fée eft excellente pour les ébauches ; elle
mange , elle dévore, pour ainfi dire , tout ce
qui le préfeme devant elle : mais s’agit - il de
fin ir , fau t- il opérer avec plus de précaution ;
on ne doit plus employer que de la poudre de
diamant très-fine : elle ne peut, pour cet nfage,
etre pilce trop fin dans le mor;ier. Au defaut
de diamant, on pourvoit fe fervir de rubis ou
d autres pierres orientales, réduites en poudre -,
mais comme il s’en faut beaucoup que cette
derniere poudre ait la même activité que celle
-de diamant, le befoin féal la doit faire admettre.
L une & Vautre s’emploient mêlées avec de
J’huile d’ô live pour la gravure de toutes les
pierres fines orientales , de même que pour
celle des agarhes , des cornalines & des jafpes.
A l'égard des pierres plus tendres , telles que
l ’amethyfte & l’émeraude de Bohème, le cryf-
t a l, & c . l’expérience a appris que la poudre de
-diamant agiffoit mieux fur elles , 1 or 1 qu’elle
m^étoit imbibée que d’ eau. L’émèril, dont quelques
ani{tes fe fervent par économie, n’ eft
bon tout au plus que dans les ébaudies , & pour
former de grandes mafles : par-tout ailleurs il
«ft d’un fort mauvais nfage, il fait trop de boue,
& le graveur ne voit point ce qu’il Fait.
Mais ne perdons point de vue notre a r iifle ,
& revenons auprès de lui. Nous l’avons jâifle
ayant entre les mains la pierre deltinée à être
gravée, & dont la_-furfa.ee doit être unie 8c
non polie , cireonfiance qu’il ne faut pas nég
lig e r : il y a deffinéavec une pointede cuivre
«e qu’ il y veut exprimer d’après fon modèle qui
ne doit plus fortir de delfuus fes yeux : il la
préfente au touret. Il a eu la précaution de
monter fur cette machine un des .outils qu’on
nomme feies ; il appuie la pierre contre le tranchant
de cette foie, il marque de diftance en
diftance des points de reconnoiflance fuivantle
trait ou contour extérieur de la figure qu'il doit
graver 5 il achevé de former extérieurement
ce premier trait ; il dégroffit tout de fuite, il
abat de la matière -, puis', l’ouvrage commençant
à prendre forme, il travaille avec plus de
ménagement, ayant fucceffivement recours aux
bouterolles & aux autres outils qu’ il eflime être
les plus convenables, & peu-à-pcü il vient à bout
de terminer ce qu’ il a commencé de graver.
Mais comme il n’opere, comme on vo it, qu’à
tâtons & à l ’av eug le, il eft non-feulement
ob ligé, pour juger de fon ouvrage, d’efîuyer
prefque à chaque inftant fa pierre qui fe couvre
de boue ; mais il efl encore dans une continuelle
néceffiré d’ en tirer des empreintes avec
de la cire molle préparée. Il doit suffi ne s’en
pas fier tellement à fes yeux ,.que cela lui.fafle 1
négliger de regarder fouvent fon travail avec J
la lour-e i car rien ne fait mieux ap percevoir f
les défauts. Le meilleur confeil que l’on pniffe I
donner, efl de ne fe point trop précipiter. Si le 1
graveur a été trop avant, 8c que fon 6utïl nié
trop mangé de la pierre, il n’eft pas poffible d’y
apporter du remède -, c’eft une pierre gâtée.
Outre cela, il faut avoir une attention fingulière
que les outils l'oient extrêmement ronds ^ 8c
qu’ ils tournent bien fur leur pivot : le moindre
petit foubrei'ant eft capable d’éclater une pierre,
& cela peut arriver au moment qu’on fe félicite
d avoir furmonté toutes les difficultés,'
A in fi, comme le graveur, quelqu’habile &
quelqu’experitnenté qu’ il foît, n’eft pas toujours
abfolument le maître de fon ouvrage, il ne peut
ufer de trop de précautions, ni aller trop doucement,
fur-tout lorfqu’ il le préfente des fitua-
tions gênantes & qu’il faut faire de certaines
excavations difficiles 8c cependant indjfpen-
fables. Il arrive a fiez fouvent que les outils
ne peuvent point parvenir aux endroits qu’on
voudroit fouiller : ils font rond où il faudroit
faire plan, & ils laiflent toujours quelque chofe
d’indécis dans les touches. Dans ces cas, ce
qu’on peut faire de mieux, eft de fe fervir des
pointes de diamant que j ’ai indiquées ci - de (fus.
Cet infiniment à la main, (car il n’eft plus
queftion du touret ) on forme de petites finuo*
fîtes on termine des traits , on approfondie
quelques endroits, on en évide d’autres, on
dépouille certaines parties, on fait de ces-travaux
délicats qui, à peine, effleurent la pierre 5
on met enfin l’ame, l’efprit & la finefle dar.s
fa gravure. Mais cette operation eft infiniment
longue ; il n’y a qu’ un artifte jaloux de bien
faire qui pnifle ne s’en pas rebuter : encore
faut-il qu’il foit tout-à-fait maître de fa main r
un coup échappé, ou donné mal' à propos, eft
capable de tout perdre. ’
Un graveur foi gueux peut encore fe faire faire
de petits outils, à main de cuivre , en forme
d’ébauchoirs, & les imbibant dans de l’huile
mêlée avec de la poudre de diamant, il les*
promènera doucement fur fon ouvrage , pour
manger la pierre dans les endroits où ni l’outil
ni la pointe de diamant n’ont pu pénétrer &
fur-tout dans ceux qu’ il veut unir. C’eft ce
qu on peut nommer, donner la dernière maint
à l ’ouvrage.
Quoique je n’aie parlé jufqu.’à préfent que
de gravure en creux, je n’en ai pas moins en-
fetgné tout ce qui s’obferve dar.s la gravure
en relief: car, dans la pratique, ces deux fortes
de gravures n’ont rien qui ne fe reffemblfe.
Ce font les mêmes outils qu*on emploie, &
les mêmes attentions qu’il faut, avoir y avec
cette différence que le graveur voyant ce qu’ il
fa it, Jorfqu’ il travaille de re lie f, il n’ a ' pas
befoin d’en tirer des empreintes, comme dans
la gravure en creux : la vue de fon jnodèle
li:ff t pour lc-guidrr. Il y a cependant une obfer-
vatiori importante à faire : les outils ne fervent
pas fi bien dans cette opération que dans celle
creux: leur forme les rend très-propres à
faire desexcavations, desconvexités, telles que
le demande la gravure en creux -, mais dans les
reliefs , où prefque tout eft {aillant, 8c doit
prendre une forme convexe, l’outil qui lui-même
eft convexe, s’ oppofe prefqu’a chaque inftant a
rintention du graveur. Ces outils, & l’on ne
peut en imaginer d’autres, ne portent jamais
que dans un point ? 8c c eft avec une peine
infinie qu’on peut parvenir à exprimer les parties
Taillantes., & à leur donner de la rondeur. Encore
plus difficilement peut-on employer ces outils
dans les méplats -, aufti les champs des camées
ne font - ils j tmais bien dreffés. C ’ eft alors qu’ il
faut de toute néceffité émprunter le fecours de.
la pointe de diamant & de ces petits ébauchoirs
■ dont je viens d’enfeîgner l’ufage. Quand on
examine le travail des plus beaux camees des
anciens, il ne paroît pas poffible qu’ils les
aient'exécutés autrement ; & peut-etre eft-ce
pour avoir négligé de fe fervir de c es derniers
inftrumens, &. avoir craint les longueurs de
l ’opéiation , que plufieurs camées font d’un travail
fi lourd & f i indécis. Les excellens graveurs
de l’antiquité , moins avares de leur temps que
jaloux de leur réputation, ne ménageoîent point
aftèz la peine, & fouvent ils Ibrtoient de l’ouvrage
les yeux fi fatigués, que ne pouvant plus
fou tenir la vue des petits objets qu’ il» gravoient,
ils érôient obligés, s’ il en faut croire P line, de
regarder des émeraudes, dont la couleur agréable
8c bienfaifante les récréoit, & rëmettoit
leurs yeux dans leur état naturel, Qiiin & ab
ihtentlone alla obfcurata, ajpeclu Jmaragdi
recreatur actes% fcalpentibufqüe gemmas, non
âlia g atior oculo rum refecîio ejl : ita virïai
Unitate laffitudincm mulcent. Plin. lib 37, c. 5.
Le yer-d eft une couleur amie de l’oeil, 8c s’ il
à'ri voit que le foleil dardât trop vivement fes
rayons fur l'ouvrage que le graveur auroit entre
fes mains, & que celiii-ci s’en trouvât incommodé
, il ne pour roi t mieux faire pour les
rompre , & adoucir une'lumière trop v iv e , que
de mettre à la fenêtre un flore de gaze verte
très - déliée.
I l ne me refte plus qu’ à rendre compte de
la manière dont il faut s’y prendre pour polir
l ’ouvrage qu’on vient dé terminer, & cette
dernière façon devient encore commune à la
gravure en creux & à celle en relief. On fe
l'er-t pour fcela: d’une brofle ronde & plate, 4e
po’ l de fanglier , qui ne foir. ni trop rude ni
trop doux, & lë poil ne doit, pas excéder deux
lignes de longueur. En faifant pafler & re pafler
cette brofle fur la pierre avec du tripoli en
quantité & beaucoup d’eau , on parvient à
éclaircir ce qu’on a gravé 8c a lui donner le
premier luftré.1’ On peut même monter cette
brofle fur le touret, la faifant agir.comme on
fait les outils ayec lefquels on grave ; le poliment
fe donnera plus promptement 8c mieux.
Mais cette opération eft accompagnée d’ un inconvénient
: l’aélivi'.é avec laquelle le touret
fait marcher la brofle en fec-oue les poils -, cet
ébranlement fait rejaillir de tous cotes l’eau
8c le tripoli, bientôt celui qui conduit la pierre
en eft tout couvert. C’eft pour y 'remédier, qu’on
a imaginé de renfermer la brofle dans une petite
boëteou étui de fer - blanc., q ui, contenant le
p oil, empêche que le tripoli ne s’échappe autant
qu’ il feroit fans cette précaution.
On prend enfuite de petits outils auxquels on
a donné la figure d’une bouterolle ; on les monte
fucceffivement fur le touret, commençant par
ceux d’ étain, puis par ceux de buis, & unifiant
par ceux qui ne font que de bois blanc : on
les infinue dans toutes les cavités qu’en a deflein
de polir , & l ’on parvient premièrement avec
de la potée d'émeril, 8c tout de fuite avec le
tripoli de Venife très-fin, à adoucir principalement
les chairs, 8c à mettre dans tout l ’ouvrage
le plus beau poliment. S’il refte quelques petites
finuofités où aucun outil n’ait pu arr iver, on
y introduit une pointe de plume , & avec de la
potée d’émeril ou de diamant, lecondée-de beaucoup
de patience , ces endroits s’éelairciflent
8c prennent le même poli que tout le refte#
J’ai vu auffi employer, pour polir des camees,
de la-‘poudre qui. provenoit de ces pierres à
aiguifer connues fous le nom de pierres du
Lovant , ou de la v ieille roche , lefquelles
avoient été écrafoes. & pilées très-fin : 8c je crois
que la méthode n’eft pas mauvaife.
Si la pierre eft gravée en creux , il ne s’agit
plus que de donner le poliment à fa fuperficie
extérieure, ce qui fe fait fur la roue du lapidaire :
mais quoique l’opération foit ai fée, elle n’ en
demande pas moins d’attention : car fi la pierre
eft remife entre les mains d’un ouvrier peu
intelligent, un tour dè roue peut affamer l’ouvrage
& faire difparoître un travail délicat qui
a demandé bien du temps , & qui doit montrer
l ’habileté du graveur. Auffi les bons artiftes
préfèrent-ils de faire eux-mêmes ce travail a
la main, fur le dos d’une affietre d’étain, en
promenant la pierre en rond avec du tripoli y
autant de temps qu’il en faut pour lui faire
acquérir le poliment v i f dont el!e-a befoin. Cela
même fait prendre à leurs pierres une forme
convexe , 8c leur donne un galbe qui ne peut
que produire un bon effet. ( Extrait du Traité,
des pierres gravées, par M . Jkfa r i e t t e . )
On vient de parler de la gravure en creux
fur les pierres fines, & de celle en b as -re lie f
qui produit les ouvrages que l’on nomme des
camées : on travaille auffi les pierres fines en
ronde - boffe : mais la pratique de ce genre eft
abfolument la même que celle de la gravure
en creux & en relief. La différence ne porte