blement la toile pour ce morceau, parce que le
panneau auroit été compofé d’ un trop grand nombre
de pièces, qu’on n’auroit pu parfaitement ,
réunir. A la renaiffance des arts, on continua
de préférer le bois, pour peindre les tableaux
d’une moyenne grandeur, les petits tableaux
fe i: peignoient fouvent fur des planches de
cuivre ou d’étain. Dans la fuite , on a donné
la préférence à la toile., parce que les panneaux
étant compofés de pLifieurs planches ,
étoient fiijets à le déjetter 8c à le défunir Us
avoient aufli l’ inconvénient d’être rongés en
deffous par les vers, & 'l’ouvrage étoit détruit
avec la fu bilan ce qui lui fervoit d’appui. Enfin
comme on avoit coutume d’imprimer les panneaux
en détrempe, il arrivoic fouvent que
la couleur s’enlevoit par écailles.
Malgré ces inconvéniens, l ’auteur de la vie
de Raphaël Mengs , nous apprend que cet ar-
tifle préféroit de peindre fur panneau , quand
il en avoit la facilité , parce que la toile ,
quelque bien préparée qu'elle loit, ne préfente
jamais une furface aufli liffe,ni aufli unie que le
bois, & parce que chaque inégalité de la toile,
quelque foible qu’elle puiffe être, en rend la fur-
face plus on moins raboteufe , & occsfionne
de fauffes réflexions de lumière. D’ailleurs il
trouvoit encore à la toile un autre défaut •,
c ’efl que, lorfqu’elle efl un peu grande, elle
ne peut être fi bien tendue, qu’elle ne cède
un peu fous le pinceau, ce qui nuit à la fureté
& à la fermeté de la main.
Pour la préparation du panneau qui doit
recevoir la peinture, voyez l ’article bnprejfion.
PASTEL, (fubft. mafe. Sorte de peinture ,
dont le nom e fl dérivé du mot p â te , & fuivant
l ’ancienne ortographe pafle -, le mot paflille
prouve que l’j a quelquefois la prononciation
dure dans les dérivés de pâte. On peint au
pafiel avec des .couleurs miles en poudre, &
réduites en pâte. On donne à cette pâte encore
molle, la forme de rouleaux ou de crayons
ronds. On tient ces crayons un peu plus gros
que ceux de farrguine, parce qu’étant plus
aendres, il faut leur donner plus de force en
snaffe, afin qu’ils ne fe caflent pas trop aife-
snent. Dailleurs on ne les manie pas à l’aide
d’ un porte-crayon , mais avec les doigts-:-.pour
qu’on puifTe les manier aifément, il Tant donc
leur dotîner une certaine longueur , à laquelle
la greffeur doit être proportionnée. Ces crayons
fie nomment pafiels.
La peinture au pafiel a beaucoup de rapport
avec le deflin à l’ eftempe : la différence con-
fifle en ce qu’on y employé des crayons d’ une
grande variété .de"couleur , & qu’au lieu d’étendre
fur.le fond la couleur de ces crayons
avec l’ inftrument nommé eflompe, on l’étend
avec le doigt, quoique l’on, employé même
quelquefois une petite eflompe de papier roulé.
Dans l’ un ni dans l ’autre art, on ne frotte ni
les fortes lumières, ni les principales touches.
Malgré les rapports qui rapprochent ees deux
genres, la difficulté efl cependant bien plus
grande dans ia peinture au pafiel ; car comme
l’artifle efl maître d’employer un grand nombre
de crayons différemment coloré^ , on a le droit
d’exiger de lui qu’ il imite la couleur propre
des objets, & les variations que le jeu de la
lumière & la perTpeélive aerienne caufent à
cetre couleur, au-lieu que le deflina euràl’efi*
tompe n’ayant à fa difpofbion que deux ou trois
crayons, n’efl obligé de rendre que les effets
du ciair-obfur.
Mais fi la difficulté efl plus grande, l’ouvrage
terminé, offre aufli bien plus de charmes. Cette
forte de peinture produit à-peu-près les mêmes
.effets que celle à l’huile ; elle peut fe promettre
tous ceux qui font accordés à une belle détrempe
: & elle n’efl pas expofee aux inconvéniens
de l’huile qui jaunit en vierlliflant, &
altère les couleurs dont elle efl enveloppée.
Elle ne paroît pas pouvoir fe prêter à tous ies
genres ; mais elle efl fans reproche, dans les
genres auxquels elle convient. Celui qui la
revendique fur-tout, efl le portrait : c’ efl en
cette partie qu’elle a créé des chefs-d'oeuvre.
Le velouté que produifent la pouflière des
crayons qu’elle employé & le duvet du papier,
contribue à bien reprêfenter la fuperficie des
étoffes, & le moëleux des carnations. Latour,
peintre au p afiel, a été regardé comme le plus
grand peintre de portrait , que la France eût
de fon temps. Il ne faut pas faire decendru le
pafiel à de trop petites proportions : c’ efl fur-
tout dans les portraits de grandeur naturelle ,
que fes fuccès ont éré jufqu’ à préfent le mieux
prouvés. Comme les crayons doivent être tendres
, on ne peut leur donner la finefle du
pinceau ce n’efl donc que dans de grandes
parties, qu’ il peuvent bien exprimer les formes
& fournir une grande variété de teintes. C e
n’efl pas qu’on n’ait vu de petits portraits au
p a fie l, qui ne manquoiem pas de mérite •, mais
ils auroient pu avoir plus de mérite encore ,
dans les genres de peinture où. l’on emploie le
pinceau.
M. 'W’atelet a d it, dans fon poëme intitulé
¥ Art de peindre :
De la beanté.
Le pafiel a l’éclat & la fragilité.
■ Cetre fragilité e fl en effet le plus grand défaut
que l’on ait pu reprocher zu pafiel: comme
cette peinture n’efl qu’une pouflière colorée ,
} qui n’ a d’autre lien que le duvet du papier,
i tout frottement l’enlève & la moindre goutte
| d’eau y laiffe une tache : il n’efl: enfin protégé
contre les accidents qui le menacent, que par
une glace donc on le couvre & qui efl fragile
el^e-mêmé. On ne peut le trar»(porter d’ un lieu
à l’autre , qu’ avec les plus grandes précautions,
puifque les fecouffes du tranfport, détachent
des parties de la pouflière colorée qui le cum-
pofe.
PIulieurs perfonnes avoient trouvé des moyens
de le fixer : mais ces moyens mêmes avoient
des inconvéniens : ils détruifoienc l’éclat dés
lumières & on étoit obligé de les. retoucher
après cette opération : ainfi l ’artifte .pouvoit
regretter ce qu’il avoit fait très-bien la première,
fois , & ce qu’il ne faifoit peut-être pas
avec la même chaleur, le nême fentiment,
le même efpric dans cette retouche: d’ailleurs ,
il fe trouvoit ainfi dans l.e même ouvrage dés
parties devenues fixes, & d’autres qui reftoienc
encore fiijettes aux accidens.
Latour chercha long-temps un moyen de
fixer le pafiel il eut enfin la fatisfaâion
d’en trouver un. On le vit paffer deux ou trois
fois la manche de fon h ab it, fur un portrait
auquel il n’avo't pas encore donné la derniere
main , & rien ne fut effacé par ce frottement.,
Cependant il faut croire qu’il ne fut pas entièrement
fatisfaic du procédé qu’ il avoit découv
e r t, car il l’abandonna, & prit le parti de
renfermer entre deux glaces, 8c de mettre ainfi
en quelque forte à la preffe, ceux de fes ouvrages
dont il défiroit le plus aflurer la confer-
ration. Le pafiel ainfi comprimé, ne pouvoir
recevoir aucune atteinte de l’humidité, & fe
trouvoit à l’abri de toutes les agitations qui
en auroient pu détacher la pouflière. Les deux
glaces étoient parfaitement collées enfemble
par les bords, enforte qu’aucune imprèflion
extérieure, ne pouvoit fe communiquer à la
peinturequ’elles tenoientétroitement renfermée
enrr’ elles. Mais enfin elles pouvoient brifer,
& l’on a toujours lieu de trembler pour un
chef-d’oeuvre, dont la durée n’efl confiée qu’à
la fragilité du verre.
M. Loriot, en 1755, trouva une manière de
fixer le pafiel , préférable fans doute à celles^
qu’on avoit imaginées jufques-là. La folidité
en fut prouvée par l ’expérience , & l’on n’ap-
perçut point que les teintes euffent reçu aucune
altération, non que cependant elles n’aient
du fubir quelque changement •, mais ce changement
fe trouvant le même pour toutes , con-
fiervoit la même harmonie. Le procédé de M.
Loriot efl maintenant connu, ainfi que quelques
autres qui en différent peu. Voyez l’article Fixation du pafiel.
Le peintre au,pafiel emploie, pour foutenir
fon tableau, le même chevalet que le peintre
à l’huile ; il a de même aufli une baguette
nommée appuie-main, pour s’appuyer le poignet :
îî fe place au même jou r, & fbn cabinet efl dif-
pofe de même.
La fubftance fur laquelle on peint plus ordinairement
au pafiel efl le- papier. On étend
d’ abord fur un chaflis femblable à celui des
tableaux à l’h u ile , une toile que l’on fixe fur
les bords de ce chaflis aVec: de la colle , &
avec * quelques clous. Cette colle n’ eft que de
la farine délayée dans l’eau«, à laquelle on fait
faire deux ou troîi’: Fouillons. On frotte de
eettè colle les bords de' la toile tendue? on y
applique le papier dont on mouille toute la
furface : On le tire par les quatre bords pour
le tendre parfaitement1, avec la précaution de
ne le pas déchirer. Quelque tenfion qu’on parvienne
à lui donner, il forme d’abord des plis
& des ondes, mais il devient uni en fe féchânt.
Quoique, pour-foutenir le papier^ on h’em-
ploye ordinairement qu’une toile ordinaire ,
il feroit peut-être bon ae faire, à l’exemple de
quelques artifles , ulage de toiles imprimées à
l’huile. Pendant que la glace qu’on applique
fur la peinture finie , la défendroit de l’ hnmi-
dité à fa furface , la toile imprimée l’ en garantirait
en deffous : elle feroit l’effet de la glace
que Latour s’avifa de placer fous quelques-uns
de fes tableaux. On ne fàuroit donner ttop de
foins à garantir les pafiels de l’humidité j elle
les couvre de moififfure , & les gâte promptement.
Le papier bleu préparé fans c o l le , efl celui
que l’en préféré ordinairement. Il ne doit pas
être raboteux ; il faut que le grain en foit fin
& uni ; le pafiel s’y attache aifemenr. On peine
aufli fur papier gris -, mais s’ il efl préparé à la
c o l le , la pouflière colorée-y prend avec plu»
de peine.
On peut aufli peindre fur le velin ou fur le
parchemin : on l’applique fur le chaflis en le
mouillant de la même mnnière que le papier ,
& il n’ eft pas néceffaire qu’ il y ait une toile
par deffous. Cette forte de canevas plaît aux
perfonnes qui oiit moins le vrai goût de l ’art
que celei du léché, & qui regardent une propreté
froide comme le premier mérite d’une
peinture. Conlmé le velin & le parchemin ont
une furface lifte , au lieu de la furface veloutée
du papier fans colle , lé paftel les couvre fans
les pénétrer, & l’ouvrage a toujours de la le-
chereffe. La couleur ne mordant point fur le
fond , relie moins épaiffe , & plus foibie , mais
comme elle efl: aufli plus unie, elle plaît davantage
aux mauvais connoiffeurs-, & c’ eû,
pour les mauvais artifles , un avantage qui
n’eft point à dédaigner.
Cependant fi l’on veut préférer le velin au
papier parce qu’il efl plus folide, moins facile
à fe déchirer ou à être fatigué par le crayon ,
il efl un moyen d’y donner du velouté & de
| le rendre capable de happer la couleur : c’ eft.