j<f P E l
pour commander l’admiration , que pour plaire..
C ’ eft voir bien peu de çhofe dans le Corrége
que de ne découvrir en lui que la beauté des
raccourcis , l’art de raüembler une grande
ordonnance & le talent de bien peindre à
frefque. •
Lanfranc n’avoit que vingt ans quand la
mort le priva des leçons d’Auguftin ; il vint
alors à Rome fe,mettre fous la conduite d’An-
nib.aî * & fut employé par cet habile! maître à
piufieurs morceaux de la galerie Farnefe. Il
étiidioit en même temps Raphaël, & grava
même à l’eau-forte les loges du Vatican. Mais
fon caraÛère impétueux l’éloignpit encore
plus des conceptions de cet artifte fi fa g e ,
que de l’ imitation du Corrége. On peut même
être furpris que Lanfranc ait été profondément
frappé du mérite de ce grand homme, & que ' 3a nature ne l ’ait pas entraîné p lu tôt. .vers
l ’étude de Michel-Ange : elle lui avoit donné
quelques-unes des qualités du fier artifte' de
Flo ren ce , & aucune de celles qui cara&éri-
fent Raphaële
On lui pardonne avec peine d’ avoir .enlevé
au Dominiquin l’entreprile de la coupole de
Saint-André délia valle. On a lieu de»croire
oue l’ouvrage du Domîniquin eût été plus parfait
: mais on avoue que celui de Lanfranc
eft l’ un des plus beaux qui foient à Rome en
ce genre. On fent qu’ il a redouble d’efforts
pour lutter contre un rival terrible, & l’on
éprouve même quelque plaifir*à les voir fi près
l ’ un d e / l’autre ,,,& à pouvoir les comparer.
La lumière èft ingénieufement tirée de la.figure
du Chrift qui elfc au haut de la lanterne, &
qui éclaire harmonieufement & avec douceur
toute la compofition : La fcience , la hardiefle
des raccourcis , là belle difpofition des group-
pes , le font comparer , pour çette partie, au
Corrége : on admire qu’ il n’ ait point été effrayé
de donner aux figures les plus- voifines
du fpe&ateur trente palmes de proportion , 8c
qu’ il ait dégagé les objets avec tant de juf-
tefTe à mefure qu’ ils s’éloignent de la vue. On
eft furpris que la coupe à fon ouverture paroi
fie d’ upe largeur prodigieufe , qu’elle r.e-
préfente un efpaco immenfe du ciel , & fe
termine par la lumière de gloire qui s’épand
de la principale figuré. Ces beautés font grandes
fans doute : mais quelles autres beautés d’un
genre difîérént & fupérieur, n’auroit-on pas
a célébrer, fi l’ouvragé etoit du Dominiquin,
& qu’il en e.ût- fait fon chef-d’oeuvre ? Lan -
franc étonne, le Dominiquin eût touche. Autant
on admire l’ ouvrage du premiev, autant
pn aimeroit celui du fécond.
Nous avons d it, en parlant^du Dominiquin ,,
que Lanfranc fut chargé à Naples , après la
mort de cet artifte, de peindre la coupole du
tféfor : on lui reproche devoir donne â ce t 1
p e r
ouvragé une teinte trop obfcure. Il revint 5
Rome , où il entreprit de peindre la tribune
de Saint-Charles dei Catenari. « Ce fut là que
» je le connus, dit Félibien, & que je pris
» plaifir piufieurs fois de monter fur fon éçhaf-
» faud pour le voir travailler à ces grandes
» figures, o ù , de près, on ne pouvoic rien
» çonnoître , mais qui d’en-bas faifoient des
» effets, merveilleux. Je commençai alors à
» comprendre qu’outre l’ intelligence de la
». perfpeétive néçeflaire aux peintres, & l’art
» de bien defliner les chofes raccourcies , fi
» y a encore d'autres lecrets dans la pèinture,
» 8c une fcience plus difficile, qui ne fe peut
» énfeigner par des règles.
» C’e ft, ajoute-t-il, dans les lieux«-yaftes,
» plus que dans les tableaux de moyenne
» grandeur, que Lanfranc a excellé. On y voit
» comment il a toujours eu deflein d’imiter
» le Corrége , & quoique, dans l’exécution:,
» il s’en faille beaucoup qu’ il n’ait peine d’une
» manière aulïi belle 8c auflï. terminée, il y a
» néanmoins beaucoup de force dans ce qu’ il
» a fait, & l'on connoît qu’ il a toujours con-*
» fervé le cara&ère & le goût des Carraches ,
x> fes premiers maîtres.
» Comme il ne finiffoit pas fi fort les ta*
» bleaux , ou plutôt qu’ il ne les peignoit pas
» dans ce degré où îbnt ceux du Corrége,
» c ’eft dans les grandes chofes & les grandes
» diftanees que lbn coloris paroît avec plus
» d’effet. Auili d ifo i t - il ordinairement que
» l'air lui aidpit à peindre fes ouvrages.
» On ne peut pas foutenîr qu’ il ait toujours
» été fort çorreét dans le deflin , ni qu’il ait
» parfaitement exprimé les pallions^ de i’ame;
» mais fi avoit une facilité toute particulière
» à compofer un grand fu je t, & comme il
» imaginoit aifément, il était aufii fort-oerompt
» à exécuter fes penfées. Cette grande facilité
» de produire & d’exprimer fes conceptions,
» é to it caufe que bien fouvent il ne fe don-
» noit pas la peine d’étudier affez toutes les
» parties de fes ouvrages. Auffi fur fes derniers
» jours, & pendant qu’ il étoit à Naplfis, il
» s’abandonnoit avec trop de liberté à ne faire
» les chofes que de pratique; ce qui faifoit
» dire de lui qu’ il étoit favant, mais qu’il
» négligeoit de faire voir tout ce qu’ il favoir.
» Il acheva enfin, le grand ouvrage qu’ il
» avoit entrepris à Saint-Charles dei Catenari ;
» on dépouvrit ces peintures le jour de la fête
» de çe Saint, le 2.9 Novembre 164(7, & il
» mourut le même jour , âgé de foixante 8c
» fix ans ».
Lanfranc manquoit ft’ expreffion , & l’on ne
peut pas dire qu.e fes conceptions foient profondément
'raiformées ; il ûifpofoit fon fujet
avant d’avoir pris la peine de le penfer, &
l’exéputpit qu’ il l’avoit djfpofé. I l
P El tv o lt le don de produire facilement, mais hofi
la patience de produire fagement, & de lamer
l mûrir les produéliops de fa p en fée.. 11 etoit
[grand , hardi, mais ftrapaffé. II n’a ni cherche
Lfu connu la vraie beauté dans les figures
.d’hommes, mais il leur donnoit un grand ca-
Lraâère : fi a été plus malheureux dans les
figures de femmes , & quoiqu’il eût étudié,lé
LCorrége 8c Raphaël, il n’avoit point le fenti-
! ment de la grâce. II eft fier dans fon pinceau ,
[ dans fon deflin, dans fa compofition ; fes grouppes
t font bien enchaînés , fes draperies offrent de bell
e s malles. On ne peut pas dire qu’ il ait été un
! grand colorifte ; mais fa couleur fait fouvent de
|f;effet. Il tenoît fouvent les ombres fort bru-
r£!es., à l’exemple du Caravage : quelquefois
[cependant fa couleur eft brillante & claire .
ïgfie n’eft. pas toujours harmonieufe. I l eft
»plein de fe u , .d’où il réfultê qu’ il n’eft pas
fans incorre&ion. Il a cherché le terrible, &
,jpn lui reproche d’être fouvent outré dans fon
^udace gigantefque.. Il doit être plus eftimé
fides efprits ardens que des âmes fenfibles.
jlVIengs le regarde comme l’inventeur du genre
^héatral qui confifte à agencer les objets d’une
.^lanière capable de plaire aux yeux. Ce genre
fait depuis une grande fortune , parce qu’ il
^flatte la vue, & que, pour le juger, on n’a
Jbefoin ni de réfléchir ni de fenrir. |7 Comme Lanfranc ne fe trotivoit à fon aife
;\jue dans les plus grandes machines, & que
te’écoit dans ces fortes de travaux qu’il dévelop-
<poit toute la force de fon talent, il ne faut
as fe promettre de le juger parfaitement par
es fix tableaux qui font de lui au cabinet du
.jtei On y reconnoît cependant toujours la
fierté de fa minière, le çara&ère de fon def-
f in , fa main 8c fon choix d’attitudes. Le plus
.grand de ces tableaux a près de fèpt pieds de
haut, & yepréfente Jéfus-Chrift couronnant la
.^Sainte Vierge. C’eft un double du tableau
,^’autel de la chapelle de Buon-Giovanni dans
Vcglfife de Saint-Auguftin à Reine; mais ce
idouble eft certainement de la main du maître'.
;J1 eft traité d'une manière forte & vigouraufe ;
iîes ombres en font noires. Le haut du tableau
^contient les deux figures de la Vierge & du
IChrift qui ne. font fort belles ni de cara&cre
•sni d’expre.ffion, ni d’attitude, ni de deflin. Au
f>as font Saint-Auguftin &c Saint - Ambroife ,
i^en afte d’adoration ,8c d’admiration. Les têtes
..ïbnt d’ un grand caraftère,, les draperies larges,
,'bien jettées , bien agencées , le faire d’ une
grande fierté & d’une grande liberté.
F* Ce tableau a pré gravé par Baudet. G. Au-
,jdran a gravé le tableau de Saint-Pierre de Rome
Ijrepréfentatyt S^int-Pierre, marchant fur les
' eaux , & le. earaétère du maître eft bien eon-
Ifervé dans cette éftampé. Les quatre angles
|le la mai fon pi'o.feîfe des Jéluites de Naples
Tome IL Beaux-Arts.
P E I j 7:
blit giâvés par Roulîer. Le Pape Paul V
avoit choifi Lanfranc pour décorer Ja loge de
la Bénédiction à Saint-Pierre : mais fi mourut
avant que l’ouyrage fût commencé. Lanfranc
avoit feulement fait les deflins qui promettoieric
une ordonnance magnifique, & qui ont été
gravés par Pierre Santo Bartoli. Tous les fujets
font tirés de la vie de Saint-Pierre & de Saint-
Paul. On a de Lanfranc quelques eaux-fortes,
faites par lui-même d’après fes deflins..
( 99 ) Simon V oujet de l’école Françoife’,
& qu’on peut même regarder comme le patriarche
de cette école , naquit à Paris en 1582
& reçus les premières leçons de fon père, peintre
médiocre. I l pafTa quinze ans dans les principales
villes de l’Italie , 8c fe fit affez eftimer
à Rome pour être chargé de faire un tableau
dans une. des chapelles de la Bafilique de Saint
Pierre. ITjouiffoit dès lors d’une penfion de
Louis X I I I , roi de France , qui le rappel!a en
1627 & lui donna la place de fon premier peintre.
Indépendamment d’ un grand nombre de
plafonds., de galeries , d’appartemens qu’ il
décora de fes ouvrages , il fit aufii des deflins-
pour les-tapifTeri.es 8c une grande quantité de
portraits au p a fiel. Le roi voulut apprendre de
lui à peindre dans ce genre 8c y réùflit afleaf
bien. Comme 11 étoit chargé de tous les travaux
confidérables , il eut* un grand nombre
d’élèves qui devinrent les grands maîtres de
l’école Françoife-. I l fuffit de nommer entre
eux , Lebrun , le Sueur , Mignard , & ce Du-
frefnoy qui a forcé les Mufes latines à donner
des leçons de peinture.
La manière du Vouet tenoît d’abord de,celle
du Valentin , & fi a fait dans ce goût des tableaux
d’une grande force ; mais quand il fut
furchargé d’ouvrages, fi fe fit une manière plus
expéditive. Voyez ce qui concerne ce peintre
fous Vécole Françoife y articleEcoLE. Cette manière
impofe par le caraftere de la facilité, 8c par
un certain grandioje, mais on fept qu’elle n’eft
fondée que fur la pratique 8c fur une convention
arbitraire qui ne tient point a la nature.
Son deflin fans être fort vicieux eft peu correél
& fent la manière. Ses têtes qui fe reffembient
entr’elles font la plupart de'profil, fes doigts
font trop aigus. On lui reproche encore d’avoir
eu peu de génie pour l’ invention. , peu de-
choix dans la tlifpofition , peu de ■ goût dan?
l’ordonnance , peu d’intelligence du. elair-rcbî«
cur. Ses défauts étoient à quelques égards raT
chetés par la fraîcheur de fes teintes , par la.
beauté de fon pinceau. Il a tiré plus de gloire
de fes élèves que de fes ouvrages. I l eft more
à Paris en 1641 âgé de cinquante-neuf ans.
Cn peut voir de fes ouvrages dans les maifons
| royales & dans piufieurs. cglilès de Pari?:. LTn
’ de fes bons tableaux fe.yoic .dans les falj.es