
498 E M A
la mouffle du charbon qui y eft &: qu’on rejettera
dans le fourneau par le trou du chapiteau.
On prendra la pièce avec le relève-moujlàche,
& on la placera fous la mouffle le plus avant
qu’ on pourra. Si elle eût été froide, il eût fallu ,
comme nous en avons déjà averti plus haut,
l ’expofer d’abord fur le devant de la mouffle
pour l’échauffer, & l’avancer fucceflivement
ju (qu’ au fond.
Pour introduire la pièce dans la mouffle , il
a fallu écarter les charbons qui cauvroient fon
entrée. Quand la pièce y eft introduite , on le
referme avec deux charbons feulement, à travers
defquels on regarde ce qui fe paffe.
Si l’on s’apperçoit que la fufion foit plus
forte vers le fond de la mouffle que fur le devant
ou les côtés, on retourne la pièce jufqu’ à ce
qu’on ait rendu la fufion égale par-tout. I l eft
bon de favoir qu’ il n’eft pas néceffaire , au
premier feu , que la fufion foit pouffee jufqu’ où
elle peut a lle r , ni que la furface de l’émail
foit bien unie.
On s’apperçoit au premier feu que la pièce
doit être retirée, lorfque fa furface , quoique
tnontagneufe & ondulée, préfente cependant
des parties liées, & une furface u n ie , quoique
non plane.
Cela fait, on retire la pièce ; on prend la
taule fur laquelle elle étoit pofée, & on la bat
pour en détacher les écailles : cependant la
pièce refroidit.
On rebroie de l’émail ; mais on le broie le
plus fin qu’ il eft poflible , fans le mettre en
bouillie. L'émail avoit baiffé au premier feu ;
on en met donc à la fécondé charge un tant
foit peu plus que la hauteur du filet -, cet excès
doit être de la quantité que le feu ôtera à cette
nouvelle charge- On charge la pièce cette
fécondé fois, comme on l’a chargée la première :
on prépare le fourneau comme on l’avoit
préparé ; on met au feu de- la même manière
: mais on y laiffe la pièce en fufion,
jufqu’à ce qu’on lui trouve la furface unie,
liffe & plane. Une attention qu’ il faut avoir à
tous les feux , c’eft, de balancer fa pièce, l ’in clinant
de droite à gauche, & de gauche à
droice, & de la retourner. Ces motivemens
fervent à compofer entr’elles les parties de
l ’émail, & à diftribyer également la chaleur.
Si l’on trouvoit à la pièce quelque creux au
fortir de ce fécond feu , & que le point le plus
bas de ce creux defcendît au-deffous du filet,
il faudroit la recharger légèrement , & la
'paffer au feu , comme nous venons de le
prefcrire.
Voilà ce qu’ il faut obferver aux pièces d’or.
Quant à celles de cuivre, il faut les charger
jufqu’ à trois fo is , & les paffer autant de fois
au feu : on s’épargne par ce moyen la peine
I M A
dé les ufer ; l’émail en devient même d’ un plus
beau poli.
Je ne dis rien des pièces d’argent; car on ne
peut ablblument en émailler des plaques.
Cependant tous les auteurs en font mention ;
mais je doute qu’aucun d’eux en ait jamais vu.
L’argent fe bouriouffle ; il fait bourfoufïler
I émail -, il s’y forme des oeillets & des trous.
Si l’on réufïit, c’eft une fois fur vingt : encore
eft r ce très - imparfaitement, quoiqu’ pn ait pris
la précaution de donner à la pièce d’argent plus
d’une ligne d’épaiffeur , &: q.u’on ait foudé une
feuille d’ or par-deffus. Uée pareille plaque
foutient à peine un premier feu fans accident :
que feroit-ce donc fi la peinture exigèoit qu’oa
lui en donnât deux, trois, quatre, & même
cinq? D’où il s’enfuit qu’on n’eft jamais parvenu
à peindre fur des plaques d’argent émaillées,
ou que c’eft un fecret abfolument perdu. Toutes
nos peintures en émail font fut l’or ou fur le
cuivre.
Une chofe qu’ il ne faut point ignorer, c’eft
que toute pièce émaillée en plein du côté que
l’on doit peindre , doit être contre-émaillée de
l’autre côté, à moitié moins à*émail, fi elle eft
convexe ; fi elle eft plane, il faut que la quantité
du contre- émail foit la même que celle de
l’émail. On commence par le contre-émail, 8c
l’on opère comme nous l’avons preferit ci-deffus.
II faut feulement laiffer au contre-émail un pea
d’humidi:é, fans quoi il en pourroit tomber une
partie lorfqu’on viendroit à frapper avec la
fpatule les côtés de la plaque, pour faire ranger
Y émail à fa furface , comme nous l’avons preferit.
Lorfque les pièces ont été fuffifamment chargées
& paffées au feu, on eft obligé de les ufer ,
fi elles font plattes., On fe fert pour cela de la
pierre à affiler }es tranchets des cordonniers ;
on l’humeéle, on la promène fur Y émail avec du
grais tamifé. Lorfque toutes les ondulations
auront été atteintes & effacées , on enlèvera les
traits du fable avec l’eau & la pierre feule.
Cela fait, on lavera bien la pièce, en la broffant
à pleine eau. S’ il s’y eft formé quelques petits
oeillets, & qu’ ils foient découverts, bouchez-les
avec un grain d'émail, & repaffez votre pièce
au feu, pour la repolir. S’ il paroît de ces oeillets
qui ne (oient pas percés, faites-y un trou avec
un onglet ou burin ; rempliffez ce rrou, de manière
que Yémail forme au - deffus un peu
d’tminence, & remettez au feu -, l’éminence
venant à s’affoiblir par le feu , la furface de
votre plaque fera plane & égale.
Troijième partie. Lorfque la pièce ou plaque
eft préparée , il s’agit de la peindre. I] faut
d’abord (e pourvo r de couleurs. La préparation
de ces couleurs eft un fecrec. Il faudroit tâcher
d’avoir fes couleurs broyées au point qu’elles ae
E M A
fe fentîffeftt pas inégales fous la molette ; de
les avoir en poudre, de la couleur qti’ellps
viendront après avoir été parfondues, telles que,
quoiqu’elles aient été couchées fort épais , elles
ne croûtent point, ne piquent-point l’email,
ou ne l’enfoncent point, après plufieurs feu x ,
au-deffous du niveau de la pièce. Les plus dures,
à fe parfondre paffent pour les meilleures : mais
fi on pouvoit les accorder toutes d’ un fondant
qui en rendît le parfond égal, il faut convenir
que Tartifte en travaillerait avec beaucoup plus
de facilité : c’eft là un des points de perfeâion
qlie ceux qui s’occupent de la préparation des
couleurs pour Y émail devroient fe propofer. Il
faut avoir grand foin, fur-tout dans les com-
mencemens, de tenir regiftre de leufs qualités,
afin de s’ en fervir avec quelque fûreté. I l y aura
beaucoup à gagner à faire des notes de tous les
mélanges qu’on en aura effayés. Il faut tenir fes
couleurs renfermées dans de petites boëtes de
buis qui foient étiquetées & numérotées.
Pour s’affurer des qualités de fès couleurs,
on aura de petites plaques d’émail, qu’on appelle
inventaires : on y exécutera au pincëku.
des traits larges comme des lentilles ; on numérotera
ces traits, & l’on mettra l’ inventaire
au feu. Si l’on a obfervé de coucher d’abord la
couleur égale, de la tenir légère, & de repaf-
fer enfuite fur cette première couche de la
couleur qui faffe des épaiffeurs inégales ; ces
inégalités détermineront, au fortir du feu, la
foiblefte, la force & les nuances.
C ’eft ainfi que le peintre en émail formera
fa palette : ainfi la palette d’ un émailleur e ft,
pour ainfi d ire, une fuite plus ou moins confi-
oérable d’ effais numérotés fur des inventaires,
auxquels il a recours , fuivant le befoin. I l eft
évident que plus il a de ces effais d’ une même
couleur, & de couleurs diverfes , plus il complexe
là palette ; & ces effais font ou de
couleurs pures & primitives, ou de couleurs
réfhltantes du mélange de plufieurs autres.
Celles-ci fe forment pour Yématl, comme pour
tout autre genre de peinture -, avec cette différence
que, dans les autres genres de peinture ,
les teintes refteronc telles que l’artifte les aura
appliquées ; au lieu q ue , dans la peinture en
émaily le feu les altérant plus ou moins d’ une
infinité de manières différences, il faut que
l ’émailleur, en peignant, ait tous ces différens
effets préfens à la mémoire; fans ce la , il lui
arrivera de faire une teinte pour une autre,
8c quelquefois de ne pouvoir plus recouvrer
la teinte qu’ il aura faite. Le peintre en émail a ,
pour ainfi dire , deux palettes ; l’ une fous les
yeux ; l’autre dans l’efprit ; & il faut qu’ il foit
attentif, à chaque coup de pinceau , à les conformer
entre elles ; ce qui lui feroit difficile,
£c peut-être impoffible, fi, quand il a commencé
un ouvrage, il interrompoit fon travail pendant
EMA
quelque temps confidérable. I l ne fe fouvien-
droiç plus de la manière dont il auroit compote
(es teintes, & il feroit expofé à placer à chaque
inftant, ou les unes fur les autres, ou les unes à
coté des autres, des couleurs qui ne font point
faites pour aller enfemble. Qu’on juge parla combien
il eft difficile de mettre d’accord un
morceau de peinture en émail, pour peu qu’ il
foit confidérab!e. Le mérite de lJaccord , dans
un morceau, peut être fenci par tout le monde *
mais il n’y a que ceux qui font initiés dan*
l’art qui puiffent apprécier tout le mérite de
l’artifte.
Quand on a fes couleurs, îl faut fe procurer
de l’huile effentielle de lavande , & tâcher de
l’avoir non adultérée ; quand on l ’a , on la fait
engraiffér ; pour cet effet , on en met dans un
gobelet dont Je bord foit large, à la hauteur de
deux doigts ; on le couvre d’une gaze en double
& on l’expofe au foleil, jufqu’à ce qu’en inclinant
le gobelet, on s’apperçoive qu’elle coule
avec moins de facilité, & qu’elle n’ait plus que
la fluidité naturelle de l ’huile d’olive. Le temps
qu’ il lui faut pour s’engraiffer eft plus ou moins
long fuivant la faifon.
Ün aura un gros pinceau à l’ordinaire^ qui ne
ferve qu’à prendre de cette huile. Pour peindre,
on en fera faire avec du poil de queues
d’hermine ; ce font les meilleurs, en ce qu’ ils
fe vuident facilement de la couleur, & de
l’huile dont iis font chargés quand on a peint.
Il faut avoir un morceau de cryftai de roche
ou d’agate ; que ce'cryftai foit un peu arrondi
par les bords ; c’eft là - deffus qu’on broiera &
délayera fes couleurs. On les broiera & délayera
jufqu’à ce qu’elles fartent, fous la molette
la même fenfation douce que l’huile e lle -
même.
Il faut avoir pour palette un verre ou cryftai
qu’on tient pofé fur un petit papier blanc : on
portera les couleurs broyées fur ce morceau de
verre ou de cryftai ; & le papier blanc fervira
à les faire paroître à l’oeil telles qu’elles font.
Si l’on vouloir faire fervir des couleurs broyées
du jour au lendemain, on auroit une buëte
de la-forme delà palette ; on colleroit un papier
fur le haut de la boëte ; car la palette ne portant
que llir les bords de la boëte, elle n’empôcheroit
point que le couvercle ne fe pût mettre ; mais
il arrivera que , le lendemain , les couleurs
demanderont à être humeétées avec de l’huile
nouvelle, celle de la veille s’étant engrairteç
par l’évaporation.
On commencera par tracer fon deflîn. Pour
cela on fe fervira dû rouge de Mars. On donne
alors la préférence à cette couleur, parce qu’elle
eft légère & qu’elle n’ empêche pas les couleurs
qu’on applique deffus de produire l’effet qu’on
en attend. On deflinera fon morceau en entier
ay.ee le rouge de Mars ; il faut que ce oremier
R r r ij