de cette efpece, celles qui font les plus utiles, font
celles qu’on fait fur des maladies épidémiques, dans
le/quelles, malgré quelque variété accidentelle , on
voit toujours un caraâere général ; on obferve le
génie épidémique , même marche dans les fympto-
mes, même fuccès des remedes, même terminai-
fon , &c. Mais il faut fur-tout dans ces obfervations,
bannir toute conjecture , tout raifonnement, tout
fait étranger ; il n’eft pas même néeefl'airede rapprocher
les faits, de faire voir leur liaifon; il fuffit, après
avoir expofé la conftitution du tems, les faifons,
les caufes générales, de donner une lifte & une
notice des maladies qui ont régné, & d’entrer après
cela dans le détail. Voyt{ les épidémies d’Hippocrate
, de Baillou, de Sydenham. Les recherches des
caufes prochaines ne doivent jamais entrer dans les
obfervations. Celfe voudroit qu’on les bannît de
l’art ; il ne devroit pas permettre qu’on les laiffât
dans l’efprit des médecins : caujis, dit-il, nonab ar-
tificis mente , Jed ab arte rejeclis. Elles font toujours
obfcures, incertaines, & plus ou moins fyftémati-
ques. Si un auteur a fait fur fes obfervations quelques
remarques qu’il juge utiles, il peut en faire part à la
fin & en peu de mots ; ces petits corollaires, fans
jetter de la confufion dans le cours d’une obfervationt
font quelquefois naître des vues avantageuses. Quoique
les obfervations dénuées de railonnement &
d’application, paroiffent ftériles, fans fel 3c fans
ufage, elles font, Suivant l’expreflion de Baglivi,
comme les lettres de l’alphabet qui,, prifes féparé-
ment, font inutiles, & qui dès qu’elles font rafl'em-
blées & diverfement rapprochées, forment le vrai
langage de la nature. Un avantage bien précieux
qu’on peut Sc qu’on doit tirer des obfervations recueillies
en grande quantité, c’eft d’en extraire tout
ce qu’on voit d’exadement femblable , de noter les
particularités qui ont eu les mêmes lignes, les excrétions
qui ont eu les mêmes avant-coureurs : on
peut former par ce moyen un code extrêmement in-
iéreffant, de fentences ou d’aphorifmes vérifiés par
line obfervation confiante. C ’eft en fuivant ce plan
qu’Hippocrate a formé, par un travail immenfe 3c
avec une fagaçité infinie, tous ces ouvrages apho-
riftiques qui font la bafe de la féméiotique, 3c qui
font tant d’honneur au médecin qui en fait profiter:
c’eft en marchant fur fes traces qu’on peut procurer
à l’art des richelfes inaltérables 3c des. fondemens
affurés. Hippocrate après avoir vu mourir plufieurs
phrénétiques qui avoient eu des urines pâles, limpides,
&c. il fit cet aphorifme : quibus phreneticis urina
alba , limpida, malay L. IV. aphor. Ixxij. L ’obfervation
de plufieurs fievres, qui ont été bientôt terminées
lorfqu’il eft furvenu des convulfions, 3c qu’elles
ont ceffé le riiême jour , lui a fait dire : convulfio
in fibre orta, & eâdem die dejinens, bona ejl, coac.
proe. not. I. I . ch. iij. n°. S i . 3c ainfi des autres, par
où l’on voit que chaque aphorifme, chaque prédiction
eft le réfulrat de plufieurs obfervations. Quelle
quantité n’a-t-il. pas été obligé d’en raflembler !
Quand on lit fes ouvrages, 3c qu’on voit le génie & la
travail qu’ils exigent, on a de la peine à croire qu’un
feul homme y ait pu fuffire.
La table que M. Cliffon a propofée, peut fervir
de modèle à ceux qui s’appliquent à Yobfervation.
Une fociété illuftre qui travaille avec fruit aux progrès
de notre art l’a adoptée ; elle renferme fix colonnes.
Il met dans la première le fexe, l’âge, le
tempérament, les occupations 3c le genre de vie du
malade ; dans la fécondé, les jours de la maladie ;
dans la troifieme, les fymptomes ; dans la quatrième
, les jours du mois ; dans la cinquième, les remedes
admjniftrés ; 3c dans la fixieme, la terminaifon
de la maladie. Il y auroit bien des remarques à faire
fur la maniéré dont il faut remplir chaque colonne ;
mais chaque obfervateur doit confulter Ià-deffus fes
propres lumières , 3c ce que nous avons dit dans le
courant de cet article, que plus d’une raifon nous
force d’abréger : je remarquerai feulement qu’il me
paroît qu’on devroit ajouter à la tête une colonne
qui renfermât les obfervations météorologiques, l’état
de l’air 3c du ciel pendant que cette maladie a
eu fon cours , 3c avant qu’elle fe décidât : cette attention
eft fur-tout néceflfaire lorfqu’on décrit les
maladies épidémiques. La l'econde colonne dans la
façon de v iv re , comprendroit les caufes éloignées ,
ou un détail des erreurs commifes dans les fix chofes
non-naturelles, s’il y en a eu. Enfin on pourroit y
joindre une derniere colonne qui contînt les obfervations
cadavériques ; quoique nous ayons dit que ces
obfervations n’avoientpas jettéjufqu’ici beaucoup de
lumières furlediagnoftic des maladies, je n’ai point
prétendu décider une abfolue inutilité ; j’ai encore
moins penfé qu’on ne pourroit jamais perfectionner
ce genre d'obfervations , & le rendre plus utile : je
ferois bien volontiers de l’avis de ceux qui regardent
comme très-avantageufe une loi qui ordonne-
roit que les cadavres ne fufl’ent remis entre les mains
des prêtres, qu’au fortir de celles des Anatomiftes ; la
connoiflance des maladies ne feroit même pas le feul
bien qui en refulteroit. L es obfervations feroient infiniment
plus utiles fi chaque médecin s’appliquoit à
fuivre avec candeur ,1e plan que nous venons d ’ex-
pol’e r , ou tel autre femblable ; le leéteur fe mettroit
d’un coup d’oeil au fait des maladies. Et qu’on ne dife
pas qu’il n’y a plus rien de nouveau à obfervery 3c que .
les fujets à’obfervations font épuifés ; car i°. il y a
des maladies qui ne font pas encore affez bien connues,
telles que les maladies de la peau, du nez,
des y e u x , de la bouche , des oreilles, de l’eftomac ,
du foie, des nerfs, &c. la goutte, la migraine, beaucoup
de fievres, &c. Des obfervations bien fuivies
fur ces maladies feroient neuves, curieufes 3c importantes.
Il nous manque encore des diftinCtions
bien conftatées des maladies nerveufes d’avec les
humorales, des maladies incurables d’avec celles où
l’art n’eft pas abfolument inutile ; nous aurions aufli
befoin des lignes aflurés, qui nous fiffent connoître
ces maladies dès le commencement. Nous ne fotn-
mes que très-peu éclairés fur la valeur des lignes
qu’on tire des urines 3c des felles, & ce n’eft que depuis
peu de tems que de nouvelles obfervations ont
perfectionné ceux que le pouls fournit ; elles méritent
3c ont encore befoin d’être confirmées : nous ne
finirions pas fi nous voulions fuivre tous les fujets
nouveaux d’obfervations. Baglivi en indique quelques
uns, voyc%_ les ouvrages excellens que nous
avons de lu i, Praxeos medic. I. I I . ch. vij. Mais en
fécond lieu, quand les obfervations qu’on feroit ne
ferviroient qu’à vérifier celles qui font déjà faites, à
leur donner plus de force, de poids 3c de célébrité ,
ne feroit-ce pas un grand avantage, 3c j’ofe même
dire plus grand que celui qu’on procureroit par des
découvertes qui,quelqu’intéreffantes qu’elles foienr,
ont toujours des contradicteurs dans les commence-
mens, 3c enfuite , qui pis e ft , des enthoufiaftes outrés
? Quoique nous n’ayons pas beaucoup de médecins
qui méritent le titre glorieux d'obfervateur , il
y a cependant une affez grande quantité d ’obfervations.
Plufieurs médecins ont pris la peine d’en former
des recueils, & nous leur avons obligation de
nous avoir confervé 3c raffemblé des faits quelquefois
intéreffans, qui fans cette précaution, fe feroient
perdus, ou feroient reftés épars çà 3c là , &
par conféquent ignorés. La plupart des auteurs de
ces recueils fe font principalement attachés aux obfervations
des faits merveilleux, qui nous montrent
plutôt les écarts peu fréquens de la nature, que fa
marche uniforme, 3c qui par-là font bien moins utileà
• d’autres pour raflembler un plus grand nombre
de faits les ont tronqués, & ont prétendu nous
donner des obfervations en deux ou trois lignes; quelques
uns pour les plier à leurs opinions, font allés
jufqu’à les défigurer. Les principaux auteurs qui
nous ont tranfmis des collections générales, font
Schenkius , Tulpius , Benivenius, Zacutus 3c Amatus
Lujitanius , Forejius , Riviere , Manget, Sthalpart
Van-der wiel, Hoffman, Bonet, Chefneatt, Albert qui
a fait une efpece de lexicon d’obfervations, Cherli auteur
italien. On trouve beaucoup d’obfervations fem-
blables dans les mémoires des differentes académies,
dans les acta natur. curiofor. les effais & obfervations
de médecine de la fociété d’Edimbourg*; dans les mif-
cellanea di medicina, che contient differtafioni lettert,
éoffervafioni di alcurii celebri profoffori, &c. dans les
medical obfervations and inquirits , by à fociety o f phy-
ficians in London; dans les ouvrage^ de Freind ; dans
les tranj.allions philofophiques 3c leurs differens extraits
& abrégés. Nous avons enfuite des obfirva-
tions fur des maladies particulières. Hippocrate en
a donné fur les maladies épidémiques, de même que
Sydenham , Huxham , Baillou, Rama^ini, Cleghorn
on the epidemical difcafes in minorca frOm the year
#y44, to 174g- Bianchi, fur les maladies du foie ;
Morton , fur la phthyfie ; Senac, fur les maladies du
coeur, dans l’immortel traité qu’il a fait fur cette
mafiere ; &c. On travaille à préfent à un recueil
d’obfervations de médecine, fous forme de journal.-
Le projet en étoit beau, louable ; il étoit dirigé par
un célébré médecin, tout fembloit devoir promettre
une heureufe exécution, mais l’événement n’y a
pas répondu. Nous lommes bien éloignés d ’en attribuer
la faute à l’auteur ; nous favons que la jaloufie
peut faire échouer les deffeins les plus utiles & les
mieux concertés. La plûpart des obfervations font
très-mal faites, remplies de raifonnemens à perte de
vue de théorie , de conjeftures, & ces défauts ne
font pas pour le journalifte un motif d’exclufion ; elles
font inférées fans choix, 3c l’on y reçoit également
l’obfervation d’un chirurgien, qui dit avoir guéri
une maladie interne, que celle d’un apoticaire qui
raconteroit une amputation qu’il auroit faite. Quoique
ce défaut n’en foit pas un rigoureufement, on ne
peut cependant s’empêcher d ’être furpris qu’un chirurgien
fe vante d’avoir exercé une profeflion qu’il
n’entend pas, 3c dont l’exercice lui eft défendu par
les lois 3c les arrêts les plus formels ; 3c qu’un médecin
publie bonnement ce fait, quoiqu’il ne foit nira- >
re rfi curieux,ni en aucune maniéré intéreffant, &
qu’il n’ait d’extraordinaire que la qualité de l’auteur.
O b s e r v a t i o n s m é t é o r o l o g i q u e s . L’état de
l ’air les differens changemens qui arrivent dans l’at-
mofphere, les météores , la température 3c la conf-
titution des faifons, font en général le fujet de ces
obfervations. Le phyficien y trouve un objet intéref-
fant de curiofité , de recherches 3c d’inftruâion, &
elles font ou peuvent être pour le médecin attentif
une fource féconde de lumière dans la connoiflance
& même la curation de bien des maladies, & fur-
tout des épidémiques. Ce n’eft point notre but ni
notre deffein de faire voir combien la Phyfique doit
à ces obfervations , de combien de faits précieux 3c
fatisfaifans elle s’eft enrichie par-là ; plufieurs physiciens
ont écrit fur cette matière. On trouve d’ex-
cellens mémoires là-deffus dans la colleâion de ceux
de l’académie royale des Sciences. Voye[ d’ailleurs
dans ce Diftionnaire les articles R i b . , ATMOSPHERE,
A u r o r e b o r é a l e , C h a l e u r , Fr o i d , M é t é o r e ,
P l u i e » T o n n e r r e , V e n t , &c. Phyfique.
Quant à leur utilité en Medecine , il fera facile
de s’en appercevoir, fi l’on fait attention que nous
vivons dans l’a ir , que ce fluide pénétré par bien des
endroits toutes les parties du corps ; qu’il eft un prin-
T om e X I %
cipe de vie 3c de famé lorfqu’il eft bien Côhftiruc »
3c qu’il doit en conléquence devenir néceffairement
un principe de maladie lorfqu’il y a quelque changement
fubit dans fa température , ou qu’il éprouve
une altération confidérable. Combien de maladies
n’obferve-t-on pas tous les jours qui doivent é v idemment
leur'origine à un air vicieux , trop chaud,
trop froid , fec ou pluvieux (vqy«^ Air , C haleur ,
F r o i d , &c. ) , combien qui dépendent d?un vice
inconnu , indéterminé de l’atmofphere? J’ai démontré
par un grand nombre d’obfervations, que l’état particulier
de l’air dans les voifinages de la mer des
étangs , des marais, étoit la principale & prefquo
l’unique caufe des fievres intermittentes, Mémoire
lu à la fociété royale des Sciences année iySg. Les
maladies épidémiques font évidemment dîtes à quelque
vice de l’air. On.ne peut, dit Hippocrate »recourir
qu’à des caufes générales communes à tout le
monde ( & par conféquent qu’à l’air),pour la production
des maladies qui attaquent indifféremment
tous les fexes, tous les âges 3c toutes les conditions,
quoique la façon de vivre foit aufli variée qu’il y a
d’états differens. C ’eft aufli dans ces maladies que
les Médecins lé font particulièrement attachés à ces
obfervations : nous en trouvons le premier exemple
dans Hippocrate, qui, avant d’entrer dans le détail
des maladies qui ont régné pendant la conftitution
qu’il va décrire , donne une idée exaCte, fouvent
très-étendue , de l’état de l’air , des faifons , des
vents, des pluies, des chaleurs ou des froids qui ont
régné. Il a été fuivi en cela par Sydenham 3c les autres
auteurs qui ont écrit des maladies épidémiques.
Il eft très-important de remarquer la température
.des faifons : on ne fauroit croire jufqu’à quel point
elles influent fur les maladies , fur leur genie 3c fur
leur curation. Les maladies qui viendront à la fuite
d’un été'très-chaud , demanderont fouvent une autre
méthode curative que ces mêmes maladies précédées
d’un été tempéré ou pluvieux. J’ai fait principalement
cette obfervation fur les diarrhées 3c les
dyffenteries , qui font pour l’ordinaire affez fréquentes
fur la fin de l’été. Lorfque les chaleurs avoient
été douces, modérées par les pluies, & les fruits d’été
en conféquence peu mûrs, aqueux ou glaireux ,
l’hyjîécacuana donné dans les dyffenteries les difîi-
poit avec une extrême promptitude , 3c comme par
enchantement ; lorlqu’au contraire l’été a voit été fec
3c brûlant, 3c les fruits mûrs , vifs 3c fpiritHeux ,
tous les dyffenteriques auxquels on ordonnoit in-
confidérément l’hypécacuana, mouraient en peu de
tems, viélimes de cette aveugle & dangereufe routine.
Les rafraîchiffemens mucilagineux , anti-phlo-
giftiques étoient beaucoup plus efficaces. Voye{ S a i s
o n s . Hippocrate ne fe contente pas de décrire les
maladies propres à chaque faifon, il a pouffé fesoÆ-
feryations affez loin pour pouvoir déterminer les ac-
cidens qui font à craindre lorfque deux ou trois faifons
ont été de telle ou telle température. Deftitué
des inftrumens de phyfique imaginés 3c exécutés depuis
peu, qui font extrêmement propres à mêfurer
les différentes altérations de l’atmofphere, il n’y em-
ployoit que l’ufâge de fes fens, & il les appîiquoit
bien fans fe perdre dans les queftions inutiles à la
Médecine , fa voir fi l’afcenfion du mercure dans le
baromètre eft dûe à la gravité ou à l’élafticité de
l’a ir , fi elle préfage de la pluie ou du vent ; il fe con-
tentoit tfobferver ces effets & de les décrire. Cependant
on ne fauroit difeonvenir qu’avec l’aide de ces
inftrumens, ces obfervations ne foient devenues plus
faciles & moins équivoques : nous connoiffons même
plus fûrement avec le thermomètre les differens
degrés de chaleur ; l’hygrometre fert à marquer l ’humidité
de l’air ; le baromètre eft une mefure qui me
paroît affez fufpe&e 3c très-peu néceffaire , car la