
» en font fortes. I l n’y a point d’effet de lu-
» mière ou très-peu , & la couleur eft rouge
» dans les figures d’hommes.
» Dans l’autre allé du bâtiment, on Voit
» une chambre toute peinte de grands morceaux ,
» mêles de plus petits en plafonds & raccourcis.
» On y admire un bon cara&ére de deffin, & rien
« de plus: il s’y trouve quantité de choies
» mal deflinées. Lés plafonds font d’un raccourci
». très-hardi, mais peu gracieux & d’une cou-
» leur défagréable : 'ce font des fujets allégo-
» riques de l’Amour, de Bacchus, & autres.
» Dans la galerie du palais D u c a l, les mor-
» ceaux les plus beaux. & les plus dignes de
» Jules Romain fon celui du milieu, l’aflem-
» blée des D ieu x , celui d’Apollon conduilant
» -fon char, celui de l’Aurore Sc enfui-'o une
» figure d’homme couronné de lauriers & tc-
» nant une palme. Les éventails des Bouts de la
» galerie ont auffi des beautés, de même qu’une
»* figure de bout près du plafond de l’Aurore.
» On voit dans ces morceaux une grande ma-
» nière de defliner & de drape-r; ils font peints
» avec hardieffe & fermeté -, les têtes font dé
» grand caractère & de belles formes-, les figures
» d’un beau choix en particulier, mais peu
» grouppées. Le plafond de l ’Aurore fait beau-
» coup d’effet. Les quatre chevaux vus en
» defious font pleins d’a&ion & de feu ; la figu-
» re du foleil eft bien deflinée. Il y a néanmoins
» beaucoup de ces figures mal deflinées & très
» incorreSes. Si l’on y voit pliifieurs belles
« têtes, il y en a auffi beaucoup qui ne font pas
» ënlèmble. En général, ce qu’ il y a de beau
» ne confifte que dans la manière & dans la
» belle forme : mais à la vérité c’eft une des
» plus belles parties de l’art que cette grandeur
» de caraâère : du refte, la couleur eft mau-
» vaife & il y a peu d’effet.
Un autre artifte a trouvé la véritable caufe
des défauts de Jules Romain. Il femble „ dit'
Lépicié , que Jules Romain n’ait été occupé que.
de la grandeur de fes penfées poétiques , &
que pour les exécuter avec le même feû qu’il
» que la peau y apporte ; de gros mollets aux jambes,
» & des chevilles de pied extrêmement refferrées. Tout cela
v eft .de la manière : elle eft belle, fi l’on veut, Sc fondée
» fur des principes généraux qu’on ne doit pas perdre, de
*» vue : mais il n’en eft pas moins vrai que c’eft paffer le
» but, qui eft toujours de fe, rapprocher de 1^ vérité &
» de la nature, 8c d’y chercher ' feulement les beautés
» dont elle eft. fufceptible ». Lettre a un jeune artifte.
M. Cochin inf. re de cette obfetvation qu’il .eft dangereux
de fe borner à l’étude unique de Raphaël : mais ce n’eft
pas pour avoir renfé d’imiter uniquement leur maître que
les difciples de Raphaël font tombés dans les défauts qu’on
leur reproche : c’eft, au contraire, parce qu’ils ont cru
ajouter à l’art de nouvelles bpaurés, .enjoignant à limitation
de R'phaël celle de Michel-Ange. On fait que
çette dernière imicatipn a égare quelque temps Raphaël lui-
isçme.
les avoît conçues , il fe foit contenté d’une
pratique de deffin dont il avoit fait choix &
qui lui failbit abandonner la variété & la vérité
qu’ il auroit puifées dans la nature. L’ abondance
de fon génie lui a fait fouvent trop charger
fes compofitions, qui d’ailleursêtoient nourries
d’une parfaite connoiflance l’antique
qu’ il avoit étudié avec foin , & dont il avoit fu
profiter en peintre & en homme de lettres.
Le Roi poflféde huit tableaux de ce Maître ,
dont l’ un eft fon portrait peint par lui-même.
Entre les,autres , il n’ y a que l’adoration des
bergers dont les figures foient grandes comme
nature : elles font d’an grand cara&ère de
deffin. La circoncîfion & le triomphe de Veft
pafien & de Titus font des tableaux' capitaux
par l’ étendue de la compofition ; mais ce ne font
que des figurines, & Jules Romain n’étoit à fon
aife que dans les plus'grandes proportions. On
remarque, dans 16 dernier ouvrage, toute la
connoiflance qu’ il avoit de l’antique. C’eft
principalement dans les cinq Cartons peints en
détrempe fur papier , pour des tapifleries , &
dont les figures font plus grandes que nature,
qu’on peut connoître & juger le çaraâère de
Jules Romain. Ces cartons appartiennent au
Duc d’Orléans: ils étaient à Saint-Cloud.
Le triomphe de Titus & l’adoration des bergers
ont été gravés par -Defplaces. P. Santo
Bartoli a gravé d’apres le même peintre plu-
fièurs frjfes & autres fujets. L’ Amour & Pfyché
couronnés par l ’Hymen ,, ont été gravés par le
Mantouan.
( 17 ) Antoine Allegri dit le Correge, de
l’école Lombarde. Voyez ce qui a été dit de
ce peintre fous l’école<: Lombarde , article
Ecole.
On croit communément que le Correge n’a.
jamais vu Rome ni l’antique. S’ il a vu queU
quesouvrages de Raphaël, & qu’ il fe foit écrié ,
comme on le prétend : » & moi auffi je fuis
» peintre » \ E d io anche fon piciore , il s’agio
de quelque tableau'■ tie ce maître apporté à
Parme. Lépicié foupçonne que c’eft celui qu’on
connoît fous le nom de cinque fanti , placé
dans l’églife Saint-Paul de cétte ville. » On
» peat affiirer , dit-il , que ce tablçau était
» bien capable de faire concevoir au Correge
» une bonne opinion de lui-même ; caf il eft
» aflez mal compofo : ce f<?nt cinq figures tout
» à fait féparées les unes des autres , ne for-
» mant aucun grouppe & ne produifanc aucun
» effet. Le Correge , auteur de fi vaftes ma-
» chines , a dû bien mal penfer de Raphaël
» s’il n’ a vu que ce morceau : il eh guroit eu
>> toute autre idée s’ il fût entré dans les cham-
» bres du Vatican , & que la voie de l’examen
» eût fait place à celle du fentiment.
Mengs penfe au contraire qiie le Corregg
a été à Rome , quHl y a étudié les ouvrages »
de Raphaël & encore plus ceux de Michel-
Ange , qu’ il a dû à cette étude la rapidité J
avec laquelle il s’eft rendu fuperieur a fes mai- J
très 8c a fait fuccéder fon lecond ftyle à^celui j
qu’ il avoit emprunté d’eux. Il s’objeéte a lui-
même qu’on ignore fi jamais le Correge’ a
fait ce voyage : & il répond que cette ignorance
n’a rien d’ extraordinaire \ qu’on voit tous
les jours des perfonnes dont la conduite n’eft
connue que du moment où commence leur réputation
, & que l’on ne cherche a connoître
à Rome que les maîtres qui y profeflent leur a r t,
fans s’inquiéter des étrangers qui n’y^ arrivent
que pour étudier ■, qu’ il n’y a donc pas lieu d’être
étonné que le Correge y ait été inconnu, &
qu’ il ne foit refté aucune trace de fon fejour.
» A la Cathédrale de Parme , dit M. Cochin ,
» on voit la fameufo coupole du Gorregio re-
» préfentant l ’Affomption de la Vierge : la
» chaleur de l ’ imagination , & la hardiefle
» des raccourcis y font portés au plus haut
» point. I l y a de grandes incorrect ion&îde
» deffin : mais il eft de la manière la plus
» large & la plus grande. Il eft extrêmement
» gâté *1* la- couleur des chairs eft trop rouge.
» On voit dans une chambre appartenante
» à cette même Eglife un tableau du Corregio
» fort connu , qui eft un des plus beaux qui
» foient fortis de la main de ce maître. Il re-
» préfente la V ie rg e & l’Enfant Jefus , la
» Magdeleine lui baifant les pieds , & Saint
» Jérôme de bout. Ce tableau eft d’une grande
» beauté pour la couleur -, la tête de la Mag-
» deleine eft un chef-d^uvre pour la fraîcheur
» & la beauté des tons. Les têtes 8c les parties
» font deflinées avec des grâces inexprimables ,
» quoique quelquefois d’un deffin peu correét.
» Le pinceau en eft large & nourri de couleur ;
» le faire eft de la plus grande facilité, & les
» chofes les plus délicates s?y trouvent rendues'
» comme par hafard. La tête de la Vierge eft
» belle ; elle a cependant des ombres un peu
» noires. Le petit Jefus eft plein, de grâces,
» quoique peu noble. En général , ce tableau
» eft un des plus beaux & des plus eftimés
» „qu’ il y ait en Italie , & l'a tête de la Mag- •
» deleine eft le chef-d’oeuvre du Corrégio par
» la couleur & le pincean.
» Cè qui à Parme , dit le même artifte ,
» eft le plus digne de l’ attention des amateurs
» & des arciftes \ e ft , fans doute> le nombre
» d’ouvrages du Corregio qu’on y voit encore.
» Ce -peintre fera toujours merveilleux lorf-
» qu’on conlidérera que cette grandeur de ma-
» nière , & le point de perfection où il a porté
» le coloris , ne lui ont point été enfeignés &
» qu’ il en eft proprement l’ inventeur. (<i ) La
» nature feule l’a guidé, 8c fa belle imagina-
» tion a fu y découvrir ce qu’elle a de plus
» féducteur. Ses ouvrages font fouvent remplis
» des plus groffière incorrections ; & cepen-
» dant on ne peut réfifter à leur attrait; tant
» il eft v ra i, quoique bien des auteurs aient
»-voulu en écrire , que les grâces de la nature ,
» confidérées du côté de la couleur , fou tenu es
» d’ un, pinceau .large & d’un beau faire ,
». équivalent à ce que, peut produire de plus
» beau la correction d’un deffin châtié qui
» fouvent les exclut. Le Corregio , maigre
» lés défauts , fera toujours mis , par cette
», feule partie , en parallèle avec Raphaël &
» avec les plus grands maîtres qu’ il y ait eu. (2.)
» Il eft vrai cependant que ce n’eft que par
» fes plus beaux ouvrages. Si l’on fait réfléxion
» que , cet admirable peintre n’a eu pour maî-
-» tre que la feule nature , on n’a point à fe
» refufer de penfer que feule elfe peut montrer
» a chacun la véritable route qu’ il lui con-
» vient de fuivre , & qu’on perd trop de te'mps
.» à chercher celle des autres. Perfonne n?a
» traité les raccourcis des plafonds avec plus
» de hardieffe. I l eft vrai qu’ il y a quelques
» figures où il eft ex ceffif& de mauvais choix ;
» mais c’eft en petit nombre, & lès autres font
» de. la plus grande beauté. En général , il
» aimoit à faire , dans les plafonds , les figures
» colloffales. Il feroit difficile de donner de
» bonnes raifons pour établir que les figures.
» duflent paroître pliïs grandes que le naturel,
» fur tout dans un morceau où , s’affujettiflant
» aux raccourcis , on paroît préténdre à faire
» illufion. Piufleurs peintres l’ont fuivi en cela,
» fans peut-être avoir d’autre raifon, finon que
» que le Corregio l’avoit fait. Mais fuppolë
» que cela faiïe bien au plafond de la Catiié-
» drale, ce que l’on pourroir nier, on ne peut
» fe diflimuler le mauvais effet que cela fait
» au plafond de l ’églife de Saint Jean , dont la
m coupole , quoiqu’affez grande , paroît néan-
» moins fort petite , à caufe des collofles
» inonflrueux qui y font , & ,qui ne laiffent
» de place que pour? un très-petit nombre de
Correge à Rome., il n’a pu le prouver. D’ailleurs on pour-
roit admettre ce voyage, & s’exprimer comme M-. Cochin :
il eft certain que ce n’efl point à Rome que le Correge a
trouvé le modèle de fon coloris 8c de fa manière large,
nourrie & moëlleufe. Il eft l’inventeur des qualités qui
le caraAérifent & le diftinguent de tous les autres peintres.
, (,ï) On compte généralement le Corrége au nombre des
plus grands maîtres & avec raifon, parce qu’il a excellé
dans des'parties capitales. Généralement auffi on met au-
deftlis de loi Raphaël, parce que Raphaël a excellé dans un.
nombre encore plus grand de parties, qui font les'parties
fupérieurçs de l’ait. Il a été , fuîvant 1-e jugement
d’Annibal Catrache , le maître ,qui a eu les plus Mandes
qualités^ & les moindres défauts. Le Correge a eu de
grands défauts, 8c des fi) Quoique M. Mengs ait rendu probable Je^Yoyage du qualités aimables.