
Winckelmann, que le^ piédécefFeurs. de L y fippe
, en cherchant l’idéal, s’ étoient trop
écartés de la vérité , & que Lyfippe s’en rapprocha.
ri)n pourroit ajouter auifi qu’ il s’appliqua
davantage à rendre les figures élégantes
, 8c qu’ il eut plus de fac ilité, dégoût
8c de légèreté dans l’éxécütion.
Alexandre ne permettoit qu’ à Apelles de le
peindre , à Lyfippe de ie fculpter. Le privilège
exclufif qu’ il accordoit.à ces artiftes fe-
roïc un foible témoignage de leurs talens , fi
toute l’ antiquité ne s’ étote pas accordée à célébrer
leurs ouvrages. En effet on fait. qu’A-
lexandre payoit chèrement les médians vers
par lefquels un mauvais poète , nommé Chéri!
ps, fe propofoit de l’immortalifer. Affurément
un prince. qui lifoit aflidument Homère , &
qui tenoit les ouvrages de? ce poète renfermé
dans un coffre préciel x , fous le chevet de
fon lit , devoit le connoître mieux en vers
qu’en peinture & en lculpture : & puifqu’il
ne dédaignoit pas d’honorer un miférable ver-
fificateur , il pouvoit , à plus forte raifon ,
eftimer de mauvais artiftes.
Quoique Lyfippe ait repréfenté bien des
fois Alexandre,' 8c que fes ouvrages aient été
fans doute multipliés par des copiftes , on
ne connoît qu’une feule ftatue de ce conquérant.
C’ëft , dit Winckelmmn , celle que pof-
sède le Marquis de Rondinini à Rome. Il eft
repréfenté nud , à la manière des héros Grecs.
Ses cheveux font difpofé» comme ceux de Jupiter
, dont il précendoit être fils ; c’eft-à dire
qu’ ils font relevés 8c retombent par ondes à
différens étages. On peut croit e , ajoute l’antiquaire
., que c’eft Lyfippe qui l ’a repréfenté
le premier-avec ce caradère, pour lui donner
quelques traits de reflèmblance avec le maître
des Dieux.
Pline parle d’un Jupiter collofCal que ce
ftatuaire fit pour les Tarentins. On. atfuroit
que l’artifie avoit fi bien obfervé la juftefle
de l’équilibre dans ce.te énorme figure ,
qu’ un feul homme pouvoit-de la main lui
imprimer du mouvement ; cependant aucun
ouragan ne pouvoit le renverfer. L’artifte
»voit prévenu cet accident, en oppofant une
colonne placée à peu de diftance de ce monument
, du côté où il étoit fur-tout nécelTaire
de rompre le vent. La grandeur de ce co-
îoffe , la difficulté de le déplacer empêchèrent
Fabius Verrucofus de l’ enlever , quand il
tranfporta du même lieu l’Hercule qu’on
■ voyoit au Capitole.
Une épigramme de l’Anthologie nous apprend
Lifippe avoit fait un Hercule dans la douleur;
il s’afflïgeoit d’avoir été dépouillé de fes
armes par l’Amour. C’eft peut-être l’Hercule
qui fut tranfporté de l’Acarnanie à Rome.
Sénèque, Stace 8c Martial ont célébré un,autre
Hercule du même ftatuaire : il n’avoît qu’ ufi
pied de proportion , & l’on y admiroit toure
la grandeur-du demi-dieu. Ces petites figures
fervoient à garnir les tables. :
On fait que les Athéniens fe repentirent
d’avoir condamné Socrate $ ils exilèrent les
accufateucs de ce philofophe ; ils firent périr
Mélitus plus coupable que les autres : & après
avoir traité le fage comme un criminel pendant
fa v ie , ils lui érigèrent une ftatue après fa
mort. Lyfippe fut chargé de faire ce monument
de leur repentir. On ne fait pour quelle v ille
! il fit la ftatue d’Éfope ; mais on ne doit pas
I croire qu’ il ait donnera ce fabuliûe la difformité
que lui prêtent les modernes.
I l repréfenta l’occafion fous la figure d’un
adolefcent. Sa tête, garnie de cheveux fur le
front, étoit chauve par derrière, I l tenoit-de
la main droite un rafoir, & de la gauche,
une balance, & il avoit*des ailes aux talons.
Les poëteé ont célébré un cheval de bronze
de cet artifte. On lui attribue les quatre chevaux
de bronze du portail de Saint-Marc à
Venife: mais il eft au moins très-douteux qu’ ils
foient l’ouvrage de ce célèbre artifte, & ils
ne répondroîent pas à la haute réputation qu’il
a confervée. On feroit obligé de dire ■ qu’i l
n’avoit pas auffi. bien étudié la nature des chevaux
que celle des hommes : mais cette négligence
ne feroit pas excufable de 1^ part
d’ un artifte qui a fait un grand nombre de fta-*
tues équeftres.
C’étoit en effet des ftatues équeftres que
célles de ces vingt & un gardes d’Alexandre
qui perdirent la vie en défendant ce prince
au paffage du Granique. Alexandre voulut perpétuer
leur mémoire en ordonnant à Lyfippe
de leur ériger ces monumens. I l fembloic
que ces travaux euflenc dû fuffire à occuper
toute la vie d’un artifte, 8c ils ne font qu’une
petite partie des ouvrages de notre ftatuaire.
Les têtes de ces ftatues étoient des portraits.
Meteîlus le Macédonique, les fit tranfporter de
Macédoine à Rome.
On voyoit de Lyfippe à Athènes Jupiter &
les Mufes : à Corinthe, dans le marché, Jupiter
& une Diane; près du temple d’Apollon
Lycien , un Hercule ; dans le temple ae Jupiter
Neméen, la ftatue du dieu; à Olympie,
la ftatue d’un Pancratiafte, & celle de Pyrrhus
d’Ê lide, qui étant Helianodice, ou préfet des
jeu x , prit lui-même part au concours, 8c remporta
le prix de la courfe des chevaux. Ce
fut à caufe de cette vi&oire qu’ il fut ordonné
que les Hellanodices ne pourroierit plus concourir.
Dans le même lieu, il fit auffi la ftatue
de Poîydamas, l ’homme de la plus haute taille
; qu’on eût vu depuis les temps Héroïques. Cé-
! lèbre par fes vi&oires en qualité de Pancra-
I tiatfte, il le fut par d’autres preuves qu’il donna
de'fon èxtrême vigueur. Il tua un lion fu r ie
mont Olympe, dans la Thracej fans autres armes
que fa force ; il arrêta un taureau furieux par
un des pieds de derrière, & l’animal ne put
échapper qu’en lai fiant la corne de fon pied dans
les mains du vainqueur; il arrêta par derrière un
char attelé de plufieurs chevaux que pouflbic
vigoureufement Je cocher. Ces prodiges de
force,- & plufieurs autres, étoient repréfentés
en bas-relief fur la bâfe de fa ftatue,
Pline a écrit que Lyfippe a fait feul quinze
cents morceaux, tous avec tant d’arc, qu’un
feul eût fuffi pour Eilluftrer. Winckelmann a
penfé qu’il y avoit de l’exagération dans ce
nombre, quoiqu’on fâche qu’en effet Lyfippe
a été très-fécond. M. Falcoaet croit que ce paffage
prouve le peu de connoiflancequePline avoit
de l’art. » Un connoifteur doit favoir, dit-iî,
» qu’ il n’eft pas poffible à un ftatuaire de faire
» 1500 ftatues dont chacune fuffife pour l’ illuf-
» trer. Il le peut, à la rigueur, que plufieurs
» figures de Lyfippe aient été fondues &
» répétées, 8c qu’avec les autres ouvrages,
» cela ait produit, de compte fa it, 1500 mor-
» ceaux dont il étoit l’ auteur. Voilà ce qu’ un
» écrivain plus verfé dans les connoiftances de
» l’arc eût penfé ».
Dans plufieurs éditions de P lin e , le nombre
des ouy rages de Lyfippe eft réduit à fix cent dix.
M. Falconet trouve que cela paffe encore les
bornes de la vraifemblance. f
J’oferai ne pas partager ici le fentiment du
favant antiquaire & de l’habile ftatuaire. Après
la mort de Lyfippe, on fut. le nombre de fes
ouvrages quand fon héritier ouvrit fort t ré for; car
i l avoit coutume de mettre à part une pièce d’or
fur le prix qu’il recevoit de chaque figure. Ceçte
circonftance que Pline rapporte prouve que ce
« ’eft point ici un de ces endroits qu’il a écrits
négligemment. Il faut obferver que Lyfippe
:«e faifoit que des ftatues en bronze ; c’eft-à-
dire qu’ il ne faifoit que des modèles, & que
ces modèles faits-, il ne lui reftoit plus qu’un
travail d’ infpeâion fur les mouleurs, les fondeurs
& les cifeleurs. Un artifte qui ne fait
que modeler, expédie bien plus d’ouvrages que
celui qui exécute en marbre les modèles qu’il
a "faits. C ’ eft ce qui eft échappé à M. Falconet
dont tous les ouvrages font en marbre ou en
pierre, excepté Fon beau monument de Saint-
Pétersboug.
Je fais que les modèles des grands ouvrages
de Lyfippe, tels que fon Jupiter Colloflal, fes
ftatues d’Alexandre , celles des vingt un cavaliers
qui périrent au paflàge du Granique, &
tant d’autres durent lui coûter beaucoup de
temps; je fais qu’ il dût employer encore bien
du temps aux réparations des cires, & à l’infpec-
tion.des travaux qui fe fai foient fous fes ordres.
Mais pendant qu’on mouloit , qu’on préparoit
des fourneaux, qu’on réparoit les défe&uofïtés
des fontes , il lui reftoit du loifir, 8c il l’em-
ployoit à de petits ou vrages , tels que fon Hercule
d’ un pied de proportion. Or un artifte qui
avoit une grande habitude du travail, ne devoit
pas mettre beaucoup de temps à faire des modèles
d’un à deux pieds, qu’ il regardait comme des
objets de récréation , mais que ceux qui les ac-
quéroient regardoient comme des chefs-d’oeuvre.
On fait qu’ un élève de l’académie fait en trois
jours de pofe, c’eft-à-dire en fix heures, un modèle
d'une plus grande proportion que le périr
Hercule de Lyfippe ; pourquoi un artifte con-
fommé feroit-il moins expéditif? mais au lieu
de fix heures, donnons-lui deux ou trois jours,
plus ou moins, fuivant les circonftances 8c le
travail qu’éxigeoient les différens morceaux ;
Nous voyons encore que Lyfippe put faire en
fà vie aftez de petits modèles, pour qu’avec
fes grands ouvrages , le nombre en montât non
feulement à fix cent d ix , mais même à quinze
cent. On n’a qu’ à s’en tenir au premier nombre ,
& alors la fuppofition n’aura rien d’extraordinaire.
On peut tout au plus reprocher à Pline d’avoir
dit que chacun de ces modèles de Lyfippe au-
roic fuffi pour l’illuftrer. Il eft impoflible qu’il
n’échappe pas des ouvrages médiocres à un
homme qui en fait un fi grand nombre : mais,
jufques dans ces ouvrages médiocres, on fent
encore la main du maître h ab ile , & cela fuffic
pour qu’ un amateur d ife, & qu’ un écrivain
répète, que chacun de ces morceaux auroitfuffi
à la gloire de l’artifte.
On lit lé nom dé Lyfippe fur le focle d’un©
ftatue du palais Pitti à Flcrence. C’eft vrai-
femblablement, dit Winckelmann, une fuper-
cherie antique ; on fait que les anciens fe
permettoient ces fortes de menfonges. La ftatue
du palais Pitti eft en marbre , & le fïlehce
des anciens peut nous faire légitimement douter
que Lyfippe ait jamais travaillé le marbre. Pline
ne le nomme que dans fon 34e livre qu’il a
eonfacré aux artiftes qui ont travaillé en bronze.
, A propos de Lyfippe, ftatuaire privilégié
d’Alexandre, nous allons parler d’un ouvrage
qui n eft pas de Lyfippe, ni même de fon temps,
mais qui repréfente un trait dé la vie d’A lexandre;
fon entretien avec Diogène. Si nous
faifons mention de ce morceau, c’eft parce qu’ il
prouve que les modernes pêchent contre le
coftume, en reprétentant le philofophe cynique
dans un tonneau. Ce bas-relief nous le montre
dans un de ces grands vafes de terre que nous
appelions des jarres. Sur cette jarre eft un chien
qui indique la fecïe du philofophe.
. , ( 75) L y s îst rà t e étoit frère de Lyfippe. IJ
imagina' le' premier de mouler les vifages^dea
perfonnes dont i l entreprenait le portrait; il