
Daphné, légèrement drapée , finement deffinéé,
artiftement exécutée , paroît être une imitation
de l’Atalante antique. Ç’ eft aufli à Marly , fur
la terraffe, à la tête de l'abreuvoir, que le
voyem les derniers , & peut-être les plus beaux
de fes ouvrages. Ce font deux grouppes, dont
chacun eft compofé d'un cheval 6c d’unéciiyer;
ces chevaux le cabrent & font pleins de feu.
Le même artifte , quelques années auparavant,
avoit décoré du grouppe en marbre de l'Océan
& de la Méditerranée, le tapis-verd de oes
mêmes jardins.
On peut regarder comme un ouvrage capital
la figure en bronze du Rhône , de dix pieds
de proportion , qui accompagne à Lyon la
ftatue équeftre de Louis XIV.
On voit dé notre artifte, à Verfaillès, un
Bacchus dans une allée du Théâtre d'eau , & un
bas-relief placé fur l’une des portes de la tribune
du Roi. Il repréfente Jéfus-Chrift dans le
temple au milieu des doéleurs. C’eft: lui qui a
terminé le bas-relie! du palfage du Rhin , qui
eft placé dans le fallon de la Guerre. « Le fort
» Tholus, dit Dandré Bardon, déljgné par
» une tour embrafée , fe defïïne légèrement fur
» le fond. Un génie portant le calque du mo-
» narque paroît d’un côté -, de l’autre , la V lc-
» toire couronne le héros. Ces deux objets,
» traités dans une progreflion raifonnéé de re-
» l i e f , foutiennent le faillant de la figure
'» principale -, tandis que celle du fleuve, placée
» fur le fite le plus avancé , foutient elle^-
» même le grouppe où le roi domine , & s’ac-
» corde en même temps avec le champ du bas-
» r e l ie f , où elle parvient par la médiation des
a acceffoiresqui l’environnent».
S i , dans cet ouvrage, les talens de Guillaume
font affociés à ceux de François, il a fait feul-le
beau bas-relief qui décore la porte royale des
Invalides. « Louis X IV à cheval eft accompa-
» grié de deux Vertus aflifes aux angles du
» piédeftal ; les faillies, d’un relief lé g e r ,
» font en contrafte avec des parties entière-
» ment ifolées. C’eft par. la magie des oppofi-
» rions, que le cifeau a judicieufement con-
» trebalancé cette unité de plans qui jette de
» la monotonie & de l'ennui dans certains bas-
» reliefs. La noble fimplicité de celui que nous
» examinons, continue l’artifteque nousavons
» déjà cité , débarraffée des détails minutieux
» qui appauvrirent les effets en les multipliant,
» dévoile que l ’auteur , élève de l’antique & de
» la nature, a perfectionné, par l’infpiration
» de celle-ci, les principes puifes dans l’autre ».
O n eftime dans cet hôtel les figures en pierre
de Mars & de Minerve , ouvrages du même fta-
tuaire , ainfi que les figures d’Hercule & de
Pallas à la principale porte de l’hôtel de Sou-
bife.
Entre les morceaux qui apurent fa réputation.
on met dans un rang diftingué le fronton du
chateau d’eau vis-à-vis le Palais Royal: il y a
repréfenté la rivière de Seine & la fontaine
d Arcueil, I l a aufli décoré la Grand’Chambre
du Parlement d'un bas - relief où l ’on voie
Louis X V entre la Juftice & la Vérité. Ce labo*
rieux ftatuaire eft mort à Paris en 1746, âgé
defoixante-huit ans,
(51) Ja cques B ousseau , élève de Nicolas
Couftou, naquit à Chavagnes en Poitou en
lo b i. Il donna pour morceau de réception à
I académie royale une figure d’Ulyffe qui tend
fon arc. On voit de lui à la Magde eine de
Trénel le tomhçau de M. d’Argenfon, M. D . . *
attribue aufli celui du cardinal Dubois dans
l ’églife collégiale de Saint-Honoré ; mais, fui*
vant Dandré Bardon , ce monument eft de
Guillaume Coufteu. I l a fait à Notre-Dame,
dans la chapelle de Noailles , les figures de
Saint Maurice & de Saint Lo u is , & un bas-
relief repréfentant Jéfus-Chrift qui donne les
clefs à Saint Pierre. Le plus grand nombre de
fes ouvrages eft a Madrid où il fut appelle en
qualité de premier fculpteur du roi d'Ffpagne.
II y eft mort en 1740, âgé de cinquante-neuf
ans?
( j x ) Antoine V a s s ï naquit à Seine en
Provence , en 1083. Nous noyons fur îuf
d’ autres renfeignemens que ceux qui nous font
offerts par Dandré Bardon. « II entreprit avec
» fuccès , dit cet artifte, divers ouvrages de
» fculpture. Les décorations du choeur de
» Notre-Dame & celles de l’hôtel deTouloufe
» font de fon invention. Le bas-relief du maître-
» autel de la Métropole de Paris, la figure qui
» eft à. la chapelle de la Vie rg e , la fculpture
» du portail des Capucines, &.c , font les fruits
» heureux de fon ingénieux cifeau ». Il eft
mort à Paris en 1736, âgé de cinquante-trois
ans.
(53) F rançois Dumont, né à Paris en
1688, fit de rapides progrès fous fon père
Maître Sculpteur de l’Académie de Saint-Luc.
Il remporta de bonne heure le premier prix de
l’Académie Royale : & étoit prêt de partir pour
Rome avec la penfion du Roi , lorfqu’ il fut retenu
dans fa patrie par l ’amour ; il époufala fille
de Noél Coypel. Dès l’âge de vingt-trois ans ,
il fut admis à l ’Académie Royale , [& donna,
pour morceau de réception , un Titan foudroyé 5
morceau d’un beau ftyle & d’une fine exécution :
on v o k le géant menacer encore le ciel qui
le punit.
Sans parler de différens ouvrages qui contribuèrent
a la réputation , & dont plufièurs font $
Petit-Bourg , nous paierons à deux figures qui
font fur-tout honneu* à fon talent j elles font à
Saint Sulpice, 8c repréfentent Saint Jean &
Saint Jofeph: le premier; eft prefque nud ; il
a le bras gauche appuyé fur un tronc d’arbre ,
& tient une croix de rofeaux enveloppée d’ une
banderolle : Saint Jofeph, caraélérifé par le lys
qu’ il tient de la main droite , a, dans là gauche,
un livre fur lequel il femble méditer. Les
deux autres figures parallèles, repréfentant Saint
Pierre & Saint P au l, font du même auteur.
Le Duc de lorraine voulut s’attacher un artifte
devenu célèbre dès fon entrée dans là carrière.
Il l’appella à Nancy il le décora du
titre de fon premier fculpteur: mais les. travaux
du premier fculpteur fe réduifirent à un
fronton & au modèle d’un autel.
Un monument plus capital dont il fut chargé
& qui eau fa fa mort, fut le tombeau du Duc
«le Melun placé chez les Dominicains de Lille.
Dumont alla dans cette v ille pour mettre la derrière
main à fon ouvrage : l ’échafaud fe brifa
fous lui ; il fe caffa la jambe, & reçut intérieurement
des bleffures plus dapgereufes. Après
avoir langui long-temps, il mourut en 1726 , à
l ’âge de trente-huit ans, n’ayant fait , en
quelque forte, qu’ indiquer ce qu’il auroit dû
produire.
(54) Edme Bouchardon , né à Chaumont
«n Baflîgny en 1698 , montra d’abord la plus
forte inclination pour la peinture •, fon père qui
étoit en même temps fculpteur & archite&e ,
& qui avoit de l’aifance , féconda le penchant
de fon fils , & eut l’utile complaifance de faire
chaque jour pour lui les frais d’un modèle. Le
jeune artifte recueillit le fruit de ces études,
ïorfqu’une paflion nouvelle , aufli vive que la
première, l’entraîna vers,, la fculpture. Après
avoir paffé quelque temps dans l ’école de Guillaume
Couftou , il remporta le premier prix de
l ’Académie Roy ale, & fut envoyé à Rome avec 2a penfion du Roi. Deffmateur pur & fa c ile , il
eut un avantage qui manque à ceux des fculp-
teurs qui ne favent guère que modeler , celui de
multiplier aifement les études dans cette v ille
fi abondante'en chefs-d’oeuvre de l’art. Il copia
au crayon les plus beaux monumens de
l ’art antique , & les principales figures de
JRaphaël & du Dominiquin. Cependant il n’a-
bandonnoit pas la pratiqué de l’art auquel il
s’ étoit particuliérement confacré. Il fie une
belle copie d’une figure antique repréfentant
un Faune endormi ; il fculpta plufièurs port
r a i t s ,^ traita ce genre dans ce beau goût de
fimplicité pure qui a fait le cara&ère de fon
ftyle.' I l étoit déjà compté au nombre des ha- S
biles maîtres de l’Italie , & fe yoyoit chargé
•d® l ’exécution d’ un grand monument, le tombeau
de Clément X I I I , lorfqu’en 1732, les ordres
du R&i le rappellèrent en France.
I l fut chargé à fon retour d’une ftatue de
Louis X I V , deflinée pour le fan&uaire de
Notre-Dame j il en fit le grand modèle qui
n’a pas -été exécuté. Il répara, dans les jardins
de Verfailles , la fontaine de Neptune , 8c
y fit le Triton qui , p o fé fu r une co q u ille ,
s’appuie fur un énorme poifTon. Quelques ouvrages
, demandés par des particuliers , partagèrent
fes foins ; mais il n’avoit point encore
fait de travaux publics importans, lorfque le
Curé de Saint Sulpice, en le payant fort mal,
le chargea d’orner le choeur dé .fon églife.
Bouchardon fit dix ftatues, Jéfus-Chrift, la
Vierge & huit Apôtres. La modicité du prix
qu’il recevott de cette entreprife l ’empêcha de
la pouffer plus loin : maïs il fit les deux anges
en bronze qui tiennent le pupitre des chantres;
& s’il fut peu généreufement payé de ces
deux ouvrages , leur mérite , en contribuant a
fa gloire, put fuffire à la récompenfe. Le tombeau
de la Ducheffe de Lauragais, élevé dans
le même temple , ne fait pas moins d’honneur à 1 artifte. Ce monument, fimple, mais touchant
, n’eft compofé que d’une figure de femme
éplorée , appuyée contre' une colonne.
Mais le plus confidérable de fes ouvrages
celui où il déploya fon talent comme ftatuaire
& comme archite&e, eft la fontaine que le
corps de ville le chargea d’élever dans la 'rue
de Grenelle. Sur le corps avancé , il a repré»
fente la ville de Paris aflife fur une proue de
vaiflèau qui eft fon fymboîe , la Seine figurée
par un fleuve robufte tenant un aviron, la
Marne par une nymphe qui tient une écrevice.
Dans les quatre niches dos aîles, il a placé
J les figures des quatre Saifons.
Quelquefois une feule figure n’affure pas
moins la réputation d’un artifte qu’un grand
monument : c’eft ce que prouvent les éloges
accordés à l’amour adolçfcent, taillant un arc
dans la maffue d’Hercule. Placé d’abord à Ver.
failles, il eut alors peu de fuccès: tranfporré
à Choify, ^il y fut célébré: la poftérité trouvera
peut-être dans l’ idéal de ce morceau un
vice capital; celui d’être énigmatique. Elle
verra un grand, jeune homme appuyé fur un
morceau de bois dégrofli par le haut, encore
brut par le bas : elle le verra faire un effort
pour le courber, & aura peine à le rendre
compte du motif de cette aftion. Une épée
eft aux pieds de cet adolefcent; mais qui
pourra deviner alors que c’eft: l’ épée; de Mars
dont l’amour s’eft fervi pour commencer fon
travail? On verra une corde fur un teriein
femé de fleurs, mais faura-t-on que cette corde
j eft celle qui doit-être adaptée à l’arc? On ne
reconnoîtra dans cet ouvrage qu’une figure
élégante d’un adolèfcent, & l’intention de
l ’auteur reftera inexplicable.
Bouchardon termina fa carrière par un mo-
! nupient digne de l i i i , la ftatue équeftrç de