ofi croît fentir que ce mérite eft le produit :
de l ’ imitation, 8c que l’auteur n’ eût pas fait
ces tableaux, s’ il n’avoit pas été précédé par
le Sueur & par le Poufiin; Peut-être que fi
ces morceaux euffent été entrepris par ces deux
peintres, ils ne fe furent pas permis de donner
tant de valeur à leurs fonds d’architecture
: ils euffent craint de nuire au fujet par
ces accefïbires. Ces obfervations n’empêchent
pas que l ’auteur ne doive être compté entre
nos fort habiles peintres. On voit, au château des
1 uileries, un' grand nombre de plafonds peints
de fa main ; il avoit foixante & dix-huit ans,
quand il peignit d’une grande manière, aux
Invalides ,^la voûte du fanâuaire. Il eft mort
en j 1? 0? r âgé de foixante & dix-neuf ans.
Indépendamment des ouvrages dont nous
avons parlé, on voit de lui la Samaritaine dans *
le choeur des Chartreux ; une Magdelaine aux
pieds du crucifix, dans l’églife devl’Affomption.
'Ses quatre tableaux peints à Rome & envoyés
au R o i, ont été gravés par Duchange,
& par les deux frères Dupuis.
Antoine Coypel , fi fs de N o ë l, né à Paris
en 1661, fut élève de fon père , qui le mena
avec lui à Rome;, mais ni la vue ides chefs-
d oeuvre de Rome , ni l ’exemple de fon père ,
ne purent lui infpirer le goût de la véritable
grandeur, qui ne fe trouve qu’avec la fimpli-
cité. I l fe lia d’amitié à Rome avec le Ber-
n in , il aima fa manière, il écouta fes con-
feils ; rc’étqit perdre d’un côté ce qu’ il auroit
g agner de l ’autre par les études’ qu’il fai-
foit d’ après Raphaël & les Carraches. Il con-
ferva toujours un goût affeélé que put lui infpirer
le Bernin; il ne lui relia rien des beautés
vraies que les Carraches 8c Raphaël pou voient
lui faire connoître. D’ailleurs il revint à Paris
a 1 âge de dix-huit ans ; c’eft-à-dire , qu’ il
fortit de Rome à l ’âge où il auroit pu lui
etre utile d’y arriver. Il n’avoit que dix-neuf
ans quand il f i t , pour Notre-Dame, le tableau
qui rëpréfente l’Affomption de la Vierge. I l fut
nommé, à l ’âge de vingt ans, premier peintre
de Morifieur, frère unique du ro i, & devint
premier peintre du roi è-n 1715.
Les défauts d’ un homme médiocre ne font
pas contagieux. Pour qu’ un artifte puiffe gâter
une école , il faut qu’il ait un talent capable
d’en impofer, & en même temps un goût v i cieux..
Coypel étoit fupérieur a plufieurs ar-
tifles dont nous avons parlé même avec quél-
qu’éloge ; mais il a été:funefte à l’école Fran-
ç ô ife , précifément parce qu’à fes vices il a
joint des qualités affez féduifantes peur fe faire
regarder comme le premier peintre de fon
temps, & furtout parce que fes vices étoient .
précifément ceux qui fafeinent les yeux du
vulgaire. Parce qu’il fàyôit agencer d?une ma*"
niète théâtrale ce qu’on appelle une grande machine,
parce qu’ il répandoit dans fes tableaux des
traits de bel efprit, on crut qu’ il pofl'édoit la
véritable puëtique de l’art; parce qu’il donnoit
a fes femmes des ph-yfionomies purement fran-
çoifes, on crut qu’ il les faifoit belles : parce
qu^il leur prêtoit des minauderies , on crut
qu il leur donnoit de la grâce : il leur don-
noit -en effet toute celle qu’ elles pouvoienc
apprendre des maîtres de danfe , toute celle
par conféquent, que .rejette la nature. I l con’
fuitem le comédien Baron fur les'attitudes
q u il devoit donner à fes figures, & travel-
tifloit les héros de l’antiquité en héros de
theatre. I l adopta , -il tâcha d’éternifer par fon
pinceau toutes les afféteries qui étoient alors
a la mode, & il plut à la cour, parce que
la cour fe rqconnoiffoit dans fes ouvrages &
voyoit avec plaifit que l’art prenoit exemple
d elle pour s’écarter de la nature. A tout cela
il joignoit un coloris d’iv e n ta i l, que les gens
du monde appelaient une belle couleur.
Le plus confidérable de lés ouvrages ’ celui
où il avoit cherché le plus à déployer tous fes
talens, &. dans-lequel il avoit peut-être le
mieux développé tous fes défauts, étoit la
nouvelle galerie du Palais-Royal, qui vient
d être détruite , & dans laquelle il avoit re-
préfenté quatorze fu jets de l’Enéïde. Par l’air
françois, par les manières de -l’ancienne cour
q u il avoit répandues dans ces morceaux, on
pouvoit dire qu’il avoit fait une Enéide tra-
iveftie.
On voit à Paris un grand nombre dé fes
ouvrages^ entr’autrès deux tableaux à Notre-
Dame , 1 Aflbmpcion dont nous avons parlé
& léfus-Chrift dans le temple avec les docteurs
; trois tableaux dans l’eglife dè l’Affomption,
qui repréfentent la Vifitation , la Conception
& la Purification ; un à l’Académie
des fciences , dans lequel Minerve tient le
portrait de Louis- XIV ; quatre à l’Académie
des belles-lettres, entre lefquels fe remarque
un Apollon manière, -fans beauté, fans no-
bleffe, qu’ on pourroit appeller l ’Apollon dan-
Feur.
_ I l faut le répéter : malgré cette critique
févère, Antoine Coypel n’étolt pas un peintre
médiocre. Il n’étoit point né avec le génie du
grand : mais il avoit de l’efhrit, de l’abondance
, de l’agrément, un deflin affez eorreéU
une exécution affez banne, quoiqu’ un peu
sèche ; s’ il avoit fait de meilleures études
s’il n’avoit pas été égaré par un faux goût ’
il tiendroit un rang diflingué, non pas entre
les grands maîtres, mais entre les fort bons
peintres-. , -
Si quelqu’ un étoit choqué du jugement que
nous avons porté d’Antoine Coypel nous
a llo n s , pour réparer notre faute, tranferire
celui de Bandré Bar don. « Audi poète que
» peintre, dit-il, il mettoit dans fes compofi-
» tions tous les agrémens de l’efprit & du
» génie. Il en relevoit la nobleffe par un co-
» loris animé, par des expreflions v ive s, pa-
» thétiques , frappantes} & furtout par les
» grâces ou la fierté qu’ il imprimoit lur les
» airs de tête ».
On peut choifir entre ces deux opinions, &
celle de Dandré Bardon, artifte eftimable,
fembleroit devoir l’ emporter. Mais qu’il nous
foit permis de demander feulement fi les fi- -
neffes du bel efprit peuvent être qualifiées de
poéfie & de génie , fi des minauderies peuvent
former des expreflions fortes, fi l’affeterie eft
de la grâce, fi des airs de comédiens font de
la nobleffe & de la fierté? Nous ne dirons pas
cependant que le jugement de Dandré Bardon
foit. abfolument faux. Il a confidéré Coypel
par les plus beaux côtés de fes meilleurs ouvrages
: nous avons appuyé fur fes défauts ,
parce qu’ ils femblent former fon caraâère
d iftin& if, & parcë^qu’ ils peuvent être dangereux.
Antoine Coypel eft mort en 1722, âgé de
foixante & un ans.
I l a gravé lui-même à l’ eau-forte. On a de
lui Démocrite , Bacchus & Ariane, terminé
par G. Audran, un Ecce Homo 8c un'e Gaia-
thée, terminés par Ch. Simoneau. N. Tardieu
a gravé, d’après C o yp e l, les adieux d’Heélor,
la colère d’A c h ile , Vénus dans les forges de
Vulcain, Defplaces, Vénus fur les eaux; J.
Audran, Athalie.
N oël-Nicolas Coypel, fils de N o ë l ,
mais d?un fécond lit , & de trente - un ans
plus jeune que fon frère Antoine, naquit à
Paris en 1692; il fut élève de fon père, qu’il
eut le malheur de perdre à l’âge de quinze
ans. La fortune ne lui permit point d’aller à
Rome ; il fe forma d’ après les antiques & les
ouvrages des grands maîtres qui font à Paris.
On peut juger de fon talent en voyant le plafond
qu’ il a peint à la chapelle de la Vierge
dans la paroiffe de Saint-Sauveur, les deux tableaux
qu’ il a faits pour les chapelles fecret-
tes de la Sorbonne, Cfc furtout fon Saint-François
de Paule dans la facriftie des Minimes
de la place Royale. Son morceau de réception
à l’Académie repréfehte l’enlèvement d’Amy-
mone. I l eft mort à Paris en 1735 1 âgé de
quarante-trois ans, lorfqu’ il commençoit à acquérir
de la réputation.
Il a gravé lui-même plufieurs morceaux à
l ’eau-forte. J. Danzel a gravé, d’après lu i, une
charité romaine.
Charles-Antoine Coypel , fils d’ Antoine ,
naquit à Paris en 1694; il fut élève & imitateur
de fon père, mais avec une très-grande
infériorité. La faveur l’éleva à la place de
premier peintre du roi. Son grand défaut, que
rien ne peut réparer, étoit de manquer abfo-
lument/ de caraétère. I l defilnoit fouvent à
l ’Académie, dont il étoit le chef par la place
de direéleur : un foir , un jeune élève fe gliffa
derrière lui : Tu a s , lui dit-il, un bel habit
de velours, & tu dejjïnes une figure de camelot;
puis il fe perdit dans la foule. Charles Antoine
quitta l ’hiftoire pour la bambochade ,
& fe.trouva encore inférieur à ce genre. I l
eft mort en 1752, âgé de cinquante-huit ans.
(281) Grégoire Brandmuller de l'école
Allemande , né à Bâle en 1661, s’avança dans
la fcience du deflin en copiant des eftampes ,
fit des progrès dans la peinture en recevant
les leçons d’ un peintre trèsrmédioere, & vint
enfin à Paris, où il entra dans l’école de le
Brun. Il aida bientôt après ce maître dans les
grands ouvrages dont il étoit chargé. Il avoit
de la chaleur dans la compofition, de la cor-
reélion dans le t ra it, de la jufteffe dans l ’ex-
prefïion, une bonne couleur, & des teintes
bien fondues fans être tourmentées. Lés A lle mands
regardent comme un peintre du premier
rang cet artifte qui eft mort avant l’ agê de
trente ans en 1691.
(2 8 a ) Jean André, de l’école Françoife,
né en 1662 , entra dès l’âge de dix-fept ans,
en qualité de ftè fe , dans l’ordre des Jacobins.
Il étoic déjà affez avancé dans l ’art pour
montrer des talens qui méritoient d’être cultivés
: fes fiipérieufs eurent le bon efprit de
les reconnoître, & l ’envoyèrent à Rome, où
il eut quelques liaifons avec Carie Maratte.
De retour à Paris, il fut lié avec la Foffe &
Jouvenet. I l a décoré de fes ouvrages un grand
nombre de maifons de fon ordre , & furtout
celle de la rue du B acq , à Paris , dans laquelle
il demeuroit. Sa manière tenoit plus
de Jouvenet que d’aucun autre maître. Comme
il eft parvenu à un âge fort avancé, il a laiffë
des ouvrages foibles , mais il n’en a poinç
fait de mauvais. I l eft mort à Paris en 1753,
âgé de quatre-vingt-onze ans. Je l ’ai connu
dans mon enfance , & je l’ai vu peindre pref-
que jufqu’aux derniers inftans de fa vie.
Defplaces a gravé, d’après ce peintre, le
pape Pie V obtenant, par fis prières, la v ic toire
de Lépante ; & Pierre D r e v é t , f ils ,
Jéfus-Chrift au milieu des Doéieurs.
(28?) Hyacinthe Rigaud, de l’école Fran-
çoife* né à Perpignan en 1659, prit à Montpellier
les leçons d’un peintre de portraits
nommé Ranc, imitateur de Van-Dyck. I l vint
enfuite à Pa ris, dirigea fes études vers le
genre de l’ hiftoire, & remporta le premier
prix. Ce fut en qualité'de peintre d’hiftoire
qu’ il fut jeçu à l’Académie Royale ; il ne