
( 51 ) Jacques Palma , le v ieux , de l’école
Vénitienne , né à Sérinalta , dans le territoirè
de Bergame, en 1540, entra de bonne-heure
dans- l’école du Titien. Il faifit fi bien la maniéré
de fon maître qu’ il fut jugé digne de
terminer un ouvrage que ce grand peintre ,
en mourant , avoit laifle imparfait : il n’ atteignit
cependant jamais à la même finéffe de
pinceau, & fut extrêmement inégal ; mais fes
bons ouvrages doivent le placer dans la clafle
des artiftes les plus diftingués. Il ne peignoit
que d’après nature , & dut à cette méthode une
grande vérité. Sa manière étoit large & graffe ,
jufqu’au point de tomber même dans le barbo-
teux ; fa couleur bonne & vigoureufe , fouvent
fourdé ; fon defïin jufte , mais fans fineffe;
{es têtes belles & d’un grand caraélèr-e ; fes
lumières fouvent bien grouppées : il y a cependant
de fes ouvrages où on lui reproche
de les avoir difperfées. I l mourut à Venife
en 1^96 , âgé de cinquante-fix ans.
On voit trois tableaux de ce maître au cabinet
du Roi. Une lainte famille , avec un berger
a genoux., le.diftingue par la beauté des têtes ,
l ’excellence du coloris, & l’ exécution du linge
qui eft d’une vérité capable de faire illufion.
Une autre,fainte-famille, formant un grouppe
de huit figures , montre peu de génie , mais
une couleur admirable , & une grande beauté
de cara&ère dans plufieurs têtes. Le Chrift mis
au tombeau manque d’exprefiion dans les têtes
& d’élégance dans le delfin ; mais il. efi d’uri
grand relief,
(52*) Jacques Palma, le jeu ne, neveu du
vieux , naquit à Venife en 1544 & l’on croit
qu’il fut élève du Tintoret. I l alla enfuite à
Rome , étudier les ouvrages de Michel-Ange ,
de Raphaël & de Polidore..U fut chargé par
le Pape de peindre une galerie & une falle
au Vatican. De retour à Venife , il fut préféré
.a fon oncle par la beauté de fongénie , la légèreté
de la touche, l’ art de defliner les draperies.
Mais devenu , après la mort du Tintoret &
du Baffan, le premier des peintres Vénitiens ,
il fut accable d’ouvrages, & fe fit , pour mettre
è profit l’occafion de s’enrichir , une manière
négligée & expéditive. Ses ouvrages fira-
paîfés n’étoicnt plus que des ébauches., & il
devint bientôt inférieur à lui-même : mais il
refia toujours admirable par l’ efprit dont il
animoit fes produdions croquées. Il étoit fi
laborieux , que fes amis le trouvèrent occupé
à peindre pendant qu’on enterroit fa femme. Son
efprit le rendit cher aux gens de léttres ; il
étoit Intimement lié avec le Guarini & le cavalier
Marin. I l mourut à Venife en 1628 ,
Sgé de quatre - v ingt-quatre ans.
Le Roi ne pofféde de ce peintre qu’ un Chrifi
couronné d’épines. L’ expreffi.04 efi touchante a
8rand ca ra â lè re la lumière d’une
belle difiribution.
Eflampes d’après le vieux Palme : bulle de
remine par Vorfterman , la Laure de Pétrarque
par Hollar , la fainte-famille du cabinet du
Roi par Et. Picard.
D ’après le jeune Palme : un grand nombre
d eaux-fortes par Jui - même ; une flagellation
par Giles Sadeler-, un Saint Jérôme en méditation
, par Goltziusv
(J3 ) Antoine Temîeste , de l ’école F lo rentine
, ne à Florence en 1545 , fut élève de
otradan ; fon inclination naturelle & les exemples
qu’il voyoit dans cette école, le portèrent
a fe confacre/ fur-tout à la repréfenta-
tion des animaux, St, dans ce genre , il devint
encore fupeneur à fon habile maître : mais il
ne le borna point à cette feule partie de l’art
& cultiva auffi le genre de l’ hiftoire. Il fit
le yoyagç de Rome , & fut occupé par Gre-
goire XIII à orner de fes ouvrages. les galeries
du Vatican. Appelle à Caprarole par le Cardinal
Alexandre Farnefe , il y peignit plufieurs
grands fujets d’hiiloire;
o --- — r*.. .e giduu nomDre
deltampes qu il a gravées lui-même & dont
la plupart repréfentent des combats de cavalerie
, des chalfes, des cavalcades. Ses com-
pofitions font pleines de fe u , lés chevaux font
deffinés favament dans le plus grand caraftère ,
mais avec un peu de cette exagération qu’en
reproche généralement aux Florentins : Tem-
pelie a vu la nature du ch e v a l, comme Michel-
Ange, a vu celle de l’ homme. I l e ll mort en
1610 a l’âge de foixante & quinze ans.
(J4) BARTHEXEMY SfRANGER, de l’ école
Flamande , hé a Anvers en 1546 , eut dans
(fon pays plufieurs maîtres peu connus & vint
le mettre a Paris Ions la difeipline d’ un maître
: non moins oblcur. 11 alla enfuite à Milan où
il prit des leçons d’ un élève du Corrége qui
n’avoit lans doute qu’un talent fort médiocre
mais qui .put lui dévoiler la théorie de fon
habile maître. Spranger ne relia pas longtemps
dans cette école & paffa à Rome où dès lors
il fut jugé digne d’être employé par le Cardinal
Farnefe à la décoration de fon château
de Caprarole y il y peignit des payfages à Fref-
que. Un tableau peint fur cuivre que le jeune
artifte préfenta au Pajie Pie V , lui mérita
l’avantage d’être nommé peintre de fa faintetéf
Ce tableau de fix pieds de haut repréfent.e le
i jugement dernier, St l’on n’y compte pas moins
de cinq cent têtes.
La mort du Pape n’empêcha pas Spranger
de trouver à Rome de l’occupation. Il y fit
plufieurs grands ouvrages pour différentes égllïes
, & un nombre confidérable de petits
tableaux.
Mais s’ il a produit à Rome} un grand nombre
d’ouvrages , on peut lui reprocher d’y avoir
fait trop peu d’études & de ne s’être, pas affez
attaché aux chefs - d’oeuvre qui rendent cette
v ille la plus belle & la plus lavante école des
arts. Il fe.contentoit de regarder ces excellens
modèles, & fe fioit a fia mémoire , qui étoit fort
heureufe , du foin d’en confier ver les beautés:;
méthode infiuffifiante & dangereufe : pour s’ identifier
les talens des grands - maîtres , il faut
par fes études en reproduire les ouvrages- » Il
» efi difficile de décider , dit un artifte , M.
» Defchamps , fi la mémoire efi un don de la
» nature plus avantageux que funelte aux
» artifi.es. Si elle leur rend préfens les grands
» modèles , elle les trompe aufli quelquefois y
» ils prennent leur imagination pour une ré-
» minifcence , & ne fuivent fouvent que des
» chimères ». 11 efi incertain que Spranger ait fait un feul
deflin d’après lrantique , un feul d’après Raphaël.
S’il n’a copié aucun des ouvrages de
Michel-Ange, il femble les avoir du moins
eanfidérés attentivement , & il paroît avoir
forcé la manièr e déjà outrée de cet artifte. Il
a traité les extrémités d’une façon bizarre,
tourmenté les attitudes & donné généralement
une caricature barbare à fon dellin. Il travailla
prefque toujours de pratique , & fut maniéré
dans la couleur comme dans les formes : mais
il avoit une imagination abondante & fa c ile ,
une compofition riche , & une douceur de pinceau
, une beauté de touche qui infpiroient
l ’ indulgence pour fes défauts.
Mandé à Vienne par l’Empereur Maximilien
I l , il décora près de cette v ille le château impé- j
rial de Fafangarten. Négligé quelque temps par
Rodolphe, liicceffeur de Maximilien , il en
reçut dans la fuite plus de,.bienfaits que de fon
prédéceffeur & lui confacra fes talens pendant
dix-fept ans entiers. Il dut cette faveur encore
plus à fon efprit qu’à fes talens pittorefques ;
car on ne voit pas que Rodolphe ait aimé
particulièrement les arts. Le prince, g.oûtoit
la converfation de l’artifte au point de lui
ordonner de travailler toujours auprès de lu i, i
& l’ attelier du peintre devint le lieu où l’Empereur
prenoit le plus volontiers.fes délaffemens.
Spranger devint noble & opulent , & auroit
fait encore une plus grande fortune , s’il avoit
connu la cupidité : mais content de fol!iciter
fon maître en faveur .de fes amis , il ne de-
mandoit rien pour lui-même. Un riche mariage
combla fa fortune & furpaffa fes defirs. Sa
maifon de Prague , qu’il décora lui - même ,
fut un palais., & la. peinture ne fut plus pour
lu i qu’une récréation. Ses tableaux font très
aares dans les cabinets parce que la plus
grande partie de fa vie fut con&crée aux Empereurs
Maximilien & Rodolphe;
Abfent depuis, trente-fept ans de fa patrie,
il voulut la revoir, & fut reçu dans toutes les
villes de la Flandre avec les plus grands honneurs.
Il retourna à Prague, où .il mourut dans
un âge fort avancé.
EJlampes d’après Spranger. Les noces d’Her-
cule & d’Hébé par Muller •, les portraits de
Sprangjer & de fa femme par G. Sadeler ; les
faintes femmes allant au tombeau de Jefus-
Chrift par le même Saint Dominique en méditation
par Corn. Cort -, le grand banquet dès
dieux par H. Goltziusf
f l ! C a m i l l e P r o g a g c i r i de l ’école
Lombarde', né à Bologne en 1546, élève d’Her-
cule ,- fon père, entra enfuite dans l’école des
Carraches qui „étoient cependant beaucoup
moins âgé que lu i ., On pourroit croire que
Camille, & Jules Céfar fon frère , élève.des
mêmes maîtres , font nés plus tard que ne le
luppofent les Biographes ; mais je penferois.
plutôt qu’on les a fuppofés élèves des Carra-
ches , pour ne pas déranger le' fyftême qu’on:
s’étoit formé,, luivant lequel ces grands maîtres
ont été les reftaurateurs de l ’ art -, fyftême'
qui fouffriroit quelq.u’atteinte, s’ il avoit paru
avant eux , & fans leur feconrs, des artiftes du
mérite des Procaccini ; fyftême qui étuit déjàr
renverfé par le talent du Tibaldi. Mengs-, au lieu
de regarder les Procaccini comme des difciplea-
des Carraches , dit que les Carraches s’étudièrent
à les furpaffer.
Ce qui eft certain , c’ èft que Camille travailla
en concurrence à Bologue avec les Carraches
, qu’ il fit enfuite le voyage de Rome-,.,
où il fe per-feéLionna par des études laborieu-
fes ,. & qu’il s’établit enfuite à Milan où il
n’eut point de rivaux.Il a peint dans cette
v ille des plafonds dont les figures font pleines
d’ expreffion , mais terribles & gjgantefques.
Il avoit une couleur vigoureufe , même
dans la frefque , de belles ordonnances, une
grande liberté de pinceau , une bonne manière'
de draper , & donnoit beaucoup de mouvement
à fes figures. Quelquefois il étoit incor-
1 reél dans le defîin , obfervoit mal les proportions,.
& faifoit les extrémités trop fortes
mais.il n’avoit pas ces defauts dans ceux de fes
ouvrages qu’ il prenoit la peine d’étudier ; alors
fes airs de tête, fes draperies, fon godt de peindre •
tenoit de l’imitation dè Raphaël. I l eft mort à
Milan en 162.6, âgé de quatre-vingt ans-
(5 6 ) Jules - César Procaccini , né a:
Bologne en 1540 fut d’abord deftiné à la
fculpture , & la. quitta enfuite pour la peinture.
On le compte , ainfi que fon frère, entre
les élèyes. des Carraches x ce.qui eft peu vrai—