
inierietir, ont fait honneur à cette école, naquit
à Avignon en 1712. Il s’eft rendu célèbre
par fes marines & par les payfages compofës
d’après les vues des campagnes d’ Italie. I l a
paffé un grand' nombre d’années à Rome où
fes ouvrages, recherchés des étrangers , étoient
eftimésdes Italiens eux-mêmes.qui fembloient
le compter au nompre de leurs artiftes. Il don-*
’ non à fes payfages, médiocrement variés ,
le charme de la n atu re fan s en faire le- portrait.
lerÿile ; joignoit à la bonté de l’ effet
ce qu’on nomme la vérité de la couleur, &
animoit fes figures d’un efprit qui fait le
cachet de fes ouvrages. .Sa réputation le fit
appeller en France par Louis X V , pour peindre
les vues des ports de mer de ce Royaume;
ouvrages ingrats en apparence , comme tous
ceux qui mettent des entraves .au génie des
a r tifte s ,’ mais dans lefquels il fut rendre piquante
& pittorefque la plus lcrupuleufe pré-
cifion. Quitte de cette tâche qui lui valut de
nouveaux applaudiffemens , il _reyint à l’on
premier genre , 8c l’on eût dit , en voyant
le s tableaux qu’il faifoit'à Paris, qu’il avoit
encore fous les y e u x , pour objets de fes études,
les . mêmes..campagnes qui l ’avoient autrefois
infpiré. Il a travaillé jufqu’aux derniers
temps de fa vie', ' fans' que fon corps , fon efprit
, fa ga ité , fon talent paruffent éprouver
les atteintes de la vieil!elfe , 8c il eft mort
à Paris, en 1786. âgé de foixante & dix-fept
ans.. ^
Le Bas a gra vé , d’apres ce peintre, les
vues des ports de France; Baléchou, trois marines,
dont on effime furtout la tempête; Alia-
mec, Flipart, & d’autres graveurs, un grand
nombre de tableaux.
(351) Jean-Baptiste-Mariè Pierre, de
l ’école Françoife, né à Paris eh 1715 , avoit
de la fortune, 8c n’encra dans la carraère dé
de la peinture que par,amour pour cet art.
Le fentiment de fes richelfes l’empêcha peut-
être d’étudier avec l’ ardeur qu’ infoire le be/bin ;
8c il avoit reçu de la nature une facilité perfide
, bien .capable de faire négliger Je travail
affidu , & qui ne le remplace jamais
parfaitement. Il fit de grands progrès, & crut
avoit affez fait puifqu’ il avoit égalé fes rivaux.
A fon retour de Rome, il parut avec éclat,
8c fut mis au nombre des meilleurs, peintres
vivans. On. étoit jufte alors. Son plafond de
Ta chapelle de la Vierge à S. Rooh , -fembla
l ’élever au deffus de fes contemporains ,- parce
qu’ aucun d’eux n’avoif exécuté une fi grande
machine. ( * ) Des ouvrages moins confi-de-
(1) Ce plafond a cinquante-fix pieds dans un diamètre
, & quarante-huit dans l’autre : félévation de la coupole
eft de dix-neuf pieds.
râbles fou tinrent l’a réputation. On y vit de
la facilité-, un allez bon caraélère de deflirk,
un ftyle qui ne manquoit pas de nobleffe,
une bonne manière de peindre , une couleur
qui n’étoit ni meilleure ni pire que celle de
fes rivaux , enfin tout ce qu’alors exigeoit .l’école
Françoife : on continua d’applaudir. Il
quitta les pinceaux dans la force de l ’âge ,
8c déjà depuis long-temps il ne peignoir plus
quand il devint premier peintre du roi &
dire&eiir de l’académie. Dans cette place il
fit des mécontens, on trouva qu’il l’exerçoit
avec fafle , avec empire. Les artiftes qui
croyoient avoir àfe plaindre de lui n’en parlèrent
que comme d’un artifte, méprifable , 8c
perfuadèrent les gens du monde qui connoiffent
peu les ouvragés de l’ a r t, & qui ne prononcent
que les jugemens qui leur font dictes.
La vérité eft que fi Pierre ne doit pas
être compté entre les grands maîtres, que s’ il
eut même.de grands défauts, il fut cependant
un peintre de beaucoup de mérite, 8c que fa
carrière, qu il a franchie avec honneur, eût
été fans doute plus b r illa n t , fi moins de fortune
lui avoit impofé la néceffitë, du travail. Il avoit-
dès manières nobles , de l’efprit, & une teinture
fuffifante des. lettres. Il eft mort à Paris
en 1785? , âgé de foixante & quatorze
ans.
Nie, Dupuis a gravé, d’après Pierre , Saint-
François , tableau“ d’une, eftimable fimplicité
qui fe voit Saint-Sulpiçe ; L. Lempereur
l ’enlevement d'Europe *& les forges de Vul-
cain ; J. M. Preiüer , une baccanale 8c Ga-
nymede enlevé. .
( 352) A n.toine-Raphael Mengs,, de î’ë-
cole Allemande , naquit à Aufzig, ville de
Bohême en 1728. Il fut élève d’ Ifmaèl.fon
père, peintre en miniature & en émail, qui
après l’avoir tenu affez long-temps à delfiner
fans régie ni compas, des figures de géométrie
, & l’avoir fait enfuit e delfiner d’après
des plâtres moulés où copiés fur l’antique 8c
d’après nature , le conduifit de bonne-heure à
Rome où il l’aftreignit à copier au crayon
les plus beaux reftés de l’art des Grecs, la chapelle
Sixtine de Michel-Ange, 8c lés loges de
Raphaël. C’étoît lui ouvrir la route du grand -,
mais lui-même contraria la marche qu’il lui
avoit fait prendre , en le forçant à peindre
des çompoutions confidé rables telles que des
tableaux entiers de-Raphaël, en miniature &
ên émail. Ifmaël étoit peintre d’Augufte
I I I élecleür- de Saxe & roi de Pologne.; le
jeune Raphaçl, de retour dans fa patrie, ne
tarda pas à recevoir le même honneur, &
après un fécond Voyage à Rome, il fut nommé
premier peintre de ce fouverain. Mais le
climat de Drefde étoit contraire à fa famé;
bu plutôt l’amour qu’ il avoit conçu pour la
capitale des arts, ne lui permetcoit pas de
trouver ailleurs le bien-être, 8c lui faifoit
regarder comme un état de maladie les dé-
plaifirs de fon imagination : il obtint la per-
miffion de voir Rome une troifieme fois.
Bientôt la malheureufe guerre qui livra la
Saxe à une puilfance ennemie le priva de, fa
penfion de premier peintre, le reduifit a la
pauvreté, mais le rendit libre. I l profita de
la liberté pour peindre à frefque un plafond
dans l’églife des Auguftins confacrée à Saint
Eufebe, & ce morceau , très-mal paye, lui fit
une grande réputation. Dans un autre plafond
qu’il peignit pour la Villa-Albani, 8c dans
lequel il choiiit pour fujet Apollon , Mnena-
fyrie & les mufes, il ofa fe fouftraire a l.ufa-
ge q u i, dans ces- fortes de peintures, fait
prendre le point de vue de bas en haut; pratique
qui occafionne des racourcis toujours
contraires à la beauté des formes.' I l iuppofa
que fon ouvrage étoit un tableau attache
au plafond. Ce parti lui attira de grands éloges
8c de violentes critiques.' I l avoit en fa laveur
un grand exemple, celui de Raphaël, 8c
ce qui eft plus refpeftable que tous les exemples,
le grand principe de chercher & de con-
ierver. la beauté qui doit peut-etre 1 emporter
fur tous les autres principes de l’art. Nous
l’avons dit ailleurs ; nous le répéterons peut-
être encore; c ’eft dans leur développement,
& non dans leurs raccourcis, que les fermes
jnanifeftent leurs beautés.
Appelle à Madrid par Charles I I I , il y fit
un grand nombre d’ouvrages & fut magnifiquement
récompenfé. L’ excès dii travail, &
quelques dégoûts que l’envie fufeite toujours
à ceux qui obtiennent de la g lo ire, le firent
, tomber dans un état de. marafme. Il revint à
Rome, jouiffant toujours de la penfion de premier
peintre du roi d’Éfpagne , prolongea au-'
tant qu’ il îe put fon féjour en I ta lie , & fut
obligé de fe rendre enfin aux ordres preflans
du roi. De nouveaux travaux lui obtinrent fa
liberté accompagnée d’ une penfion. Il fe fiattoit
de jouir enfin du bonheur -, mais à peine de
retour à Rome,. il eut la douleur de perdre fon
époufe, 8c le ré fie' ae fa yie -s'écoula dans la
trifteffe. I l tomba dans un état d’écifie 8c
mourut en 1779, à l’âgef de cinquante 8c un
ans.
C ’eft au teiîips qu’ il appartient de fixer la
réputation de ce célèbre artifte* Ses partifaiis,
à la tête defquels eft placé le très-eftimable
Winckelmann, le mettent à côté de Raphaël,
& lui accordent même des parties fu péri eu res.
Des artiftes d’ un efprit cultivé, 8c donc les ta-
lens femblent devoir donner de l’autorué à
leurs jugemens, lui a {lignent un rang honorable
entre ^cs peintres célèbres 5 d’autrè§^ 8c
ce font êncore des artiftes, ont même peine
à prononcer qu’il eût des talens fort diftin-
gués. I l avoit un trop grand nem pour ne pas
exciter, l’envie ; d’ailleurs, c’eft tin foible de
bien des hommes , de vouloir s’oppofer à l’éclat
dés grandes réputations, tant que ceux
qui les ont obtenues vivent encore, 8c même
lorfqu’ ils ne font pas depuis longtemps dans
le tombeau./Nous n’avons en France qu’ un
fort petit nombre d’ouvrages de Mengs ; oh
voit bien qu’ils font, de la main d’un fort habile
artifte ; mais ils ne font pas capitaux, &
peut-on décider, fur quelques paftels, fi cet
artifte étoit un grand homme ?. Plu fleurs per-
fonnes, &. je fuisv du nombre, ont vu quelque
temps à JParis un tableau à l’huile de
Mengs : il repréfentoit ,une vierge, figure entière
: ce n’étoit pas un chef-d’oeuvre ; mais
on peut croire aum que ce n’étoit pas un des
bons ouvrages du peintre. Ce que nous pouvons
dire, c’eft qu’ il eft vraifsmbiabîe que. jamais
aucun artifte n’a eu fur l’art des- principes
plus fublimes , & il eft bieh difficile que
la grandeur des principes n’ait pas une influence
marquée fur les ouvrages. S a fageffe a été
traitée de froideur par les amateurs des com-
pofitions tourmentées ; fi tous fes ouvrages ont
été profondément réfléchis, .comme lès écrits
peuvent le faire fuppdfer / ils ont dû êq-e généralement
mal jugés, parce que l’ on confi-
dère généralement les ouvrages de l’art fans
réflexion. On lui a reproché une petite manière
qui fe fentoit de fa première application à la
miniature ; on lui a reproché de la féchereffe;
8c lui-même , dit l’ hiftorien de fa vie , s’en
eft accufé & s’ en eft corrigé. On a prétendu
que, dans plufieurs de fes ouvrages , fon fini
tenait de l ’émail , 8c Pompeo Battoni difoit
que les. tableaux de Mengs pouvoïent fervir
de miroir. Mais en admettant même qu’il aie
eu tous ces défauts , il peut encore refter vrai
qu’ il ait été un très-grand artifte ; parce que
des défauts , même confidérables, peuvent être
effaces par de très-grandes beautés , & parce
que ceux qu’on lui reproche ne portent que
fur les parties fecondaires 8c manuelles de
l’ar t, 8c qu’ il en a pu pofledêr les parties fpi-
rituelles & capitales. (*) Les défauts des hommes
fupérieurs fervent de confolation à la malignité
dés contemporains : la poftériré les pardonne
, 8c même elle daigne à peine les remarquer
; elle ne s’ attache qu'aux perfeélions,
dont elle fait - les objets de fes études. T e l
artifte maltraité Je fes contemporains, donne * 1
1 1 (i)_ Il femble qu’on peut s’arrêter fur Mengs au jugement qu’en.porte un très-habile peintre, qui le regarde comme
un élève intelligent de Raphaël, & qui croit que Mengs
n’auroit été. rien, fi Raphaël n’avoit pas exifté. .