
& j°ignoit un bon goût de deflin au mérite de
Giorgion pour la couleur. Sop exécution étoit
belle & facile , & ce talent lui eft commun
avec tous les bons peintres de fon pays. Gomme
le Gorgion , il donnoit beaucoup de forcé 8c
de relief à fes figures. I l mourut à Ferrare
en 1540 ; on foupçonna qu’il avoit été empoi-
fonné par des perlonnes jaloufes de la faveur
que le Duc llii accordoir.
Le Roi n’a que. deux tableaux de ce maître ;
un Saint Pierre & un portrait. C’ eft afl'ez pour
reconnoître la fierté de fa touche , le beau
cara&ère de fon deflin » la force de fa couleur,
le moelleux de fon pinceau, & la beaûté des
effets qu’il favoit ménager.
A . Zuechi a gravé d’après, ce maître plufieurs.
tableaux repréfentant des Saints:
(11) Dominique Becgafumi, dit Micarino ,
de l’école Florentine , né dans wn village voilin
de Sienne en 1484. I l 'eft- du nombre de ceux
que leurs difpofitions pour les arts ont arrachés'
au£ occupations ruftiques. Fils d’un berger ,
il gardoit les moutons confiés à fon père, &
charmoit l’ennui de cette occupation en traçant
des figures fur le fable. Ces premiers elfais
du jeune Beccafumi furent remarqués par un
bourgeois de Sienne qui lui donna une retraite
& le fit inftruira dans les principes du deflin.
Beccafumi copia_d’abord les tableaux du Pé-
rugin ; il alla enfuite à Rome où il.choifit pour
objets de fes études les ouvrages de Michel-
Ange 8c de Raphaël ; de retour dans fa patrie ,
il reçut les leçons :d’ un . peintre .aujourd’hui
peu connu , qui fe nommoit Sodoma Dave-
ehelli. Le princé Doria goûta fes talens ,
le conduifit à Gênés & lui fit faire plufieurs
tableaux. Cet artifte avoit de la correélion ,
de la facilité , un bon goût de compofition ,
& une manièrede draper qui tenoit de celle de
Raphaël. Il peignoit bien en huile & en détrempe
; mais c,e qui contribua le plus à fa réputation
fut le pavé.de la grande églife de Sienne ,
& c’eft cet ouvrage qui nous a engagés à parler
du Beccafumi.
Ce pavé eft une efpèce de mofàïque en cîair-
obfcur : deux fortes de pierres y ont. été employées:
les unes blanches pour les lumières,
les autres d’une couleur obfcure ou de1 demi-
teinte pour les ombres. Mais comme ces deux
teintes uniformes n’auroient pas fuffi pour donner
à l’oyvrage la force , l’ union , Je relief & la
rondeur, on y traçoit des hachures profondes,
qui etoient enfuite remplies de poix noire, ou
d’une forte de maftic dont cetté poix faifoit la
bafe. Ce genre de travail , qui n’eft. plus en
jjfagfe, & qui tenok beaucoup de la peinture
a l fgrafitto , avoit été inventée en- 1356 par
un peintre de Sienne nommé Duccio ,* mais ce
fut le Baecafumi qui lui donna toute la perfeélion
qu’ il étoit capablè de recevoir. Cet
artifté induftrieux a aufli gravé en bois , au
burin, en demi-teinre, a Tculpté en marbre,
8c jette des ouvrages en bronze'. Il eft mort dans
la patrie en 1549 , à l’âge de foixante-cinq ans.-
II a gravé au burin \e portrait du Pap* Paul
I I I j en bois , un Saint Jérôme enprieres , & en
demi-teinte un Saint Pierre debout.
(h ) Sebastien de V enise ou F r a
B a s t i a n o del P i o m b o , de l’école
Vénitfènne."On'ignore le véritable nom de ce
peintre ; il dut l’on fur-nom à l’office de^Sdel-
leur dans la chancellerie que lui donna le
Pape Clément V I I en lui faifant prendre l’habit
religieux.
Cet artiftç naquit en 1485 , s’occupa de la
mulique dans fa première jeunefle , prit enfuite
des1 leçons de peinture fous les Bellrn, & quitta
leur école pouf entrer dans celle du Giorgion.
Appellé a Rome par un riche banquier nommé
C h ig i, il peignit à frefque un Polyphême dans
le palais de ce financier , où Raphaël avoit
peint l’hifioire de Galatée. ~
Michel - Ange étoit jaloux de Raphaël ; il
crut pouvoir lui ôppofer un rival redoutable,
s’ il parvenoit à fe lier avec Sébaftien , & à
guider, pour la partie du deflin, ce peintre qui
avoit pris dans l’école de Giorgion une coulèur
vigoureufe & féduifante. Sébaftien qui avoit
aulfi l’orgueil d’être jaloux de Raphaël , fe
laiffa facilement attirer dans le parti de Michel-
Ange ? & dès lors fes tableaux furent célèbres
avec autant d’exces que d’afteélation par ce
grand artifte» Michel-Ange ne fe contenta pas
de le lôuer; on croitNqu’ il traça lui-même, de
fa main le Chrift mort que .peignit Sébaftien,
8c que celui-ci n’eut q-ue la peine de le colorer.
On en dit autant d’une chapelle qu’ il peignit
a San Petro in Montorio 8c qui acheva fà réputation.
Mais l’union de ces deux - artifteS
n’étoit pas fans inconvénient ; le Vénitien-^êné
par Je trait du Florentin qu’il de voit fuivr(e ,
perdit cette liberté qui eft neceffaire aux co-
loriftes , tomba dans une manière froide &
lechée, & par ce défaut, devint peu propre à
fe r v ir ja jaloufie de Michel-Ange.
“ Il peignit encore, fur le deflin du même artifte,
uneréfurreélion du Lazare en concurrence
ave.c qui peignoit la transfiguration ;
maisûl ne fit par fa défaite qu’ajouter à la gloire
du vainqueur. Oh fe contenta de rendre juftice
au coloris du, vaincu.
Michel - Ange ÿ ■ après la mort de Raphaël ,
n’eut plus les mêmes rail’ons de ménager Sé-
bâftien ; celui-ci eût l’imprudence de contrarier'
l’impatient Michel-Angè. Ils fe brouillèrent,
Sébaftien , à qûi fon office du plomb procu-
roit une fortune honnête , quitta la peinture
pour la poëfie..
Il avûit-tou jours été lent, irréfoîu, parefleux,
2g avoit toujours eu beaucoup' de peine a ter-
. miner un ouvrage. Le genre dû portrait qui
ft’èxige pas d’ invention , étoit celui qui lui
convenoit le mieux 8c dans lequel il eut lés
fuccès les plus inconteftables. I l avoit trouvé
le fecrèt de conierver la vivacité à la peinture
en huile, fur l'ès mur aillés en fou tenant1 ïes
cbuleurs par une compofition de poix, de maftic
,' & dé’ chaux vive. Quoique-ce ne fût
point un artifte (Uns mérite , il feroit tombé
dans l’oubli s’ il n’Uyoit pas ,été l’ inftrument de
l ’envie d’ un homme célèbre. Il mourut à Rome
en 1547 , % é de foixante & deux ans.
Hollar a gravé d’après le Frà Baftiano le
portrait de Vittoria Colonna.
(-13,) A n d r é D e l .S a u t o , de l’école
Florentine , né à Florence en 1488. fon nom
de famille étoit Vannachi ; celui de Sarto lui
fut donné parce qu’ il étoit fils d’un tailleur.
I l dut-moins fes „talens aux leçons des maîtres,
dont il fréquenta les écoles , qu'à l’étude qu’ il
fit des ouvrages de Léonard de Vinci & de
Michel-Ange. Ifchercha la* grâce du premier,
& la douceur do fon témperamment fuffiloit
pour lui faire éviter ^exagération du fecohd. Sa
modeftie nuifit à fa fortune; il- favoit faire de
bons ouvrages, mais il ne favoit pas les bien
faire payer. Le morceau qui décida furtout là
réputation fut une fainte famille qu’ il peignit à
frefque fur une des portes du cloître des frères
Servîtes de l ’annonciade ; on admiroit dans
cette peinture le deflin , la compofition , la
couleur , & l’artifte qui avoit produit ce chef-
d’oeuvre , ne reçut pour recompenfe qu’un lac de
bled. Un voyage à Rome, & l’examen qu’ il y fit
des .ouvrages de Raphaël & des antiquesperfec-
tionnefent fon talent fans am liôrer Ta fortune.
C’étoit le temps où François I cherchoit à
fe procurer des tableaux des meilleurs peintres
d’ Italie. Un Chrift mort qu’André fit pour ce
Prince, reçut en France les éloges qu’il mé-
ritoit ; André , miférable dans fa patrie1, conçut
le defir de venir chercher une meilleure
fortune auprès d’ un fouverain qui récompenfoit
magnifiquement les arts. Ses defirs furent là-
tisfaits : il fut mandé en France, où il avoit
foutenu par, un fécond ouvrage l ’idée favorable
qu’ il avoit infpirée. Défrayé dé fon voyage
& de toutes.fes depenfes pendant fon féjour,
lo g é , meublé, bien payé de fes tableaux,
encouragé par des gratifications , goûté du
Prince., applaudi des courtifans, admiré pour
fes talens pittorefques>, chéri pour les agrémens
de fa coriverfation , il pouvoit être heureux ,
s’il n’eût pas regretté fon pays & fon époufe.
I l prétexta des affairés doroeftiques qui exi-
geoient fa préfence* dans fa patrie , promit
4’être bientôt de retour,, de ramener fa femme
avec l u i , 8c de rompre tous les liens qui Rattaché
ient à la Tofcaiie. L’offre d’acheter pour
■ 'lé Roi en Italie des tableaux & -des ftatues,
lui fit obtenir aiféntent la permiflion de s’ab-
fenter,' & le Prince' lu i . confia une fomme
corifidérable pour payer les morceaux qu’ il ju-
gêroit^dignes d’ être envoyés en France. Mais
rendu à lés amis 8c à fon époufe , A ndt;é~ oublia
les foins de l’avenir, fes engagemens, &
même! les devoirs:.de la ' probité , & eut 1 imprudence
de dépenfefi en fêtes & en plaifirs,
non-feulement tes' épargnes, mais l’argent même
qu’ il n’ avoit reçu que pour en rendre
compte. Il trouva dans la mifère la peine de fa
faute, & mourut de la pefte à Florence, en
1530, à Rage de quarante-deux ans.
Quelques perfonnës ont penfé que fi le Sarto
avoit fait à Rome un plus long fejour, il au-
roit-éo-alé les plus grands maîtres de l’art. Je
croirois plutôt avec Félibien que ce peintre
fut tout ce que lui permettoit d’être fon ca-
raâère,:perfonnel. I l n’a pas mis dans fes ou-
. y rages toute l’elevation de Raphaël , parce
; que cette élévation n’ éto'it pas dans fon ame;
| il-n’a pas mis da-ns lés expreflions la même
variété , parce qu’ il n’avoit pas l’exquife' fen-
fibilité- de cé grand peintre; il lui eft inférieur
dans les conceptions; parce qu’ il n’avoit pas
le même génie. La nature a prefcrit aux hommes
qui cultivent les lettres & les' arts , des
limites qu’ il ne leur eft pas donné de franchir.
André'avoit une bonne couleur , quoiqu’on
lui reproche quelquefois une teinte générale
trop rouge, ' quelquefois des demi-teintes d’un
gris verdâtre ou noirâtre. Il peignoit d’un pin~
" ce'au très-moelleux , & cette qualité d’exécu-
. tion'étoit rare de fon temps, parce qu’on étoit
encore peu éloigné de l’époque où l’on avoit
abandonné la féchereffe gothique. Son deffin
avoit de la grandeur fans exagération, mais
quelquefois uh peu de manière; On compte
au nombré de fes chefs-d’oeuvre les fujets de
la vie de St. Philippe Benizi, qu’il a peints
à l’Annonciade de Florence; les têtes y ont
une grande vérité & *un bon caraâère ; on y
remarque des parties bien drapées, mais on
trouve, la compofition un peu froide 8c trop
peu liée. On remarque Couvent dans fes ouvragés
des couleurs de draperies rouges d’une
extrême fraîcheur & d’ une très-grande beauté ,
qui femblent loi être particulières. Son fameux
tableau.de la Madùnna del Sacco7 celui qu’ il
fit,, dit-on , pour un fac de bled, eft peint à
frefque. a II e f t , dit M. Cochin , d’une grande
» beauté, compofé 8c drapé de très-grande
» manière* bien peint, d’une façon large, &
» très-bien exécuté. Il eft peint par hachures,
» mais 'qu’on voit à peine ; les plis des drape-
» ries font bien formés 8c délicatement brilés;
» la couleur en eft bonne , les têces en fonî