
TERRE Nombref La terre qu*on vend à Paris
fous ce nom, eft pefante,brune, ou d’un jaune
ïioirâtre : c’eft une argile ferrugineufe ; le fer y
eft enfermé fous la forme d’ un fafran de mars ,
femblable à celui qui eft préparé à la rofée. Cette
terre, expofée au feu dans un creufet, ne répand
aucune odeur bitupiinçufe ; elle perd la quatrième
partie de fon poids , & prend une couleur
plus foncée* On l’appelle quelquefois brun de
montagne 8ç oçhre brune. Dans la peinture à
l ’huile, elle s’écaille, elle change, & attire
même les teintes voifines. Des artiftes ont cru
pouvoir prononcer qu’elle n’ eft bonne en ce
genre de peinture , ni dans fon état naturel, ni
"brûlée. Leur fentiment eft capable d’ infpirer
quelque défiance pour l’opinion de l’auteur du
'Traité de la peinture au pajlel. En parlant des
înconvéniens attribués à la terre d'ombre 8c à
ce lle de Cologne^ il prétend qu’ ils doivent ceffer
lorfque ces terres ont pâlie par le feu. » Quel
x changement peuvent éprouver , d it- il, des
» fubftances échappées à la voracité de cet élé-
» ment, fi l’on excepte quelques chaux métal-
» liques, promptes à fe revivifier aux émanations
» du principe inflammable ? . . . Quand, ajoute-
» t’i l , on aura foin , dans la peinture à l’huile ,
» de bien purifier les coqleurs, foit par l’eau ,
» foit par le feu , fuivant la nature des différen-
» tes fubftances, on n’éprouvera pas ces fortes
» d’inçonvéniens ». Nous avons grand foin de
recueillir les obfervations & les confeils de cet
écrivain , qui paroît favant en chymie : mais
nous croyons qu'ils doivent être fournis à l’expérience
des artiftes,
TERRE de Sienne, ou de Venije. Elle eft de
la claffe desochres brunes, n Elle eft trèsrcom-
» paéle, femblable dans fa caffure à la terre
» dombre , ou plutôt à la gomme-gutte , c’eft-
» à-dire, lujfante. Ell.e eft de couleur canelle
» mordorée. Cette matière a de l’apparence, &
» 1-on en fait beaucoup d’ufage dans la peinture
» à l’huile ; mais elle ne vaut rien , quoique
» fort chere. C’ eft du fer diffout par les acides
minéraux , tei^quen produifènt les fabriques
» de vitriol. On croiroit, à la voir ? qu?elle a
»3 beaucoup plus d’ intenfité que fochre brune:
>> mais, outré qu’elle eft bien moins folide, elle
•k prend le même ton fous la molette, & , ca’-r
>> cinée, elle devient beaucoup p}us orangée >3.
Traité de la peinture au pajlel.
TERRE de Vérone. C’eft une chaux de cuivre.
Sa couleur eft verte. Elle ne doit, comme
toutes les autres chaux de cuivre, être employée
que par les peintres de bâtimens pour les ouvrages
les plus greffiers.
•TERRE dU\és ou de Cornillon. » Entre les
$ minéraux propres à fournir le jaune, indépen-
» damment des ochres, il le trouve dans le dïo-
» eèfe d’Uïes en Languedoc , tout près dfun en-
» droit appellé Cornillonj une' terre très.fine,
» d’un jaune citron , dont la couleur réfifte gu
» feu. Comment n’en a-t’on pas mis dans le corn-
n merce ? Efiril fi difficile de s’ en procurer?
» Peut-être n’auroit.elle pas de corps a l’huile ;
» mais au moins ce feroitune importante acqui*
» fîtion pour la frefque, le paftel, la détrempe,
» & la fayençeriç ». Traité de la peinture au
pajlel,
TIREtLIGNE. (fubft. comp. mafe.) Inftru*
ment utile pour tirer des lignes à la réglé. 11’ eft
plus commode que la plume , & n’ eft pas fujec
de même à faire à la réglé des taches d’ encre
qui fG communiquent au papier. Il eft formé oe
deux platines de cuivre , minces , terminées en
pointe, & qui s’appliquent l’une fur l’autre au
moyen d’une vis. Vous le verrez repréfenté à la
planche II. de la gravure en bois ,Jlg. 3 3.
TOILE, (fubft. fém. ) De grands maîtres ont
peint fur des toiles groffieres & lâches ; d’autres
ont préféré des toiles fines 8c Terrées. Chacun
d’eux auroic donné de bonnes raifons de fon
choix, qui tenoit à fa maniéré d’opérer. La toile,
avant de recevoir le fujet dont elle fera couverte
, doit être imprimée, c’eft?à-dire, qu’elle
doit être couverte de plufieurs couches de cou?
leur. Voyez l’article Impression.
T oile. Manier: de transporter un vieux tableau
fu r une toile neuve. Lôrfqu’ un tableau peint
fur toile s’écaille , fe gerfe ; lorfque cette toile
eft moifie & déchirée tellement ‘que les bords
ne peuvent plus tenir au chaffis j lorfqu?enfin le
tableau eft détendu , qu’il fait des boffes, qu’il
a des trous 8c menace ruine , il eft très-urgent
de le remettre fur toiler
Quelques pèrfonnes, pour rendre la vieille
toile 8c la couleur plus douces & moins rebelles,
* expofent pendant plufieurs jours le tableau à
l’humidité* d’une cave. Voici d’ailleurs la méthode
qu’on fuit le plus ordinairement. Oq colle
fur le côté peint du tableau, du papier blanc
avec un empois léger. Cette première opération
eft néceffaire pour que le tableau ne s’écaille pas
dans les mouvemens& lps frortemens qu’il doit
éprouver. D?un autre côté, on a tendu fur un
fort chaffis à c le f, une bonne toile neuve fur laquelle
on couche très-également, avec une
groffe broffe, de la colle bien cuite & faire avec
de la farine de feigle & une gouffe d’ail. On meç
une femblable coucfie de cette colle fur le derrière
du tableau. Cela étant fait promptement,
on pofe le revers du tableau fur cette toile neu ve.
On le frotte avec un tampon de linge , que'l’on
appuie aflez fortement, en partant toujours du
centre 8c en f^ifanc foutenir les coins du tableau,
V it ce mdyen , on oblige à s’échapper l’aîr qui
pourroit refter entre les deux toiles , & y caufer
ce qu’on appelle des cloches.
Le tableau étant ainfi rentoilé, on lé pofe fur
line table bien unie , du côté de la peinture , 8c
on frotte très-rudement le derrière de la toile
neuve avec un liffoir. C’eft un infiniment de
Verre , on même de fer bien poli, avec lequel on
liffe le lin g e , le papier, les étoffes, les bas de
foie , &c. Quelques personnes ajoutent à ces procédés
celui de palier un fer chaud fur le tableau ,
en oppofant, par derrière, une planche pour faire
réfiftance à cette preffion. Parce moyen , la colle
échauffée devient plus liquide , pénétre, du côté
du tableau, la vieille toile, & fixe d’autant plus
la peinture , tandis que ; du côté de la toile neuve
, la colle excédente fort à travers le tiffu ,
enforte qu’il n’en refte partout qu’ une épaiffeur
égale. Il faut faire attention de ne pas employer
le fer trop chaud, 8c de ne frotter le tableau ,
qu’ en interpofant, entre lui,& le fer , quelques
feuilles de papier , car celle qui eft fur la peinture
ne feroit pas fuffifante.
Quand on juge que le tableau rentoilé eft bien
fec, on humééleavec une éponge abbreuvée d’un
peu d’eau tiede , le papier blanc collé fur la
peinture. Il s'ènleve aifément, ainfi que f empois
qui l’attachoit fur le tableau. Il refte à le
néroyer, & fou vent à le reftaurer. Voyez les ar-
îiclesREsrAURATioN & T ableau.
Si le tableau n’eft pas bien vieux , qu’ il n’ ait
pas befoin d’être remis fur toile, 8c qu’ il air c e pendant
un trou à réparer, on peut y appliquer
une piece que l ’on colle derrière le trou de la
maniéré que nous venons d’ indiquer & avec la j
même colle. On obferve d’effiler les bords de la
p ie c e , afin qu’étant fortement preffée, elle ne
marque pas fa forme fur le tableau.
Lorlqu’un ouvrage eft peint fur bois, ou même
fur une toile mal imprimée, ou devenue tellement
mauvaise, que la couleur s’écaille abfolu-
ment, on court rifque de perdre l’ouvrage, à
moins d’ enlever entièrement toute la peinture
pour l’appliquer fur une toile neuve.
Ce moyen de conferver les chefs-d’oeuvre de
la peinture à l’huile ; n’eft connu qu’en France :
C ’eft une invention du milieu de notre fiecle;
Invention fi belle & fi étonnante, que j ’ ai vu
les Italiens eux-mêmes, les plus adroits des
hommes, douter de la vérité de ce que je leur
en racontois.
Le fieur Picaud eft le premier inventeur de la
maniéré d’ enlever la peinture à l’huile de deffus
un mauvais fond, C’eft ainfi qu’ il a tranfporté
fur toile le Saint-Michel, fublime ouvrage de
Raphaël, & la Charité d’ Andrea del Sarto, deux
tableaux de la colleétion du roi. Ils avoient été
peints fur bois, $c ijs périffoien: de toutes parts ,
lorfque M Picaud entreprit de les enlever de
leurs fonds. Il a fait voir auflj fiir ^oi^, des ou»'
Beaux-Arts. Jome II•
Yrages qui avoient été peints à l’ huile fur plâtre.
Son procédé eft refte fecret ; il en a laîflé feul
dépofitaire fon fils, qui en ufe encore avec kîi
grand luccès.
Le fieur Hacquin n’ayant pu découvrir cette
méthode, s’eft occupé d’en chercher une qui
produisît le même effet. Il a été allez heureux
pourréulfir , par un procédé qu’on croit être tout
différent, & qui a les mêmes avantages. M*.
Hacquin , fécond fils de l ’inventeur , eft chargé
de l’entretien des tableaux du ro i, & remplit
avec honneur l’emploi qui lui eft confié.
Quelques perfonnes préfument que fon pro**
cède confifte à amincir oc à finir par ufer entiare-
ment le fond foit de bois, foit de toile , fur lequel
le tableau a été peint. Les réfulrats du fieur
Picaud prouvent au contraire qu’ il a obtenu le
moyen de détachçf l’ouvrage de peinture fans
en altérer le fond , puifque les planches des tableaux
dont j’ai parlé ont été expofoes à côté des
ouvrages portés fur toile , & l’on a remarqué
qu’elles étoient dans une parfaite intégrité.
( Article de M. Robin. )
T o il r . Maniéré d'ôter les tableaux de dejf .t.
leur vieille toile. Il faut commencer par ôter le-
tableau de fon chaffis , & l’attacher enfuite fur
une table extrêmement u nie, le côté de la pein«
ture en deffus , en prenant bien garde qa’ ii foi?
bien tendu, & ne fafte aucuns pli*. Après cettft
préparation, vous donnerez fur tout votre table a E'
une couche de colle forte ( 1 ) , fur laquelle voue'
appliquerez à mefure des feuilles de grand papfef
blanc , le plus fort que vous pourrez trouver; &
vous aurez fo in , avec une molette à broyer le<
couleurs, de bien prefler & étendre votre papier*
afin qu’il ne farte aucun p l i , 8c que partout il
s’attache b;en également à Ja peinture. Laiflee;
fécher le tout : après quoi vous déclouerez le tableau
, 8c le retournerez , la peinture en deffous
& la toile en deffus , fans l’attacher; pour lori
vous aurez une éponge , que vous mouillerez
dans de l’ eau tiede , avec laquelle vous imbiberez
petit à petit toute la toile , effayant de temps
en temps fur les borda, fi elle ne commence pas
à s’enlever & à quitter la peinture. Alors vou*
détacherez avec foin & tout doucement un coin
de la toile que vous roulerez, & continuant ainfi
de la pouffer avec les deux mains &rde la rouler ,
vous la détacherez fucceffivementhoute entière.
Cela fa i t , avec votre éponge & de l’ eau , voua
laverez bien le derrière de la peinture , jufqu’à
ce que toute l’ancienne colle , ou à-peu-près,
en foit enlevée ; vous obferverez dans cette opération
, que cetteéponge ne foit jamais trop remplie
d’eau, parce qu’il pourroic en couler par
(r) Il ne s’agit pas ici de la colle forte des mgnqfe.
fiers, mais d’une forte colle de farine.
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