
à Marfeille Sr fut mandé à Toulon par îe duc
de Brezé , amiral de France, qui le chargea
de faire le modèle du plus beau vaille au qu’il
pût imaginer. Ii paffa quelques années dans 4*a patris, &: retourna à Rome où il ne s’occupa
que de la peinture & du deffin des principales
beautés de cette v ille : il ne revint
à Marfeille qu’en 1653 , & eut une maladie
dangereule, après laquelle on lui conseilla
d’abandonner le pinceau , 8c de fe faire des
occupations plus proportionnées à fes forc.es
corporelles qui exigeoient de l’exercice. Dès
lors il fe livra tout entier à l’archite&ure &
à la fculpture. I l auroit été perdu dans la foule
des peintres qui ont eu du talent fans avoir
le premier des talens; la maladie qui menaça
fes jours fut la caule de fa gloire.
On dût prévoir le grand nom qu’il fe fe-
roit dans la fculpture, quand, pour coup d’ ef-
la i , il produifit les deux termes eollbfiaux qui
fouciennent, à Toulon, le balcon de i’hôtel-
de-ville : ouviâges que leur beauté auroit fait
tranfporter à Verfailles, comme Louis XIV
l ’avoic ordonné fur le rapport du marquis de
Seignelay , s’ ils n’avoient pas été compofés de
plufieurs pièces.
I l fut attiré à Paris par un amateur, pour
lequel il fit au château de Vaudreuil, en
Normandie, une figure & un grouppe en
pierre, dans la proportion- de huit pieds :
l ’ une repréferuant Hercule, l’autre la terre
qui couronne Janus. Le Pautre les v i t , il en
parla à Fouquet. & le furintendant voulut
être des premiers à occuper l’habile ftatuâire.
Il le chargea d’aller choifir lui-même à Gênes
les plus beaux marbres pour les ouvrages qu’ il
lui demandoit. Puget partit, s’acquitta d e là
commiflion , 8c pendant qu’ il v eillok à Rembarquement
des marbres, il fit l ’Hercule Gaulois
aujourd’hui placé dans les jardins de Sceaux. 11 alloit repafier en France , quand il apprit
la diigrace de Fouquet. On lui propofoit à
Gênes des ouvrages importans: il y refia, &
fit pour l’églife de Notre-Dame de Carignan
un St. Sébaftien, & un bien heureux Alexandre
Saoli*, ftatues en marbre de treize pieds
de haut. Bientôt après il exécuta, pour le duc
de Mantoue, un bas-relief repréfentant l’Af-
fomption. Lebrun, qui venoit en Fran ce , le
détourna de fa route pour voir cet ouvrage &
l ’admira. I l en parla à Colbert, qui engagea
le roi à rappeller le Puget en France, avec
le titre de fculpteur & directeur des ouvrages
concernant les ornemens des vaîffeaux , & une
penfion de douze cents écus.
V Pendant que le Puget étoit à Gênes, un
noble lui demanda une .ftatue fans convenir
du prix. La ftatue fut terminée, ce noble l’admira
mais il crut pouvoir difputer pour la
femme que Panifie en demandoit, P uge t, fans
perdre le temps à contefler, brîfa la fiatue,
& adreflànt la parole au Génois : « je lii 9
n plus noble que vous, lui dit-il, car je fais-
» dédaigner le prix de mon travail, & voi
» n’avez pas la noblefie d’employer votre ar
» gent a acquérir une belle choPe ».
U le délaffoit à Toulon de fes travaux po;
la marine, en ébauchant le grouppe d’A
lexandre & Diogène qui ne fu t . terminé ,q
longtemps après. Plufieurs blocs de marbre g*
Gênes dévoient être embarqués pour le Havre-
de-Grace -, il en obtint trois de Colbert, &
de l’ un d’eux , il fit fa célèbre ftatue de Mi-
lo n , placée dans le parc de Verfailles, &
qui allure fa réputation. L’exprafilon de douleur
, de force 8c de réfiftance y eft fenfiblr
dans tous les membres. Par tout le marbre a
perdu l’apparence de fa dureté & pris la fou-
plefle de la chair. Ce morceau , le chef-d’oeuvre
de l’on auteur, èc l ’ un des plus beaux ouvrages
qu’ait produit le cileau des modernes ,
ne le céderait pas même au Laocoon antique
fi les formes avoient la même pureté Puget
ne pouvoit trouver aucun modèle alfez in tel-
lig en t, allez fenfible , pour pofer le pied fouf-
irant de 1 Athlete. I l le pofa lui-même en.
mettant danscette panie toute l’expreiïlqn qu’il
avoir dans fon ame , fe fit mouler le pied y
& travailla fon marbre d’après ce modèle*
Eloigné de Paris, il étoit étranger aux cabale»
des artiftes, 8c ceux-ci avoient intérêt de ne
pas ex pofer fes talens dans le plus grand jour,
Aufii parvinrentrils à faire placer fon chef- ,
d’oeuvre dans unen droit détourné du parc. Mai®
Louis X IV , qui favoit quelquefois pénétrer 8c
déconcerter les petites manoeuvres de. l’envie •
ordonna de le placer à l’ entrée de l’allée royale,
Il délira que l’auteur s’occupât d’ un ouvrage"
correspondant, & Puget fit-le grouppe d’Andromède
délivrée par Perlée. Le roi préféra-
ce grouppe au Milon, Jugement qui ne fut
pas confirmé par l’auteur ,& que n’a pas ra~
tifié la poftérité. La beauté , la noblefie héroïque
îk par conféquent idéale,étoit néceffaire-
dans ce morceau, & on ne la trouve pas dans
la figure .de Perfée : loin d’être un héros fils
de Jupiter, & lïipérieur à la nature - humaine,
il n’efi pas même un jeune homme-
d’une beauté remarquable. L’Andromède a une-
tête plus agréable que belle : mais le Puget-
feul pouyoit exprimer la délieateffe, la mor-
bidezze des chairs qu’on ne. peut trop admirer
dans cette figure charmante. Elle femble trop-
petite par comparaiibn à celle de Perlée : i’nu~-
teur s’exeufoit fur la mal ad refie d’ un aîtifie<
à qui il en avoît confié l’ébauche, & q uia vo it-
gâté le marbre-
Cet ouvrage avoir été préfenté au roi par
le fils du ftatuaire; il vint lui-même à la cour en
168S , fut touché de l’accueil du monarque 8e:
peu fatisfait du prix que les mînifires mirent à
,fes travaux. Il ne refta que fe.pt à huit mois
-éloigné de fon pays 8c ne confenrit à recevoir 4a vifite d’aucun artifte. Il ne pouvoit ignorer
que quelques 11ns ne rendoient pas juftice
à fes talens, & il les enveloppa tous dans la
haine. Coyfevox vint un jour dans fon attelier
fans lui être connu 8c conduit par un ami
commun : mais, cet ami eut l’imprudence de
le nommer, 8c le Puget prenant aufiitôt Parti
fie par les épaules, le fit fortir en lui dliant :
» eh quoi ! Moniteur Coyfevox, un habile
» homme comme vous vient voir travailler un
:» ignorant comme moi ! »
On lui ofFroit des ouvrages à Verfailles :
•mais Lebrun abwfant de fa réputation 8c de fa
qualité de premier peintre:, s’obftinoit à fournir
les defiins des travaux demandés par le r o i ,
& à paroîrre les diriger. Le Puget ne voulut
pas fléchir fous le défpote des arts , & s’èm-
prefla de quitter un pays où le génie lui-
même étoit enchaîné.
Ce fut après fon retour qu’ il termina fon .
bas-relief d’Alexandre devant Diogène. Il Renvoy
a à Paris ; mais cet ouvrage n’y fut pas
goûté, on ne lui afligna pas de place 8c il refia
négligé dans la falle des antiques. On y trouve
.de l ’incorredipn , trop peu de noblefie, des
figures qui fembleroient avoir été exécutées
-fur les defiins de Jordaëns , & qui tiennent
•plus au ftyle trivial de ce peintre flamand
qu’à la beauté antique : on y voit un cheval
qui n’a pas été étudié fur la nature : mais on
y remarque aufii des parties qui font recon-
noître la main du maître. Ce font ces parties
qui ont fait dire à Dandré Bardon : « l’en-,
» thoufiame qui y brille, le feu qui perce de
» toutes parts font fi' féduifans qu’à peine
» a-t-on le temps de s’appercevoîr des négli-
» gences échappées au fculpteur. Difons toute
» le charme qui en réfulte eft capable d’a-
» doucir l ’humeur même de la cenfure di£
» pofée à les relever ». M. Falconet, plus
fenfible.aux défauts qui dégradent ce bas-relief
& que fes beautés ne font pas capables de répa- •;
r e r , a dit que c’étoit d’ouvrage foible d’un
*rès-favant artifte, qui a rifqué un genre qu’ il
n’a voit pas étudié & q u’ il ne fentoit pas. Cependant
cet artifte avpit déjà fait, comme nou«
l ’avons d it , le bas-relief de TAfibmption
admiré par le Bernin. Ce fut aufii par un
bas-relief qu’ il termina fa carrière , il n’eut
pas même le temps de le finir. Il répréfente
la pefte de Milan. On dit qu’il eft incor-
* eÛ , mal deflïné & qu’il fe refient de la
.vieillefie de l’ artifte.
L e P u g c t mourut dans fa patrie en 1634 âgé
jde foixante-douze ans. Peut-être, depuis Mi-
p h e l-An g e , aucun artifte n’avoit reçu plus
que lui le génie de la fculpture. Ses défauts
font balancés par des qualités qui le placent
dans le petit nombre des plus grands ftatu^ires.
Heureux fi , comme les anciens, il avoir été
curieux de la plus grande correélion & fen—
nble a 1 amour de la beauté : la beauté, la
correélion, la noblefie font bien-plus indilpen-
lables encore dans la fculpture que dans la
peinture, qui répare l’abfence de ces qualités
par les charmes féduifans du clair-obfcur &
de la couleur. Comme Michel-Ange , il travaillait
le marbre avec une hardiefie qui a l-
loit jufqu’à l’audace, n’ayant foûvent pour
§ dinger qu’ un petit modèle ou même ‘ une
maquette, & négligeant les aplombs , les
compas, les équerres. Ses contemporains, dit
M. IJ... afiuroîent avoir vu une partie de fon
Milon fort avancé, tandis que le refte n’étoic
pas encore tout-à-fait dégrofii.
nant aux Suifles fur les confins de l’état de
Milan. Venu jeune à Rome, il entra dani
tecole de 1 Algarde, perdit trop tôt ce maître
& fut admis entre les élèves du Bernin. On
lait nu il parvint aux honneurs d’académicien
de Rome. Il a fait dans cette ville un grand
nombre douvrages, ce qui prouvé du moins
qu il etou I m des artifles eftimés de Ton temos.
U leroit -tres-itiutile d’ entafler ici les titres de
les produSions, lorfque nous ne pouvons en
apprécier le mérite & le caraflère. Nous avons
a Pans, aux Carmes Déchaux, un morceau
de fa main, mais fait fur le modèle du Bernin,
& qui n’eft pas d’ailleurs d’une beauté
remarquable: c’eft nue vierge . tenant l ’enfant
Jelus fur fes genoux. Cet artifte fe procura
par fes talens une fortuné confidtrable
& mourut en i6 d é , âgé de foixante & deux
ans.-
reçut dans fa jeunelfe des feçours qui ontiou-
vent manqué aux grands talens, fut envoyé à
Rome par Louis X I V , eut de ce Prince une
penfion de 3000 livres, 8c ne manqua pas d’oc»
cupations a fon retour i mais tous ces avantages
ne purent Remporter fur la nature qui ne lui
avoir donné^que les difpofitions qui conduifenc
a une honnête médiocrité. On regarde comme
fon meilleur ouvrage, les trois nymphes pla-
dy.r,‘f re J* dieu dans les bains d’Apollon
a yerfai,les. On ne peut rien conclure contre
lu. de ce qu elles font exécutées fur lesdeflins
de le Brun : nous avons déjà, obfervé que les
plus^ grands ftatuaires étoient fournis à cette
fervirude. Le grouppe fort médiocre, de Cvbèle
en.evce par Saturne, dans les jardins des Tuil-
l.çrjçsj eft %ufli 4e cec artifte qui mourut ea
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