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d’étaux à boucles. Elles ont environ quatre pouces
de long. Elles font formées de deux lames
plates qu’embraffe un anneau qui comprime ce
que l’on veut tenir , & que les doigts , par leur
groffeur, ne pourroient feifir & pincer commodément.
Quoique les peintres en émail faffent peu fréquemment
ufage du compas , ils doivent cependant
en avoir un qui foït petit, ferme , & dont
les pointes foient très fines.
Ils ont aufii befoin d’un éclat de diamant très-
pointu. I l doit être .ferti au bout d’une ante de
pinceau, avec une petite v iro le d’argent. Ce
diamant fert à percer les petits .oeillets qui fur-
viennent quelquefois à la peinture,, & à effacer
les parties dëfe&ueuÇes., - , - -
Nous pourrions ajouter ici plufieurs choCes à
ce qu’on a lu fur les couleurs dans l’article de
- M. Diderot : mais nous reviendrons fur cet objet,
dans l’article de la peinture fur verre , au
mot V e r r e , & nous allons, dès-à-préfent, faire
connaître les travaux & les découvertes de M. de
Montamy dans fon traité des couleurs,pour la
peinture en émaiL L’article qu’on va lire efl un
extrait fort étendu de ce traité.
E m a il . Couleurs pour la peinture en émail.
Ce genre de peinture dont le tempsm’alrére pas
la beauté, mérite* les plus grands encourage-
mens , & il ferait, à fou {rainer que de bons artif
tes mulripliaffent en év ia il, par des copies faites
avec intelligence , les meilleurs, tableaux des;
differentes écoles, Ainfi la pofférité aurait encore
fous les yeux les chefs- d’oeuvre de Raphaël;, du
T itie n , du Pouflin , de Rubens, longtemps après ;
que.les originaux de ces maîtres n’exifleront
plus. Combien n’ efl-il pas à regretter qjue les
anciens.n’ayent .pas cultivé ce genre, n’ en_ayent;
pas multiplié les productions l nous trouverions;
enlëvelies fous la terre.de la Grece.& de Fltalie
les copies des plus célébrés ouvrages de Zeuxis , :
de Parrhafius , d’Apelles , de Polygnote , d’AèV
tien : nous jugerions de la compofition, du coloris
, du clair-obfcur de ces grands maîtres; il
ne nous manquerait guère que de connoître leur
touche , & lafineffe de leur delfin. I l ferait
digne des amateurs qui joignent au goiit de;s.
arts lesavantages de la fortune , de faire réduire
& copier en émail des tableaux célébrés. Alors
ce genre de peinture , prefqu’entieremen* abandonné
à la bijouterie , ferait confacré à un objet
-utile. *
• Comme la peinture en émail fe traite de la
même manière que celle en miniature , & n’a
d’autres difficultés particulières que c e lle s ,qui
réfultent des fubflances qu’elle employé , & du
feu qu’ il faut leur donner , on ne manquera pas
de bons peintres en émail partout où les arts
feront en honneur. Il en naîtra, quand des ré—|
compenfes leur feront offertes. Mais ils ne peu-
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vent produire des ouvrages parfaits avec des
couleurs défeOueufes, & trop longtemps leur
talent a été contrarié par les vices des matériaux
,qu ils employoient. M. de Montamy, par fes
recherches, & parla confiance de les travaux
chymiques fur les couleurs propres à la peinture'
en email, s’efl rendu le bienfaiteur des arts,'
Nous allons donner ici l’excellent traité q uia
occupé une partie confidérable de fa vie , & qui
n a paru qu après fa mort. Quelquefois nous*
abrégerons fon difeours, fouvent nous ne ferons
que tranferire fes propres expreffions. Dans un
lujet qui ne nous efl pas familier , nous niquerions
trop de changer le fens de l’auteur en nous
permettant de changer fes paroles; >
; Il oblerve que nous n’avons pas manqué d’ar-
tifles capables : de defiiner & de colorier d’une
manière fatisfaifante des tableaux en émail ; mais
que les matériaux leur ont manqué. Entre tous
ceux qui le font appliqués à ce genre, le célébré
Petitot paraît, d it- il, être le lëul qui ait eu en
fa difpolition un allez grand nombre de bonnes
couleurs. On prétend qu’elles lui étoient fournies
par un médecin ch ym ifle , fon ami ; mais
foie que ce chymifle fe contèntâc de lui fournir
| des couleurs , fans lui dévoiler le fecret de leur
compofition, foit qu’ il ait connu lui-même ce*-
! fecret &: qu’ il ait voulu fe le réferver , procédé
l trop peu digne d’ un artifle qui ne doit point
àvoirde plus grand intérêcique celui des progrès
i ' de fonjart, il efl certain que tous ceux qui ont
| travaillé depuis la mort de ce peintre, n’ont du
.fe procurer les matériaux qu’ il employoit, *&
| que , par cette d i f e t t e i ls ont trouvé dans la nature
, ou dans les ouvrages des maîtres ,.un grand
nombre d’ effets qu’ il leur étblt impoffible de-
rendre. Si quelques uns d’entre eux -ont eu le
Tecret.de quelques couleurs particulières, iis le
• caçhpient foigneufemer.t à leurs émulés , qui dë
leur côté gardoien: un filénee également opiniâtre
fur les petites recettes qu’ ils poffédoenr.
Ainfi différens matériaux étoienrentre lés-mains-
dedifférens artifles *. & tous manquoient d’ un
grand nombre de couleurs dont la réunion eût
été néceffaire au fuccès de leur art. Les jeunes
peintres qui vouloient fe livrer à la peinture en
émail ,, fe trouvoient dénués de fecours , &
étpient obligés d’acheter chèrement à des étrangers
inconnus , quelquès couleurs fouvent dé-
ieélvcufes , dont ils ne connoiffoient ni la com-
polînon ni l’effet. Chacun de ces marchands de
couleurs avoient fa manoeuvre particulière, &
l’artifle obligé d’ en acheter de plufieurs marchands
, fe trouvoient fouvent très-loin de leurs
efpér-ances, quand ils vouloient mêler ces couleurs
faites par des procédés qui s’oppofoîent à
leur union. Souvent, elles fe détruifoient les
unes les au tre sfo uven t elles n’entroient point
en même temps en fufion, & un ouvrage qui
j deyoit réuflir par le talent de l’a rtifle, manquait
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t»ar le vice des fubflances dont il étoit contraint
de faire ufage. Comme il ne connoiffoit pas la
nature & la compofnion des matériaux qui étoient
dans fes mains, il ne pouvoit en prévoir , ni en
prévenir, ni en réparer les inconvéniens.
Ce n’étoit point-là le feul embarras qu’ il eût
à furmonter : il trouvoit encore les plus grandes
difficultés dans l’ emploi de ces fubflances. Pref-
que toutes avoient été vitrifiées, & ne confif-
toient que dans des verres colores ; on tachoit
de les réduire en poudre impalpable, & , apres
les avoir broyées longtemps à l’huile effentieile
de lavande, on les employoit au pinceau. Dans
le petit nombre de livres xjui ont ete faits pour
la peinture en émail y on voit toujours que les
difteren te s couleurs ne font que des verres colorés.
Il eflaifé de lëntir le v ice de ces matériaux.
Quelque foin que l’on prenne pour piler du-
verre , pour le broyer avec de l’huile ", il ne
peut jamais fe mêler à cette huile affez parfaitement
pour ne faire qu’un corps avec e l le ,
pour fe réduire en une pâte liquide , pour couler
avec elle indiftolublement fous le pinceau.
L’huile cherchoit toujours a fe féparer de ces-
atomes vitreux qu’ elle ne.pénétrait pas. Les parties
du verre, quelque fubtiles qu’elles fuffent,
conlervoient des angles par lefquelles elles s’at-
tachoient aux poils du pinceau ; & qui en ren-
doientla pointe bourbeufe : inconvénient confidérable
pour des ouvrages aufii petits que ceux
qui fe font en émail, & qui exigent la plus grande
délicateffe de travaux. Les peintres, pour remédier
, autant qu’ il étoit pofîitle a cet inconvénient
, étoient réduits à fe fervir de petites pointes
de bois, aiguifées & rendues très-ffines, dont
ils fe fervoienc pour ranger la couléur & diminuer
l’épaiffeur des traits que le pinceau avoit
faits contre leur gré.
. Lés pains d'émail de differentes couleurs ,
entre lëfquels on donne la préférence à ceux qui
viennent de Venife , prélentent , dans la pratique
, les mêmes difficultés que les verres colo-
tés. Ils font quelquefois plus difficiles à mettre
en fufion q u e l 'émail blanc fur lequel on les applique
*ils ne peuvent y pénétrer, & ilsy forment
une épa.iffeurqui rend la peinture louche & dé-
iagréâbie. On les attendrit, il efl v ra i, en y mêlant
du verre plus f.<fibJe; mais ce mélange en
dégrade & en affaiblit le ton , & en change la
nuance. Ce n’ efl pas-là lé fe.ul défâvantage de ce
mélange : la chaux de plomb , qui entre dans la
compofition de ce verre, fe revivifie , noircit
les couleurs , & leur donne un oeil plombé. Elles
font d’autant plus expofées à ce défaut, que le
même ouvrage doit retourner plufieurs fois au
fe u , & qu’ il ne faut qu’une matière graffe &
fulphureufe, un .charbon de mauvaife qualité
pour occalionner cet accident.
Ces raifons & plufieurs autres qui feront établies
quand il fera queflion des fondans, ont
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déterminé à ne point fe fervir de verres colorés
dans la peinttiie en émail, ce qui a dû faire re-
jetter aufii les pains émail colorés. On a cm
que/pour rendre cette façon de peindre fufeep-
tible d’ une plus grande perfection, il falioit
commencer par écarter toutes les difficultés qui
rélulcenc de l’ emploi des couleurs , & l’on fe
flatte qu’on trouvera , dans l’ ufage de celles
qu’on va donner , autant de facilité que dans le
defiin à l’encre de la Chine.
Parmi les couleurs qu’on avoit coutume d’employer
, plufieurs, après avoir pafi’é au feu , prenoient
une teinte toute differente de celles qu’e lles
avoient avant d’avoir été mifes en fufion : il
falioit que le peintre eût toujours dans la tête
une palette idéale , ou fous lés yeux un eflai dé
chaque couleur qu’ il employoit : celles que nous
allons propofer auront, après la fufion , à-peu-
près la même teinte qu’au moment où l ’on en
fera ufage au pinceau.
Les peintres en émail donnoient le nom d’ennemies
à certaines couleurs dont le mélange fe
détruifoit à la fufiGn , ou qui bouillonnoienc
lorfqu’on les côuchoit les unes;fur les autres*
toutes celles dont on va donner la compofition
n’ont aucune antipathie entr’è lîe s , fe mêlènt
parfaitement &. ne font pas fujettës à bouillonner.
Les mêmes peintres avoient deux efpéces de
couleurs ; les unes qu’ils appelloient dures, &
les autres tendres. Us couchoient les couleuis
dures dès le premier fe u , & quelquefois, au
dernier feu, a peine âvoient-elles pris leur lui-
fant t les bleus étoient de ce nombre. Les couleurs
tendres s’employoient au dernier feu -, fans
cela elles fe feraient altérées, & auraient été
même quelquefois tout-à fait emportées. Cette
diftin&ion de couleurs dures & de couleurs tendres
n’aura pas lieu entre celles que nous donnerons
ici. On peut les employer toutes égale-:
ment au premier feu, fans crainte qu’elles loienc
ni altérées ni détruites.
Lorlqu’ une couleur n’avoit pas réufiî, lorf-
qu’ lîne teinte le trouvoit défeéltieufe , le peintre
n’avoit d’autre moyen que celui d’effacer fon
ouvrage, & d’emporter la couleur avec une
pierre & du fable. Dans l’emploi des couleurs
que nous donnerons , on peut mettre couleur
fur couleur, & corriger comme dans la peinture
à l ’huiie , fans que la couleur du deflous paroi fie
& empêche celle de defius de faite fon effet.
Dans l’ancienne façon dépeindre, lorfque le
feu occafionnoit des bouillons ou des fentes
l’ouvrage étoit perdu , & il falloir le recommencer
: dans celle-ci, on remédie à tous ces acci-
dens de maniéré qu’ il efl difficile de s’en apper-
Dans l’ancienne peinture en émail, on n’avoit
pas affez de differentes couleurs pour rendre
tous les tons qué produit la peinture à l’huile &
on étoit obligé de réferver Yémail blanc qui fait