
Grebber, peintre ellimé dans l’ hiftoire & le'
portrait ; mais la mort lui enleva bientôt cet
habile maître > & dès-lors il crut n’avoir pas
befoin d’autre école que celle de la nature,
ni d’autres préceptes pour bien faifir. les leçons
que ceux qu’ il trouveroit dans les ouvrages
des grands peintres. Après la mort de fon père ,
il partit pour l’ Italie. Ses talens furent accueillis
& récompenfés à Vénife par lë fenateur
Loredano , Tes ouvrages -portèrent à Rome fa
réputation : il vint en jouir & fut reçu dans
le palais Médicis; il fit le voyage de Naples,
de^ Florence, revint dans fa patrie où des affaires
de Famille le rappeloient après la mort
de fa mere, & partout il trouvoit des amateurs
empreffés de fe procurer de fes ouvrages. On
fit de vains efforts pour le retenir en Hollande.
Rome , la patrie des arts , étoit devenue la
fienne; il s’empreffa d’y rétourner, y-pafla le
refte de fa v ie , jouiffant delà célébrité qu’il
s’y étoit acqüife, & y mourut en 1604, âgé
de foixante & dix ans.
I l a peint quelquefois en grand, mais il
réuffiffbit mieux dans le petit. Quoiqu’il ait
traité des fujets de dévotion, fes ouvrages les
plus recherchés repréfentent des foires , des
marches , des payfages. Il a été comparé au
Bamboche, & fes ouvrages ont fouvent tenu
de ce maître; mais, dans fes derniers temps , il
peignoit dans un goût plus clair. I l meubloit ordinairement
fes tableaux d’un grand nombre
de figures : elles ont de l ’efprit, de l’exprel-
fion & font d’un bon caraélèrë de dëflin; fon
payfage eft d’une belle touche, d’ une bonne
couleur, i l 'a de la variété & du choix. On
trouve , dans fes tableaux, un bel,accord de
couleur, & des effets heureux dé claif-obfcur.
Ils font fort rares hors de l’Italie.
:;(i$>6) Nicolas Lo ir , de l’école François,
né à Paris en 1624, étoit fils d’un orfèvre
qui féconda Ton inclination pour la pein-
ture’ Ie Pla?a chez le Bourdon. Il alla à
Rome à l’âge dé vingt-trois ans, confidéra tous
les ouvrages des grands maîtres, n’en copia
aucun ; mais comme ii avoit la mémoire fort
heureufe, quand il rëntroit chez lui , il fai- .
foit ■ des efquiffes de eeïix qui^ l’a voient le plus
frappé, & ne négligeait rien de ce qui’ con-
cernoit la compôfirion , l’effet général & la
couleur. Cette pratique ne conduit pis*à imiter
le deflin des grands maîtres, à s’identifier
leur manière de voir 8c de rendre les formes-
mais elle eft excellente pour s’imprimèr dans
l ’efprit leur manière de concevoir la machine
de la peinture. Loir confacroit d’ailleurs une
parrie de fon temps à defliner le payfage & les
fabriques des environs de Rome.
Un maître que cependant i l ? ne dédàignoir
pas de copier étoit le Fouffin ; & fes copies '
font fi belles, qu’ il eft difficile de ne les pas
prendre pour des originaux.
De retour à Paris, il fut chargé d’ un grand
nombre d’occupations & pèignit , pour Louis
XIV , plufieurs plafonds au palais des Tuileries
& dans le château de Verfailles. Il dut
peut-etre a la manière dont il avoit dirigé fes
études a Rome , la facilité de varier à fon gré
fes compofitions , & de difpofer un nombre
I donné de figures d’ une grande quantité de maniérés
différentes. Sa couleur étoit bonne,,fon
pinceau gras , facile & pâteux , fon deflin cor-.
rf^ 5 fos têtes de femmes agréables ; on a célébré
fes figures d’enfans ; on peut cependant
leur reprocher de la pëfanteur. Tl s’eft fait
beaucoup de réputation- par fes tableaux de
Vierges. Il peignoit bien le payfage , l ’archi-
teélure & les ornemens. On l ’accufe d’avoir,
abufé de fa grande^facilité, d’avoir plutôt agencé
que réfléchi fes compofitions, d’avoir fi peu
regardé la ^peinture comme un art tenant à la.
penfée & a la maturité de la réflexion , qu’ il
lui arrivoit fouvent de concevoir , ordonner ,
exécuter un fujet en faifant la convention
v avec les amis. A ufli, comme l’obferve de P ile s ,
on ne remarque dans fes ouvrages ni finelfe
de^penfée, ni caraftère particulier qui ait quel-
qu’élévation. Il ne mérite pas de tenir un rang
entie les grands maîtres; mais on ne peut lui
refufer une place honorable entre, les bons
peintres. Il eft mort à Paris en 1670, à l’âge
de cinquante-fix ans. ’
I l eft un des peintres après lefqueïs ©h a. le
plus gravé. Alexis Loir fon frère , & Boullan-
gé ont fait un grand nombre d’ eftampes d’après,
îles tableaux. I l a fait lui - même des eaux-
fortes. ,
( x97 ) Nicolas Berghem , de l’école Hoï-
landoile, né’ à Harlèm en 162.4 > fut d’abord
eleve de. fon père , peintre fort médiocre ; &
pafla enfuite dans de meilleures écoles, entre
autres dans celle de Jean - Baptifte Wéeninx.
II mérita & obtint de bonne-heure une grande
réputation , & vit fes ouvrages fort recherchés.
Son amour pour la peinture le rendoit très
ailidu au ^travail, 8c Ion 'afliduité étoit encore
augmentée par l’avarice de> fa femme.«Èlle avoit
pris un empire abfolu fur cet homme doux
& le tenoit renfermé dans fon cabinet dm matin:
au foïr ; fans dui permettre de prendre, aucun
dclaflement. Elle s*étoic logée audeffbus de lui
& quand elle ne Tentendoit ni chanter ni a g ir?
elle frappoit d’un bâton au plancher de peur
qu’ il ne prît quelques inftans dé ’fommeiî. Elle
le faifoit livrer le prix de les ouvràges , & le
l^ifioit fans argent. Berghem n’avûit qu’ une
paflion , & elfe étoit, relative à 'ion art ; c’ètoit
celle de raflëmbler des eftampes. Pour fatif-
fair^ce goût Jouable, iT étoit fouyent obligé
^Vmorunter de l’argent à fes èlève* jufqu’ à oa
ou recevoir de quelques uqs de fes
Æ b I Ê un prix Inférieur à celui qu’ il açcufoit
l h femme. Il parvint, par cçS “ .!
nercheties, à fe faite une riche collégien .qui.
fut vendue fort c h é r i fa mort II avoir acheté.,
foixante florins une epreuve d“ maffa.cr®
Innocens de Raphaël, grave par Marc-Antoine.
I l prenoit en Été le travail à quatre heures,
du matin, & ne l’ abandonnoit que,le loir, i l
joignoit une facilité prodigieufe à fon extreme:
afliûuité. Jufte Van.Huyfum, l’ un de les.çleves,
rapporte qu’ il fembloit fe jouer, en epeçant,,
& qu’ il l’a vu compofer & peindre fes tableaux,
en chantant, comme s’ il n’ eût, pas' eu la plus
légère occupaiton.
On pourroit démander en quels inftants il faifoit
fes études* puifqu’on fait qu’ il vivoit toujours
enfermé dans fon cabinet, & qu onJJoit *
en même temps, dans Tes ouvrages une fidelle
imitation de la nature. Mais les modèles-dont
il avoir befoin pour fon genre étoient toujours
pofés devant'lui ; il habitoit lé-chateaü deBen-
them , & des-fenêtres de fon attelier, il voyoïc .
une belle campagne couverte de tioupeaiix ,
& fréquentée par leurs0 conducteurs. Ce qu il
voyoit il le portoit fur la toilé. C’étoit de ces
études que le hôurrilfoit Celui- des1 payfagiftes
de la Hollande dont les tableaux font le plus
recherchés ,’ quoique^ par fa prodigieufe fécondité;,
ce foit celui dont ils ; font le plus
c’omifiuns. Leur mérite' leur laifle le prix de:
là rareté.'C’étoient oes -études qui'lui permet-
totent de varier à Tinfihi fés'--compofitions:
elles font riches &;divërfifiées coinme h nature
^llë-mêmè ., que leur-auteur ^avoit fans
ceffe fous les yeux. Les animaux créés par fon
pinceau , viv’ôiêht fur' la toile y ; comme ils vi-
voient dans la campagne voifine' de Bënthem.
Sans ceffe- témoin des -effets divers qùe cau-
fent la ikarche & ia forme dés nuages, lorf-'
qu’ ils' intércëptënf ën partie la lumière du'
Toleil , il a reproduit ces accidens heùrdux
dans les ‘ compofitions"; & a lù faire agir à fon;
gré la magie du clair - obfcur. Il a tout fini ,
& n’à jamais rien léché. Sa touche e ft .fin e ,
fdn pincéaiV largë , Ta côiileur lumirieufe , fes
iriaflës'd’ombres lavamment reflétées,, fes bruns
tranfparens. Chez lu i , tout eft chaudj tout eft
fpirituel, to u t.v it,r tout refpire. I l eft mort à
on t6S2 âo-p. Aé cinonantfi - np.iif
Ôn voit de lui , au cabinet dii r o i , deux'
trè^-beaux tableaux. L’ un repréfénte une femme ,
forçant du bain; l’autre une bergère qui file;
cei deux paÿfâges font enrichis d’animaux.
Berghem a' gravé un affe.Z; grand nombre
4’jgauJ<- fortes d’après fes tableaux- Corneille &
$èp\ V.iffcher ont gravé plufieurs morceaux
àç ce peintre. Op eftime un. grand payfage
gravé d’après Berghem par Aveline.
(198.) CarleTvIara tt i , de l’école Romaine,
ne à Camérano . près d’Ancône en 1625 , montra
, dès fon enfance , la plus forte inclination
pour la peinture. Il copioit toutes les eftampes
qui lui tomboient fous la main; s’ il trouvoit
quelques, images enluminées, il tâchoit d’ en
imiter les couleurs ayec des jus d’herbes. I l
eut le bonheur de rencontrer un livre de principes
du deflin, & crut .ppfféder un tréfori II
fut enfin envoyé à Rome reçu dans l’é-
colè d’André S a c ch io ù ;il paffa, dix-neuf-ans
eritiérs. L’opiniâtreté de fés études a quelque
chofe d’ effrayant pour ceux qui ne font point
animés de l’enthoufiafme des arts. Dès le matin f
dans toutes les faifons, il fe rendoit au Vatican
où il étudioit les, ouvrages de Raphaël dont
fon maître lui avoit infpirë:l’amour. Il faifoic
le loir un chemin fort long pour venir étudier
d’après ;.Ie modèle chez le Sacchi, gagnoit
enfuite le quartier éloigné qu’ il habitoit, 8c
au lieu de prendre du repos , il faifoit des
efquiffes pour s’exercer à la compofition.
Jules Romain, Polidore de 'Caravage, & c.
reftèrent dans l ’école de Raphaël tant que vécut.
, ce.- grand.artifte , quoiqu’eux - mêmes déjà fuf-
fent les plus habiles maîtres de Rome ; ainfi
Carie Maratte , encore élève du, Sacchi, jouif*.
foit de la réputation que méritoient fes talens
dëjâylifting.ués & reconnus. D’abord il fe rendit
célèbre en. qualité de delfinateur, & eut la
fatisfaélion de voir le célèbre Tculpteur François
Flamand rechercher fes ouvrages; bientôt
après il fe. fit eftimer en qualité de peintre ;
donnant à fes tableaux tous les foiru d’un artifte
qui, ne travaille que pour la gloire. Dcjà
même , il avoit ides envieux &,dçs ;détra61:eurs.
Lçs jugés: équitables célèbroient la manière
agréable dont il peignoit les Vierges ; mais
les jaloux fputenoLent que s’il,fe renfermoit dans
un fujetfi fimple , c’eft,que fon génie étroit &
ftérile ne pouyoit fûffire à de plus grandes compofitions.
Ils l’appelloient avec mépris Caduc-
cio dtlle Madone:. Le parti de fes ennemis étoit
d’autant plus impofant, qu’ il fe voyoit appuyé
par le Bernin, ennemi déclaré de Carie Maratte,
; parce que ce peintre naiffant avoit pour maître
; le Sâcchi que le .Bernin haïffoit. Si Maratte
! étoit borné à ne fàire que des Vierges , on en
pouvoir accu fer le Bernin lui-même , qui dif-
pofoit à Rome de toutes les grandes encre-
prifes , & donnoit , fur l’élève de Sacchi , la
préférence à des arriftes bien inférieurs.
ÎEnfin le Sacchi parvint à obtenir pour fon
difciple un des. tableaux du baptiftère de Saint.
Jean - de - Latpan, celui qui répréfente, la def-
; tru&ion des idoles par Conftantin. Cet ouvrage
,, qui intimida la calomnie, fut fuiyi d’au