
la fculpture a toute la nature pour objet cl’ïmî-
tation, 6c que la nature a des beautés de plus
d’une efpèce, pourquoi un fculpteur s’aflervi-
roit-il à une feule manière de draper, employée
félon les temps, les climats & les circonstances?
Les grands Sculpteurs modernes, tels que
François Quenoi, Puge t, Alegarde, Rufconi,
Le Gros, Angelo-Rolli, Sarrazin, & Bernin
quelquefois, font voir quelles beautés les étoffes
larges & jetçées de grande manière, produisent
dans la Sculpture, Les anciens Sculpteurs le font
voir au llî, mais rarement : enSorte pourtant
qu on pourroit faire la critique du goût ex-
c lufif des petites draperies antiques, par des
draperies larges du même tems, comme celle
du Zenon au Capitole, celle de la petite Flore
du même palais, dont les plis Sont ordonnés
avec la chaleur des plus brillantes étoffes ;
ce lle du Sardarrapale, au Mufaeum Clémentin,
& celle de Marius, à la V illa Negroni.
Dans les observations que l’on pourroit faire
fur les draperies des anciens, il ne faut pas
confondre le travail avec l’ordre 8c le choix
des plis. Si le travail en eft quelquefois Sans
goût, Sans intelligence 8c fans vérité, l’ordre
8c le choix en font prefque toujours favans,
& propres à donner les plus fublimes leçons. On
voit dans la belle copie d’après l ’antique
faite par Le Gros , aux Tuileries, l’ effet que
produisent les draperies antiques, lorsqu’ elles
font traitées dans le vrai de la nature. Tous
les artiftes qui ont vu l’original de cette fig
u r e , Savent jufqu’à quel point Son execution
eft inférieure à la copie; mais entre les mains
d’un grand ftatuaire, nous voyons ce que deviennent
les plis antiques. La belle exécution
des figures de la Fontaine des Innoçens, montre
encore l’ emploi heureux qu’on en peut faire.
Ces figures Sont des Nymphes, & cette forte
de draperie leur convient.
OSons avouer que les anciens ont Souvent
.négligé l’étude de cette partie; mais ils perdent
peu de chofe en comparaison de ce qu’ils nous
ont laiffé à admirer. Aucun Sculpteur ne doit
ignorer aujourd’hui, que le cifeau réuffit très-
bien dans la variété du travail que demandentles
différentes étoffes. Quelles qu’elles Soient, observons
que l’efpace & la quantité des plis ne
Soient pas égaux; que leur Saillie &: leur profondeur,
qui produisent les ombres, Soient harmonieusement
variées : Sans quoi l’oeil fera fatigué
d’une monotonie, telle qu’on la remarque 1
dans les draperies de la Famille de Niobé , où
ftatues antiques de femmes vêtues d’étoffes de la in e ,
que de ftatues ajuftées de draperies légères , 8c qu’on y
reconnoît aifément le drap à l’ampleur & à la rupture
de fes plis. ( Hôte du Rédacteur. )
les plis, fans Intelligence dans la diftrlbution
Sans vérité dans l’exécution, fontaffez Semblables
a des cordes , des copeaux , ou. des écorces
infipidement arrangées. L’harmonie eft aufli
nécelTaire dans la fculpture, que dans la mufi-
que : les yeux ne font pas plus indulgens que
les oreilles ( i ) .
Que les pl^ns de chaque pli. .Soient donc dif-
pofés de manière à ne produire aucun angle
aigu de lumière ou d’ombre, qui en Se découpant
durement, choqueroit la vu e , détruiroic
le repos des chairs ; & Semblable aux figures
Gothiques, ne préfenteroit que des détails dé-
Sunis : défaut qui affoiblic , étouffé même les
beautés réelles d’un bon ouvrage.
Mais il faut proferire les draperies voltigean-i
tes ; elles interrompent l’union, divifent l’ intérêt,
fatiguent l’oeil, 8c empêchent de voir
l’objet principal : excepté pourtant les Sujets &
les aélions où elles doivent être néceffairemenc
agitées, comme la chûte d’Icare, Apollon poursuivant
Daphné, & c . Alors, traitées avec beaucoup
d’art & de légèreté, ces draperies ajoutent
à l’ intérêt & à la vérité de l’aélion.
Dans un bas-relief, elles s’emploient aufli
avec fuccès pour étendre des lumières & des
ombres, lier des groupes, & Servir utilement à
l ’agencement d’une compofition. Mais fi elles
font traverses en Sens contraire par une multitude
de cafTures, comme on en voit dans quelques
ouvrages de Bernin, alors elles ont l’air
de rochers, 8c détruifent absolument le repos 8c
l’accord.
Si ces principes Sont fondés Sur le goût &
Sur la nature , il en réfulte qu’un Sçulpteur en
les Suivant, pourroit s’éloigner de quelque Système
particulier. Mais que lui importe? Il doit
Savoir que dans les arts, la recherche du vrai ne
connoît point d’autorité particulière. Qu’il ait
le courage de travailler pour tous les tems &
pqur tous les pays.
J’ai dit que l’ordre des plis antiques eft propre
à donner les plus Sublimes leçons. I l faut
d o n c p o u r Se former le goût de draper dans
les meilleurs principes, confulter les draperies
antiques, telles qu’elles font exécutées, préférablement
à certaines draperies modernes, plus
larges & moins froides en général. Cette étude
doit être même regardée comme aufli néceffaire
pour le drapé , que l’étude de l’écorché pour le
nud.
Ges principes, une fois reconnus, Sont ap-
( i ) Vitruve nous conte' fort férieufement , que les
canelureg furent ajoutées aux colonnes', pour imiter
les -plis des robes que portoie'nt les damés : Trunco-
que toto Jlrias, uti Jtolarum rugas, matronali more dî~
miferunp, 1. 4., c. 1. Les ftatuaires l’ont bien rendu
aux architeftes, quand ils ont fait leurs plis Semblable^
aux cançlmçs des cplonncs, ( Note de VAuteur, )
jpîicables à tous les ftyles ; & la nature, qui
ne perd jamais Ses droits, offrira toujours des
variétés & des leçons avantageuses au Sculpteur
qui aura pris dans l’antique un préservat
if contre l’abus des différentes maniérés.
J’ai dit aufli, que les moeurs, le climat, les
vêtemens des Grecs, étoient la caufe de leur goût
de draperies Serrées. I l ne faut donc pas s’étonner
fi les draperies larges n’auroient pas toujours
réufli à leurs yeux. C’ eft par la même rai-
îon qu’on en voit peu dans leur peinture. La
noce Aldobrandine, peinture ancienne, eft composée
8c drapée précisément comme les ftatues
8c les bas-reliefs du même tems.
Nous avons un fujet de Coriolan , gravé d’après
une peinture antique trouvée dans les
thermes de Titu s, dont les figures font très-
fymmétriquement arrangées ; l’ordfe & le goût
des plis y Sont traités comme dans les ftatues
antiques.
Les peintures & les Sculptures trouvées à Her- _
culanum,. font d’ un même ftyle.
Si l’on avôit encore des doutes fur la réuf-
fite des draperies larges , on pourroit vo ir , pour
fe raffurer, les figures de Le Gros, de Rufconi
, d’Angelo-Roiii, qui Sont à Rome dans
Saint-Jean deLatran; le Saint-André de François
Flamand , dans, Saint-Pierre, la Sainte-Thé-
refe du Bernin, dont l’habillement de carmélite
paroîtroit fe refufer à l’effet & au jeu d’une
draperie qui annonce les mouvemens divers du
corps humain ■. en un mot, tant d’autres figures,
dont les draperies larges Sont unanimement admirées.
Si ces Sculpteurs avoient Servilement
imité les anciens, & qu’ ils n’euflent ofé effayer
quelque chofe d’ eux-mêmes, de combien de
beautés ne ferions-nous pas privés’ » Ce qui
» eft aujourd’hui fort ancien, fut autrefois
» nouveau, pouvoient-ils dire avec T a c ite , &
» ce que nous faifons Sans exemple , Servira
» d’exemple ». Annal. 1. 1 1. c. 2.4.
( Article de M. Fa l c o n et , Recleur de VA-
ïeélion différente, aboutiflent à la gloire. Après
avoir entendu, fur la fculpture, un fculpteur
célèbre qui veut faire partager à art quelques
1 eadèmie Royale de peinture & fculpture de Paris,
honoraire de l'Académie Impériale des beaux-
'arts de Saint-Pétersbourg.)
• S c u l p t u r e . Le plus grand nombre des
principes établis dans l’article précédent eft in-
' conteftable & confacré; mais on y trouve aufli
quelques opinions qui partagent les artiftes &
les juges de l’a r t, 8c nous croyons ne pouvoir
refufer, dans ce di&ionnaire, une place à ceux
qui Soutiennent des opinions contraires. Nous
Sommes même obligés à cette impartialité, parce
qu’ un dictionnaire de l’art, doit offrir des ali- /
mens & des-principes divers à ceux des jeunes )
artiftes que leur goût. & leurs difpofitions na- j
turelles entraînent à des manières différentes
d’ envil'ager cet ar,t & de l ’exercer C’eft une
«arrière où plusieurs Sentiers ^ afte&ant une d i- [
uns des avantages qui Semblent réfervés
à la peinture, écoutons, Sur le même art, un
célèbre peintre qui veut que la fculpture Sé
renferme dans les qualités qu’ il croit lui être
Seules accordées. Ain fi les jeunes Sculpteurs que
la nature appelle à Suivre principalement le
goût auflère des anciens, & ceux qu’elle def«
tine à Se livrer principalement au goût pittoresque
des modernes , Suivront avec d’autanc
plus d’ardeur & de Sécurité leur penchant, qu’ils
reconnaîtront que de refpe&ables autorités leur
font favorables, & l ’art ne perdra pas des Sujets
dont un goût exclufif tendroit à les priver.
S’ il falloit cependant âfligner un rang a ces
deux fty le s , Sans doute le fty le auftère, dont
les Grecs nous ont tranfmis de û beaux exemples,
devroit obtenir la première place : mais il ne
faut pas oublier que ce ftyle devient froid ,
s’ il n’ eft pas accompagné de la haute beauté,
de la grande peffeélion.
Mon deflein,dit M. Reynolds dans Son dixième
difeours , dont nous allons tranferire la plus
grande partie ; mon defTein eft de faire aujourd’hui
quelques reflexions Sur la fculpture, &
de coniidérer eh quoi 8c comment les principes
de cet art fe rapprochent ou différent de ceux
de la peinture; ce qu’ il eft en Son pouvoir d’exécuter
, & ce qu’ il tâcheroit en vain d’ entreprendre,
afin que l’on Sache d’une manière
claire & diftinéte quel doit être le grand but
des travaux du Sculpteur.
La fculpture eft un art beaucoup plus uniforme
que la peinture; il “y a même une infinité d’objets
pour lefquels il ne peut-être employé d’ une
manière convenable & capable de produire de
bons effets.
L’objet de la fculpture peut-être exprimé en
deux mots -, la forme & le caraétère, & ces
qualités ne peuvent être rendues que dans un
Seul fty le , ( 1 ) tandis que les reffources de la
peinture, plus variées 8c plus étendues, permettront
par confequent d’employer une plus
grande diverfité demanières. Les écoles Romaine,
Lombarde, Florentine, Vénitienne, Francoife
& Flamande, tendent toutes au même but pah
des moyens differerts.
(1) Ce n’eft pas qu’eue effet chaque Sculpteur fi’art Son
ftyle particulier ; mais qui doit rentrer dans le genre qu’on
nomme grand, Sévère , n o b le , pur. Des ouvrages de'
fculpture , traités' dans' le ftyle de' Michel-Ange de Caravane
, de Jordaens , de Rembrandt & même de L u e s
Giordano , ne feroierit au'cuïï plaifir , parte que la Sculpture
ne représentant que les formes, 8c rie les relevant
pas du charme de la couleur , perd tout Son mérite
quaud elle offre'des formés qui ifon t point d© beàu^,
^ Note dit Rédacteur. )