
Louis X V , érigée au milieu de la place' ouï
porte le nom de ce Prince. Le cheval eft un
clief-d’oeuvre, le plus beau, le plus pur que
l?ont eût peut-être produit en ce genre, &
à qui il ne manque que d’être antique pour recevoir
tous les éloges qu’ il mérite. Lé modèle
étoit encore plus beau; mais des accidens arrivés
à la fonte, ont forcé d’ en altérer les
fineffes. Les Vertus qui loutiennent le pied-
d’eftal ne font pas de Bouchardon : la mort ne
lui a pas même permis d’en terminer les modèles
en plâtre ; elles font l’ouvrage de Pigalle.
Bouchardon étoit regardé comme le meilleur
deflinateur de fon temps & traitoit avec
la même facilité, la même pureté, le grand
& le petit. On a de beaux monumens de fon
habilité en ce dernier'genre dans les defïins
des pierres gravées qui accompagnent le traité
de M. Mariette. Feflard, le Comte de Caylus,
P reyfler, Soubeyran, ont gravé d’après lui
des defïins repréfentantdes lujets de l’antiquité
généralement traités dans la manière du bas-
relief. Ses cris de Paris font précieux par leur
fimplicité naïve & leur jufteffe.
La fagelfe & la pureté caraélérifent le talent
de cet artifte, qui eft mort en 176a, âgé de
foixante 8c quatre ans,
(55) L ambert-Sigisbêrt A dam, né à Nancy
en 1700, étoit fils d’ un fculpteur qui lui donna
les premières leçons de l’art.' Il vint à Paris
fe perfectionner fous les plus habiles maîtres^
remporta le premier prix de l’académie royale ,
& alla à Rome avec la penfion , à l ’âge de
vingt-trois ans.
I l paffadix années.dans cette v ille à étudier
& copier l’antique. I l reftaura les douze fta-
tues de marbre qui-repréfententl’hiftoire d’A ch
ille , reconnu par Illyffe, qui venoient d’être
déterrées fous les ruines du palais de Marins, &
dont le Cardinal dePolïgnac avoit fait l’acquifi-
cion. La plupart de ces figures étoient mutilées;
les unes n’a voient point de têtes, à d’autres
xnanquoit la moitié du corps r on prétend qu’ il
eft prefque impoffible de diftinguer les parties
antiques des parties reftaqrées. Si cela eft vrai
on peut fe plaindre dé l’artifte qui favoit fi
bien imiter l’antique dans fes reftaurations
& qui en différoit tant dans fes ouvrages
originaux. On auroit pu dire de lui en changeant
un peu le mot de Mignard : » Qu’il
» faffe toujours des antiques & non des Adam ».
Son talent de rèftaurateur fut Couvent employé
pendant fon féjour à Rome. I l copia
aufïi dans cette ville un grouppe de marbre,
de fix pieds de proportion , répréfentant Mars
careffé par l ’Amour. On affure que les Romains
ae purentrefufer d’applaudir au bas-relief dont 51 décora une chapelle de Saint-Jean de Latran
£ qui repréfente, l’apparition de & Vierge à
Saint André Corcini. Des entreprïfés plus eônfi-
durables alloient récompenfer ce premier fuccès
lorfqu’ il fut rappellé pur le miniftere de France.
A fon retour , il décora le haut de la
cafcade de Saint Cloud des deux figures efiimées
qui repréfentent la Seine & la Marne. Elles
font colloflalqs & ont dix-huit pieds de pro-*
portion.
Il fut enfuite chargé de faire pour le roi
deux grouppes qui étoient deftinés au jardin
de Choify. I l réuüic au gré du public qui
trouve beau tout ce qui l’étonne î il fut moins
applaudi des connoiffeurs qui croyent que le
beau doit être toujours accompagné de la fimplicité.
Ces deux grouppes repréfentent 1^
Çhafle 8c la pêche. L’auteur y a mis tout fon
art a foigner les accefloîres, & a été moins'
heureux dans la manière dont il a traité les
objets principaux. Le premier grouppe eft com-i
pofé de Diane accompagnée de deux nymphes.
L’ une attache un héros à un arbre; l’autre
aflïfe, à fes pieds, lui tend un arc & un carr
quois pour en faire un trophée.* Lés feuilles
& les branches de l’arbre font travaillées à
jour,* les plumes du héron font finies avec le
foin le plus recherché : quelques unes de ces
plumes fe détachent & lémblent avoir, en
marbre, la légéreté de la nature. Voilà ce.
qu’ aime le vulgaire : mais les meilleurs juges
prononcent que ces triomphes de la patience*
& d' une adreffe mefquine ne font pas ceux de
l’art du fculpteur qui, à la beauté, doit joindre
la iolidité. Ils auroient voulu que l’auteun
eût un peu négligé les feuilles dé fon arbre,
le plumage de fon oifeau, 8c qu’il eût fais
Diane plus belle.
Les mêmes recherches font encore plus exa-,
gérées dans l’autre grouppe qui repréfente deux?
nymphes occupées de la pêche. L’une tire un
filet percé à jour & rempli do poiffons quï
femblent s?agiter. Un jeune triton eft pris avec;
eux & fait des efforts pour échapper : l’autr©
nymphe aide fa compagne : le vent agite
& fait voltiger les draperies de ces déiix»
figures. Louis X V a fait préfent de ces grouppes
au roi de PrulTe, & ils font placés au jardin dp
Sans-fouci, près dé Potfdam.
On trouve la même fineffe de travail dans
le grouppe qu’Àdam fit pour le jardin de
Grofoois qui appartenoit au Duc d’Antin : il
repréfente un chafTeur prenant dans fes filets
un lion qui a tue fon chien. Bouchardon fit I0
grouppe correfpondant, 8c comme il fe montra
plus grand & plus fage , il fut moins applaudi..
C’eft Adam qui a fais à Verfailies le grouppe
de Neptune 8c d’Amphkrite pour le baffin do
Neptune. On voit de lu i, à l’hôtel de Soubife,
fix figures en ftuc; la Poëfie, la peinture, la
Mufique, la Juftice, l’Hiftoire , la Renommée ÿ
& aux Invalides, la figure de Sajÿt-Jérôme,
qui eft l’ un de fes meilleurs ouvrages. Il a
publié un Recueil de fculpturès antiques ,
grecques & romaines ,. gravées d’après fes defïins.
I l *eft-mort en i7J9> âgé de cinquante-neuf
ans.
(56) P a u l - A mbroise S l o d z , né à Paris
en 1702, » réunit, dit Dandré Bardon , plu-
» fleurs genres de fon art. Le dais du bal-da-
» quin du grand autel de Saint-Sulpice, les
», fculpturès des deux balcons qui font dans
» les bras de la croiCee ,. celles de la chapelle
» de la Vierge., le bas-relief en bronze repré-
» Tentant les noces de Canaquieft au rétable,
» les ornemens vc. les figures dû choeur- de
y> Saint-Méri , font les productions de v fon
» génie. L’ Icare qu’ il a fculpté pour fa récep-
» tion à l’académie, dont il fut profefieur,-
n eft un ouvrage eftimable ». I l eft mort en
$758 , âgé de Cinquante fix ans.
( 5 7 ) Jean-Ba p t i s t e L e m o y n e , fils .d e
Jean-Louis, naquit à Paris en 1704, 8c fut
élève.de fon père & d e le Lorrain : mais en
recevant leurs leçons, il ne confulroir pas
avec moins de confiance LargilUere & de Tro’i ,
il fe ptéparoit ainfi, dès fa première jeun elfe ,
à aflocier à la lculprure les agrémens de ia
/peinture , 8c on peut lui reprocher d’avoir trop
méconnu les limites de fon art. en voulant
les etendre, & de lui avoir ainfi fait plus de
tort qu’ il ne lui a procuré de perfection.
A l’âge de vingt ans, il remporta le premier
prix de feuipture à l’académie royale, 8c
avoit acquis le droit de taire le voyage" de
Rome a v e c 'la penlion du roi ■ mais-fon père
demanda comme une grâce que le jeune homme
fût'exempt d’accepter ce bienfait, 8c par une
-tendrefle aveugle, il éteignit devant fon fils
le flambeau dont il avoit beforn d’être éclairé.
Plus le jéjune homme montroit de feu immodéré,
plus U paroifloic rechercher ces agrémens Cé-
duéleurs qu’on petit appeller le bel -efpric de
l ’art, plus il avoit béfoin d’être remis dans
la route du vrai beau, par J e lpeélacle & l’èl
tude des grands modèles de l’antiquité & des
ouvrages des plus (âges’ maîtres modernes. •
1 II fe 'fit avantageufemenr corinoître par la
.figure de J. C, dans la compofition du baptême
du Sauveur, ouvrage dont Jean-Baptifte
Lemoyne, Ion oncle, étoit chargé pour le
maître-autel de Saint-Jean-en-Grève , & que
la mort l’empêcha de terminer. L’âge de l’auteur,
jui n’avoit pas encore vingt-cinq ans,
ajouta à l’admiration du public , ,8c ce premier
fuccès y al ut au jeune artifte une éntreprife
qui de voit confommer fa réputation , ç’étoi t.
une ftatue équeftre & coloflale de Louis X V ,
fleftinée pour la ville de Bordeaux. Le monarque
jpft vêtu, à la^romaine: Pair de nqbleffe de çe
JJ eaux-Art s Corne U,
prince eft heureufemenc faifi. Il commande &
; fon, regard fe porte du côté oppofé à celui
| qu’ indique le gefte. Quand Louis X V , fuivi j de fa'coùr, vint voir le modèle dans l’arteiier
d e l ’artïfte, le prince jCharles, grand écuyer,
biâma ce contrafte , 8c prétendit que le gefte
l deyoit ê re d’accord avec le regard. Le ro i,
fans prendre la peine d’entrer dans une longue
difculfion, le ppfe dans i’attitude du modèle,
regarde le grand écuyer, dirige fon gefte du
cô é oppolë; c tjl ainfi, dit-il, que j e commande.
il ajouta à cette juifcification une penfion
de quinze cents livres.
Il eft certain que la critique du prince
Charles étoit faufTe, & que l’artifte avoit bien
qui eft dans la nature.'
r i fur celui à qui l’on
1 fait de faifir un c inrrafte 1 Souvent on fixe ie reea
commande, & l’on indique par le gefte un
côté oppofé, qui eft celui vers lequel' on ordonne
de le porter.
Le fuccès du modèle étoit décidé; mais la
moitié Supérieure de la fonre manqua., Cet accident
fi grave fut réparé par un procédé ingénieux
qu’ imagina le fondeur^Varin. Il fit tailler
a queues d’ arronde la partie qui avoit réufiî,
8c par une foconde fonte, le métal réduit à
l ’état de liquéfeftion, fe joignit avec folidité
à celui de' la première. Il eft impoffible de
reconnoître que ce monument, hau: de plus
de quarorze pieds, n’a pas été fondu d’un feul
jet; Çe même procédé a été employé par M.
Faiconet à Saint Péterft>ourg, pour réparer un
accident moins confidérabie à la ftatue équeftre
de Pierre I.
Les états de Bretagne voulurent con.facr.er
par un monument immortel la joie qu’ ils éprouvèrent
avec toute la France, lorfque ce monarque,
attaqué à Metz d’une maladie que l ’on
croÿoit mortelle, fut rendu a l’amour de fes
' fujets. Le Moyne repréfenta le prince élevé fur
une trône orné de drapeaux & de trophées, &
près de marcher à de nouveaux exploits. La
province de Bretagne, fléchiffanc le genou
de vant le fouverain, indique aux citoyens la
protéélion qu’ il leur accorde. La famé placée
-à la droite du roi, tiént un ferpent qui boit
dans une jatte qu’elle lui prélènte. On voit
près d’ elle un autel entouré de fruits. Quand
Louis X V vint voir ce monument terminé ,
il accueillit avec bonté l’époule de l’artifte,
promit de faire tenir en fon nom , fur les fonds
de baptême v l’ enfant dont elle étoit enceinte,
8c dont il alîura la dçftinée .par fes bienfaits.
Quoique ces deux ouvrages capitaux aient
été tran("portés dans les provinces', les habitant
de la capitale peuvent apprécier les .talcns de
l’auteur. On voit de lui aux Jacobins de la
rue Saint-Honoré, le maufolée de Mignard,
' premier peintre du ro i, la ftatue de Saint-Grégoire
& celle de Sainte-Thérèfe aux Invalides^