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( 346 ) François Bouchçr, de l’eçoîe
Françoife, né à Paris en 1704, fut; éleve de
le Moine. Jamais peintre n’a plus abufé de
difpofitjons brillantes, d’une extrême facilité;
jamais artifte n’ a témoigné pins ouvertement
fon mépris pour la vraie beauté, telle qu’ elle
nous eft offerte par la nature choifie, telle
qu’ elle a été fentie & exprimée par les Actuaires
de l’anqienne Greée & par Raphaël ;
jamais aucun n’a excité u n . engouement plus
général. I l enterjidôit très-bien la machine pit-
toerfque; c’ eft ce qu’il a prouvé par quelques
tableaux , & furtout par des efquiffes qui l’ont
fait regarder comme un homme d,e génie :
mais le génie de l’art ne coniifte pas dans
l ’agencement d’ un fujet; mais dans la manière
ju fie , vraie , profondément fentie, dont il eft
exprimé. I l y a plus de génie dans une figure,
dans une tê te , quelquefois dans le mouvement
d’une main de Raphaël , que dans tout le
fraç.as de Luc Giordano, de Romajie.lli , de
Solïmene. I l y a plus de génie dans quelques
vers de Racine-,' que dans la pompe 8c le
mouvement exagéré de bien, des tragédies modernes,
Les tableaux de Boucher prouvent
qu’ il droit incapable de donner à fes ouvrages
la beauté , l’exprëfïïon, les réflexions qui étoient
néceffaires pour exécuter fes efquiffes oc en faire
des ouvrages de génie. Qu’importe quç, dans
les croquis, des figures fuuent pittorefquçmenc
difpofées? A v o it - il, pour les traiter avec gé-;
n ie , famé de Raphaël ou celle du Domini-
qulnf
"Mais n’ e ft- il pas du m.oins le premier des
peintres,pour le genre paftoral? Dans ce genre
même il n’a encore donné, que dés agencement
à la vérité pleins de' goût : il a eu des
idées , mais il ne les: a pas rendues. Ses,
bergeres ne font pas même jolies , fes bergers
font fouvent affreux , fes têtes n’ont pas
irexpreflîon : ce font prefqq.e toujours des
amans , 8c ils ne lavent pas dire qu’ ils ajment.
Un grand mérite. d,e fes tableaux copfifte. dans
des-objets champêtres, jettes , groupées , dif-
rerlVs avec beauçpup de goût. Ce font fes
compcfitions qui ont fait introduire dans la
langue, des arts le mot fo u illi : on a dit que
fès, tableaux avoient un fôujilli plein de goû t,
un fo u illi oiuoreïqrie 3 un fo u illi charmant. Il
a donc furtôut la gloire d’avoir été un excellent
peintre de fouilli. Watteau ajvo.it mis
bien autre chofe danjs fes paftorales.
Bouçhec a fait le payfage-, mais fans con-
ftilter la nature. Il eft maniéré dans le feuille-,
dans la couleur ; c’eft encore du fo u illi, mais
ce n’eft pas de la vérité.
Enfin • Bouclier et oit un peintre faux 8c
maniéré dans toute les parties de l’art, abfo-
li-ment étranger au grand, au beau, à l’ex -
preifif; poffcda&t bien la machine dans prefque
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iuucc ion etenaue , capable de tout indiquer
d’ une maniéré agréable, mais incapable de rien
rendre; n’ayant jamais fait que des efquiffes,
8c- fouvent même que des croquis.
Ce jugement eft fans doute bieh févère.
Quand cm voit fes agréables compofitions,
la manière charmante 8c fpirituelle dont
il grouppoit les en fa ns, la mofleffe de fes
chairs d,e femmes , la grâce de fes mouve-
mens, le gpû.t de fes agencemens, le pitto-
reTque de Ton fo u illi, on ne fent plus que de
l’ indulgence pour fon aimable libertinage
8c l ’on partage la foibleffe de. ceux qui ont
gâte cet artifte. C’étpit un peintre enfant ,
& cet enfant étoit plein de grâce. I l eft mort
premier peintre du roi l en 1768 , âgé de foixante
& quatre ans.
L’oeuvre gravée d’après lui eft très-confidé-
rable. Noua nous, contenterons de citer le
triomphe d.’Amphitrite gravé par Moitte, 8c
la villageoife par Soubeyran.
( 347.) CeS V anloo , de l’école Françoife,
mais originaires de Flandre, fe font tous fait
un nom diftingué dans la peinture* :
Jacques V ai^ioo appartient à Fécoîe Hol-
j landoife, puifqu’il naquit à l’Eclufè en 1614,
qu’il apprit fon art dans fon pays,,qu’il l’exerça
; queJque temps à Amfterdam 8ç qu’il ne vint
I en. France qu’avec un talent formé. En Hollan-
• de , il avoit peint l’hiftoire & s’étoit fait de
j la réputatiou par fa belle manière de rendre le
: n u i En- France, il fe borna à faire le portrait,
\ 8c celui de Michel Corneille, le père, qu’ i l
donna pour morceau de réception à l’académie
royale,, rend témoignage à fon talent & fer*
• tout à la beauté de fen coloris. I l eft mort en
j 1670, âgé de cinqua-nte-fix ans..
I ' J^an.-Baptiste V aneoo., né-à Aîx en 1.6.845 1 étoit fils de Louis Vanloo, peintre e.ftimé, 8c
petit-fils de Jacques. Il avoit déjà fait des tableaux
d’ églife à Aix 8c a Toulon ; & avoit été
déjà mandé à Turin, pour y représenter la famille
Ducale , lorfqu’il fit le voyage de Rome , &
entra, en qualité d’élève,, dans l ’école de Bene-
dètto Lutti , peintre agréable , qui avoit un
pinceau frais ^ moëlleux. Il adopta la manière
élégante de Ton maître ; 8c fon deflîn tient du
; goût Italien. On voit de lui à Paris Diane &
Ëndymion dans les falles de l’académie royale,
; l’entrée de Jefus-Chrift dans Jérufalem â Sr.
Martin-d.es-Champs, Saint-Pierre délivré de
prifon à Saint Germain-dës-Prés. Ces morceaux
peuvent faire juger dé fes ralens pour le genre
de l ’hiftoire , mais il s’eft plus particulièrement
confacré à celui du portrait. Après, avoir été
long-temps occupé à Londres, il retourna dans
| fa ville natale, où il eft mort en 1745, âgé de
I foixante 8c un ans.
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L. Cars a gravé d’après ce peintre le portrait
de Ja reine de France, époule de Louis X V .
C h a r l e s AndréVanloo, qu’on nomtneCar'le,
né à Nice en 1705, étoit frère de Jean*Baptifte ;
à peine forti dé l ’enfance , il entra avec lui
dans l’école de Benedetro Lutti. I l prit aüflj
des leçons de fculpture fous le Gros, 8c ré-; .
tourna à la peinture quand il eut perdu ce
maître. I l avoit un goût fain & un bon ftyle
qui fut utile à l’école Françoife , livrée depuis
trop long-temps par Coypél & de T r o y ,
à un goût maniéré, théâtral, affeété. Il joi-
gnoit a cette qualité un ^eflin agréable, un
pinceau mpëieux & facile ; mais Î1 avoit peu
de variété, dans les airs de tête , fort peu d’ éx-
prefiion , & ne donnoit pas même à fes figures
cet efprit qui femble yTuppléer. On recon- •
noît en lui plutôt de la nobleiîe tjü’ un grand
caraélère, plutôt de l’agrément que dé la v'é- .
ritable beauté. Il métitoit _nne grand eftime,
on peut même dire que l ’école lui doit de la
reçonnoiffançe : mais U a été trop loué. On ne
craignoit pas de le comparer à Raphaël pour
led effin, au Corrégg pour le pinceau, au T i - i
®ien pour la couleur, & il ne devôit être corii- !
paré qu’ aux meilleur? peintres récens de l 'I talie.
Aux éloges outres qu’on lui prodigua
pendant fa v ie , ont fuccédé des critiqués trop
dures qui le pourfuivent après fa mort. Eh ! .
quel des peintres François de fon âge pourrions-
nous lui préférer? I l n’a qu’ un mérité très-inférieur,
fi on le compare aux maîtres qui ont fleuri
dans 1-es temps les plus briîlans de l ’art ; il eft
un peintre très diftingué quand on ne le met
en parallèle qu’avec fes contemporains. Les tableaux
qu’il a faits pour l’églife des religieux
Auguftins , nommés PetitsTères, font du nombre
de fes plus beaux ouvragés. Son morceau
de réception 'repréfente Apollon qui fait écorcher
Marfyas. 11 eft mort à Paris, décoré du
cordon de Saint-Michel & de la place de premier
peintre du roi en 1765, âgé de foixante
8c un ans. La bonté de fon caraftère, fa probité
ne l’ont pas moins fait regretter que fes
talens trop célébrés, mais qui l’élevôieftt fort
au deffus de la claffe ordinaire dés bons ar-
tiftes.
Çh, Dupuis a gravé d’après Carie Yanloo le j
mariage de la Vierge ; Nie. Dupuis E'néé qui
enlève fon père Anchife ; Sâlvator Carmona
la refurre&ion ; Porporati, Clorinde 8c Tan-
crede; S. Ch. Migér , Marfyas écorché par ordre
d’Apollon; J.Beauvàflet , 1a le& u ré& la
converfation efpagnoles : Lemp'ereut , Silene.
Louis-Michel V anloo , £!§_ de- Jean-
Baptifte, né à Toulon en 1707, a peint l’hif-
toire avec fucçès, & a été reçu dé l’académie
royale fur un tableau rebréfêntant Apollon
& Daphné; mais il s’eft confacré plus par-
tiçuiièrement au portrait. I l fut appelle à
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Madrid, par Philippe V , en qualité de peintre
d’hiftoire 8c de portraits , & revint en.
France après la mort de ce Prince. Paris n’a
pas vu fans applaudiffement le tableau, où ce
peintre s’ëft repréfenté lui-même avec fa famille
, 8c l’on a jugé que le peintre d’hiftoire
ne fe dégradoît pas en traitant ainfi le portrait.
Cet artifte ëft moirt à Paris en î j j i »•
âgé de foîxanté 8c quatre ans.
S. Ch. Miger a gravé le portrait de-Michel
Yanloo peint par lui-même 8c tenant le portrait
de Ton perè.
Amédée Y anloo, frère de Michel, a paf-
fé long-temps à Berlin , 8c â foutënu l’honneur
pittoréfque de fa famille II a peint le portrait
8c l’ hiftoire.
(348 ) Van Groot , de l’école Aîlemsnde.
Noiis ignorons le lieu, & l’année de fatnail-
fance, C’ étôit un peintre d’ un grand aient
dans le genre dès ; animaux. I l avoit une
belle couleur, beaucoup de mouvement? une
touche jufte & fpiritùèlle. I l vivoit encore à
Saint-Peterfbourg én 1780.
(3 4 9 ) Delà T our, de l’école Franooife ,
né vers 1706, eft nïott plus qu’oélogénaire.
I l s’eft fait dans le portrait au paftel une
grand réputation bien méritée. Il donnoit aux
portraits cette expreflion qui feule leur communique
la vie , qui feule leur procure une
parfaite reffemblance. I l ne travailloic pas facilement,
parce qu’il fe piquoit d’une grande
précifion , & rie fe contentoit pas de ce qu’on
appelle des à-peu-près} mais il terminoit fes
ouvrages par dés touches favantes & un travail
ragoûtant, qui leur donnoit l’apparence
de la plus grand facilité. I l a gâté , dans fa
vieilleffe, plufiéurs dé fes meilleurs tableaux,
& entre autres, le très-beau portrait de Ref-
tout qu’ il avoit donné à l’académie pour fa
réception. I l faut avouer cependant q u e , dans
ces malheureufes opérations, il partoit d’ un
grand principe ; celui de facrifier aux têtes
tout l’éclat des. acçéffoires. Ce fut par ce principe
, qu’ il changea le brillant vêtement de
foie dont il avoit drapé le portrait de Reftout
; en un fimple habit de couleür brune. Son efprit
s’égara dans les dernières années de fa
v ie ; mais , dans fa fo lie , il ne formoit que
de grandes idées, & fon imagination défor-
dônnéè étoit occupée toute entière d’une cof-
mogonie bizarre, mais fublime.
G. Fred. Schmidt, ami de la T ou r , a gravé
lé portrait de cêt artifte peint par lui-même :
Moitte a gravé le portrait de Reftout ayant
qu’ il eût été gâté par le peintre.
3 50) JosEVH V eRneT1, de l’écoe Françoife
, & l’un des peintres qui, dans un genre