
dre le fentîment ,-c’ eft ne remplir ftm objet qu’ à
demi. Vouloir le répandre par-tout, fans égard
pour laprécifton, c’eft ne faire que des efquiffes
& ne produire que des rêves, dont Timprellipn fe
dilïïpe quand on ne voit plus l’ouvrage, meme en
le regardant trop long-tems. Joindre ces deux
parties, (mais quelle difficulté ! ).c’ eft lefubli-
*ie delà fculpture. : _
B a s - r e l i e f s *.
Comme le bas-relief eft une partie très-inté-
reflante de la fculpture, Sc que les anciens n'ont
peut-être pas laiffe dans les leurs affez d’ exemples
de tous les moyens d’en compofer, je vais ef-
fayer quelques idées fur ce genre d’ouvrages.
Il faut principalement diftinguer deux fortes
de bas-reliefs-, c’eft-à-dire, le bas-relief doux
& le bas-relief Taillant ; déterminer leurs ufa-
ges , & prouver que l’un & l’autre doivent être
également admis félon les circonftances.
Sur une table d’ architeêlurè , un panneau ,
une colonne, un vafe , objets qui font cenfés ne
devoir point être percés, & qui n’admettent point
de renfoncement ; un bàs-relief faillant à plufieurs
plans , & dont les figures du premier fe-
roient entièrement détachées du fond y feroit
le plus mauvais effet, parce qu’ il détruiroit l’accord
de l’ archireêlUre; parce que les plans reculés
de ce bas-relief fuppoferoient & feraient fentîr
un renfoncement où il n’ y en doit point avoir ; j
ils perceraient ie bâtiment, au moins à l’oeil. ;
I l n’ y faut donc qu’ un bas-relief peu faillant ,
& de fort peu de plans : ouvrage difficile par
l ’intelligence 8c la douceur des nuances qui en
font l’accord. Ce bas-relief n’a d’autré effet que
celui qui réfulte de l’archite&ure, à laquelle il
doit être entièrement fubordonné. On doit entendre.
fans qu’ il fbitbefoiri de le dire, que le fujet
& le Jlyle doivent auffi concourir à l’ union avec
l ’archite&ure. Je ne parle, ici que de l ’effet ré- \
lultant des faillies.
Mais il y a des places où le bas relief faillant
fera très-avantageufemeut employé, & où les ;
plans & les faillies, loin de produire quelque
-détordre, ne feront qu’ajouter à l’air de véritév
que doit avoir toute imitation de la nature. Ces
places font ordinairemenr fur un autel, ou telle
autre partie d’architeélure que l ’on fuppofera per- i
céeou fuiceptible de renfoncement, & dont l’é- •
tendue fera fuffifamment grande, puifque dans ,
un grand efpace, un bas-relief doux ne feroit au- 1
cun effet à quelque diftance. Ces places & cet-e
étendue font l’ouverture d’un théâtre où Je fculp-
■ teur fuppofe tel enfoncement qu’ il lui plaît, pour
donner à la fcene qu’ il repréfenie, toute l’action,
le jeu & l’ intérêt que le fujet exige de
fbn art, en le foumettant toujours aux lo ix de
la raifon , du bon gour de de la précifion. C’éft
l’ouvrage par où l’on peut recpnnoître plus
aife'ment les rapports de l* fculpture avec 1a péîi$
ture , & faire voir que les principes que il’une
& l’autre püifent dans la nature, font abfoUi-
ment les mêmes. Loin donc toute pratique fu-
balterne qui • n’ofant franchir les bornes de la
coutume, mettrait ici une barrière entre l’ artifte
8c le génie. Ceux qui penferoient que ces fortes
de bas-reliefs produiront du papillotage, ignoreraient
les moyens du fculpteur intelligent pour
l’éviter ( i) .
Parce que d’autres hommes, venus plufieurs
fiécles avant nous, n’auront tenté de faire que
quelques pas dans cette carrière, nous n’oüe-
rions en faire plus! Les fculpteurs anciens font
nos maîtres, fans doute, dans les parties de l ’art1
où ils ont atteint la perfe&ion-, mais il faut convenir
que,, dans la partie pittorefque des bas-reliefs,
nous devons peu d’égards à leur autorité.
On peut déployer beaucoup d’érudition pour
prouver que les bas-reliefs antiques font une
iource précieufeoù nous devons puiferle cojlume
des anciens. Qui en a jamais douté? Mais cette
queftion n’ a aucun rapport avec l’ intelligence
pittorefque, ou fi vous, voulez fculpturalê^:dont
il eft feulement queftion ici.
Seroit-ce, parce qu’ ils ont laiffe quelques parties
à ajouter dans ce genre d’ouvrage , que nous
nous réfuterions à l’émulation de le perfe&ion*
ner ? Nous qui vraifemblablement avons porté
notre peinture au-delà de celle des anciens,pour
l’intelligence du clair-obfcur, de la magie de la
couleur, de la grande machine, 8c des raiforts
de la compofition, n’ o ferions - nous prendre le
même elfor dans la fculpture ? Bernin , Le Gros.y
Alegarde, Melchior Caffa, Angelo-.Roffi, nous
ont montré, qu’ il appartient au gôut & au gé*
nie , d’étendre le cercle trop étroit que les anciens
ont tracé dans leurs bas-reliefs. Ces. grands
artiftes modernes fe font affranchis avec,fuccès
( i) M. Dandré Bardon a donné, en 176«; , cinq ans
après que ces Réflexions eurent paru pour la première fois,
une excellente idée de ees bas-reliefs. Voyez fon EJfai
fu r la Sculpture, p. 4.8?, 4.9 8c 50. Mais ne lifez qu’avec
précaution la page 54 : l’entnoufiafme patriotique l’a
di&ée. Il s’agit de l’étonnant Puget 8c de fon bas-relief
d’Alexandre. vifitant Biogène : ouvrage fuprême dans
plufieurs parties d’exécution , mais abfohtraent faux dans
l’intelligence du bas-relief: ce n’eft que du papillotage.
Refpe&ons les erreurs fublimes. , 8c tolérons auffi les
erreurs honnêtes, fur-tout quand elles font compenfées.
Lifez la fuccinÊte , mais jufte defeription du bas-relief
d’Alegarde , dans l’ouvrage de M. Dandré, p. 55. {Note
de L’Auteur. ) -
Nous avons cru devoir placer dans ce Diétîonnaire
les deferiptions que Dandré Bardon a faites, avec beaucoup
d’exa&itude 8c d’un ftyle pittor:e.f<ju.e , des plus- célèbres
bas-reliefs modernes. Voyez, à.l’article Sculp*
Xëurs, les vies 4e l’Àlgarde , de le G ro s , du Pùeet..,
d’Açgelo Roffi 8c de. Guillaume: Couftou, '{'Nat? ik%
Rédacteur. }
®Vne autorité qui n’eft recevable qu’autant
qu’elle eft raifonnable.
Je n'introduis donc aucune nouveauté, puifque
je m’appuye fur des exemples qui ont un
fuccès décidé. Après tout, fi mon opinion fur
le bas-relief étoit une innovation ; comme elle
tendrait à une plus jufte imitation des objets
naturels , fon utilité la rendroit néceffaire.
Je ne vèux laifler aucune équivoque fur le
jugement que je porte des bas-reliefs antiques.
J’y trouve, ainfi que dans les belles ftatues, la
grande manière dans chaque objet particulier,
& la plus noble fimplicité dans la compofition.
Mais quelque noble que foit cette comyofition,
elle ne tend en aucune forte à l’ illuuon d’ un
tableau; & le bas-relief y doit toujours prétendre,
puifque cette illufion n’eft autre chofe
que l’imitation des objets naturels.
Si le bas-relief eft fort faillant, il ne faut
pas craindre que les figures du premier plan ne
puiflent s’accorder avec celles du fond. Le fculpteur
faura mettre de l’ harmonie entre les moindres
faillies & les plus confidérables : il ne lui
fjiut qu’ une place, du goût & du génie. Mais
i l faut l’admetre cette harmonie, il faut l’ exig
e r même, & ne point nous él’ever cpntre elle ,
parce que nous ne la trouvons pas dans certains
bas-reliefs antiques.
Une douceur d’ombres &. de lumières monotones
qui fe répètent dans la plupart de ces ouvrages
, n’eft point de l’ harmonie. L’oeil y voit
-des figures découpées, & une planche fur laquelle
elles font collées ; 8c l’oeil eft révolté. Art
divin de percer la toile, ne franchiras-tu jamais
cette barrière infipide qui ne doit tes admirateurs
qu’ à fon ancienneté? *
, Afin qu’on ne croi.e pas que je fabrique une
chimère qui n’a de réalité que dans mon imagination
, je prouverai que cette admiration mal
entendue, a une exiftence plus réelle. I l y a
plus d’un fiécle qu’elle fut foutenue dans notre
académie par un de fes refteurs ( 1 ). Après ayoir
parlé des bas-reliefs où les plans feraient ob-
fervés félon la dégradation naturelle, & .après
les avoir blâmés, il dit : « Cet ordre de bas-
s> re lie f, quoique naturel, n’a aucun rapport
» avec les bas-reliefs des fculpteurs ançiens,
k> qui n’ont voulu faire aucune figure inutile ni
» perdue par la diftance éloignée d’où on les
3» doit voir; 8c ç’eft avec jufte raifon qu’ils y
o ont tenu leurs figures, tant celles de devant
» que celles de derrière, les plus grandes qu’ ils
>> ont pu, afin de les faire paroître & de bien
» faire connoître tout le fujet de l’hiftoire avec
» peu de figures, de la diftance donc elles doivent
( 1 ) Conféra ne e, manuferite du 9 Juillet 1673, fur
l’ordre que le fculpteur doit tenir pour faire les bas-
rçliefs félon les antiques, par JVI. Anguier, Sculpteur.
. iJÿote de l'Auteur. )
» être regardées ». IJ conclut, apres quelques
autres obferyàtions, que u. Les figures feront
» peu différentes de leur hauteur, & prefque
» d’une même grandeur -, qu’étant ain fi, i l n y
» aura rien de perdu ». Ce fculpteur raifonnoit
tout jufte comme ces enfans qui ne fayent dan-
fer que du côté de la cheminée, & qui font
fort lots quand il faut danfer ailleurs. Exemple
humiliant de l’aveugle routine ( i) .
D’habiles artiftes cependant pourroient pen-
fer, qu’ un bas-relief ne doit avoir d’autre'prétention
, que celle d’ un deflin rehauffé d’un
peu d’ombre pour y faire appercevoir quelques
faillies , & l’ idée de prétention à un tableau
peut leur paroître outrée. La raifon qu’on en
donneroit peut-être, feroit le peu de réuffte
qu’ont eue cés fortes de ba>reliefs, lorfque quelques
uns de nos fculpteurs les ont tentés Mais
auroit-on bien examiné1 fi ce défaut vient de
.l’art ou de l’ artifte? Le beau bas-relief d’ Attila
par l’Alegarde, eft-il dans ce cas? Les bas-
reliefs des élèves qui concourent au prix , n’ont-
ils pas le fuffrage de l’académie , quand aux
autres parties, ils favent réunir l’ inrelligence
heureufe des plans variés avec fageffe, c’eft-.
à-dire, autant que la fculpture doit le permettre,
fans aller jufqu’àune prérendue liberté, qui cho-
queroit bien plus qu’elle ne feroit illufion ? Car
je n’approuve pas que l’artifte fe livre à un beau
rêve que les fpe&ateurs ne pourroient pas faire
avec lui, ’
Nous avons quelque part au vieux - louvre
un grand, bas-relief de marbre, fait par un de
nos très-habiles fculpteurs. Le principal groupe,
qui conftfte en deux figures, eff fort faillant,
< , ) C’eft vraifemblablement cette idée faufle d’un
bas-relief, qui a fait dire a unvoyageut Fra tçois, en
parlant de -notre comédie de Paris : quatre ou cinq
afieurs rangés’ à la file fn r une même ligne, comme un
bas-relief au devant du théâtre. Voyage d'un François en
Italie, Tom. VIII , page 2ti, Pourquoi ne l’auroit-il
pas dit! M. Mariette croyoit bien, lui, que les fculp-,
teur? modernes quj pnt obfervé des dégradations 8c des
diftributions de plans, ont mis figure fur figure , 8c o. t
formé des grouppés qui fe développent to. jours mal
dans la fculpture en bas-relief, où il faut tâcher, dit-i-1
autant qu’il eft poffible, que les figures foient ifqlées.
Il ajoute que les anciens, mieux confeillés que les modernes,
ne f e font prefque jamais écartés de cette louable
pratique. (Truite des Pierres gravées , Tome I ,
page 8 3 .)'' A
Cependant à la page 40 du meme volume , il blâme
les peintres anciens de n’avoir introduit dans leurs tableaux
qu'un petit nombre de figures , prefque toujours
ifo lie s , & difpofées f u r un même plan , 8c loue les
modernes d’être à cet égard , fo r t au dejfus des anciens.
Pourquoi donc refufe t-il ici aux faifeurs d bas-
reliefs l'art enchanteur de la compofition / Le peintre a
bien fait d’étendre la fphèrç de fon art, le ftatuaire
fait mal d’étendre la fphèie du * eft un railonne-
ment qu’on doit rougir d’avoir produit, fur-tout quijn$
ou enreigne. {Note de l'Auteur. )
fi b b ij