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nulgre tout le génie qu’ il montre Sans Tes
ajuitemens, n’a jamais produit ni le gracieux, 5V 1 intérêt que les peintres François & Italiens
dont j ai parlé, déceloient partout. Et
il etoit encore plus éloigné de cette fierté, de
cette fouplefl'e, & de cette grandeur que les
Orées & les meilleurs artifies Romains, par
le choix & par l’ordre de leurs p li s , ont fi
magnifiquement développées.
Dans l’enie.mble que nous venons de former
lur les -plis qui font le fujet de cet article
, on trouve tous les détails de cette par-
tie de l’art. Cependant nous ne garderons pas
le fil en ce fur quelques préceptes. Ils doivent
lpecialement fe trouver dans cet ouvrage.
On recommande eftenriellement dans les éco-
CS > ,Pe*nture ^a forme des yeux des plis , &
ce ? f “ Pas ^fis ration : ce font eux qui ca-
racterilènt les étoffes. Dans celles qui font grof-
mo^ esî les y eux des plis font ronds,
7 ? J;s f°nc aigus & cajfés dans celles qui font
léchés ;ou fermes,, foit que ces étoffes foient
fines comme le taffetas ou épaiffes comme le
velours & le camelot.
è , . es angles aigus ou obtus doivent être préférés
aux angles droits, dans la difpofition
aes p lu comme dans celle des membres. Les
forme» abfolument régulières déplaifent dans
toutes 3esproduaionspittorefques.il faut partout
? e . °.aJance fans lymmétrie : & quoique nous
banmilions une certaine égalité géométrique,
on v eut, & particulièrement dans les p lis.
Ce la liaifon & de tordre. La liaifon eft in-
oilpenlable; car c’ eft par elle qu’on juge que |
les. vêtemens .tiennent à la même perfonrie.
i une partie nue interrompoit fèchement les
? : ls > de manière qu’on ne pût lier leurs prin-
cipes & leurs fins, ce feroit pêcher contre
*■ ordre qu il faut tenir entre eux.
Ea variété des plis doit fe trouver dans la
douce inégalité de leur grofleur , de leur
fituation & de leurs formes. J’ai dit douce ;
car li les différences font dures & tranchantes,
il n y a plus d’ordre. Or l ’ordre fe trouve même
dans laifajice & la liberté avec lefquelles les
p u s doivent être difpofés.
Nous terminons cet article par un précepte
qui peu* -être eût été mi'eux placé dans le
mor extrémités ; c’ efi que les p lis des draperies
ne doivent prefque jamais les dérober aux
y e u x , & qu’ ils doivent laifler voir les principales
articulations du corps.
J * c.lpuer cxtre™™ raro mternoiia membris ' ■
Abditafint ; f e d fumma pedum vefiigia.nunquam.
Dufrefnoy , de arte graph.
( Article de M . R o bo t. )
PLUME ( fubft. fem. ) Dejfm à la plume.
P L U
Cetçe manière de deffmer a été* fou vent pran.
quee^ par les anciens peintres. Traitée avec
racihte, elle n’eft guère moins expéditive que
celle de deffmer au crayon , & elle eft fuf-
ceptible de beaucoup d’efprit & de goût. On
a un grand nombre d’études à la plume, faites
par le Titien. Plufieurs maîtres après avoir
fini leur deflin d’une plume libre & badine,
en affuroient l’ effec en l ’acccmpagnant d’ un
léger lavis. Les uns ont manié la plume avec
une forte de libertinage pittorefque-, les autres
1 ont afiujettie à une marche, régulière, lui
rail an,t fuivre le fens des chairs , celui des draperies
& la fuite perfpeélive. Un deffin à la
PLltme ï.Iorfqu’elle eft maniée par un artifte
; C1U1 a 1 ufage de cet inftrument, peut l’emporter
fur les charmes de. la meilleure eau-
rorje , parce que le deffinateur ne voit pas
j parfaitement l’effet de fon travail fur le'
vernis dont le cuivre eft couvert, que fur le
papier. D’ailleurs la gravure à la pointe eft
: toujours fourni fe aux hafards de l’ eau-forte
qui doit lui donner la profondeur convenable»
i au heu que le deffinateur à la plume n’ eft fournis
a aucun hafard: l’effet qu’ il a dans l’ ef-
pnt, il peut le porter fur le papier; il peut
donner aux maffes l’effet qu’ il lui plaît, frapper
fes touches à fon gré, porter la vigueur au
ton qu il juge néçeffaire, fans craindre, ainfi
<jue dans la gravure, la néceffité de recourir
a un inftrument moins flexible , tel que le
burin. Il faut ajouter que la pointe ne peut
jamais avoir fur le cuivre un jeu aufli facile
que la plume, fur.le papier.
Quelques peintres ont deffiné d’une p lume
fine & iégere; d’autres fe font fervis d’une
plume conduite avec feu, & , en apparence^
fans aucun art, prodiguant l’encre par
taches, 1 etendant même quelquefois avec le
d oigt, & ils ont produit, dans cette maniéré
brutale, des ouvrages juftement admirés des
connoiffeurs. 0
ç . x , , - _ ■ patience ae
raire a la plume des defïins qui imitent d’une
maniéré trompeufe le burin le plus pur. On ne
g ut voir ces ouvrages fans éprouverl’étonnement
& la lorre d admiration que caufe une grande
difficulté vaincue. Mais pourquoi fe propofer
une difficulté qu’ il eft inutile de vaincre ? Ce
n eft point là le genre de la plume. Laiffons
ju i.le fp n t & la liberté dont elle eft capable
& ne la foumettons pas à une régularité fer-
vile, dont elle eft indignée. Elle eft flexible
légère, badine, pittorefque; ne lui raviffons
pas fes avantages.
La plume eft aujourd’hui généralement abandonnée
par les peintres, & l ’on peut fe plaindre
de leur mépris pour un inftrument q u i, dirigé
par des doigts habiles, produiroit des ouvrages
pleins de charmes. Iis ne l’empfoyeritplus guère
P O E
qu’à faire le trait de leurs deffins au lavis t
le lavis peint.‘mieux que la plume, mais il I
ne 'deiline pas avec tant d’efprit, & rend j
fit oins bien le caraélère des diftérens objets.
A l’aide .de la plume différemment maniée , on
pçut indiquer la molleffe des chaire, le lifte
des étoffes foyeufes, l’épaiffeur velue des étoffes
groflièrës., la dureté des métaux, le brut des
terraffes, la rugoficé des écorces , la forme & la
légéreté des feuille s, le calme 4 brillant ou
l’agitation des eaux : les càpcbes .plâtres du
lavis ne font rien de tout cela ; elles ne peuvent
produire que des tons variés. ( L )
p o
POÉSIE ( fubft. fem ). Ce mot vient du
verbe grec rroiéa , faire. Le poëte eft , par
excellence, celui qui fait:; qui produit} q.ui
invente. Le .peintre eft poëte quand il crée ;
il n’eft que peintre, quand il copie, ou qu’ il
imite.
Homère fut poëte quand il repréfenta Jupiter
ébranlant l’Olympe d’ un mouvement de fes
noirs fourcils : il inventa, .i l v it , il peignit
par la parole, la phyfionomie du Maître des
Dieux. Phidias fut poëte, quand après avoir
lu les vers d’Homère,.il. devint fon rival &
peut-être fon vainqueur; quand il fe repréfenta
la tête impofante & majeftueufe du Dieru ,
telle qu’elle de voit être d’après les vers du
poëte ; quand dans un recueillement qui ne
peut appartenir qu’ au génie, éloignant de fon
imagination toutes les idées qui ne conviennent
qu’à la foibleffe humaine, il parvint à voir le
Dieu comme un modèle docile qu’ il auroit pofé
devant lu i; quand, dans la longue durée de
fon enthoufiafme, il créa la tête du Jupiter
Olympien, qui fit l’admiration de toute la
Grèce.
L’artifte eft poëte quand il voit fon fujet
tel qu’ il a dû fe paffer; quand il s’ en repréfente,
fes perfonnages avec une beauté dont ils
manquèrent peut-être, avec une éxpreffion peut*
être plus vraie, plus v iv e , plus parfaite que
celle qu’ ils eurent en effet, parce qu’ils pou-
voient ma.nquer de phyfionomie, & que l’artifte
doit les voir avec celle qui leur étoient
convenable. Il eft poëte, quand, après avoir
créé ce tableau vivant dans fon imagination ,
il en conferye affez long-temps, allez fortement
l’empreinte, pour la porter également
v ive , également expreflive,fiir la toile ou dans
le marbre.
La poëfie de l’ art confifte donc à voir fon
fujet & à l ’exprimer. L’expreflion eft donc.ce
qui caraélérile l’ artifte poëte. Qu’il invente de
belles difpofitions de grouppes, de maffe$ &
de figures ; qu’ il ajoute thème à ce mérite,
.«elui de ces penfées ifigén.ieufes'qu’on appelle
P Ô E i i> 7
I poétiques; que fon imagination lui fourniff*
I. des allégories, des épifodes non moins heureux
( que ceux des plus grands poètes,* il n’eft pas
poëte lui même , s’ il n’ a pas exprimé ce qu’ il
a voulu peindre. On lui accordera le mérite
d’avoir trouvé le fujet d’ un bon tableau; &
on le plaindra de l’avoir manqué. Le peintre
qtii trouva un fujet, & qui ne peut l’exprimer,
n’eft pas plus poëte que l’homme qui a trouve
un fujet de tragédie, & qui n’ a pu faire la
tragédie.
Pour "exprimer un fujet par les moyens de
l’art, il faut repréfenter le» perfonnages qui
ont dû y concourir, avec la phyfionomie quhls
dévoient avoir fuivant leur rang, leur caractère;
leur donner les véritables mouvemens
des a&ions qu’ ils ont dû faire ; repréfenter
fur leurs vifages & dans toutes leurs perfonnes
l’affeélion dont ils dévoient être pénétrés, fortifier
cette expreflion par le fite, l’effet, & les
accefloires ; écarter tout ce qui pourroit l’affoi-
blir : en admettant routes ces conditions pour
la poejie de l’art, on reconnoîtra que bien
peu d’artiftes ont été poètes»
R.aphaëî fut un poëte fublime, quand,, ayant
donné à PA-rchange Michel une,figure vraiment
angélique, il le repréfenta étouffant le
démon fans avoir befoin de le toucher. II. fut
4in poëte noble & tranquille dans fon école
d’Athènes; il fut un poëte impétueux dans le
grouppe inférieur de fa transfiguration. Le Do -
miniquin fut poëte, quand il eut affez d’imagination
p ou rv o ir , 8c affez de talent pour
exprimer la communion de Saint-Jérôme mourant.
Pouffïn fut poëte, quand il peignit la
derniere horreur du déluge univerfel; Je Brun
le fut, quand il repréfenta la belle douleur
. de la Magdeleine.
Des idées poétiques ne fuffifent pas pour
conftituer le poëte en vers ni en peinture. I!
ne luffit pas de trouver des idées, il faut les
exprimer. Des peintres ont répandu des idées
poétiques, dans des tableaux qu’on ne daigne
pas regarder, & des verfificateurs dans des veps
qu’on ne à’avîfera jamais de lire. Manquer
une belle idée, ce n’eft pas la produire, c’eft
l’avorter.
C’eft une belle idée poétique, que celle
de l’Arcadie du Pouflin. Si le tableau eût été
manqué, ce n’étoit plus de la poëfie ; ce n’é-
toit rien.
Le teftament d’Eudamidas du même artifte,
eft une belle fcène àepoéfie dramatique: mais
l ’ invention de cette lcène. eft de Plutarque.
Le Pouffin n’ en eft pas moins un grand poète
dans fon tableau d’Eudamidas, quoiqu’ il n’ en
ait point inventé le fujet; car il a fu le voie
& l’exprimer.
Si des idées poétiques fuffifoient pour faire
des aniftes poètes, il ne tiei\droit qu’à ton?