86 NE I
par ceux qui travaillèrent avec lui à la clôture du
canon. Cette addition ou interpolation eft palpable ;
car elle interrompt le fens 6c la liaifon entre ce qui
précédé & ce qui fuit ; aufli les meilleurs critiques ie
reconnoiffent. Voyt{ Vofli.us, in ckrcnic. facrd , cap.
x . 6c la chronique angloij'e de Cary , IP part. lib. I l ,
cap. vj. ( D . J . ) ,
NEIÉ, ( Marine. ) voyez NOIE.
NEIGE, f. f. ( Phyjîque. ) eau congelée , qui dans
certaines conftitutions de l’atmofphère, tombe des
nuées fur la terre fous la forme d’une multitude de
flocons féparés les uns des autres pendant leur chute,
& qui font tous d’une extrême blancheur. Un flocon
de neige n’eft qu’un amas de très-petits glaçons pour
la plupart de figure oblongue, de filamens d’eau
congelée, rameux , aflfemblés en différentes manières
°& formant quelquefois autour d’un centre des
efpeces d’étoiles à fix pointes. Voye^ Glace & C ongélation.
Defcartes & d’autres philofophes modernes en
aflez grand nombre, qui n’ont guère penfé que d’après
lui, ont cru que les nuées étoient compolées de
particules de neige 6c déglacé. Il devoit donc, lelon
eux , tomber de la neige toutes les fois que les parcelles
condenfées d’une nuë fe précipitoient vers la
terre 6c arrivoient à fa fuperficie , avant que d’être
entièrement fondues. On eft aujourd’hui détrompé
de cette fauffe opinion. Les nuées font des brouil-
lardsélevés dans l’atmofphère, c ’eft-à dire, des amas
de vapeurs 6c d’exhalaifons alfez groffieres pour
troubler la tranfparence de l ’a ir , où elles font iut-
pendues à diverfes hauteurs plus ou moins confidé-
rables. Nous parlerons dans un autre article deè principales
caufes q u i, forçant les vapeurs aqueufes de
fe réunir, les convertiffent en petites gouttes de
pluie. Ces gouttes venant à tomber, il arrive fouvent
que la froideur de l’air qu’elles traverfent eft aflez
confidérable pour les geler : elles fe changent alors
en autant de petits glaçons. D’autres gouttes qui les
fuivent fe joignant à elles, fe gelent aufli ; 6c de
cette maniéré, il fe forme une multitude de flocons,
qui ne peuvent être que fort rares 6c fort légers ; l’union
des petits glaçons qui les compofent, étant toujours
très-imparfaite. Voye^ Pluie.
On voit qu’il eft abfolument néceflaire pour la
formation de la neige, que la congélation failifle les
particules d’eau répandues dans l’air, avant qu’elles
fe foient réunies en groffes gouttes. Si les gouttes de
pluie, lorfqu’elles perdent leur liquidité, font déjà
d’une certaine groffeur : fi elles ont, par exemple,
deux ou trois lignes de diamètre, elles fe changent
en grêle 6c non en neige : nous l’avons remarqué ailleurs.
La grêle , dont le tiffu eft néceffairement
compare & ferré, eft parfaitement femblable à la
glace ordinaire. La neige au contraire eft de même
nature que la gelée blanche : rien ne diftingue effen-
tiellement ces deux fortes de congélations : l’une fe
forme dans l’air ; l’autre fur. la furface des corps ter-
reftres : voilà leur principale différence. Foye^ Grêle,
Gelée blanche, & Givre.
La figure des flocons de neige eft fufceptible d’un
grand nombre de variétés ; elle eft régulière ou irrégulière.
Ces flocons ne font quelquefois que comme
de petites aiguilles. Quelquefois ce lont de petites
étoiles héxagonales, qui finjffent en pointes fort
aiguës, 6c qui forment enfèmblè des angles de 60
degrés, après que trois aiguilles font tombées les
unes fur les autres, & fe font‘ Congelées. Il arrive
aufli que le milieu du corps de l’étoile eft plus épais,
6c fie termine en pointes aiguës. Quelques-unes de
çes étoiles ont un globule à leur centre ou aux extrémités
de leurs rayons, ou en même tems au centre
6c à l’extrémité des rayons. D ’autres ont à leur
centre une autre étoile pleine ou vuide. M. Mufl-
N E I
chenbrock a vu tomber des flocons fous la forme
de fleurs à fix pétales. Dans une autre occafion il
a obfervé des étoiles hexagonales, compofées de
rayons fort minces, d’où partoient un grand nombre
de petites branches ; de forte qu’ils imitoient aflez
bien les branches d’un arbre. Deux autres fortes d’étoiles
que M. Caflini obferva dans la neige en 1692,
ne different de celles de M. Muflchenbroek , qu’en
ce qu’au lieu de Amples branches, qui fe fourchent
en plufieurs autres, ce font comme des rameaux
garnis de leurs feuilles. Erafme Bartholin aflure qu’il
a vu dans la neige des étoiles pentagonales , Scmêmé
il ajoute que quelques-uns en ont Vu d’o&angulaires;
Foyci nos Planches de Phyjîque.
Cette neige régulière ne tombe pas fouvent ; les
flocons font ordinairement de figure irrégulière , 8t
de grandeur inégale. Ce qui eft bien digne de remarque
, c’eft que les différentes efpeces de flocons
réguliers, dont on vient de parler, ne font prefque
jamais confondues dans la même neige ; il n’en tombe
que d’une efipece à-la-fois, foit en différens jours;
loit à différentes heures d’un même jour:
Dans toutes les figures de flocons de neige qui ont
ete décrites, on apperçoit malgré la diverfité qui y
régné, quelque chofe d’afléz confiant, de longs filamens
d’eau glacée, quelquefois entièrement féparés
les uns des autres, mais d’ordinaire affemblés fous
diftërens angles, principalement fous des angles de
60 degrés. C ’efl ce qu’on remarque dans toutes les
autres congélations ; 6c ce qui paroît dépendre dé
la figure, quelle qu’elle foit, des parties intégrantes
de l'eau , & dé la maniéré dont la force de cohéfiort
agit fur ces particules pour leur faire prendre mn certain
arrangement déterminé. La congélation a beaucoup
de rapport avec la cryftallifation. Or les fels
n’affe£lent-i)s pas de même dans leurs cryftallila-
tions différentes figures ? Enfin le degré du froid »
fa lenteur ou fon accroiflement rapide, la direâion
6c la violence du vent, le lieu de l ’atmofphère où
fe forme [a. neigé, la différente nature des exhalai»
fons qui fe mêlent avec les molécules d’eau converties
en petits glaçons, tout cela peut contribuer à
faire tomber dans un certain tems de la neige régulière
, 6c une efpece de cette neige plutôt qu’une
autre. Nous n’en dirons pas davantage fur les caufes
de la diverfité dont il s’agit. C ’eft aflez d’apperce-
voir la liaifon des phénomènes, 6c de faire envifa»
ger en gros & confufément dans les opérations de la
nature, les agens & le méchanifme qu’elle a pu employer.
La neige eft beaucoup plus rare 6c plus légeré que
la glace ordinaire. Le volume de celle-ci ne furpaffe
que d’un dixième ou d’un neuvième tout-au-plus
celui de l’eau dont elle eft formée ; ’au lieu que la
neige qui vient de tomber a dix ou douze fois plus de
volume que l’eau qu’elle fournit étant fondue. Quelquefois
même cette rareté eft beaucoup plus grande;
car M. Muflchenbroek ayant mefuré à Utrecht de la
neige qui étoit en forme d’étoiles , elle fe trouva
vingt-quatre fois plus rare que l’eau.
L’évaporation de la neige eft très-confidérable :
lorfqu’il n’en eft tombé qu’un ou deux pouces , on
la voit difparoître en moins de deux jours de deflu9
la terre par un vent fec 6c au plus fort de la gelée ;
il eft ailé de comprendre qu’étant compofée d’un
grand nombre de particules de glace aflez défunies ,
elle doit préfenter une infinité de furfaces à la caufe
de l’évaporation.
D ’un autre cô té, elle ne fauroit faire le même effort
que la glace pour fe dilater ; elle ne rompt point
les vaiffeaux qui la contiennent ; elle ccde à la com-
preflion, 6c l’on peut ailément la réduire à un volume
prelque égal à celui de la glace ordinaire. Les pelotes
qu’on en forme en la preffant fortement avec
les mains , font d’une très-grande dureté ; c’efl: que 1
les parties qui les compofent étant plus rapprochées,
& fe touchant par un plus grand nombre de points ,
adhèrent plus fortement entr’elles ; ajoutons que la
chaleur de la main fondant la neige en partie, l’eau
qui fe répand dans tout le compofé en lie mieux les
différentes portions , 6c augmente leur adhéfion mutuelle
: tout cela eft aflez connu.
La neige ne fauroit être fortement comprimée fans
perdre au moins en partie fon opacité & la blancheur
; c’eft qu’elle n’eft blanche ôc opaque que dans
fa totalité. Chacun des petits glaçons qui la compo-
fent, lorfqu’on l’examine de près , eft tranfparent ;
mais les intervalles peu réguliers que lailfent en-
tr’eux ces petits glaçons, donnant lieu à une multitude
de réflexions des rayons de lumière, le tout doit
être opaque & blanc. Ce que nous avons dit à i’<zr-
ticle Gelée blanche , du verre le plus tranfparent,
qui eft blanc lorfqu’on le réduit en poudre , trouve
ici ion application.
Comme la neige réfléchit la lumière avec force, il
n’ eft pas furprenant, lorfque tout en eft couvert,
que ceux qui ont la vue foible n’en puiflent pas fup-
porter l’éclat. Il n’eft même perfonne qui fe promenant
long-tems dans la neige pendant le jour , n’en
devienne comme aveugle. Xenophon rapporte que
l’armée de Cyrus ayant marché quelques jours à travers
des montagnes couvertes de ««‘gz, plufieursfol-
dats furent attaqués d’inflammations aux y e u x , tandis
que d’autres perdirent entièrement la vue. La
blancheur de la neige guide fuflifamment ceux qui
vont de nuit dans les rues, lors même qu’il ne fait pas
clair de lune. O lads magnus nous apprend que dans
les pays feptentrionaux, lorfque la lune luit, 6c que
la neige en réfléchit la lumière, on peut fort bien voir
6c voyager fans peine , & même découvrir de loin
les ours 6c les autres animaux féroces.
La froideur de la neige n’a rien de particulier ;
c’eft fans fondement que quelqùes auteurs l’ont crue
inférieure à celle de la glace. Toutes les obferva-
tions & Jes expériences prouvent le contraire. La
neige 6c la glace font également froides , foit dans
l ’inftant de leur formation , foit après qu’elles font
formées , tontes les autres circonftances étant d’ailleurs
les mêmes.
Quant au goût de la neige, il n’offre non plus rien
de remarquable. Celle qui tombe aûuellement n’a
aucune faveur ; il eft vrai que long-tems après ,
lorfqu’elle a féjourné fur la terre , & qu’elle s’y eft
taffèe, elle y contratte quelque chofe de mordicant
qui fe fait fentir fur la langue. O11 peut croire que
lelon les climats 6c les circonftances du tems 6c du
fo l, la neige a quelquefois des qualités que l’eau commune
n’a pas. On prétend par exemple que les ha-
bitans des Alpes 6c des environs ne font fiujets aux
goëtres , que parce qu’ils boivent en hiver de l’eau
de neige fondue. Cependant la plupart des habitans
de la Norvège, qui, comme les premiers , n’en ont
pas d’autre pendant l’hiver , font exempts de cette
incommodité.
Des efiais chimiques faits avec foin donneroient
fans doute bien des lumières fur la nature desexha-
laifons terreftres & des corps hétérogènes dont la
neige peut être chargée. M. Margraff a trouvé un
peu de nitre dans la pluie 6c dans la neige qui tombent
à Berlin.
La quantité de neige qui tombe dans certains pays,
mérite d’être remarquée. M. Léopold rapporte dans
fon voyage de Suede, qu’en 1707 il neigea en une
feule nuit dans la partie montueulè de Smalande,de
la hauteur de trois piés. On obferva en 1719 , fur
les frontières de Suede & de Norvège, près clu village
de Villaras , qu’il y tomba fubitement une fi af-
freufe quantité de neige, que quarante maifons en
furent couvertes , & que tous ceux qui étoient dedans
en furent étouffés. M. "Wolfnous apprend qu’on
a vu arriver la même chofe en Siléfie 6c en Bohème.
M. de Maupertuis nous parle de certaines tempêtes
de n e ig e qui s’élèvent tout-à-coup en Laponie. « Il
» femble alors, dit-il, que lèvent fouffle de tous les
» côtes à la fois , & il lance la ne ig e avec une telle
» impétuofité , qu’en un moment tous les chemins
» font perdus. Celui qui eft pris d’un tel orage à la
» campagne , voudroit en vain fe retrouver par la
» connoiffance des lieux ou des marques faites aux
» arbres ; il eft aveuglé par la n e ig e , 6 c s’y abyfme
» s’il fait un pas »,
La n e ig e n’étant que de l’eau congelée ne peut fe
former que dans un air refroidi au degré de la congélation
ou au-delà : fi en tombant elle traverfe un
air chaud , elle fera fondue avant que d’arriver fur
la terre ; c’eft la raifon pour laquelle on ne voit point
de n e ig e dans la zone torride , ni en été dans nos climats,
fi ce n’eft fur les hautes montagnes. A Montpellier,
où j’écris, je n’ai jamais vu neiger lorfque
le thermomètre a marqué plus de 5 degrés au-deffus
du terme de la glace.
La n e ig e fur venant après quelques jours de forte
gelée, on obferve que le froid, quoique toujours
voifin de la congélation , diminue fenfiblement ;
c’eft que d’une part le tems doit être couvert pour
qu’ il neige, 6 c que de l’autre les vents de fud, d’oueft,
&c. qui couvrent le ciel de nuages , diminuent prefque
toujours la violence du froid , & fouvent amènent
le dégel.
C ’eft ce qui arrive pour l’ordinaire ; car tout le
monde fait qu’il neige aufli quelquefois par un froid
très-vif & très piquant , qui augmente lorfque la
n e ig e a celle de tomber. M. Muflchenbroek a obfervé
que la n e ig e qui tomboir en forme d’aiguilles étoit
toujours lui vie d’un froid confidérable : celle qui
tombe par un tems doux , & qui eft mêlée avec la
pluie , a des gros flocons ; ce qui eft aifé à comprendre
, plufieurs flocons fe fondant alors en partie, &
s’unifiant entr’eux. E J fa i s d e P h y j îq u e .
En Provence 6c dans tout le bas-Languedoc, le
vent de nord-eft, qu’on y appelle communément le
v e n t g r e c , eft celui qui amené le plu s fo u v e ntl a/2 e ig e ;
c’êft qu’il y eft froid & humide , 6 c très-fouvent plu*
vieux, par les raifons que nous expoferons ailleurs.
Voye{ Pluie.
Comme la n e ig e tombe pour l’ordinaire en hiver,
6c toujours par un tems alfez froid : il n’eft pas fur-
prenant que plufieurs phyficiens ayent cru qu’elle
n’étoit jamais accompagnée de tonnerre ; ils fe trôm-
poient certainement. Le 1 Janvier 1715 , il éclaira
6c il tonna à Montpellier dans le tems même qu’il
neigeoit. Il faut pourtant avouer que cela n’arrive
que très-rarement. Dans le dernier fiecle , il y eut
à Senlis , à Châlons 6c dans les villes voilines, un
orage des plus violens , au milieu de l’hiver : la foudre
tomba en plufieurs endroits & fit d’effroyables
ravages, pendant une n e ig e fort groffe 6 c fort épaif-
fe. Le P. leBbffu , dans fon t r a it é d u P o èm e é p iq u e ,
oppofecefait remarquable à la critique de S caliger,
qui a repris Homere d’avoir repréfenté les éclairs fe
fuivant fans relâche 6 c traverfant les c ieu x, pendant
que le maître du tonnere fe prépare à couvrir la terre
de grêle ou de monceaux de n e ig e . Madame Dacier,
après avoir rapporté ce fait, d’après le P. le Boffu ,
ne manque pas de dire qu’Hofnere avoit fans doute
vû la même chofe, & que les connoiflances philofo-
phiques de ce pere des poëtes étoient fupérieures à
celles do Scaliger. Illiad. l i v , X . N o t e s Madame
Dacier f u r ce liv r e .
Si la n e ig é , comme on n’en fauroit douter , dépend
dans fa formation de la conftitution prélente dé
l’atmofphere, il n’eft pas moins certain qu’étant tom