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à l’ huile, on ne peignoit qu’ à frefque & en détrempe
: encore peut on regarder la frefque
comme une forte de détrempe appliquée fur un
enduit frais.' On voit encore en Italie & en
France des peintures à détrempe fur le plâtre
q ui, malgré le laps de plufieurs liée le s , confer-
vent encore plus de fraîcheur que l’huile même.
Cette forte de peinture a encore l’avantage
qu’étant expofée a tel jour ou à telle lumière que
ce foit, elle fait .toujours Ion effet, & plus le
jour eff grand , plus elle paroît vive & belle. Il
n’en eft pas de même de la peinture à l’huile ,
qui ne peut être regardée que de côté, & laifle
au fpeélateur une jouiffance incommode & imparfaite,
quand les ouvrages font immédiatement
frappés de la lumière : inconvénient con-
fidérable -, car la peinture péchant naturellement
pour n’avoir pas de couleur capable d’exprimer
la lumière , perd encore une partié des moyens
qui lui relient, quand elle ne peut être éclairée
que par un jour de reflet.
Les couleurs de la peinture à l’huile changent
avec le temps : les blancs pouffent au jaune,
les bruns pouffent au noir, &c.' au lieu que
les couleurs delà détrempe , une fois féches, ne
craignent plus aucun changement, tant que fub-
fifte le fond fur lequel elles font appliquées. La
rai (on en eft qu’ elles font employées telles
qu’ elles fortent du fein de la terre. La colle ou
la gomme qu’on y mêle , pour les rendre plus
Inhérentes à la lurface qu’elles couvrent > les
changent fi peu , que la couleur n’a pas plutôt
acquis le degré de ficcité convenable, qu’elle
reprend fa première fraîcheur & fon premier;
éclat;
I l eft d’expérience qu’une bonne détrempe,
exécutée'fur un enduit de plâtre bien fec , eft ,
au bout de fix mois, capable de foufrrir fans altération
des pluies aflezjongues. Que ne feroit-
elle donc pas , placée à l’abri de l’humidité ? On
a lieu de s’étonner & de Je plaindre de ce que
les peintres la négligent. Elle leur feroit avan-
tageufe ; elle le feroit au. public. Comme elle
s’exécute plus promptement que la peinture à
l ’h u ile , l’artîfte feroit plus d’ouvrage, & les
amateurs auroient une jouiffance plus prompte.
Les ouvrages fe faifant plus vite , poùrroientfe
donner à meilleur prix -, un plus grand nombre
de peffonnes pourroient s’en procurer, & les
peintres gagneroient avec avantage furie nombre
des ouvrages qu’ ils féroient capables de
fournir, ce qu’ ils perdroient fur la rétribution
qui leur feroit accordée.
Quand il s’agit de grands morceaux, la détrempe
doit être touchée à grands coups & vi-
gonreufement. Elle demande alors d’ être vôe de
loin. Elle pourroit produire un très-bon effet
dans les plafonds , &: auroit l’avantage de pouv
oir être tenue fort lumineufe , & de fecon fer-
ver dans-cet état. On fait que les plafonds ont
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été relégués des appartenons, parce qu’on le»
peignoit à l’huile , 8c que devenant oblcurs, ils
répandoient la trifteffe dans les pièces qui en
ecoient décorées. Il faut avouer que la détrempe
ne feroit pas propre aux voûtes & aux dômes des
églifes. On ne peut y faire des enduits de plâtre
lur la pierre , parce que le Palpêtre de la pierre
feroit attacher l’enduit. La toile, trop fufcepti-
ble d’humidité, n’eftpas, dans ces occafions,
un‘eorps propre à recevoir la détrempe.
Il n: ’y a point de manière de peindre qui admette
plus de différentes fortes de couleurs.'
Toutes les terres y font bonnes : la terre d’onibre
même, qui dans ion état naturel & brûlée, eft
avec raifon bannie de la palette des. peintres à
l ’h u ile , loin de pouffer au noir à la détrempe, y
devient une-couleur admirable. Elle eft-préférable
aux ochres brufées , parce qu’elle n’eft pas
fujette, comme elles, Ji tirer fur la couleur de
brique , défaut trop ordinaire aux Frefcanu d’I talie.
Les belles laques , mariées & rompues-à
propos avec la terre d’ombre, de même que les
ochres, font une couleur des plus flatteuiès;. La
cendre bleue , qui eft une couleur perfide à
l ’huile, eft charmante dans la détrempe : elle
y tient un des premiers rangs, puifqu’on peut
l ’y fubftituer à l’outremer. Le noir d’os & d’ivoire
doivent être exclus de la détrempe : il ne
faut y employer que le noir de charbon.
La terre de Cologne eft très-bonne , mais
feulement pour les glacis des ombres fortes. On
la m êle, pour cela, avec les laques brunes & la
graine d’Avignon. Ces glacis font admirables
pour donner de la force dans les bruns..
La teinture de graine d’Avignon tient lieu de
ftil-de-grain dans la détrempe-, mais c’eft une
couleur pernicieufe lorfqu’on ne l’ employe pas
avec diferétion ; il faut fe donner de garde de la
mêler dans aucune t e in t e e l l e pouffe & domine
toutes les autres couleurs. Si l ’on s’avifoit de retoucher
les endroits où il y auroit de la teinture
de cette graine , ou d’y faire quelques çhange-
mens , toutes les parties retouchée > Teroient tache.
II faut donc la réferver pour les glacis ,
lorfqu’on veut réveiller & rafraîchir certaines
parties. Il faut aufii avoir l’attention de ne pas
l'approcher trop près des lumières, & de ne
l’employer que dans les demi-teintes. En négligeant
ce foin, on rendroit l’ouvrage extrê-
mement lourd. Un peintre bien au fait de la détrempe
, peut donner de la force à fon ouvrage,
fans le fecours de la graine d’Avignon.
Dans la détrempe , comme dans la peinture à
l’huile, il faut craindre l’ufage des orpimens , à
moins qu’on ne les employé purs : encore vautr
il mieux les rejetter , caron a toujours lieu d’ap-
préhender-qu’ ils ne pouffent au noir & ne gâtent
l ’ouvrage.
La laque devient brune par le mélange avec
l’eau de cendres grayelées. Cette eau lui dpnne,
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dans la détrempe, le même corps & la même 1
beauté qu’ a cette couleur dans la peinture a J
l ’ huile. On fait bouillir pour cet effet la cendre
gravelée, pour en difloudre le fel ; on laifle refroidir
la liqueur^ on la filtre, on la fait réchauffer,
&on la mêle toute bouillante avec la laque.
L’ efpéce de laque qu’on nomme colombine , qui
eft çompofée avec le bois de B réfil; ou de Fer-
nambouc, ne vaut-rien.
En général toutes les autres couleurs qui font
jugées bonnes pour la peinture à l’huile , le'foiic
auffi pour la détrempe. Il faut éviter de faire
ùfage des ftils-dc-grains : ils ne tiennent pas, &
ne font bons ni à l’ huile., ni à la détrempe.
La colle dont on fe l'ert pour préparer l’ éâu à
détremper les couleurs , fe fait avec des rognures
de peaux blanches % c’eft ce qu’on appelle
colle de gants : ou avec des morceaux dé parchemin
coupés ; on l’appelle colle de parchemin.
On peut voir à l ’article D o r u r e la manière de
faire la colle d e parchemin : voici celle de faire
la colle de gants.
- Prene z une livre de rognures de gants blancs.
ou en général de peau blanche d’agneau ou de
mouton. Làiffez-ies macérer quelque temps dans
l ’eau \ & lavez-les bien pour en ôter toutes les
iale’tés. Jettez cette première eau , & remettez
vos rognures dans un chaudron' avec de i’ eau
bien nette -, il en faut dix pintes pour une livre
de rognures. On laifle bouillir l’ eau jufqu’ à ce
qu’elle foitréduite à moitié. Alors la peau eft
prefqu’ c ncierement fondue. On paffe la colle encore
chaude à travers un tamis ou un gros linge ,
on la laiffe repofer dans' un vafe, & elle dépofe
au fond ce qui peut lui refter de faleté. On la
garde dans un endroit frais & dans un vafe de
terre verniffée. Elle fe diffoud & fe putréfie |
très-vite en été ; on,peut la conferver affez longtemps
en hiver. Il faut que cette colle ait la
cnnfiftance d’ une forte gelée ; (k comme, elle
îa prend difficilement dans les temps chauds , il
faut augmenter conlidérablement la dote des
rognures.
La colle de parchemin eft beaucoup plus belle
que celle, de gants.
La colle fe conferve d’autant mieux qu’elle
eft plus forte > mais il ne faut pas l’employer
dans route fa force; elle noirciroit les couleurs
8t les feroit écailler. On la coupe avec de l’eau
chaude , on les mêle bien , & on l ’employé toujours
chaude. Le degré de chaleur doit être plus
fort quand on peint fur le plâtre. On ne doit cependant
jamais l’employer bouillante ; elle ter-
niroit l’éclat & la vivacité des couleurs , & fe roit
écailler la peinture.
L’eau gommée avec la gomme arabique fait
le même effet que la colle, ou plutôt elle fait
tin meilleur effet, puifqu’elle donne aux couleurs
plus de fraîcheur & d’éclat. Cette différence
»’eft cependant pas affez grande pour la faire
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préférer dans les grands ouvrages, dont elle
augmenreroit le prix. On la rc-ferve pour les ouvrages
en petit fur le-papier , le vélin , & même
le bois. Si on l’ emplovoic trop forte, elle auroit
le même inconvénient que la c o l le , & feroit
de même écailler la peinture.
Nous avons dit cju’on peint à la détrempe fur
plufieurs fortes de fonds -, on ne peint guère en
grand dans cette manière , fur de gros papiers,
que pour faire des cartons de tapifferie.
Si l’on peint fur les murs , il faut d’abord y
faire un enduit de bon plâtre, le plus uni qu’ i l
eft poflïble. On laiffe bien lécher cet enduit. On
y donne enluite une ou même deux couches de
colle bien chaude , & plus forte que pour détremper
les couleurs. Si les murs font un peu raboteux
, on mêle dans îa colle du blanc d’Efpagne
ou de craie , pour les rendre plus unis par cette
impreflion : on fait même ufage , pour cet effet ,
dé plâtre fufé à l’air & bien broyé. Quand cette
couche eft bien féche , on la racle le plus promptement
qu’il eft poffible , & l’on peint par deffus-
Quand on veut peindre fur bois, il faut y donner
de même deux couches de co lle , & racler
cet encollage pour le rendre bien uni.
Danslapeinture en détrempe fur toile, Félibien
vouloit qu’en choisît de vieille toile , demi-ufee
& bien unie. Il donnoit pour raifon qu’elle étoie
plus douce, & qu’on n’étoit pas obligé d 'y mettre
plufieurs couches de colle, q u i, dans la fuite,
pouvoient faire fendre & écailler la peinture. Cependant
M.;Parrocel croyoit la toile neuve préférable.
J’ignore s’ il avoir autant d’expérience
pour la peinture à la détrempe fur toile que fur
plâtre. Quoi qu’ il en foit, quand la toile eft bien
tendue fur des chaflis , il fau t, furtouQi elle eft
neuve , la frotter avec la pierre-ponce , pour en
ôter les noeuds & 4es inégalités, & lui donner ce
que les peintres appellent de Ÿ amour, c’ eft-à-
dire, de la difppfition à recevoir la peinture. On
l’imbibe enluite avec de la colle chaude, que
l’on paffe partout avec une grofle broffe ; &
quand la colle eft féche, on y repaffe la pierre-
ponce. Il faut enfuite imprimer la toile d’ une
couche de blanc de craie avec de la colle : quand
l ’imprefiion eft féche , on y paffe encore la
pierre-ponce. Si la toile étoit fort claire , il
faudroit y coller du papier par derrière.
/Pour pëindre furie papier, ou fur le vélin, il
eft ihutile d’employer aucune préparation. I l
faüdroit cependant coller le papier, s’ il ne Té-
toit pas. On peindroit mal fur un papier fpon-
gieux.
Le fond fur lequel on doit peindre étant préparé
, on y defline ce qu’on veut repréfenter,
avec du charbon tendre «fe lé g e r , fans appuyer
beaucoup ; car il faut fe ménager la liberté d’ef-
facer aifément, & de faire à fon premier trait les
1- changemens que l’on juge convenables. On efface
en frottant les, traits avec de la mie de pain ra£