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17*. Pourquoi entend - on mieux la bouche ouverte
& en retenant fon haleine , fecret que la nature
a dévoilé à tout le monde ? Parce que d’un côté
l ’air communique fes vibrations à 1 organe auditif
par la trompe d’Euftache , 6c que de 1 autre cote,
en retenant notre h aleine, nous empêchons qu’un
torrent d’air n’entre avec bruit dans la trompe , &
ne pouffe en - dehors la membrane du tympan. ^
Mais la fenfation de Vouie peut être lefee de differentes
maniérés, dans 'Ion augmentation , fa diminution
, fa dépravation, & fa deftrudion» Montrons
en peu de mots comment ces accidehs de l’organe
de Vouie peuvent arriver.
Dans certaines maladies très-aiguës du cerveau,
■ des nerfs, des membranes, l’extreme tenfion de ces
parties fait que le moindre fon affede li vivement le
‘cerveau, qu’il en réfulte quelquefois des mouve-
mens convulfifs. Ce genre de mal fe nomme ouie
■ aiguë. . i ' ,
Quand la perception du fon eft moindre qu elle
feroit dans l’état fain relativement à fa grandeur ,
c’eft ce qu’on nomme ouie dure ; or ce mal procède
de plufieurs caiifes d’une nature fort differente, qu il
eft facile d’expofer par l’énumération des divers
lieux affedés, tels que l’oreille externe , trop plate
ou emportée ; le conduit auditif trop droit, étroit ,
obftrué par une tumeur quelconque, par des infectes
, par des ordures , par du pus , par la matière
cérumineule épaiflie ; la membrane du tympan lelee,
lâch e, devenue épaifle, denfe , calleufe, par 1 adhérence
d’une croûte fongueufe ; la couche interne
remplie d'ichorofiré, de pus, de pituite ; le canal
d ’Eullache empêché ou obftrue ; les offelets détachés
, 6c qui fortent quelquefois par le conduit de
Vouie, quand la petite membrane qui les lie tombe
en (suppuration, comme il arrive après de cruelles
douleurs inflammatoires de l’oreille externe , ou
l’abfence des offelets, par défaut de conformation
; par le defféchement, le relâchement, l’é-
paiffiffement, l ’inondation , la trop grande tenfion,
la corruption, l’érolion , l’endurciffement de la petite
membrane de la fenêtre ronde 6c ovale ; par
différens vices du veftibule, du labyrinthe, du limaçon
, des conduits de l’os pétreux , comme l’inflammation
, l’obftrudion, la paralyfie , 6c les effets
qui peuvent s’enluivre ; enfin , par la mauvaife
ftrudure de ces parties , & tout ce qui gêne la portion
molle du nerf auditif, depuis fon entree dans
l’os pétreux , jufqu’à fon origine dans la moelle du
cerveau, comme l’inflammation , les tumeurs , la
fondion du cerveau léfée, & plufieurs autres maux:
on conçoit de tout ce détail le peu d’efpérance de
guérir les maux dont il s’agit.
Vouie s’altere encore par les vices de l’air externe,
fur-tout par l’air humide & nébuleux, ou parce que
l’air interne ne peut entrer ni fortir librement. Mais
ce qui nuit principalementici, ce font les maladies de
ces artérioles qui rampent fur les petites membranes
difperfées dans tout l’organe de Vouie : de-là on comprend
facilement l’origine des tintemens, des fons
graves, des échos, des murmures.
Enfin, fi tous ces vices augmentent 6c perfiftent
long tems, on devient tout à-fait fourd, & en con-
féquence on ne fait point parler , ou on l oublie. La
caufe de ce mal eft fouvent la concrétion de la trompe
d’Eutache.
Voilà tout ce qui regarde la fenfation de Vouie 8c fa
léfion dans l’homme ; le détail de cet organe dans les
bêtes nous conduiroit trop loin; c’eft affez pour prouver
la différence de remarquer que’ la feule couverture
extérieure de l’organe de Vouie eil différente dans
lesdiverles clafles d’animaux , jugez ce que ce doit
être des parties internes ! Les taupes qui font enterrées
toute leur vie, n’ont point le conduit de l’oreille
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ouvert à l'ordinaire ; car poitr empêcherla terre d'y
entrer, elles l’ont fermé par la peau qui leur couvre
la tête , & qui fe peut ouvrir & fermer en fe dilatant
ou en s’étréciflant. Plufieurs animaux ont ce trou absolument
bouché, comme la tortue, le caméléon,
-6c la plupart des poiffons. 11 y a une efpece de baleine
qui ne l’a pas fermé ; mais elle a cette ouverture
fur les épaules. Prefque tous les animaux à quat
re pies ont ce trou ouvert par des oreilles longues
•& mobiles, qu’ils lèvent & tournent du côté d’où
-vient le bruit. Quelques-uns ont les oreilles plus
^courtes, quoique mobiles , comme les lions, les
tigres, les léopards. D ’autres comme le finge, le
porc-épic, les ont applaties contre la tête-; d’autres
n’ont point du tout d’oreilles ex ternes j comme le
veau marin, & toutes les efpeces de léfards 6c de
-ferpens. D ’autres ont le trou couvert feulement ou
■ de poils , comme l’homme , ou de plumes comme
les oifeaux : enfin , il y en a peu comme routarde*
le cafuel, le poulet-d’Inde, le méléagris ou pintade
, qui l’aient découvert. (Le chevalier d e Ja v -
•COUKT. )
O u ïe s , organes des poissons , qui leur fervent
de poumons. Ce qui le préiènte à l’examen,
.c’eft leur ftrudure, la diftribution de leurs vaifleaux,
6c les ufages de ces parties.
Les recherches dont nous allons rendre compte
.font du célébré M. du Verney, qui en fit part à l’académie
au commencement de ce fiecle. Il les a faites
fur la carpe. La charpente des ouies eft compo-
fée de quatre côtes de chaque côté, qui fe meuvent
tant fur elles-mêmes en s’ouvrant 6c fe refferrant,
qu’à l’égard de leurs deux appuis , fupérieur 6c inférieur
, en s’écartant l’un de l’autre , & en s’en rapprochant.
Le côté convexe de chaque côté eft chargé
fur fes bords de deux efpeces de-feuillets , chacun
defquels eft compofé d’un rang de lames étroites
rangées & ferrées l’une contre l’autre, qui forment
comme autant de barbes ou franges, fembla-
bles à celles d’une plume à écrire, &c. fous ces fran-
aes, qu’on peut appeller proprement le poumon des
poijfons. Voilà une fituation de partie fort extraordinaire
& fortSingulière. La poitrine eft dans la bouche
auflî bien que le poumon : les côtes portent le
poumon , & l'animal refpire l’eau : les extrémités de
ces côtes qui regardent la gorge, font jointes enfem-
ble par plufieurs petits os , qui forment une efpece
de fternum ; enforte néanmoins que les côtes ont
un jeu beaucoup plus libre fur ce fternum, & peuvent
s’écarter l’une de l’autre beaucoup plus facilement
que celles de l’homme , 6c que ce fternum
I peut être foulevé 6c abaiffé. Les autres extrémités
qui regardent la bafe du crâne, font aufli jointes par
quelques offelets qui s’articulent avec cette même
bafe, 6c qui peuvent s’en éloigner ou s’en approcher.
Chaque côté eft compofé de deux pièces jointes par
un cartilage fort fouple , qui eft dans chacune de ces
parties, ce que les charnières font dans les ouvrages
des artifans ; chacune des lames, dont les feuillets
font compofés,a la figure du fer d’une faux, 6c
à fa naiffance elle a comme un pié ou talon qui ne
pofe que par fon extrémité fur le bord de la côte.
Chacun de fes feuillets eft compofé de 135 lames ;
ainfi les feize contiennent 8640 furfaces, 6c les deux:
furfaces de chaque lame font revêtues dans toute
leur étendue d’une membrane très-fine , fur lesquelles
fe font les ramifications prefque innombrables
des vaifleaux capillaires de ces fortes de poumons
: il y a 46 mufcles employés au mouvement
de ces côtes, 8 qui en dilatent l’intervalle, \6
qui les refferrent, 6 qui les élargiffent, le centre de
chaque cô te, 12 qui les retréciflent, & qui en même
tems abaiffent le fternum , & 4 qui le loulevenr.
Les ouies ont une large ouverture fur laquelle eft
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pofé un couvercle compbfé de plufieurs pièces d’af-
femblages, qui a le même ufage que le panneau
d’un foufflet, & chaque couvercle eft formé avec
un tel artifice qu’en s’écartant l ’un de l’autre , ils
fe voûtent en-dehors pour augmenter la capacité de
la bouche , tandis qu’une de leurs pièces qui joué
fur une efpece de genou, tient fermées les ouvertures
des ouies, 6c ne les ouvre que pour donner
paflage à l’eau que l’animal a refpire, ce qui fe fait
dans le tems que le couvercle s’abat & fe f efferre :
il y a deux mufcles qui fervent à foulever le couvercle
, 6c trois qui fervent à l’abattre 6c à lé reflet
rer. On vient de dire que l’aflemblage qui compo-
fe la charpente des couvercles, les rend capables
de fe voûter en-dehors ; il ne refte plus que deux
circonftances à ajouter : la première eft que la partie
de ce couvercle , qui aide à former le défions de
la gorge , eft plié en éventail fur de petites lames
d’o s , pour fervir, en fe déployant, à la dilatation
de la gorge dans l’infpiration de l’eau : la fécondé,
que chaque couvercle eft revêtu par-dehors & par-
dedans d’une peau qui lui eft fort adhérente. Ces
deux peaux s’unifiant enfemble , fe prolongent au-
delà de la circonférence du couvercle d’environ
deux à trois lignes, 6c vont toujours en diminuant
d’épaifleur. Ce prolongement eft beaucoup plus ample
vers la gorge que vers le haut de la tête. Il eft
extremément fouple pour s’appliquer plus exactement
à l’ouverture fur laquelle il porte, & pour la
tenir fermée au premier moment de la dilatation de
la bouche pour la refpiration.
L’artere qui fort du coeur fe dilate de telle maniéré,
qu’elle en couvre tonte la bafe. Enfuite fe
rétréciflant peu-à-peu,elle forme une efpece de cône;
à l’endroit où elle eft ainfi dilatée, elle eft garnie
en-dedans de plufieurs colomnes charnues qu’on
peut confidérer comme autant de mufcles qui font
de cet endroit de l’aorte un fécond coeur , ou du
moins comme un fécond ventricule , lequel joignant
fa compreflion à celle du coeur, double la force né-
cefîaire à la diftribution du fang pour la circulation i
Cette artere montant par l’intervalle que les ouies
laiflent entr’elles , jettent vis-à-vis de chaque paire
de côtes de chaque côté une groflè branche qui eft
couchée dans la gouttière creufée fur la furface extérieure
de chaque cô te , & qui s’étend le long de
cette gouttière d’une extrémité à l’autre du feuillet :
voilà tout le cours de l’aorte dans ce genre d’animaux
; l’aorte , qui dans les autres animaux porté
le fang du centre à la circonférence de tout le corps,
ne parcourt de chemin dans ceux-ci que depuis
le coeur jufqu’à l’extrémité des ouies , où elle finit.
Cette branche fournit autant de rameaux qu’il y a
de lames fur l’un 6c fur l’autre bord de la côte ; la
groffe branche fe termine à l’extrémité de la c ô te ,
& les rameaux finiflent à. l’extrémité des lames, auxquelles
chacun d’eux fe diftribue. Pour peu que l’on
foit inftruit de la circulation & des vaifleaux qui y
fervent, on fera en peine de fa voir par quels autres
vaifleaux on a trouvé un expédient pour animer 6c
nourrir tout le corps, depuis le bout d’en-bas dès
ouies jufqu’à l’extrémité de la queue : cet expédient
paroîtra clairement, dès qu’on aura conduit le fang
jufqu’à l’extrémité des ouies. Chaque rameau d’arte-
res monte le long du bord intérieur de chaque lames
des deux feuillets pofée fur chaque!côte;c’eft-àdire,
le long des deux tranchans des lames qui le regardent.
Ces deux rameaux s’abouchent au milieu de
leur longueur ; 6c continuant leur route, parviennent
à la pointe de chaque lame. Là chaque rameau
de i’extrémité de l’artere trouve l’embouchure
d’une veine ; 6c ces deux embouchures , appliquées
l’une à l’autre immédiatement, ne faifant
qu’un même canal, malgré la différente codfiflance -
o u ï m
des deux vaifleaux, la veine s’abat fur le tranchant-
extérieur de chaque lame , & parvenue au bas dé
la lame, elle verte fon fang dans un gros vaiffeaü
veneux, couche près de la branche d’artere dans
toute l’étendue de la gouttière de la côte ; niais cë
n eft pas feulement par cet abouchement immédiat
des deux extrémités de l’artere 6c de la vein e, quë
l’artere fe décharge dans la veine ; c’eft encore paf
toute fa route : c’eft ainfi donc que le rameau d’ari.
teres dreffé fur le tranchant de chaque lame , jettê
dans toute fa route fur le plat de chaque lame de
part & d’autre une multitude infinie de vaifleaux 1
q u i, partant deux à deux de ces rameaux, l’un d’un
côté & l’autre de l’autre, chacun de fon côté va
droit à la veine, qui defeend fur le tranchant ôp-
pofé de la lame , & s’y abouche par un contaéfc
immédiat. Dans ce genre d’animaux le fang pafle
donc des arteres de leur poumon dans leurs veines
d’un bout à l’autre. Les arteres y font de vraies arteres
, & par leur corps, & par leur fonffion dé
porter le fang. Les veines y font de vraies veines,,
&par leur fonétion de recevoir le fang dés arteres, &£
par la délicateffe extrême de leur confiftance. Il n’y
a jufque-là rien qui ne foit dans l’économie ordi-i
naire. Mais ce qu’il y a de fingulier , c’eft l’abouchement
immédiat des arteres avec les veines, qui
fe trouve à la vérité dans les poumons d’autres animaux
, fur- tout dans ceux des grenouilles & des tor^
tues ; mais qui n’eft pas fi manifefte que dans les
ouies des poifl'ons. Foyer la régularité de' la diftri-
bution qui rend cet abouchement plus vifible dans
ce genre d’animaux ; car toutes les branches d’arte-
res montant le long des lames dreffées fur les côtes*
font aufli droites 6c aufli également diftantes l’iiné
de l’autre que les lames, 6c en général la diteâion
& les intervalles des vaifleaux tant montant qué
defeendant, eft aufli régulière que s’ils avoient été
dreffés à la régie & efpacés au compas ; on les fuit
à l’oeil 6c au microfcope. Cette diftribution eft fort
finguliere, ce qui luit l’eft encore davantage. On eft
en peine, avons-nous dit , de la diftribution du
fang , pour la nourriture 6c la vie des autres parties
du corps de ces animaux. Nous avons conduit le
fang du coeur par les arteres du poumon dans les veines
du poumon ; le coeur ne jettant point d’autres
arteres que celles du poumon, que deviendront lés
autres parties, le cerveau , les organes des fens, 6c
tout le refte du corps ? Ce qui luit ie fera voir. Ces
trônes de vèines pleins de lang artériel, forçant dé
chaque côté pat leurs extrémités qui regardent la
bafe du crâne , prennent la confiftance & Féoaiffeur
d’aftere, 6c viennent le réunir deux à deux de chaque.
Celle de la première côte fournit avant fa réù-i
nion des branches qui diftribueiit le lang aux organes
des fens, au cerveau 6c aux parties voilinés, &
fait par ce moyen les fondions qui appartienne • à
l’aorte afeendante dans les animaux à quatre pi<. s ;
enfuite elle fe rejoint à celle de la féconde cô te, <3t
ces deux enfemble ne font plus qu’un tronc, lequel
Coulant le long de la bafe du crâne , reçoit encore
de chaque côté une autre branche formée par la
réunion des Vèines de la troifieme & quatrième
paires de cô te, & tout enfemble ne font plus qu’un
tronc. Après cela ce tronc, dont toutës les racines
étoient veines dans le poumon, devenant artere
par fa tunique 6c par fon office , continue fon
cours le long des vertèbres en diftribuant le fang
artériel à toutes les autres parties , fait la fondion
d’âorte defeendante, & le fang artériel eft diftribue
également par ce moyen à toutes les parties , pour
les nourtir & les animer , 6c il rencontre par-tout
des racines dé veines , qui reprennent le réfidu, 6c
le portent par plufieurs troncs formés de l’union de
toutes ces racines, au relervoir commun, qui doit