Juin 1743 le vaifleau efpagnol tant defiré ; alors il
l’attaque avec des forces plus que de moitié inférieures
, mais fcs manoeuvres lavantes lui donnèrent
la viôoire. Il entre vainqueur dans Canton
avec cette riche proie , refufant en même tems de
payer à l’empereur de la Chine des impôts que doivent
tous les navires étrangers ; il prétendoit qu’un
vaifleau de guerre n’en devoir pas : fa conduite ferme
en impofa : Ie<gouverneur de Canton lui donna
une audience , à laquelle il fut conduit à travers
deux haies de foldats au nombre de dix mille. Au
fortir de cette audience, il mit à la voile pour retourner
djjns fa patrie par lqs îles de la Sonde ôc par
le cap de Bonne-Efpérance. Ayant ainfi fait le tour
du monde en victorieux , il aborde en Angleterre
le 4 Juin 1744, après un voyage de trois ans &
demi.
Arrivé dans fa patrie , il fit porter à Londres en
triomphe fur 32 chariots , au l'on des tambours ôc
des trompettes , & aux acclamations de la multitude
, les richefles qu’il avoit conquifes. Ses differentes,
prifes le montoient en or ôc en argent à dix
millions monnoie de France , qui furent le prix du
commodore , de fes officiers, des matelots & des
foldats, fans que le roi entrât en partage du fruit de
leurs fatigues Ôc de leur valeur. Il fit plus, il créa
Georges Anfon pair de la grande Bretagne , ôc dans
la nouvelle guerre contre la France il l’a nommé
chef de l’amirauté. C ’efl dans ce haut polie , ré-
compenfe de fon mérite , qu’il dirige encore les expéditions
, la gloire ôc les fuccès des forces navales
d’Angleterre. (Le Chevalier d e J au c o ur t . )
NAVIGATION, f. f. ( Hydrographie. ) c’eft l’art
ou l’adion de naviguer ou de conduire un navire
d’un lieu dans un autre par le chemin le plus fur,
le plus court Ôtle plus commode. Foye^Na v ir e ,
&c.
Cet a r t , dans le fens le plus étendu qu’on puiffe
donner au mot qui l’exprime , comprend trois parties
; i° . l’art de conftruire,de bâtir les vaifleaux,
voyei Construction ; i° . l’art de les charger ,
voyei Lest & Arrimage ; -3°. l ’art de les conduire
fur la mer, qui eil l’art de la Navigation proprement
dit.
Dans ce dernier fens limité, la Navigation eft commune
ou propre.
La Navigation commune, autrement appelléeNavigation
le long des côtes, efl celle qui fe fait d’un
port dans un autre fitué fur la même côte ou fur une
côte voifine, pourvu que le vaifleau s’éloigne pref-
qu’entierement delà vue des côtes ôc ne trouve plus
de fond. Foye{ Cabotage.
Dans cette navigation il fuffit d’avoir un peu de
connoiffance des terres , du compas , ôc de la ligne
avec laquelle les marins fondent. Foyc{ Compas ,
Sonde, & c.
Navigation propre fe dit quand le voyage efl long
Ôc fe fait en plein Océan.
Dans ces voyages , outre les chofcs qui font né-
ceffaires dans la Navigation commune , il faut encore
des cartes réduites de Mercator , des compas
d’azimuth ôc d’amplitude , un lock , ôc d’autres inf-
trumens néceffaires pour les obfervations aftrono-
miques, comme quart de cercle, quartier anglois. Voyeç
chacun de ces injlrumens en fon lieu , Carte , Q uart
de cercle , &C.
Tout l’art de la Navigation roule fur quatre cho-
fes , dont deux étant connues, les deux autres font
connues aifément par les tables , les échelles Ôc les
cartes.
Ces quatre chofes font la différence en latitude ,
la différence en longitude , la diftance ou le chemin
parcouru , ôc le rhumb de vent fous lequel on j
Court.
Les latitudes fe peuvent aifément déterminer, Ôc
avec une exactitude fuffifante. Voye%_ Latitude.
Le chemin parcouru s’eflime par le moyen du lock.
Foye{ Lock.
Ce qui manque le plus à la perfection de la Navigation
, c’efl de favoir déterminer la longitude. Les
Géomètres fe font appliqués de tous les tems à réfoudre
ce grand problème, mais jufqu’à-préfent leurs
efforts n’ont pas eu beaucoup de fuccès, malgré les
magnifiques récompenfes promifes par divers princes
ôc par divers états à celui qui le réfoudroit.
Si on veut connoître les différentes méthodes
dont on fe fert aujourd’hui en mer pour trouver la
longitude, on les trouvera au mot Longitude.
Chambtrs. ( O )
t Les Poètes attribuent à Neptune l ’invention de
1 art de naviguer ; d’autres l’attribuent à Bacchus ,
d autres à Hercule , d’autres à Jafon, d’autres à Janus
, qu on dit avoir eu le premier un vaifleau. Les
Hiftoriens attribuent cet art aux Eginetes, aux Phéniciens
, aux Tyriens, ôc aux anciens habitans de la
Grande-Bretagne. L ’Ecriture attribue l’origine d'une
fi utile invention à Dieu même , qui en donna le
premier modèle dans l’arche qu’il fit bâtir par Noé.
En effet, ce patriarche paroît dans l’Ecriture avoir
conflruit I arche fur les confeils de Dieu même : les
hommes etoient alo.rs non-feulement ignorans dans
1 arr de naviguer, mais même perfuadés que cet art
etoit impoffible. Foyer Arche.
Cependant les Hifloriens nous repréfentent les
Phéniciens , Ôc particulièrement les habitans de T y r ,
comme les premiers navigateurs ; ils furent, dit-on,
obliges d’avoir recours au commerce avec les étrangers,
parce qu’ils -ne poffédoient le long des côtes
qu’un terrein flériie Ôc de peu d’étendue ; de plus ,
ils y furent engagés, parce qu’ils avoient deux ou
trois excellens ports ÿ enfin ils y furent pouffes par
leur genie , qui étoit naturellement tourné au commerce.
LemontLiban& d’autres montagnes voifines leur
fourniffoient d excellens bois pour la conftruCtion
des vaifleaux ; en peu de tems ils fe virent maîtres
d une flotte nombreufe,en état defoutenir des voyages
réitérés ; augmentant par ce moyen leur commerce
de joui: en jou r, leur pays devint en peu de
tems extraordinairement riche & peuplé , au point
qu ils furent obligés d’envoyer des colonies en difte-
rens endroits, principalement à Carthage. Cette dernière
ville confervant le goût des Phéniciens pour
le commerce, devient bientôt non-feulement égale,
mais luperieure à Tyr. Elle envoyoit fes flottes par
les colonnes d’Hercule ( aujourd’hui le détroit de
Gibraltar ) le long des côtes occidentales de l’Europe
ôc de l’Afrique ; & même , fi 011 en croit quel*
ques auteurs , j nique dans l’Amérique même , dont
la découverte a fait tant d’honneur à l’Efpagne plit-
fieurs fiecles après.
La ville de T y r , dont les richefles & le pouvoir
immenfe font tant célébrés dans les auteurs facrés
ôc prophanes , ayant été détruite par Alexandre le
Grand, fa navigation ÔC fon commerce furent tranf-
feres par le vainqueur à Alexandrie , ville que ce
prince avoit bâtie , admirablement fituée pour le
commerce maritime, ôc dont Alexandre vouloit faire
la capitale de l’empire de l’Afie qu’il méditoit. C ’efl
ce qui donna naiflance à la navigation des Egyptiens
, rendue fi floriffante par les Ptolemées ; elle
a fait oublier celle deTyr Ôt même celle de Carthage.
Cette derniere ville fut détruite après avoir lona-
teins difputé l’empire avec les Romains.
L’Egypte ayant été réduite en province romaine
après la bataille d’ACHum, fon commerce ôc fa na-
vigaûqn commença à dépendre d’Augufte ; Alexandrie
fut pour lors inferieure à Rome feulement : les
Enfin Alexandrie eut le même fort que T y r &
r-trthaee , elle fut furprife par les Sarrazins , q u i,
m ileréles efforts de l’empereur Heraclius , infef,
raient les côtes du nord de l’Afrique. Les marchands
cmihabitoient cette ville l’ont quitiéepeu-à®eu, &
le commerce d’Alexandrie a commencé à languir ,
quoique cette ville foit encore aujourd’hui la principale
oît les chrétiens font le commerce dans le levant.
. I v il
La chute de l’empire Romain entraîna apres elle
non-feulement la perte des Sciences ôc des arts, mais
encore celle de la Navigation. Les Barbares qui ravagèrent
Rome fe contentèrent de jouir des dé-
nouilles de ceux qui les avoient précédés.
Mais les plus braves ôc les plus fenfés d’entre ces
barbares ne furent pas plutôt établis dans les provinces
qu’ils avoient conquifês ( les uns dans les Gaules
domine les Francs, les autres en Eipagne , comme
les Goths, les autres en Italie, comme les Lombards),
qu’ils comprirent bientôt tous les avantages
de la Navigation ; ils furent y employer habilement
les peuples qu’ils avoient vaincus ; ôc ce fut avec
tant de fuccès, qu’en peu de tems ils furent en état
de leur donner eux - mêmes des leçons , ÔC de leur
faire connoître les nouveaux avantages qui pour-
roient leur en revenir.
C ’eft, par exemple, aux Lombards qu’on attribue
l’établiflement des banques , des teneurs de livres,
des changes , &c. Foyei Banque , Change, &c.
On ignore quel peuple de l’Europe a commencé
le premier à faire le Commerce Ôc la Navigation ,
après l’établiffement de ces nouveaux maîtres. Quelques
uns croient que ce font les Francs, quoique les
Italiens paroiffent avoir des titres plus authentiques,
ÔC foient ordinairement regardés comme les reftau-
rateurs de cet art, auffi-bien que de tous les beaux-
arts qui avoient été bannis de leur pays après la di-
vifion de l’Empire romain.
C ’eft donc aux Italiens ôc particulièrement aux
Vénitiens ôc aux Génois, que l’on doit le rétablif- -
fement de la Navigation ; 8t c’eft en partie à la fi nation
avantageufe de leur pays pour le commence ,
que ces peuples doivent cette gloire.
Dans le fond de la mer Adriatique étoient un
grand nombre d’îles , féparées les unes des autres
par des canaux fort étroits, mais fort à couvert d’in-
îiilte, Ôc prelqu’inacceffibles ; elles n’étoient habitées
que par quelques pêcheurs qui fe foutenoient par le
trafic du poiflon ôc du f e l , qui fe trouve dans quelques
unes de ces îles. C ’eft là que les Vénitiens, qui
habitoienr les côtes d’Italie fur la mer Adriatique ,
fe retirèrent, quand Attila, roi des Goths, ÔC après lui
Alaric , roi des Huns, vinrent ravager l’Italie.
Ces nouveaux inlulaires ne croyant pas qu’ils
duffent établir dans cet endrôit leur réfidence pour
toujours , ne fongerent point à compofer un corps
politique; mais chacune des 72 îles qui compofoient
ce petit archipel, fut long-tems l'on mile à différens
maîtres , ôc fit une république à part. Quand leur
commerce fut devenu afl’ez confulérable pour donner
de la jaloufie à leurs voifins , ils commencèrent
a penfer qu’il leur étoit avantageux de; s’unir en un
meme corps ; cette union , qui commença vers le
vj. fiecle ôc qui ne fut achevée que dans le huitième,
fut l’origine de la grandeur de Venife,
Depuis cette union , leurs marchands commencèrent
à envoyer des flottes dans toutes les parties de
la Mediterranée & fur les côtes d’Egypte, particulièrement
au Caire, bâti par les Sarrazins furie bord
oriental du Nil : là ils trafiquoient leurs marchandi-
fes pour des épices Ôc d’autres productions des
Indes.
Ces peuples continuèrent ainfi à faire fleurir leur
commerce ÔC leur navigation, ÔC à s’aggrandir dans
le continent par des conquêtes , jufqu’à la fameufe
ligue de Cambray en 1508 , dans laquelle pliifieurs
princes jaloux confpirerent leur ruine. Le meilleur
moyen d’y parvenir étoit de ruiner leur commerce
dans les Indes orientales ; les Portugais S’emparèrent
d’une partie , ôc les François du reffe.
Gènes , qui s’étoit appliquée à faire fleurir la Na-
vigation dans le même tems à-peu-près que Venife ,
fut long tems pour elle une dangerenfe rivale, lui
difputa l’empire de là mer , ôc partagea avec elle
le commerce. La jaloufie commença peu-à-peu à
s’en mêler, ôc enfin les deux républiques en vinrent
à une rupture ouverte. Leur guerre dura trois fie-
c les, fans que la fupériorité de l’une des na ions fur
l’autre fût décidée. Enfin fur la fin du jv. fiecle , la
funefte bataille de Chioza mit fin à cette longue
guerre : les Génois qui jufqu’alors avoient prefque
toujours eu l’avantage , le perdirent entièrement
dans cette journée ; & les Vénitiens au contraire ,
dont les affaires étoient prefque totalement délefpé-
rées, les virent relevées au-delà de leursefpérances
dans cette bataille , qui leur affura l’empire de la
mer ôc la fupériorité dans le commerce.
Dans le même tems qu’on retrouvoit au midi de
l’Europe l’art de naviguer, il fe for m oit dans le
nord une fociété de marchands , qui non-feulement
portèrent le Commerce à toute la perfection dont il
étoit fufceptible jufqu’à la découverte des Indes
orientales ôc occicfentales, mais formèrent auffi un
nouveau code de lois pour y établir de certaines réglés
; code dont on fait ufage encore aujourd’hui
fous le nom d’«s & coutumes, de la mer.
Cette fociété eft la fameufe ligue des villes anféa-
tiques , qu’on croit communément avoir commencé
à fe former vers l’an 1164. Foye^ Anséatiques.
Si on examine pourquoi le commerce a paflé des
Vénitiens , des Génois ôc des villes anféatiques aux
Portugais ôc aux Efpagnols, ôc de ceux-ci aux Anglois
ôc aux Hollandois, on peut établir pour maxime
générale que les rapports ou , s’il eft permis de
parler ainfi , l’union de la Navigation avec le Commerce
eft fi intime , que la ruine de l’un entraîne
néceffairement celle de l’autre , ÔC qu ainfi ces deux
chofes doivent fleurir ou décheoir enfemble. Foyeç
Commerce , Compagnie , &c.
Delà font venues tant de lois ôc de ftatuts , pour
établir des réglés dans le commerce d’Angleterre, ôc
principalement ce fameux aCte de Navigation, qu un
auteur célébré appelle le palladium ou le dieu tutélaire
du commerce de l’Angleterre ; aCte qui contient
les réglés que les Anglois doivent obierver entr’eux
ôc avec les nations étrangères chez qui ils trafiquent.
Chambtrs. ( G ) .
Navigation fe dit en particulier de 1 art de naviguer
ou de déterminer tous les mouvemens d un
vaifleau par le moyen des cartes marines.
Il y a trois efpec'es de Navigation ; la navigation
plane , celle de Mercator , ôc la circulaire.
Dans la navigation plane on fe fert des rhumbs
tracés fur une carte plate. Voye{ Carte & Rhumb.
Ces cartes planes ont été miles en ufage dans ces
derniers tems pour la première fois , par le prince
Henri, fils de Jean, roi de Portugal, qui vivoit à la
fin du xv. fiecle, ôc auquel l’Europe eft redevable
des. découvertes des Portugais , ôc de celles qui les
ont fuivies. Nous difons que dans ces derniers tems ce
prince eft le premier qui ait fait ufage de ces cartes ;
car il paroît par ce que dit Ptolomée dans fa géographie
, qu’autrefois Marin de T y r en avoir fait de pareilles
, ôc Ptolomée en indique le défaut.
Dans la navigation de Mercator, on fe fert de
rhumbs tracés fur les cartes de Mercator, qu’on ap