on vante la.vérité des velours & des latins,
fi le fujet qui en eft habillé ne me 'reprélente
qu’ une figure de carton enluminée. (7 eft alors
que l’admiration des ignorants mortifteroit une
artifte qui auroit un peu réfléchi fur le but
de l’art de faire un portrait : dans les ouvrages
de Le fe vre, de Rembrant, de Van-Dyck 8c
de T itien , on peut prendre de grandes le çons
de l’économie que ce genre exige. Ils
fentoient ces hommes de goû t, que ne pouvant
parvenir à tromper lés yeux par l’ imitation
convplettcment illufoire d’une tête an imée
, ils ne ‘dévoient pas l’ accompagner d’és
toffes capables de produite, l’ illufion de la nature
même, ainfi qu’ il leur eût été facile de
. connoiffànces, qu’ il ne voyent rien au-delà d’iirl
| adroit méçhanilme auquel fe borne tout leur
| l’avoir ,-■ & qu’ ils vantent tellement qu’ ils for-*
1 ment autour d’eux un troupeau' d’admirateurs
aveugles. Apelles regardoit la théorie fans
pratique , comme un lavoir inutile dans un
artifte : Piétro Telia a peint la-théorie comme
le faire; puifque c’ eût été faire paraître les
tètes de leurs tableaux encore plus 'inférieures
à leur original qu’elles ne l’ étoient en effet.
Dans une infinité de points de l’ art que nous
venons de parcourir, nous reconnoiffbns prefque
par tout la néceffité d’ une grande logique ,
& nous apprenons ce principe d’un mot prononcé
fouvent par un homme de noue dernière
école a qui il en échappoit quelquefois de’ bons :
c’éttrn M. jDumont, le Romain. « La peinture,
d ifok - il, eft un continuel raifonnement
Il n’ eft pas moins Important aux artiftes,
qu’ a; tous ceux qui tiennent un rang diftin-
gué dans la fociété, d’être inftruits de la mo- J
raie. Cette feiencer eft fur-tout néceffaire à ceux j
qui fe chargent de diriger les études des
jeunes gens deftinés à leur fuccéder. Pour
tranlmettre aux autres le goût des belles qualité
s , il faut les pbfieder foi-même. Eh 1 quel
fera le mérite d’ un maître , fi d’abord il ne
fait pas donner des idées fort élevées de
fa profeffion en infpirartt une noble fièrté à les
élèves? il faut qu’ il les prémunifie contre les
effets d’une bafle iaîoufte , & d’ un efprit d’ intérêt
, & il les rendra alors capables des plus
.grands talens. Quiconque s’afflige d’un fuccès
ou-i tourne toujours si l’ avantage public, eft
-peu fait pour .en* mériter celui qui n’a que
le but de fe procurer de l’argent, travail le-fans
foin fans faire' les dépènles indifpenfabfes
-pour la réuiïker & avec une précipitation rarement
heureufé : avec des pallions baffes , on
ne peut g.uères enfanter que- des produ étions
triviales ,
C ’eft en perfeâi'onnaflt les qualités de rame,
c’ eft en traitant l’ art avec la plus noble distinction
que lès Grecs ont donné tant de
une beauté célefte dont les bras font liés ; mais
aiilïi ce peintre ingénieux a repréfencé là'pratique
luftre , & une fi grande renommée au
petit cfpace qu’ ils occupèrent fur le globe.
* Les préceptes de pureté & de nobleffe de
fentimens, fi utiles aux opérations du génie,
doivent être inculqués dans l’âge Je plus tendre.
Ainfi craignons de confier l’ inftruénon de nos
enfansà des artiftes cupides, à des mercenaires,
à des fats orgueilleux, tellement pauyr«s de »
fans théorie comme une vieille femme
aveugle & toujours entprêffée dé courir au.
hafard. Il faut donc craindre de confier l’éd-u-.
cation des élèves à des hommes privés des
lumières de la morale & de la l’cience, qui feules-
| peuvent faire marcher avec certitude dans les
lemiers de l’ art.
Après avoir parlé dès quotités propres aliX
artiftes en général, nous allons dire un mot
de celles qui font Spécialement utiles aux graveurs;
fi nous avons interrompu l ’enfemble de-
cet articlè, c’eft qu’ il nous a femblé que nous
devions placer quelques traits fur l’ inftruélion :
car on conviendra que c’eft manquer à une
tâche efîent relie dans le cours rapide' de la
v ie , que de ne s’être pas mis en état de communiquer
de belles qualités à ceux- qui doivent
remplacer.
La qualité qui nous fait faifir avec jufteffe
8c qui nous rend propres les produétions dont
nous ne fommes pas les inventeurs, doit être
l’apanagë du graveur, comme celui' du trâ-
duâeur; mais lorfqüe nous comparons- ici l àr-
tifte-qui fait paffer fur le cuivre les ouvragés
des peintres, avec l’écrivain qui traduit dane
là langue les antiquités des nations étrangères,,
nous ne les confidérons comme égaux en quantités
que par celle' de s’approprier le génie
d’autrui. Le graveur eft infiniment plus original
que le traducteur', en ce que çelui-ei
ufe , dans un idiôme different, dtr même aft-
de fa parole par lequel l’on original s’eft fait
: entendre. Ainfi la grammaire, l’éloquence,-
la dialeélique qü’i'ls employant tous deux font
I d’es moyens qui leur font communs ; au lieu
que le graveur n’exprime l’art d’autrurque par
iin art qui lui eft tout-à-fait prôpre. Ses moyens
ont été abfohiment inconnus aux auteurs qu’ il
' copie ; l’ art du graveur , pour rendre la nature ,
; connoît des moyens qui diffèrent autant de-
celui du peintre, que ceux du ftatuaire pour
le même objet. Comme-la couleur, le travail
du pinceau, celui du crayon font des opérations
abfohiment particulières au peintre ou
au d'effinateur, de même l’ art de couper le
cuivre avec la pointe ou le burin eft un mé-
canifme propre au graveur & abfohiment étranger
aux autres artiftes : ainfi dans la définition
que l’on fait de l’art en général , & dans laquelle
on le cor.fidère comme un refukar des.
operations de l’jffprit, de concert avec celles
3e la main, on peut trouver la différence de
la gravure, de la fculpture & de la peinture,
en n*en fuppofant de réelle que pour la partie
du mécanilme, qui en eftèt n’a rien de commun
entre -ces arts*
Dans la gravure, l’ affoibliffement mi la force
des teintes, propres à exprimer les lumières
& les ombres font produits par la fineffe ou
par là grofîeur des taillés , par leur éloignement
ou leur rapprochement, enfin par le plus
ou moins de profondeur du travail fur lé cuivre.
Au lieu que l’ emploi feul du brun ou de clair,
rempl fient ce but dans'les defiins 8c les tableaux
: le peintre trouve la nature des cou-
leurs locales dans celles dont la palette eft
chargée ; le graveur ne peut les exprimer d une
manière fpeciale; mais il parvient à donner
une idée de la différence des tons de couleurs,
par une combinaifon bien réfléchie des diverfes
natures de fan travail. C ’eft par une fuite de
tailles difpolées , en lignes courbes ou droites,
ou par la manière d’en former des lozanges ou
des quarrés plus ou moins parfaits, qu il varie les
caraâères des fubftances dans les eftampes que
produit fon arr.Le talent d’exprimer la nature des
différens corps avec le pinceau ou le crayon
eft le réfuitat d’ un mécanifme fort fimple &
fort rapide ; le graveur au contraire ne par-
vient a caradérifer la furface des corps , ou
poreux-ou compactes, que par des moyens
tore longs & fort compliqués :■ tels font les
points de différentes formes & placés «Je différentes
manières , la difpofîtion variée des traits
que-forment fon burin, la largeur, la finefle
fi- la fermeté de ces mêmes traits, le mélange
raifonné de tous ces travaux, eu .quelquefois
enfin l’affociation des d iv e r s manières de
graver foit au burin , foit a 1 eau-forte , foit
à la pointe sèche, &s-
Le graveur doit avoir toutes les qualités par
lesquelles on parvient à l’art de bien defliner,
jufteffe d’organe, jufteffe de raifon & le plus
v if fentiment pour en exprimer le réfui tac dans
fon ouvrage 8c le rendre intéreflant a ceux
qui le eonfiderent. Mais le defiin du graveur
doit être porté à ce point de précifion qu il
n’y entre aucun goût adoptif, afin qu il foie
capable de fc foumettre à celui des peintres
différents dont i l multiplie les produélions.
Ainfi le graveur doit montrer en raifon ,
en jufteffe & en confiance, tout ce qu’on eft
en droit d’exiger du peintre, en chaleur & ea
fécondité.
Dans eé que nous venons de dire ici fiic
les qualités qui conviennent aux graveurs,
nous n’entendons pas parler de ces artiftes a
imagination q ui, par une pointe rapide, incor-
refte & fpirituelle, ont fu enrichir les portefeuilles
des amateurs de leurs fécondes coin*
pofitions. Tels font Tempefta, Callot, Labelle,
Rembrandt, Silveftre, Leclerc, & c . les eftampes
de ces maîtres célèbres tiennent plüs
à l ’art du peintre ou. du fimple deflinateur,
qu’à celui du graveur. Nous voulons parler
de l’art qui cônftitue effentieliement la belle
gravure , de l’art qui riaulciplie & tranf-
met aux temps & aux pays les plus reculés , les
productions diftinguées que la fculpture & la
peinture ont enfantées. C’eft ce talent que les
Goltzius, les Bolfwert, lesPontius, les Vorf-
terman , les Maçon, les Gérard Audran, les
Edelinck, & les Drevet ont rendu fi utile &
fi précieux à toutes les fciences , aux arts en
général, 8c à tous ceux qui les connoiflervt 3
les aiment & les cultivent.
Article de M- Robin*