renferment point le principe propre ou eflentiel du
nicnj, favoir, l’acide nitreux. Ces l'els font le nitre
fixe ou fixé, le nitre vitriolé, le nitre antimonié, &c.
Il fera fait mention de ces l'els dans la fuite de cet
article.
Le nitre par excellence, le nitre le plus ufuel,
tant pour les ufages de la Chimie que pour ceux
de la Médecine & des Arts, eft, comme nous l’avons
déjà infinité, le nitre de la première efpece, le nitre
appelle parfait, le nitre à baie alkaline 'tartareufe:
c ’eft auffi fur celui-là que tombent les principaux
problèmes que les chimiftes ont agités fur l’origine,
la nature, les propriétés du nitre ; on ne s’eft
occupé des autres elpeces que par des confidéra-
tions fecondaires. Ce fera aufii ce nitre parfait qui
fera l’objet premier 6c principal de cet article.
La meilleure méthode de procéder à la folution
de la première quefiion, que nous venons d’indiquer;
c’eft fans doute d’expofer d’abord les con-
noiflances pofitives inconteftables de fait que noiis
avons fur les lieux, les matrices, les fources du nitref
& fur les moyens de l’en retirer & de le préparer.
On prend, pour préparer le nitre vulgaire, les
terres des étables, des creux à fumier, des mares
de balle cours, des caves, & fur-tout de celles qui
font voifines des folles de latrines, les plâtras &
gravois, fur-tout des vieux édifices, les débris des
murs de terre, & fur-tout du torchis, dont font
bâties les cabannes des payfans dans plufieurs provinces,
ou qu’on éleve exprès dans plufieurs contrées
d’Allemagne pour la génération du falpêtre.
Voici comme on traite ces matières dans l’atte-
lier de l’arfenal de Paris , d’après la defcription
rapportée dans le Traité d'Artillerie de M. S. Remy.
Le falpêtre fe fait de la terre qui le prend dans
les ca ves, celliers , granges, écuries, étables, grottes
, cavernes , carrières, & autres lieux.
On fe fert auffi de plâtras & gravois , provenant
de la démolition de ces mêmes bâtimens que l’on
réduit en poudre à force de les battre & écraler.
L’attelier , où fe fait le falpêtre à l’arfenal de Paris
, eft un lieu vafte & élevé en façon de halle, fou-
tenu de plufieurs piliers.
Il .v a 126 cuviers dans cet attelier.
Ces cuviers font prelque femblables à ceux qui I
fervent à couler la leffive ; ils font néanmoins plus
petits , difpofés en plufieurs bandes, élevés de terre
environ de deux piés. Comptons que l’on ne charge
tous les jours que 24 cuviers , que l’on appelle de
cuite ^ ainfi cela ne doit palier que pour un attelier
de 24 cuviers ; & pour exempter de veiller 6c mettre
de 1 eau fete 6c dimanche, on ne charge que ces
24 cuviers, comme on va l’expliquer.
En paffant on peut remarquer que par chaque attelier
de 6 cuviers un falpétrier ne peut avoir qu’un
homme de ville , qui eft celui qui va chercher les
matières en ville , avec la bandouilliere du falpétrier
aux armes du roi 6c du grand maître autour de
fa ceinture«
Imaginons-nous que l’on n’a point encore travaillé.
Sur ce pié l’on forme trois bandes de 8 cuviers
chacune, on met deux boifleaux comble de
cendre de bois neuf au fond de chaque cuvier de la
première bande, 6c l’on emplit de terre le refte du
cuvier.
Une plus grande quantité de cendre mangeroit
le falpetre, l’on met un bouchon de paille fur le
haut de la terre. Sur la fécondé bande l’on met deux
boifleaux ras de la même cendre & le bouchon.
Et fur la troifieme, on fe contente d’en mettre un
boifleau & demi dans chaque cuvier.
Les cuviers étant emplis de terre & de cendre
l’on verfe fur la première bande de l’eau de puits ’
de riviere pu de citerne, car cela eft différent environ
ce qu’en peuvent contenir dix futailles , que
l’on appelle vulgairement demi- queues.
Cette eau s’imbibant dans la terre, coule par un
trou qui eft au bas du cuvier, & qui n’eft bouché que
de quelques brins de paille , 6c tombe dans un baquet
dilpofé pour la recevoir.
Toute la quantité s’écoule ordinairement dans
l’elpace d’un jour ; quelquefois cela va jufqu’au lendemain
, fuivant la qualité des terres.
La première bande ainfi leflivée produit huit demi-
queues d’eau que l’on porte fur la fécondé bande , laquelle
étant leflivée de la même maniéré rend là
valeur de fix demi-queues.
L’on porte les fix demi-queues fur la troifieme
bande qui n’en produit que quatre.
L’on décharge cette première bande, l’on en ôte
la terre & la cendre que l’on jette dans un lieu couvert
, comme un hangard, pour en amender la terre.
On recharge cette bande de terre neuve avec
trois boifleaux de cendre , pour faire ce qu’on appelle
la cuite.
L’on prend ces quatre demi-queues d’eau qui fctftt
provenues de la derniere bande ; on les verfe fur la
première bande rc.iOuvellée qui ne vous en rjend
que deux , & que l’on met dans la chaudière. '
Sur la fécondé bande , l ’on met de l’eau de puits
pure la quantité de fix demi-queues , qui eft un jour,
& un peu plus à palier ce qui s’appelle le lavage.
Cette eau pallée , vous la jetiez fur la troifieme
bande , cela s’appelle les petites eaux.
Quand ces petites eaux lont écoulées, on va les
reporter fur la première bande dont on a levé la
cuite, & cela s’appelle les eaux fortes. 11 en fort
quatre demi-queues ; on ne fait pas tout palier, en
cas qu’il en reftât au-delà de ces quatre demi-
queues.
Et lors on recharge la fécondé bande de terre
neuve, pour refaire une fécondé cuite.
Et l’on continue ainfi pour la troifieme.
Deux tomberaux de terre peuvent charger huit
cuviers de cuite.
Il faut obferver que pour deux cuviers l’on peut,
fi l’on veu t, fe fervir d’un feul baquet appellé re-
cette pour recevoir les eaux , en le faifant allez grand
6c creufant la terre pour le placer.
Les deux demi-queues d’eau provenues de la première
bande fe jettent dans une chaudière de cuivre
allez grande pour recevoir non-feulement cette première
décharge, mais encore les deux demi-queues
de la cuite de la fécondé bande , ce qui fait enfem-
femble l’eau de feize cuviers.
La {chaudière dont on a pa rlé, eft bien maçonnée
6c dreflee fur un fourneau de brique , dans lequel
on fait un feu continuel de bûches , afin que la
matière bouille toujours également.
Elle bout 24 heures, 6c pour çonnoître fi le falpêtre
eft formé , on lailïe tomber un goutte ou deux
de cette eau fur une affiette ou fur un morceau de
fe r , 6c s’il fe congele comme une goutte de fuif ou
de confiture, c’eft une marque qu’il eft fait.
Auffi-tôt on retire la moitié de cette eau avec un
infiniment de cuivre appellépuifoir ; on la met dans
un rapuroir, qui eft une futaille de bois , ou un
vaifleau de cuivre , puis on retire le fé l, c’eft-à-dire
le fel marin qui s’eft formé au fond de la chaudière
avec, une écumoire dans un panier que l'on pofe fur
la chaudière, pour faire égoutter ce qui peut y être
refté de falpêtre ; 6c quand ce fel eft dehors, on
tire le refte de la cuite , & après une demi-heure ou
trois quarts-d’heure que l’eau a refté dans le rapuroir
qui eft couvert pour la tenir chaudement, on la .
fait fortir par une fontaine qui eft au rapuroir ; on
la met dans un (eau pour la porter dans de grands
balîim» de çuiyre pour la laiffer congeler, ce qui ne
f#
fè fait ordinairement qu’en cinq jours.
Cette cuite de feize cuviers peut produire 100 ou
120 livres de falpêtre , quelquefois 140, félon la
qualité des terres ; 6c pour le f e l, la quantité n’en
eft point réglée, quelquefois on en tire 15 ,20 6c 30
livres, &même 40 ; auffi fe rencontre-t-il des terres
dont on n’en tire point, mais cela eft rare.
Quand le falpétrier veut frauder pour le f e l , il
fait fi bien, malgré tous les gardes qu’on aura pof-
tcs pour l’obferver , qu’il ne paroîtra point de fel
dans fa cuite , foit en brouillant 6c retirant bruf-
qitement fon eau , & la portant dans les baffins fans
la palier dans le rapuroir , foit en y jettant une
chandelle qui à la vérité ne gâtera point la cuite ,
mais qui fera élever le fel dans l’eau 6c l’empêchera
d ’aller au fond.
Il fe fert encore d’un autre moyen pour cacher
le fel ; il jette un quarteron de colle-forte dans la
chaudière , ce qui fait élever le fel dans l’écume,
en forte qu’on ne fauroit plus le trouver, 6c que
l’eau eft claire & belle comme de l’eau de roche ; il
ne met point auffi cette eau dans le rapuroir , 6c il
ne fe foucie pas de jetter l’écume, car elle fe retrouve
dans les terres qu’il amende ; en maniant
l’écume avec la main, on la fent graveleufe 6c pleine
de.fe|^.'^
Il faut encore obferver que quand l’eau eft dans
le rapuroir , il refte du fel dans le fon d, pourvu
qu’on l’y laide trois quarts-d’heure ou une heure ;
ce fel eft néanmoins couvert de la faleté de la cuite,
& ne peut fe manger, on le jette fur les terres.
Le falpêtre brut étant ainfi achevé , on le met
ainfi en égout, & l’on panche les baffins où il eft ;
l’eau qui en provient s’appelle les eaux meres, nommées
par les falpétriers ameres, 6c elles fervent à
recharger les cuviers que l’on a renouvelles de terre
n eu ve, l’on en met un petit feau fur deux ou trois
cuviers.
Tous les quinze jours le famedi l’on reçoit à la
rafinerie les falpêtres bruts que les falpétriers de Paris
apportent de leurs atteliers, qui leur eft payé
par l’entrepreneur à raifon de ç fols la livre.
Ils rapportent auffi le fel qu’a produit leur falpêtre
en le faifant, & il leur eft payé par l’entrepreneur
fur le pié de 2 fols la livre.
Le lundi fuivant eft deftiné pour fubnterger le
fe l, car on le jette dans la riviere en préfence des
officiers 6c gardes des gabelles , afin que perfonne
n’en profite.
Pour avoir de bonnes terres amendées & ce qu’on
appelle réanimées, il faut faire en forte que la terre
qui a fervi dans les cuviers foit feche, 6c pour cela
il la faut mettre à couvert, & quand elle fera feche,
l’étendre un pié d ’épais fous le hangard & l’arrofer ;
prendre pour cela les écumes & les rapurages , les
eaux meres ou ameres, & y mettre moitié eau qui
ait paflé, s’il fe peut, fur les cuviers après que le
relavage eft fait ; l’arrofer de pié en pié jufqu’â la
hauteur que l’on pourra ; il faut détremper auparavant
les écumes dans l’eau, que cèla ne foit point
épais , parce que la terre ne s’humeétera pas fi facilement.
Quinze jours après qu’elle aura été arrofée, il la
faut jetter d’un autre côté , 6c la changer de place,
afin qu elle fe mêle mieux 6c en devienne meilleure ,
un mois après la changer encore de place & continuer
deux ou trois fo is , après quoi l’on pourra s’en
fervir ,• fur-tout prendre bien garde de ne la point
endurcir en la piétinant, ce qui l’empêcheroit de
s amender fi vite ; & pour éviter de la piétiner, il
n y a qu’à y mettre une planche qui n’appuie pas
delius , mais qui foit foutenue par les deux bouts
avec deux pierres ou deux morceaux de bois.
Il faut que les hangards ne foient clos que par les
Tome JCI. 1
deux bouts pour foutenir feulement la terre, & laiffer
le jour du côté où le foleil donne ; fi les hangards
font faits contre la muraille, il né faüt pas qu’ils
foient fermés par les deux bouts.
N’ayant point de terre qui ait fervi aux falpêtres,
il faut prendre des gravois de plâtre de démolitions,
les faire cafler comme ceux que l’on met dans les
cuviers , ils font fort propres à amender promptement
attendu qu’ils font fecs.
Les terres amendées peuvent toujours fervir à
l’infini , de forte qu’au moyen de ces terres on ne
manquera jamais de falpêtre.
Les Salpétriers ayant livré leur falpêtre brut, l’on
jette ce falpêtre dans la chaudière deftinée pour cet
ufage, qui eft difpofée comme l’autre fur un fourneau.
On y en met 2 mille 2 ou 3 cens pefant à chaque
fois, 6c par-deflus trois bardées que l’on appelle
ou trois demi-muids d’eau.
Quand le falpêtre eft fondu, ce qui fe fait en deux
ou trois heures , l’on jette dedans une cruchée de
blanc d’oeufs, ce qui coûte à l’Hôtel-Dieu 6 fols la
pinte , ou de la colle de poiflon , ou une certaine
dofe de vinaigre ou d’alun.
On y ajoute une bardée d’eau qui fait la quatrième
en plufieurs fois , afin de faire furmonter la
graille & l’ordure qui s’écument foigneufement ; 6c
après en avoir bien nettoyé la fuperficie , en forte
qu’il ne refte plus d’écume , on tire auffi-tôt le falpêtre
, & on le met tout-d’un-coup dans des baffins
où on le lailïe congeler pendant cinq ou fix
jours , après quoi on place les baffins fur des tré-
taux pour les faire égoutter fur des recettes, & l’eau
qui en provient fe jette encore une fois dans la chaudière
pour la faire bouillir jufqu’à ce que le fel fe
produife au fond 6c que la fonte foit parfaite.
Il s’én tire 15 ou 20 livres, quelquefois plus, ce
qui n’a point de réglé ; la railon de cela eft que
quand on a travaillé le falpêtre brut avec foin , 6c
que l’on a tiré beaucoup de fel dans cette première
fabrication, il ne s’en peut pas tant trouver dans
le rafinage.
C’eft dans ces deux premières cuites-là que l’on
tire tout le fel qui peut être dans le falpêtre , car il
fe fait encore un troifieme cuite de la même maniéré
que la précédente : mais aux eaux de cette derniere
il ne doit point fe trouver de fel , 6c quand il
s’y en trouve , c’eft que le falpêtre eft mal rafiné.
De la première cuite fort le falpêtre brut.
La fécondé produit le falpêtre appellé de deux
eaux.
La troifieme fait le falpêtre de trois eaux en
glace.
Si l’on veut mettre le falpêtre en roche, on le fond
fans eau, 6c fi-tôt qu’il eft fondu , on le tire & on
le lailïe refroidir.
Il y a des gens qui mettent leurs blancs d’oeufs
en deux fois, leur cruche eft de huit pintes , ils en
mettent les deux tiers dans la fécondé cuite, 6c l’autre
tiers dans la troifieme, après les avoir battus
avec un petit balai 6c délayés avec dé l’eau petit à
petit.
A la rafinerie de Paris l’on ufe 18 pintes de blancs
d’oeufs par jour fur cinq milliers de falpêtre, ce qui
fait 5 liv. 8 fols de dépenfe par jour.
Voilà tout ce qui peut regarder la fabrication du
falpêtre.
On prétend que le falpêtre étant rafiné , diminue
d’un peu plus d’un quart ; par exemple, un cent de
falpêtre brut ne rendra que 72 livres de falpêtre rafiné
de deux fontes de rafinage, & le refte fera fe l,
graille, fable & boue.
La bonne qualité du falpêtre eft d’être dur, blanc*