de l’académie royale, & le Pautre ne vouloit
pas foumettre fa tête au joug. Avec de tels
fentimens, ondoie prévoir qu’il fit peu d’ouvrages
pour le ro i, puifque le Brun en étoit
l e diftrilîUteur.
Il en fit un cependant auquel il doit fa
réputation : c’ eft le grouppe d’Enée enlevant
ion père Anchife, & tenant par la main fon
fils Afcagne , morceau que l’on voit aux Tuileries
, & qui eft compté au nombre des plus
précieux buvrag.es qu’aient produit les ftatuaires
françois. Peut-être les anciens juges de la
Grèce auraient ils exigé dans la figure d’ Enée
plus de grandeur, de nobleffe, d’héroïfme :
ils auraient voulu plus de beauté dans la tête
du fils de Vénus comme, ils défignoient par
un caraâère bien marqué les defeendans de
Jupiter, ils auraient demandé qu’on eût reconnu
dans Enée le fils de la plus belle des DéeiTes:
mais des jugemens fi fëvères ne conviendraient
pas aux modernes, qui font trop fouvent obliges
a l’ indulgence, & le grouppe de le Pautre
conferve la réputation qui lui a été juftement
accordée. Nous avons dit ailleurs qu’il avoit
terminé le grouppe d’Arrie & Poetus, commencé
par Theodon.
On voit de lui à la Muette, Clitie changée
en tourne-fol, & une femme arrolànt des
fleurs que lui préfente l’amour. Sa Sainte Marcelline
eft un ouvrage eftimable. C’eft lui
qui a fait pour Marly une copie libre de l’A-
talante antique. Il y a encore de cet artifte
d’autres ouvrages, dont quelques uns ne répondent
pas à fa réputation; mais le mérite
de fon Enée couvre les foibleffes de fes pro-
d a étions médiocres. Il eft mort à Paris en
17 4 4 , âgé de quatre-vingt quatre ans.
(47) Jean-Louis Lemoyne, né à Paris en
1665 . fut élève de Coyfeyox.' » I l asfait, dit
» Dandré Bardon, quantité d’ouvrages fore
’ » eftimés : un bas relief du portement de croix
» à la chapelle de Verfailles : deux Anges
» adorateurs qu’ il a fculptés pour les Inva-
» lides ; une Diane pour la Muette, & ç . Il
» s’adonna particulièrement au portrait. Celui
» du Duc d’Orléans, rég en r du royaume ; ceux
» de Manfard, de Largilliere, qui font placés
s c o
» dans les fallss de l’académie roy ale , cfdîrt
» il fut recteur, donnent une jufte idée der
» fon favoir. I l eft mort à Paris en 1755 , âgé
» de quatre-vingt dix ans ».
(48) Robert le Lorrain , Sculpteur, dont le
nom eft peu connu, parce qu’il fut mal fervi
par les circonfiances, naquit à Paris en 1666.
Il fe mit long-temps fous la difeipline d’un
peintre pour fe former au deftin, & paffa
enfuite dans l ’école de Girardon. Il gagna le
premier prix à l’âge de vingt-trois ans, &
fit le voyage de Rome avec la penfion du Roi.
Il y fit une étude opiniâtre de l’ antique &
des chefs-d’ùeuvre de peinture que renferme
le Vatican', & à force de travail, il fe détruific
la fanté, qu’il eut le bonheur de réparer en-
revenant dans fa patrie.
Il s’ arrêta à Marfeille où termina quelques*
ouvrages commencés par Puget. A fon arriver
à Paris, il trouva les travaux publics fufpen--
dus par les malheurs des temps, & apprit
qu’un nouveau réglement pour l’académie
royale, ne permettait plus de recevoir d@r
nouveaux artiftes, pour ne pas augmenter le
nombre des académiciens indigens. 11 fut obligé
de fe faire affilier à l ’académie des maîtres
& n’eut d’autres occupations que celles que
lui fournirent quelques amateurs. Ses ouvrages
ne furent, que des morceaux de cabinet,, entr«
lefquels on cite une Andromède coulée, en-
bronze. Mais la plus grande partie de fcm temps
1 étoit confacrée à exécuter en marbre les modèles
de Girardon. Ce fut lui qui exécuta le
maufolée de ce ftatuaire à Saint-Iandri. C’é-
toit ainfî qu’en travaillant beaucoup, il rêftoi*
dans l’obfcurité.
Cependant la permifîion de faire des éleélions
nouvelles, fut rendue à l’académie royale, &
le Lorrain y fut admis avec, unanimité dé
fufTrages. Il donna pour morceau de réception
une Galgthée. Ce fut à-peu-près vers le même
temps qu’il fculpta une femme pour la cafcade
ruftique de Marli.
Il fe vit enfin chargé de grands travaux ,
mais loin de la Capitale & des lieux fréquentés
par les artiftes & les connoiffeurs. Le Cardinal
de Rohan le choific pour décorer en
Àlface-fon Palais de Saverne. Ce fut là que
le Lorrain, fans confidérer le traité qu’ il a voie
fait & qui lui étoit médiocrement avantageux
facrifia fos intérêts & ceux de fa famille au
defir de produire de grandes chofes : ce fut-là
qu’il dépota les monumens fut lefquels il ef-
peroit fonder (a gloire , & qui furent détruits
en 1779 par l’incendie qui confuma ce palais.
Il ai oit commencé les fculptures extérieures
1 du palais épifcopal de Stralbourg ; une attaque
I d’apoplexie l’obligea d’abandonner ces travaux
I qui furent terminés par une main peu digne
s e t )
Vafïocîer â la fienne. Ainfi les événetnens fe
font accumulés pour s’oppofer à fa réputation
'pendant fa Vie & après la mort.
On peut fe former une idée de fon raient
par les ftatues des quatre faifons qu’ il a faites
pour l’hôtel de Soubife , par le bas-relief des
chevaux d’Apollon , par ceux dont il a décoré
un maufolée de la maifon de Laigue aux Jacobins
de la rue du Bacq, par une figure de Bac-
chus dans les jardins de Verfailles & par
quelques ouvrages dans la chapelle de ce château.;
enfin , par la Vierge en marbre de la paroi
fie de Marly.
Pendant les fréquens loifirs que lui laifloit
fon indolence à fe procurer des travaux , il fai-
foit des têtes de fantaifie qui font difperfées
dans les cabinets; il réufiîfl’oit principalement
à celles de jeunes gens & de femmes. Van-
clève l’invïtoit un jour à ven'r voir une tête
de bacchante qu’il avoit acquife & que . ce
fculpteur prènoit pour une antique. Le Lorrain
fut agréablement furpris en reconnoiffant un
de fes ouvrages.
Il aimoit à vivre dans la retraité , né remontrait
pas , ne cherchoit pas les occafions de fe
faire confier des entreprifes : il falloir qu’on
vînt le chercher, & l’on cherche rarement les
hommes à talens qui fe cachent. On dit qu’ il
1 travaillait fouvent fans autres apprêts que de
pofer le marbre for ün tonneau , n’ayant pour
ntodèle qu’une maquette , un defîin, ou le
projet qu’il avoit dans fa tête. Mais avec cette
manière libre d’opérer, il gâtoit quelquefois
lès morceaux qu’il étoit près de finir. •
Après avoir éprouvé plufieurs attaques d’apoplexie
, il eft mort à Paris en 1743 , âgéNde
foixante-dix-fept ans. I l paraît avoir moins
cherché le grand , que l ’agrément & le goût.
(49) Angêio Rossi, né à Gènes en 1671,
fe diftingua comme fculpteur & comme deflî-
îiateur. Il apprit fon talent dans fa patrie &
à Venife; mais ce fut à Rome qu’à l’âge de
dix-huit ans , il vint le perfe&ionner &
l ’exercer. I l fe fit connoître par deux bas-
reliefs qui contribuent à la décoration de la chapelle
de Saint Ignace dans l’églife du Jefus. Le
bas-relief qu’il exécuta pour le tombeau d’A lexandre
V I I I , & qui repréfente plufieurs ca-
nonifations faites par ce pontife , eft regardé
comme le plus beau de ceux qui décorent la
bafilique de Sains Pierre. L’auteur confulta la
nature même pour les moindres détails , & ne
fe permit de traiter les acceffqires les plus in-
difiérens, qu’après en avoir fait des études répétées.
Ses loins furent couronnés par le plus
grand fuccès, & cet ouvrage fut moulé par
ordre de Louis X IV , qui voulut qu’un plâtre
en fût dépofé dans l’école Françoife de Rome ,
comme un exemple que les élèves de. l’arc de-
& C U 3.e»,
voient toujours avoir fous les yeux. « La
» compofition , dit Dandré Barbon , en eft cta-
» blié fur un plan circulaire : les figures y
» font diftribuées de manière que le héros du
» fujet, placé fur le bombage du folidè, eft le
» plus apparent & reçoit les accidens les plu*
» lumineux. Celles qui font furies lires tour-
» nans aboutirent au fond du bas-relief, fans
» que l’art lemble y conduire, On dirait q ue,
», dans ce morceau de fculpture, la nature
» feule fait tous les frais de l’illufion : c’eft
» le génie & le favoir qui ont varié , d’un tadl
» fin , le caractère des ,chairs & celui des
» étoffes, & qui ont répandu, fur tous les ac-
» ceffoires, le goût & la vérité ».
On parle avec beaucoup d’éloge du bas-relief
de la Piété, ouvrage du même auteur, qui
eft conferve à Gènes, & de celui de la Prier»
au jardin des Olives, dont il fit préfent au Cardinal
Ottoboni.
On (liftingne entre fes ouvrages de ror.de-
boffe, qui font en petit nombre , la ftatue
coloffale de Saint Jacques le mineur à Sain*
Jean de Latran , & un petit Satyre mangeanc
une grappe de raifin.
Mais la gloire eft fur-tout fondée fur le mérite
fupérièur de fes bas-reliefs. On dit que ,
dans ce genre , il a furpaffé tous fes' prédé-
ceffeurS, & a fervi de modèle à ceux qui fon s
venus après lui. Il ne traitaitpas les bas-reliefs
à 1* manière de l’Algarde qui donnoit une
faillie considérable aux figures du premier
plan , .& faifbit du bas & du plein relief un
mélangé qui a trouvé des approbateurs iiluftres
& d’ illuftres cenfeurs ; mais il obfervoit ce
demi-relief qùi approche plus de la manière
des anciens. L’étude , le tra v a il, le chagrin
de voir fes talens mal récompenfés, altérèrens
la fan té de cet artifte , qui n’étoit pas moins
aimable par fon caractère & fes moeurs , qu’e fti-
mable par fes ouvrages, & le conduifirent au
tombeau en 17 1 5 , âgé de quarante-quatre ans.
(50) Guillaume CouStou , frère de Nicolas
, naquit à Lyon en 1678, fut élève d«
Coyfevox , & iurpaffa fon frère. Parti pour
Rome avec la penfion du R o i, des tracafteries
l’empêchèrent d’en jouir. Avec un talent encore
naiffant, il fut obligé de travailler pour
vivre .dans cette capitale des arts, où les talens
confommés ont peine à fixer , l’attention,
. Les dernières relfources lui manquoient ; il fe
difpofoit à partir pour Ccnftantinople , lorfqu’ îi
fut recueilli par le Gros, & il travailla, fur
le modèle & fous les yeux de ce grand maître
' au bas-relief de Saint Louis de Gonzague. De
retour à Paris , il donna pour fa réception à
. l’acaaémie royale Hercule fur le bûcher, & f i c
quelques années après , pour les jardins de Mar-
l y , les figures de Dafliné & d’H.ipjJoraènç, J>