
goûreufe , ont tendu au noir dans la peinture ;
a' Phùîlè. : • 1
'• Le Guerchin, dans un âge plus avancé, rendit
la couleur plus claire y mais loin de s’ en
faire' uri mérite , il cherchbit au contraire à
s’en excufer , & difoit qu’ il n’avoit adopté cette
manière que pour fe prêter an goût des amateurs
j'gâtés par le coloris du Guide & de l’Al-
bànèv II faüt pourtant convenir que des ombres
très bru nés avec dés lumières très brillantes
font-un menionge, parce que les oBjèts qui
font-fort clairs dans les jours ne peuvent êtrë
fort bruns dans- lés ombres. Une chair blanche
ne reçoit qiie des ombrés, tendres i des étoffes
claires ne reçoivent point des ombres fort bru-
üës. On font bien que nous ne parlons pas ici
des effets de nuit.
Le Guerchin fit un très grand nombre d’ouvrages
, gagna beaucoup d’argent dont il dé-
përiYoït la plus grande partie en bienfaits , &
jo u it , de fon vivant même , de la plus grande
' réputation. I l fut appelle par les rois de France
& d’Anglererre , qui lui offroient la qualité
de leur peintre *, mais il refufa de quitter l’ I -
tàl-ie. Lorlque Chriftine, cette .reine de Suède
fameule par fon abdication, paffa à Bologne ,
elle vifita le Guerchin , & prenant la main de
l ’artifte -, » Je veux toucher, d it-e lle , cette
tnain qui fait de fi belles chofes ».
Le Guerchin avoit un trop grand nom , pour
n’être pas chargé de faire un des tableaux de
Saint Pierre de Rome. I l fit celui de Sainte
Pétronille qui eft compté entre fes ouvrages"
les plus renommés. On y admire la force du
deflin , la vigueur du coloris , l’ intelligence
du clair - obfcur & la richeffe de la compo-
fition.
On célèbre aufii , dans la même v ille que
l ’on peut appeller la capitale des arts, le plafond
qu’ il a peint dans une des chambres de
la V illa Ludovifi. Ce plafond repréfente l ’Aurore.
La frefque ne peut être poufTée à un ton
plus vigoureux.
Mais fon morceau capital eft le dôme de Plai-
fance. La peinture y eft portée au plus haut
degré qu’ elle puiffe atteindre par la vigueur
du coloris & l’effet de la machine. Cette coupole
eft divifée en huit parties , & chacune
repréfente un Prophète que des Anges accompagnent.
Au deffous de ces tableaux , il en
régne , en forme de frife , de plus petits qui
repréfentent des enfans , & plus bas encore
font des fybilles & des fujets du nouveau tef-
tament. Tous ces ouvrages font d’une grande
beauté ; fur tout les Prophètes 8c lès enfans.
Us font très bien compofés de plafond -, la couleur
eft belle 8c vigoureufe -, le deflin jufte & .
fier. Les chairs des enfans font tendres -, les
demi - teintes font de -la plus grande fraîcheur ,
§ i fos ojpbrps font fortement réparées des clairs,
menfonge qui^ produit un effet fo'duifant. La
peinture à l’huile ne fauroit avoir plus de fôlxe
que cés frefques.
Le Guerchin n’a pas connu le choix de la
plus belle nature , ni à plus forte raifon la
beauté ideale. Il n’eft pas non plus du nombre
des maîtres qu’on doive célébrer pour la nobleffe
des figures, pour la belle manière de draper ?
ni pour l’exprëffion , quoiqu’il n’ en ait pas
toujours manqué. Mais il fubjugue par la v igueur
de fa couleur : elle eft brillante fur les
lumières, fraîche dans les demi-teintes, forte
dans les ombres. Quelquefois il a très bien
coloré fans tomber dans le noir. I l avoit dans
fa première manière un ton de couleur bleuâtre
, 8c dans la fécondé un ton rougeâtre ;
quand il a obferyé le milieu entre ces deux maniérés,
fa couleur tiroit fur le gris. Souvent il
eft admirable par le caraélère de fes têtes , &
il n’ a reffemblé dans cette partie ni aux maîtres
qui l’avoiënt précédé } ni a fes contemporains,
fon deflin étoit hardi ; fon exécution de la plus
grande facilité. Des religieux vouloient avoir
un père éternel pour le maître autel de leur
égliîè : ils defiroient qu’ il pût être pofé le jour
de leur fête , 8c ils ne s’adrefferent au Guerchin
que la veille. Il les fatisfit , & peignit cet
ouvrage pendant la nuit à la clarté des flambeaux.
On peut admirer une fi prompte expédition
-, mais il ne feroit pas fage de vouloir
Limiter. La peinture n’eft point un jeu d’adref-
fe ; elle doit être le fruit de la réfléxion. Quelquefois
peignant au premier coup & dans la
pâte , le Guerchin eft tombé dans la molleffe
à force d’être moelleux. Il eft inutile d’avertir
que fa trop grande facilité lui a fait négliger
plufieurs fois la pureté du deflin. La promptitude
d’exécution entraîne toujours des incorrections.
Cet artifte eft mort en 1666 âgé dé foixante
& feize ans.
Entré quatre tableaux de cemaître qui font
au cabinet du ro i, on diftingue fur tout Saint
Jérôme s’éveillant au bruit de la trompette de
la mort qu’ un Ange fait fonner. On ne peut,
dit Lépicié , voir ce tableau , fans éprouver un
certain frémiffement. » Le Saint, couché dans
» fon antre , s’éveille en furfaut au fon de la
» trompette. La crainte & la furprifo du Saint
» font exprimées avec une force qui feroit
» honneur au poète comme à l ’orateur. On eft
» étonné de l’air de majefté que le peintre a
» répandu fur l ’Ange qui femble annoncer au
» folitairë fa fin prochaine & les ordres du
» ciel. Aux pieds du Saint, deux livres font
» grouppés avec une tête de mort. C’eft un
» des plus beaux tableaux du Guerchin , foie
» pour les effets piquons de lumières & d’om-
» bres , foit pour la fierté de la touche , l’unioa
» des couleurs, & le grand goût du deflin ».
î f e fameux tableau du martyre de Sainte Pétronille
a été gravé par N. Dorigny 5 Saint
Pierre reffufeitant Tabite par Corn. Bloemart; :
Efther devant Affuérus par Strange ; Bartolozzi
a gravé le jeune Saint Jean •, la Vierge 1 enfant
Jéfus 8c le petit Saint Jean j la Vierge .
apparoiffant à trois religieux.
( 1 to ) Les S e g h e R s , peintres de l ’épole
Flamande , tous deux artiftes de beaucouo ^de
mérite : mais la grande réputation de la in e :
qui ne fe diftingua que dans un petit genre,
ia forte d’obfcurité dans laquelle ëft tombe :
le cadet qui peignit l’hiftoire avec diftinétion ,
prouvent que , dans les arts comme dans les
le ttre s, un très grand talent, même dans le s ,
genres inférieurs , eft bien préférable a un
talent moyen dans les plus grands genres.
Daniel Seghers , né.à Anvers en 1590,
apprit fon arc de Breughel de velours q u i, dans
ce temps , ne peignoit encore quelles fruits
& les fleurs, & il fe livra pour toujours à ce
genre que ce maître abandonna dans la fuite.
T l entra de bonne heure dans l’ordre des jé - .
fuites en qualité de frère , abandonna la peinture
pendant fon noviciat , reprit fes pinceaux
quand ce temps d’épreuve fut paffe , & obtint
de fes fupérîêurs la permillion daller a Rome.
I l prouva par fon exemple , que le féjour de
cette v ille eft utile à tous les artiftes , quel
que foit le genre auquel ils préfèrent de s’adonner.
Rubens ne dédaigna pas d’affocier fon talent
à celui du frère Seghers , 8c peignit plufieurs
fois des figures que Seghers ornoit de
fleurs ou qü’ il encadroit dans des guirlandes
de fleurs.
Ce peintre s’appliquoit à la culture des fleurs,
& recueilloic dans fon jardin des modèles qui
lui dévoient la naiffance. Il parvint à donner a
fes imitations, l’é c lat, la variété, l’harmonie
dont la nature paroit fes originaux. On admire
fur tout fon adreffe à produire fous fes
pinceaux l’ incarnat de la rofe & la blancheur
du lys- Il favoit répandre fur ces objets la fraîcheur
du matin & les hume&er de la rofée
qui les baigne au lever de l’aurore. U les ac-
compagnoit de différens infeéles , mouches,
fearabées, papillons , finis & rendus avec une
vérité qui fembloit défier la nature.
Son talent ne fut point inutile à la maîfon
qui l’avoit adoptée -, les princes recherchoient
les ouvrages de Seghers , il le faifoit un devoir
de leur en offrir , 8c c’étoit fon couvent qui
recevoit les riches témoignages de leur recon-
noiffance. D’ailleurs on peut croire que les
Jéfuites, déjà célèbres par les talens littéraires
que leur ordre renfermoit, n’étoient pas fâchés
d’avoir un de leurs membres qui lui procuroit
encore une nouvelle illuftration par les talens
dans la peinture. Ce célèbre religieux mourut
à Anvers en 1660, âgé de foixante & dix ans*
Gérard. Seghers , fon frère , naquit à'Anvers
en 1592, , & fut élève d’ un peii*^ dô
fa nation ; mais après avoir déjà donné ^es
preuves de talent, il fit le voyage d’Italie ,/^
mit.fous la conduite de Manfredi élève.du Ca-
ravage 8c prit la manière de ce peintre. En l,a
blâmant ,, il faut convenir qu’ elle, fédui^a toujours
un grand nombre d’amateurs & même
d’àr'tiftes , parce qu’ elle donne aux objets un
grand re lier, parce qu’elle produit un effet qui
étonne quoique contraire à la vérité , parce
qu’elle femble affadir le coloris de tous les tableaux
qu’on lui oppofe. Seghers , qui joignôit
aux. preftiges de cette manière une belle harmonie
, plut aux Italiens. I l plut encore davantage
en Efpagné , où il fut conduit , •&
le rolje fit inferire fur l’état de fes penfionnaires.
Il plut même quelque temps à Anvers où
il revint s’établir, & il y eut peu d’églifes de
cette v ille pour lefquelles on ne lui demandât
des tableaux."Mais quand le temps eut affaibli
l’ enthoufiafme & rendu à la raifon les droits
qu’elle, doit toujours recouvrer tôt ou tard ?
on compara fes ouvrages, à ceux de Rubens
8c de Van - Dy ck , 8c cette comparaifon lui
devint funefte. Se voyant moins occupé , il
paffa en Angleterre & fe fit une manière
plus tendre 8c plus agréable. Son deflin étoit
correél, fon. exécution ai fé e , fon clair-obfcur
impofant. II excella dans les fujets de nuit
éclairés par des flambeaux. La facilité avec
laquelle il changea de manière , prouve la flexibilité
defon efprit. Il mourut à Anvers en 165.1.,
âgé de cinquante-neuf ans,
Bolfwert a gravé d’après ce peintre le rehi-
ment de Saint Pierre , ‘morceau confidérable,
dans lequel on voit une aflemblée de joueurs,:
Vorfterman , Saint François en extafe ; P.
Pontius , la Vierge avec l’enfant Jéfus apparoiffant
à Saint François Xavier ; N. Lauwe^s
une affemblée de buveurs 8c de fumeurs
( n i ) Jean C arlone , de l’ école Génoife,
étoit fils d’ un fculpteur. Il naquit à Genes en
1590 : fon père , ne trouvant pas dans cette
ville de maîtres capables de le perfectionner,
l’envoya à Rome pour étudier les chefs-d’oeuvres
de l’art. Le jeune Carlone paffa enfuite à F lo rence
où il fe mit fous la conduite de Pailigna-
ni , peintre eftimé , élève de Frédéric Zuc-
çhero. Ce fut dans cette école qu’ il apprit à
peindre la frefque. De retour à ^Genes , il (®
fit une grande réputation & y fut chargé des
travaux les plus confidêrables. Son principal
ouvrage eft le plafond de l’annonciade del
Gnajlato qui repréfente l’hiftoire de la Vie rge :
ouvrage digne d’ admiration par la force des
couleurs.
» I l avoit de la facilité dans la ccmpcfiiicn , en