
a leurs voeux & vint à Angers : mais bientôt
apres il alla s’établir à Bruxelles1, où il fut
nommé peintre de l’ archiduc Albert d’Autriche.
Koeberger prouva qu’ un homme qui fait
occuper tous Ces inftans peut embraflër a là fois
pi u fleurs arcs & plu Bouts branches des goU-
noifTances humaines. Bon peintre , il étoit en
même temps habile architeâe. I l bâtit & orna
de les tableaux plulieurs chapelles, & l’eglife
de Notre-Dame de Moxiraigu qu’ il conftruific
dans la forme de Saint Pierre de Rome. Savant
dans 1 hydreftatique , il eut la conduite des
fontaines de Bruxelles. Ses_poëfies étoient efti-
mees des Flamands, 8c fes connoiflances dans
les médailles, dont il fit une très riche col-
leélion , lui donnèrent un rang diftingué entre
les favans antiquaires. Ce fut lui qui institua
un mont-de-piété à Bruxelles. Il eft étonnant
<ju’on ignore l’année de la naiflancé 8c .d e la
mort d’ un homme recommandable à tant de titres.
Le lavanrPeirefc f i t , pour jouir, de fa ccn-
verfation & de fes connoiflances , le voyage
de Bruxelles, né put le connoître fans l’aimer,
& continua d’entretenir avec lui une corfef-
pondance aflidue. J
(63 ) Mathieu et P aul Be i l . Ces deux
ireres appartiennent à l’école Flamande, & font
nés a Anvers, le premier en 1550 , le fécond
en 1556. :
Mathieu pafla de bonne heure en Italie
& fut employé fous le pontificat de Grégoire
-A.III au Vatican où il peignit de fort beaux -
payiages a frefque. Il auroit pu Ce faire une
plus grande réputation fi fa carrière eut été
prolongée ; mais il mourut à Rome en 1584
âgé de trente-quatre ans. ‘ ;
. -P*ü l eut pour maître un peintre médiocre
Jl peignit d’abord des clavecins , & fut occupé '
dans ce genre à Anvers & à Bréda. Sa vie Ce
leroit peut -* être écoulée toute entière dans
1 ob feu ri té de femblables travaux , fi la réputation
dont fon frère jouiflbit à Rome ne fut :
parvenue jufqu’à lui. Un fçntiment fecret lui
apprit qu’ il étoit capable d’atteindre à la même
gloire , & il crut devoir la pourfuivre par le
même chemin. Echauffé de cette noble émulation
, il Ce déroba fecrettement de la maifon
paternelle , traverfa la France , fit quelque
fëjour à Lyon fans doute pour y gagner de quoi
continuer fa route , arriva enfin à Rome auprès
de fon frère', & , pour parvenir à l’égaler un
jour j ou même à le furpafler , il Ce rendit
d’abord fon élève. Les leçons qu’il en reçut
n etoient pas celles qui lui convenoient •, la
lenteur de fes progrès fembloit le condamner
pour toujours à la médiocrité : mais il vit des
oayfages du Titien , & dès lors n’ayant plus
befoin d’autres maîtres, il en fut un lui-même, !
Sa maniéré de peindre devint légère & moel-'
. - > Iss lointains vrais & piquans, la couleur
vigoureufe & attrayante , fa touche iufte &
Ipirituelle. Il anitnoit fes payfages par dès figures
fpirituellement deflinées. Quelquefois
pnibal Carrache ne dédaignoit pas d’allier
on pinceau a celui de Paul B r il, & de peindre
les figures de les tableaux.
Après la mort de fon frère, Paul Bril eut la
peniion que le Pape accordoit à cet aftifte dont
11 continua les travaux. Il travailloit à l’huile
, a rrefquc , & peignoit avec un fuccès égal
le payfage idéal les vues , & ce qu’on plue
apjieller le payfage topographique; c’eft ainfi"
qu on peut nommer fix de fes tableaux où il
peignit les fix principaux monaftères du dtfmai-
nf i 1“, t a Pe 5 9'n .peut mettre dans la même
ciane les vues des châteaux du cardinal Mattéi
qu il peignit pour cette éminence. Le plus con-
inl-rable de tous fes ouvrages fe voit dans 1 e
ial on nouveau du Pape ; il a 6S pieds de long „
-x je payfage en eft d’une grande beauté.
Ce même arcifte qui couvroit de fes peintures
de vaftes murailles , fe réduifoit farta peine à
-aire des tableaux de chevalet, & même de
petits tableaux fur cuivre d’ un fini précieux
Y très jiiftement recherchés. On aime dans fes
ouvrages la touche légère dont il tyrminoit &
caraélerifoit les malles des arbres ; mais on lui
reproche d’avoir fait*fes tableaux un peu verds.
Il mourut a Rome en 1626, âgé dé foixante
ce douze ans.
On voir au cabinet du R o i, treize tableai*
. , ce maitre dont la plupart font peints fur
toUe. Celui qui-repréfente le Campo Vicino
« qui eft fur cuivre , eft de fon meilleur
temps.
Paul Bril a gravé lui-même d’après fes définis
ou les tableaux plufieurs eaux-fo rtes, &
entr autres deux vues des côtes de la Campanie.
Les Sadeler ont gravé plufieurs fois d’après lui.
bon haint Jérôme en méditation , qui eft au
cabinet du Roi , a été gravé par Vorftérman.
(Ô 4 ) D enVs C a iÿ a r t , de l’école F lamande
, né à Anvers tftrrs i j t j no peignit
d abord que le payfage , & ne favoit pas même 1 accompagner de figures. Ce genre, fi riche
en effet, lui fembla trop borné, & pour étudier
le genre de l’ hiftolre, il fit le voyage d’Italie.
Ptofper Fontana peintre cftimé, & qui fut le
maître de Louis Carrache , le reçut’ dans fon
ecole; & les ouvrages du Corrège , duOParme-
lan , du TiDaldi donnèrent au jeune élève des
leçons encore plus utiles. Ardent de connoître
tout ce qui pourvoit l ’éclairer fur fon a r t , il
alla admirer les chefs d’oeuvre de Rome, revint
s’établir à Bologne,, & y forma une école efl*
timée, où le Guide,TAlbane & Je Dominiquin
reçurent les premiers principes de l’art de pei»»
pre. Calvart plus connu par fes îlluftres élèves
ifhe par lui-même, étoit cependant un peintre
très eftimable. Son pinceau étoit fuave & moelleux
, fa couleur agréable & harmonîeufe , fes
ifigures avoient de la grâce. On ne voit guere
de fes ouvrages qu’ à Bologne, & ils font encore
admirés des eonnoiffeurs. Peut-être Calvart ne
fit-il pas un émule inutile pour Louis Carrache.
Il mourut à Bologne en 1619.
Wierx a gravé d’après ce peintre , le mariage
de Sainte Catherine.
f (<*5 > Les Carraches. Voyez ce qui a été
dit de ces célèbres maîtres à l’article Ecole,
fous l’école de Lombardie.
Le Tintoret vouloir détourner Fouis Carr
a ch e de fuivre la carrière de la peinture ;
il ne le croyoit pas propre à cet art. On fait
que Corneille voulut détourner Racine de la
carrière du théâtre. Les grands maîtres font
portés à croire que leur cara&ère particulier
eft Je caractère effentiel de l’art : ils ne recon-
noiffent pas de difpofitions dans ceux qui ne promettent
pas de les imiter. Sans doute le Tinto-
xet auroit eu raifon de ne pas reconnoître
dan* Louis Carrache des difpofitions pour la
peinture, f i , pour être peintre, il falloit ref-
lembler au Tintoret.
Le Roi polféde trois tableaux attribués à Louis
Carrache. Celui qui repréfente VAnnonciation
«e femble pas digne de ce maître.. Mais dans
.çelui de la Nativité, on reconnoît la grâce &
l ’onâion qui faifoient partie de fon caractère.
La compoation eft favante ; la couleur vigoureufe
& fuave , les figures font deflinées d'un
grand goût. Dans le tableau de Vadoration des
Rois , on reconnoît combien Louis avoit étudié
le Corrége par l’expreflion gracieufe qu’ il a
donnée à laVierge & à l’enfant Jefus.Les figures
font élégantes & bien drapées ; la- eompofition
eft -ÿche & d’une belle ordonnance. Nous
n’avons fait que tranferire ici les jugemens
de Lépicié.
C’eft fur tout à Bologne qu’il faut voir ce
maître ; c’ eft là que le trouvç le plus grand
nombre de fes tableaux. Nous allons tâcher
d’établir l’on caractère d’après les jugemens que
M. Cochin a portés dans cette v ille d’un grand
nombre de fes ouvrages. Ses figures font ordinairement
du meilleur goût & très ingénieu-
fesnent tournées : fon défliji eft d’une grande
manière , quelquefois cependant chargé &
incorre&, principalement dans les extrémités
& furtout dans les pieds. Ses compofi-
tiong font très bien entendues ? fes grouppes
bien lié s , bien difpofés , fes têtes bien coeffées
& d’un grand caractère -, celles de femmes font
quelquefois belles & majeftueufes , quelquefois
leiilement jo lie s , toujours dumoins agréables,
bes draperies , layames & à grande plis, ejiveloppent
bien tes figures. Sa touche large a
une forte d’incertitude qui plaît. I l eft de la
plus grande hardiefle dans les raccourcis. Le
caractère le plus général de fa couleur eft d’être
trîfte & morne ; mais on voit de lui des tableaux
où elle eft en même temps fourde &
vigoureufe ; on en voit où elle eft fraîche 8c
vive. Dans fes freCqües , elle eft fouvent d’ un
gris qui tire fur la couleur de brique.
Le Pefarefle- a gravé d’après Louis Carrache
plufieurs miracles de Saint Benoit. La V ifita-
tion a été gravée par Michel Lafne.
Augustin , quoique diftrait par fon goût
pour la poëfie , pour la mufique, pour la gravure
, 8c pour les charmes de la fo c ié té , a fait
cependant un grand nombre d’ouvrages de
peinture. Nous ne croyons pas qu’ il y ait de
lui a Paris d’auties tableaux que celui du duc
d’Orléans ;mais. il peut donner une idée favorable
de fon auteur. Il repréfente le martyre
de Saint Barthélemi. Le fond eft un payfage.
Auguftin compofoit bien , drapoit favamment,
deflinoit avec purété , & donnoic aux têtes un
grand & beau caraélère; Sa manière étoit ferm ;
1a couleur , en général triftè & monotone ,
étoit quelquefois d’ un très bon ton. Homme
d efprit, il mettoit des penfées heureufes dans
fes tableaux , 8c fut fouvent utile à fon frère
pour l ’invention.
I l n’avoit jamais pu vivre cordialement avec
Annibal , & ne put foutenir d’en vivre féparé.
S’étant brouillé avec lui à Rome , il fe rendit
chez le duc de Parme oû il tomba dans la
plus profonde mélancolie qui le dévora lentement.
C et artifte de moeurs aflez libres , 8c
qui toujours s’étoit plu à traiter des fujets
libres , fut touché de la plus vive dévotion
en contemplant les figures de Jefus-Chrift
& de la Vierge qu’ il venoit de peindre. I l
fe retira chez les Capucins, leur confacra fos
travaux , 8c mourut dans cette retraite.
Entre les eftampes qu’ il a gravées d’après fes
propres compofitions, nous citerons feulement
fa Galatée fur les eaux , Vénus châtiant les
amours , & l’amour vainqueur de Pan. François
Perier a gravé d’après lui la fameufo
communion dp Saint Jérôme ; Ravenet, le jeune
Tobie •, Guillaume Château , l’adoration des
Rois.
Annibal avoit reçu de la nature les qualités
qui forment le grand peintre ; il les
auroit développées avec encore plus de grandeur
8c d’éclat , s’ il y avoit joint la culture de
l’efprit. Ennemi, de le&ure, il ïgnoroit même
la fable & l’hiftohe , 8c étoit obligé de recourir
aux lumières de fon frère Auguftin ou de
quelques gens lettrés. I l devoit réfulter de cette
ignorance qu’ il ne pouvoit être animé de la
poëfie de fon fujet comme s’ il l’eût bien pof-
fédé lui-même, C’eft furtout dans les ouvrages