
 
        
         
		admirables,que nous ne retrouvons que chez les peuples  
 les  plus  anciens ,  fur l’agriculture ,   fur le  trava 
 il,  fur  l’induftrie,  fur  la  population ,  fur  l’éducation  
 8c  fur  tout  ce* qui  concerne  Yoeconomie  
 publique  &  domeftique. 
 Ce fut  néceflairement fous  cette  époque  que 1 u-  
 nité de principe,  d’objet &  d’aftion  s’étant rétablie  
 parmi  les mortels réduits à petits nombres & preffes  
 des  mêmes  befoins,  ce  fut  alors  que  les  lois  do-  
 meftiques devinrent la bafe des lois, ou pour mieux  
 dire, les feules lois des fociétés, ainfi que toutes les  
 plus  antiques législations  nous  le prouvent. 
 Gomme la  guerre forme  des generaux 8c des lol-  
 dats  de  même  les  maux  extrêmes  du  genre  humain  
 &   de la grandeur de  fes  néceffités ont donne  
 lieu  en  leur  tems  aux  lois  les  plus  fimples  8c  les  
 plus fages, 8c aux législations primitives, qui, dans  
 les  choies  de police  ,  ont  eu fouverainement  pour  
 objet  le  véritable  &   le  feul  bien  de  l’humanité.  
 L ’homme  alors  ne  s’eft point laiffé conduire par la  
 coutume ;  il n’a pas  été  chercher  des  lois  chez  fes 
 dans  fes  befoins.  . ,   , 
 Que  le  fpeftacle  de  ces  premières  focietes  devoir  
 être  touchant  !  Auffi pures  dans  leur morale,  
 que  régulières  dans  leur  difeipline,  animées  d’une  
 fervente  charité  les  unes  envers  les  autres  mutuellement  
 fenfibles  8c  étroitement  unies ,  c’étoit  
 3I01S  que  l’égalité  brilloit,  8c  que  l’équité regnoit  
 fur  la  terre. Tlus  de  tien, plus  de mien  :  tout ap-  
 partenoit  à  la  fociété,  qui  n’avoit  qu’un  coeur  &  
 qu’un  efprit.  Èrat terra  labii  unius,  6* fermonum eo-  
 rlimitai.  G en  X I .  /. 
 Ce n’eft donc  point une fable dépourvue  de  toute  
 réalité,  que  la  fable  de  l’âge  d’o r ,  tant  célébrée  
 par nos peres.  Il  a  dû exifter vers les premières  
 époques  du  monde  renouvelle,  un  tems  ,  un  
 ancien  tems,  où  la juftice,  l’égalité,  l’union 8c la  
 paix ont régné parmi  les  humains. S’il  y   a quelque  
 chofe à retrancher des récits  de  la  mythologie,  ce  
 n’eft vraiffemblablement que le  riant tableau qu’elle  
 nous  a  fait de  l’heureux  état de  la nature  ; elle  de-  
 voit  être  alors  bien  moins  belle  que  le  coeur  de  
 l’homme.  La  terre  n’offroit  qu’un  défert  rempli  
 d’horreur  8c  de mifere,  &   le  genre humain ne  fut  
 iufte que  fur  les débris  du  monde. 
 Cette fituation de  la  nature ,  à qui  il fallut plu-  
 fieurs  fiecles pour fe réparer , &  pour  changer l’affreux  
 fpettacle de fa  ruine  ,  en  celui  que  nous  lui  
 voyons  aujourd’h u i,  fut ce qui retint  long-tems le  
 genre humain  dans  cet  état  prefque furnaturel.  La  
 morale 8c le genre de vie  de l’âge d’or  n’ont pu régner  
 enfuite au milieu des fociétés agrandies, parce  
 qu’ils ne  conviennent pas plus au luxe de  la nature ,  
 qu’au luxe de l’humanité, qui n’en  a  été que la fuite  
 &   l’effet.  A  mefure que le  féjour  de  l’homme s’eft  
 embelli,  à  mefure que  les,fociètés  fe  font  multipliées  
 ,  8c qu’elles ont  formé des villes &  des états,  
 le  régné  moral  a  dû  néceflairement  faire  place^ au  
 régné politique, &  le tien &  le mien ont dû paroître  
 dans le monde  ,   non  d’abord  d’homme à homme ,  
 mais  de  famille à famille  &   de  fociété  à  fociété ,  
 parce qu’ils y  font devenus indifpenfables, &  qu ils  
 font  partie  de  cette  même harmonie  qui a dû rentrer  
 parmi les nations renouvellées, comme elle eft  
 infenfiblement  rentrée  dans  la  nature apres  le dernier  
 chaos.  Cet âge d’or a donc  ete un état  de  fain-  
 teté ,  un état furnaturel digne de notre envie, &  qui  
 a   juftement  mérité  tous  les  regrets de  l’antiquité :  
 cependant lorfque les légiflations poftérieures en ont  
 voulu  adopter les ufages 8c les principes fans difeer-  
 nement, le bien s’eft néceflairement changé en m al,  
 &  l’oren plomb. Peut-être même n’y  auroit*il jamais  
 6u  d’âge de fer  ,   fi l’on n’eût  point  ufé de  cet  âge 
 d’or iorfqu’il n’en étoit plus tems ;  c’eft  ce  dont Oti  
 pourra  juger par  la  fuite de  cet article. 
 Tels ont  été  les premiers,  &  nous pouvons  dire  
 les heureux  effets  des  malheurs du monde.  Ils  ont  
 forcé l’homme  à  fe réunir ;  dénué  de  tout  ,  rendu  
 pauvre  8c  miférable  par  les  défaftres  arrivés,  &   
 vivant dans la crainte & l’attente de  ceux dont il fe  
 crut long-tems  encore menacé,  la religion &  la né-  
 ceflité en raffemblerent  les triftes reftes, 8c  les portèrent  
 à  être  inviolablement unis ,  afin de  féconder  
 les effets de  l’aftivité  &  de  l’induftrie : il fallut alors  
 mettre en ufage tous ces grands reflbrts dont le coeur  
 humain n’eft conftamment capable que dans l’adver-  
 fité :  ils font  chez  nous fans  force 8c fans vigueur  ;  
 mais dans ces triftes fiecles il  n’en fut pas de même ,  
 toutes les vertus  s’exaltèrent ;  l’on vit  le  régné 8c le  
 triomphe de  l’humanité, parce que ce font-là fes inf-  
 tans. 
 Nous n’entrerons point  dans  le  détail de tous  les  
 moyens qui  furent  mis  alors en  ufage pour réparer  
 les maux du genre humain,  &  pour rétablir les  fociété? 
  : quoique l’hiftoire ne  nous les ait  point tranf-  
 mis,  ils font aifés à connoître ; 8c quand on confulte  
 la  nature,  elle nous  les  fait retrouver dans  le  fond  
 de  nos  coeurs.  Pourroit-on douter,  par  exemple  ,   
 qu’ une  des  premières  fuites des  impreffions que  fit  
 fur les hommes l’afpeft de  la ruine  du monde , n’ait  
 été  d’écarter du  milieu  des  premières  familles ,  &   
 même du milieu des premières nations, cet efprit def-  
 trufteur dont elles n’ont ceffé par  la fuite d’être animées  
 les  unes  contre  les  autres  ?  La violence  ,  le  
 meurtre ,  la guerre ,  &  leurs fuites  effroyables ont  
 dû être  pendant bien des  fiecles inconnus ou abhorrés  
 des mortels. Inftruits par la plus puiflante de toutes  
 les leçons, que la Providence a des moyens d’ex-  
 !  terminer le genre humain en un clin-d’oeil, fans doute  
 qu’ils  ftipulerent entre eux  ,  &   au nom de leur pof-  
 térité, qu’ils ne répandroient jamais  de  fang  fur  la  
 terre :  ce  fut-là  en effet  le premier précepte  de  la  
 loi de nature où  les malheurs du monde  ramenèrent  
 néceflairement les fociétés :  requiram animam hominis  
 de manu fratris  ejus quicumque ejfuderit humanum fan-  
 guinem, &c. Gen.jx. 5 . 6. Les  peuplesqui jufqu’au-  
 jourd’huiont  évité  comme un crime de répandre ou  
 de boire le fang des animaux, nous offrent un veftige  
 de  cette primitive humanité ; mais ce n’en eft qu’une  
 ombre foible : 8c ces peuples  ,  fouvent barbares  8c  
 cruels à l’égard de leurs femblables,  nous montrent  
 bien  qu’ils n’ont cherché qu’à éluder  la première 8c  
 la plus facrée de  toutes les lois. 
 Ce  n’eft  point  cependant  encore dans  ces  premiers  
 momens qu’il faut chercher ces divers gouver-  
 nemens politiques qui ont  enfuite  paru fur la  terre.  
 L’état  de  ces premiers hommes  fut un  état  tout  religieux; 
  leurs familles pénétrées de la  crainte des ju-  
 gemens  d’en-haut,  vécurent  quelque  tems  fous la  
 conduite  des peres qui  raflembloient  leurs enfans  ,  
 8c n’eurent point entr’elles d’autre lien que leurs befoins  
 , ni d’autre roi que le Dieu qu’elles invoquoient.  
 Ce ne fut qu’après  s’être multipliées  qu’il fallut  un  
 lien plus fort &  plus frappant pour des fociétés nom-  
 breufes  que pour  des  familles  ,  afin  d’y   maintenir  
 l’unité  dont on connoifloit tout le prix ,  &  pour entretenir  
 cet efprit de religion,  d'oeconomie,  d’industrie  
 &  de paix qui feul pouvoit réparer les maux infinis  
 qu’avoit fouffert  la nature  humaine : on fit donc  
 alors des lois ; elles furent dans ces  commencemens  
 aufli fimples que l’efprit qui les infpira : pour en faire  
 le  projet,  il ne fallut point recourir  à  des  philofo-  
 phes  fublimes, ni  à des politiques profonds ;  les befoins  
 de l’homme  les  different  ;  & quand on en raf-  
 fembla toutes  les parties,  on ne  fit  fans doute  qu’écrire  
 ou  graver fur  la pierre  ou  fur  le bois ce  qui  
 ayoitété fait jufqu’à ce tems heureux oùla raifon des 
 particuliers  Payant  point été  différente de la raifon  
 publique ,  avoit  été  la  feule 8c l’unique loi ;  telle a  
 été  l’origine  des  premiers codes ;  ils  ne changèrent  
 rien  aux  reflbrts primitifs  de  la conduite  des  focié*  
 lés.  Cette précaution nouvelle n’avoit eu pour objet  
 que de les fortifier, en raifon de la grandeur 8c de  
 l’étendue'du  corps qu’ils  a voient  à  faire mouvoir  ,  
 &c l’hommes’y  fournit fans peinejfes befoins lui ayant  
 fait connoître de  bonne heure qu’il n’étoit point  un  
 être qui pût vivre ifolé fur  la  terre ,  il  s’étoit dès le  
 commencement réuni à fes femblables, en préférant  
 les  avantages d’un engagement néceflaire &  raifon-  
 nable à fa liberté naturelle  ;  8c  l’agrandifiement  de  
 la fociété  ayant  enfuite  exigé que  le  contrat tacite  
 que chaque particulier avoit fait avec elle  en s’y  incorporant  
 , eût une  forme plus  folemnelle,  &  qu’il  
 devînt authentique ,  il y   eonfentit donc  encore  ;  il  
 fe fournit aux lois écrites, & à une  fubordination civile  
 &   politique ;  il  reconnut  dans  fes ancien?  des  
 fupérieurs,  des magiftrats,  des  prêtres  :  bien plus,  
 il chercha un fouverain ,  parce qu’il connoifloit dès  
 lors, qu’une grande fociété fans chef ou fans roi n’eft  
 qu’un corps fans tête, 8c même qu’un monftre dont  
 les  mouvemens  divers ne  peuvent  avoir entre  eux  
 rien de  raifônné ni  d’harmonique. 
 Pour s’appercevoir de cette grande vérité, l*hom-  
 me  n’eut bèfoin que  de jetter un coup d’oeil fur cette  
 fociété qui s’étoit déjà formée : nous ne pouvons en  
 effet, à  l’afpeâ: d’une  afîemblée  telle  qu’elle  foit  ,  
 nous empêcher  d’y  chercher celui qui en eft  le  chef  
 ou  le  premier ;  c’eft  un  fentiment  involontaire  &   
 vraiment naturel, qui eft une fuite de  l’attrait fecret  
 qu’ont  pour  nous  la fimplicité  &  l’unité  ,  qui  font  
 les carafteres de l’ordre 8c de la  vérité : c’eft une inf.  
 piration précieufe  de  notre  raifon  ,  par laquelle tel  
 penchant que nous ayons  tous vers l’independance,  
 nous favons  nous  foumettre pour notre bien-etre  8c  
 pour  l’amour  de  l’ordre.  Loin que  le  fpefiacle  de  
 celui qui  préfide  fur une fociété foit capable de cau-  
 ler aubun déplaifir à  ceux qui  la compolent,   la raifon  
 privée ne peut le voir fans un retour agréable 8c  
 flatteur fur elle-même,  parce que c’eft cette  fociété  
 entière  ,  8c  nous-mêmes  qui en faifons partie,  que  
 nous confidérons  dans  ce  chef 8c dans cet organe de  
 la  raifon  publique  dont il  eft le miroir ,   l’image  6c  
 i’augufte repréfentation.  La première fociété réglée  
 &   policée par les lois,  n’a pu fans doute fe contempler  
 elle-même fans  s’admirer. 
 L ’idée  de  fe  donner  un  roi  a  donc  été  une  des  
 premières idées  de  l’homme fociable & raifonnabie.  
 Le fpefiacle  de  l’univers féconda même  la  voix  de  
 la raifon. L’homme alors encore inquiet, levoit fou-  
 vent  les  yeux  vers  le  ciel  pour  étudier le mouvement  
 des  a Ares  &   leur  ac cord,  d’où  dépendoit la  
 tranquillité de  la  terre 8c de fes habitans  ; 8c  remarquant  
 fur-tout cet aftre unique  8c  éclatant, qui fem-  
 ble commander à  l’armée  des cieux 8c en être ob éi,  
 il  crut voir là-ljaut l ’image d’un bon gouvernement,  
 &   y   recônnoîtrê le modèle  &  le plan  que  devoir  
 fuivre la fociété fur la  terre, pour le rendre heureux  
 & immuable par  un  femblable  concert.  La  religion  
 enfin  appuya  tous ces motifs.  L’homme ne  voyoit  
 dans toute  la nature qu’un  foleil  ,  il  ne  connoilfoit  
 dans  l’univers qu’ un  être fuprème;  il vit donc  par-  
 là  qu’il manquoit quelque chofe à fa  légiflationjque  
 fa  fociété  n’étoit point parfaite ;  en un mot qu’il lui  
 falloi't  un  roi  qui  fût  le  pere  8c  le  centre de  cette  
 grande famille, &c le  protecteur &  l’organe des lois. 
 Ce furent-là les  avis, les  confeils &  les exemples  
 que  la raifon, le fpeétacle dç la  nature & la religion  
 donnèrent unanimement à l’homme dès les premiers  
 tems ; mais il  les éluda plutôt qu’il ne les  fuivit.  Au  
 lieu de  fe choifir un roi  parmi les femblables,  avec  
 lequel la fociété auroit fait le même  contrat que cha-  
 Tome  X I , 
 que particulier avoit ci-devant fait avec e lle,  l’homme  
 proclama le  roi  de l’âge d’o r , c ’eft-à-dire * l ’Etre  
 fuprème  ;  il  continua  à  le  regarder comme fon monarque  
 ;  &   le  couronnant  dans  les  formes  >  il  né  
 voulut point qu’il y  eût  fur la terre,  comme dans  lé  
 ciel, d’autre maître,  ni d4autre  fouverain. 
 On ne s’eft pas attendu fans doute à voir de fi près  
 la  chute  &  l’oubli des fentimens que nous nous  fom-  
 mes plu  à mettre dans l’efprit humain ,  au moment  
 où les fociétés fongeoientàrepréfenter leur unité par  
 un  monarque.  Si  nous  les  avons  fait  ainfi penfer  
 c’eft que  ces premiers fentimens  vrais  &   pleins de  
 fimplicité font dignes de ces âges primitifs,  &  que la  
 conduite furnaturelle de ces fociétés.femble nous indiquer  
 qu’elles ont été furprifes &  trompées dans ce  
 fatal moment.  Peut-être quelques-uns foupçonne-  
 ront-ils que  l’amour de l’indépendance  a  été le mobile  
 de  cette démarche ,  oc que  l’homme  ,  en  refu-  
 fant de fe donner un roi vifible, pour en reconnoîtré  
 un  qu’il ne pouvoit  v o ir ,  a eu un  deflein tacite dé  
 n’en  admettre  aucun.  Ce feroit rendre bien  peu dé  
 juftice à l’homme en général, &  en particulier à l’homme  
 échappé des malheurs du monde,  quia été porté  
 plus que tous les autres à faire lefacrifice de fa liberté  
 & de  toutes fes  pallions.  S’il fit donc,  en fe donnant  
 un r o i ,  une fi finguliere application des leçons  
 qu’il  recevoit de  fa  raifon  SL  de  la  nature  entière,  
 c’eft qu’il n’avoit point encore épuré fa religion comme  
 fa police civile &  domeftique, &  qu’il ne l’a voit  
 pas dégagée de la luperftition,cette fille de la crainte  
 6c de la terreur,  qui abforbe la  raifon  ,  8c qui prenant  
 la place &  la figure de la religion,l’anéantit elle-  
 même  pour  livrer l’humanité  à la fraude  &   à  l’im-  
 pofture :  l’homme alors en fut cruellement la dupe ;  
 elle  feule préfida à l’éleélion du  dieu  monarque ,  8c  
 ce fut-là la première époque 8c la fource de tous les  
 maux du genre humain. 
 Comme nous avons dit ci-devant que les  premières  
 familles  n’eurent  point  d’autre  roi  que  le  dieu  
 qu’elles  invoquoient,  8c comme c’eft  ce même  ufage  
 qui s’étant  confacré  avec  le  tems *  porta les  nations  
 multipliées.à métamorphoferce culte religieux  
 en  un  gouvernement  politique,  il  importe  ici  de  #  
 faire connoître quels ont été les préjugés que les premières  
 familles joignirent  à  leur  culte ,  parce- que  
 ce  font  ces  mêmes  préjugés qui pervertirent  par  la  
 fuite la religion 8c la police de leur poftérité. 
 Parmi  les  impreffions  qu’avoit  fait  fur  l’homme  
 l’ébranlement  de  la terre 8c  les grands  changemens  
 arrivés  dans la nature ,  il avoit été particulièrement  
 affefté  de  la  crainte  de la  fin  du monde  ;  il  s’étoit  
 imaginé que les jours de la  juftice 8c de la vengeance  
 étoient  arrivés  ;  il  s’étoit  attendu de voir dans  
 peu le juge fuprème  venir demander compte  à  l’univers  
 ,  & prononcer ces redoutables arrêts que les  
 méchans ont toujours craint, 8c qui ont toujours fait  
 l’efpérance & la  confolation des  juftes.  Enfin l’homme  
 , en voyant le monde ébranlé 8c prefque détruit,  
 n’avoit  point douté que le régné  du ciel ne fût très-  
 prochain ,  8c que la vie future que la religion appelle  
 par  excellence  U royaume de Dieu ne fût prêt  à  paroître. 
   Ce  font-là de  ces dogmes  qui  faififlent  l’humanité  
 dans toutes les révolutions de la nature  ,  8c  
 qui  ramènent  au même point l’homme  de  tous  les  
 tems.  Ils  font  fans doute (acres,  réligieux 8c infiniment  
 refpe&ables en  eux-mêmes  ; mais l’hiftoire de  
 certains  fiecles  nous a appris à quels  faux  principes  
 ils  ont  quelquefois  conduit  les hommes  foibles  ,   
 lorfque ces dogmes ne leur  ont été préfeniés qu’à la  
 fuite des terreurs paniques 8c menfongeres. 
 Quoique les malheurs du  monde  ,  dans  les premiers  
 tems,  n’ayent eu que trop de réalité, ils con-  
 duifirent  néanmoins  l’homme  aux  abus des faufîes  
 terreurs,  parce  qu’il y  a toujours autant de différen-  
 A  a a  i j