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étoit inégal ën ce genre comme dans celui de
l ’hiftoire. Quelquefois lès portraits étoient d’ un
beau fini, quelquefois ils n’étoient que croqués.
Il eft mort à Venife en 1594, à l’âge
oe quatre-vingt-deux ans.
Il eut un fils nommé Dominique qui lui fut
tres-inférieur dans l’hiftoire, mais qui eut de
grands fuccès dans les portraits* Nous parlerons
de Marie , la fille , dans un article particulier.
On voit au cabinet du Roi huit tableaux du
Tintoret, entre lefquels on diftingue trois beaux
portraits , & Jéfus-Chrift faifant la cène avec
fes difciples ; ouvrage dans lequel on trouve
des attitudes forcées,bifarres & peu convenables à
la majefté du fujet-, des contra lies outrés, des
défauts de bienféance ; mais d’ailleurs recommandable
phr la facilité de l ’exécution , le'
grand caraffère du deflin, le bel effet 8c la
bonne couleur.
I l a été gravé par Gilles Sadeler , ainfi que
le mafiacre des Innocens, l’Ange levant la
pierre au moment de la" réfurreélion & c . Mel-
lan a gravé Jacob abbreuvant les brebis de La-
ban; Corn. V ifich er, Jéfus-Chrift porté au
tombeau ; Aueuftin Carrache, un grand crucifiement.
(32,) Nicoio del abbate , de l’école Lombarde,
né à Modene en 1512., étoit éleve du Pri-
matice, Abbé de Saint-Martin , ce qui lui fit
donner le furnom Del Abbate. Amené en France
par fon maître, il a beaucoup travaillé à Fontainebleau.
Sa couleur à frefque avoit route la
vigueur de la peinture à l’ huile, 8c jamais il
ne la retouchoit à fec. I l eft mort à Paris dans
un âge fort avancé. I l étoit bon deffinateur &
avoit un pinceau large & facile.
(53) F rançois de vriendt, dit Franc-Flore^
de l’école flamande, né à Anvers en 152.0,
étoit neveu d’ im habile fculpteur qui lui donna
des leçons de fon art. Mais étant pafie à Liège
à l’âge de vingt ans, il entra dans l’école de
Lambert Lombard , peintre, architecte , poète
& philofophe, qui avoit fait fuccéder dans fa
patrie le goût de l’ Italie à la maniéré gothique.
Franc-Flore, après avoir fait de grands progrès
fous cet habile maître , alla chercher en Italie -
des leçons encore plus favantes. I l y étudia
l ’antique & furtout M ichel-Ange.De retour dans
fa patrie ; il acquit bientôt une grand réputation,
& une fortune confidérable que le luxe
de fa femme parvint à djffiper. Ce furent peut- ,
être les chagrins qui le plongèrent dans la
débauche du v in , & dans une çrapule qui
rendirent infuportable même à fes amis, cet
homme qui avoit été recherché des grands
& des princes : mais ce vice humiliant le
détourna peu du travail, 8c sUls’enivroit chaque 1
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jour, chaque jour aufli il travailloit fept heure*
entières. Sa fcience dans le deflin le fit nommer
le Raphaël de la Flandre ; on auroît dû plutôt
le comparer à MichekAnge; il n’a rien de la
grâce & de l’exprefiion de Raphaël. Il avoit
de la fécherefie , & il étoit trop clair dans
fes carnations; mais fa couleur étoit vigoureufe,
& fes figures avoxent beaucoup de rondeur.
Son exécution étoit prompte 8c facile.' Chargé
de peindre les arcs de triomphe pour l’entrée de
Charles-Quint à Anvers, il fit fept grandes
figures en un jour. Il fit aufli un grand tableaii
en un feul jour pour l’entrée de Philippe I I
dans la même ville. I l mourut à Anvers en 1570
à l’âge de cinquante ans. '
Corneillc-Cort a gravé d’après ce peintre
plufieurs travaux d’Hercule. On reconnaît dans
ces eftampes la fcience anatomique du maître
fa fecherefie, & fon imitation de Michel-Ange.
Ph. Galle a gravé, d’après ce même peintre,
Salomon faifant conflruire le temple de Jeru-
faîem , lç facrifice d’Abraham, la confiance
de Scevola & c .
( 34) Paul farinati , de l’école ye'nitienne,
néià Vérone en 152,2, fut élevxe du Golfinp,
dont la réputation n’ efi guère fortie de cette
v i l l e , où l’on v o it , dit-on, quelques bons
ouvrages de ce peintre. Paul qui avoit une
imagination v iv e , fit des progrès rapides, acquit
une couleur vigoureufe, 8c peignit également
à l’huile 8c à frefque. I l aimoit à
choifir des fujets qui exigent beaucoup de mouvement
, des armées mifes en fuite, des camps
livrés au pillage, des entrées triomphales. I l
reufliflbit cependant à traiter des fujets plus
tempérés , & il & diftinguoit alors par la
candeur de l’expreflion. Ses têtes étoient fou-
vent d’un beau caradère. Farinati mourut dans
la v ille de fa naiffance en 1606. Rouflelet a
gravé d’après ce peintre Diane partant pour la
chafle.
(35) André Schiavone, de l’école Vénitienne,
né en 1522 à Sébénigo en Dalmatien
L’ indigence-de fes parens ne leur permit pas
de lui donner de maître ; il fe forma lui-même
au deflin en copiant des eftampes du Parmefan,
& ne fut longtemps occupé qu’à peindre des-
boutiques, n’ayant d’autrqs protecteurs que des
maçons qui lui procuroient de l’ouvrage. Le
Titien eut occafion de remarquer fon talent,
8c lui fournit de l’occupation à la bibliothèque
de Venife. Gomme il ne reçut jamais qu’ un,
prix très-foible de fes ouvrages, il fut obligé
de contracter une manière très-expéditive, 8 c '
le malheureux état de fa fortune rend excufable
fon incorrection : mais il étoit inimitable pour
l’éclat du coloris, & , dans cette partie , il eft
un des plus grands maîtres de l’écolç VcnÎT
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tienne. Le Tintoret difoit qu’on dévoit toujours
avoit devant les yeux un tableau du
Schiavone, pour remarquer ee qu’ il falloit
fuivre tk ce qu’ il falloir éviter. La beaute de
fa couleur lui a obtenu l ’ indulgence même
des Romains. Il eft mort dans la pauvreté,
comme il avoit vécu , à l’age de fuixante ans,
en 1582,, . .. _
On a de lui au cabinet du roi un St. Jerome :
la figure du faine eft incorrefte, la tête eft
bien touchée, & l’ouvrage entier eft d’une,
belle couleur & d’une grande facilité de
faire. , . . .
G. Boel a gravé , d’après ce peintre, Adonis
s’arrachant des bras de Vénus, & une adora-
tion des bergers,. Aveline a grayé Jupiter 8c.
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. (36) Pelegrino T ibaldi , de l’école Lombarde,
ne à Milan en 1522, fe «forma fur les
ouvrages de Michel-Ange, & fut comme lu i,
peintre , fculpteur & architecte. Il enrichifioit
fes fonds de beaux payfages, 8c afîiiroit Lefret
de fes tableaux par de grandes mafies d ombre
.& de lumière. Louis Carrache l’avoît pris
pour modèle , 8c l’appeftoit le Michel-Ange
réformé. On voit de lui à Bologne, dans le
palais de l’ Inftitut des fcïences, des ^ plafonds,
qui repréfentent divers fujets de l’Odyflee.
« Les Carraches, dit M. Cochin, ne font pas
» les inventeurs de ce grand caraCtere de
» deflin'qu’ ils ont amené dans la p e in tu r e &
j) les morceaux de Tibaldi font d’ un caraCtère
« de deflin aufli grand qu’aucune choie de ces
» maîtres. La manière en eft grande & terri-
» blé- On y voit les raccourcis les plus hardis
» & les plus admirables, deflinés très-favam-
» ment, & de très-grandes figures dans de
>5 petits efpaces. » & .
I l - réuflifloit très-bien dans les figures de
-Stuc, 8c’ il a été imité par Annibal Carrache
dans la- galerie du Palais Farnefe. Il mourut
a Milan en 1591 , âgé de foixanre-dix ans.
' (37) Luc Cambiasi , dit le Cangiage, né
à Moneglia , dans les Etats de Gênes en m527,
eut pour maître fon père. Il alla à Florence
8ç à Rome étudier Michel-Ange & Raphaël,
8c pafia en Efpagne , où il exécuta plufieurs
plafonds dans le palais de ,1’Efcurial. I l fe dif-
tingua par une extrême facilité & par un
coloris vague, qui ne manqué pas d’ agrement.
Malgré „fes défauts ,\on le met à 'la tête de
l’école Génoife. Il faifoitTouvent les plus grands
morceaux fans aucune étude -, fans aucune préparation
: on eût dit que le pinceau marchoit
aufli vite que fa penlée. Il étoit correct dans le
deflin, habile dans les raccourcis, aflez agréable
dans.la couleur. Sa première manière.étqit
gigantcfque , 8c s’ éloignoit trop de la nature *.
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la fécondé étoit plus étudiée, il faifoit alors
des deflins & des cartons avant d’arrêter fa
penfée : la dernière n’eft qu’une pratique e x r
péditive & maniérée. I l a aufli travaillé en
lculpture. Le chagrin de ne pouvoir obtenir
une difpenfe pour époufer fa belle-foeur, le
conduifit, dit-on j au tombeau, à l’Efcurial
en 1589, à l’âge de cinquante-huit ans. L’âge
auquel, il a fini rend peu vraifemblable cette
çaufe de fa fin.
(38) Frédéric Barochio, le Basoche, de
l ’école Romaine, né à Urbin en 1528 , vint à
Rome à l’âge de vingt ans , & v it lès premiers
eflais encouragés par Michel-Ange. Il- s’appliqua
furtout à l’imitation du Correge, noyant
comme lui fes contours , mais leur donnant
plus de correéHon..C’eft un peintre harmonieux,
& qui a bien entendu la partie du clair-obfcur,
8c la fonte des couleurs. Ses ouvrages, malgré
leurs défauts, peignent la douceur de fon car.
raélère & la bonté de fes moeurs. Il avoit cqu^
fume de ne peindre aucune figure fans en avoir
fait un modèle en cire : fi la figure devoir
être vêtue , il la drapoit fur ce modèle. Jamais
il ne pofoit le modèle vivant, fans lui demander
s’il fe trouvoit bien à fon aife dans la
pofe qu’il lui donnoit. C’eft un ufage que doivent
fuivre tous les artiftes qui ne veulent
introduire dans leurs ouvrages que des attitudes
naturelles. Le Baroche eft un des peintres,
les plus gracieux de l’école Romaine ; fes attitudes
font agréables j fes figures bien drapées
& bien deflinées, fes plis bien formés & nettement
touchés. Ses têtes de vierge ont ordinairement
la douceur la plus aimable : il avoit
coutume de les peindre d’ après fa foeur. Son
deflin eft d’une grande fineflè. C ’eft enfin ,
comme le dit M. Cochin, un peintre charmant
& infiniment féduéleur ; « mais dont l’imi-,
.» ration . ajoute cet artifte, expofeà des dan-
. » g ers. Son coloris eft agréable & facile à .
» imiter ; mais il eft fardé : ce font des vio-
I» lâtresj des bleuâtres, des aurores, tous de,.
»' la plus grande fraîcheur; mais fort au-delà
» de ce que la nature préfente a, cet égard.
» Ils tiennent en quelque manière de ce que
» la peinture en émail a ordinairement de dé-
» feêlueux.
» Plufieurs compoâtions du Baroche font
». fingulièrés; ce font des difpofitions de figu-
» .rés & de grouppés fi fini pies, fi naturelles,
» 8c qui paroiflent fi dénuées d’a r t , qu’on en
» trouveroit de pareilles dans quelque lieu où
» le hazard fit entrer. Souvent les principales
» figures font au fond du tableau, & le déjà
vant eft vuide; d’autres fois elles font dif-
» perfées au hazard fans beaucoup de liai—
» fon : néanmoins cette manière a des beautés.