ile Yoeil Sc de l'orbite dans l’état naturel. Le plan
-du bord de chaque orbite eft oblique, & fe trouve
plus reculé, ou plus en arriéré vers la tempe que
>vers le nez. Le globe de Y oeil ell; fixé du côté du
uez, &. déborde antérieurement le plan de l’orbite.
■ Il eft donc manifefte , par la feule infpettion, c]ue
le globe de l'oeil dans l’état naturel, eft en partie
hors de l’orbite. Si l’on confidere enfuite que le
nerf optique eft fort lâche, pour fuivre avec ai-
fance tous les mouvemens que le globe fait autour
■ de fon centre pa rl’aétion de fes différens mufcles,
•on n’aura pas de peine à concevoir qu’au moindre
«ronflement, Yoeil ne puifîe faillir d’une maniéré
■ extraordinaire , & qu’il ne faut pas un fi grand désordre
qu’on pourroit fe l’imaginer, pour le faire
paroître tont-à-fait hors de l’orbite, fans que le nerf
■ optique foit rompu ou déchiré. Il y auroit donc
une arande impéritie de fe décider trop précipitamment
à faire l’extirpation du globe de Y oeil dans le
cas oii on le croit tont-à-fait détaché de l’orbite ,
Sc comme pendant fur la joue.
Le cancer de l'oeil eft une maladie très-formidable
par fa nature, & par la difficulté d’ufer des fe-
cours applicables en toute autre partie. De grands
chirurgiens ont furmonte ces obftacles j ils nous
ont laill'é dans leurs ouvrages, les exemples de leur
Savoir & de leur habileté dans ces cas épineux. Je
vais expofer la do&rine des autres fur l’extirpation
de Yoeil, en Suivant l’ordre des tems. C ’eft fur-
tout dans un Diâionnaire encyclopédique qu’on
doit placer l’hiftoire des arts : elle eft toujours inté-
reflante^ par elle on rafiemble les traits de lumière
qui ont éclairé chaque âge , & l’on diffipe les ténèbres
, qui, de tems à autre, ont obfcurci les meilleures
idées. On n’eft pas obligé de remonter fort
•loin pour trouver les premières notions de l’operation
dont il s’agit ; 6c contre la marche naturelle
des arts & des Sciences qui vont ordinairement d'un
pas plus ou moins rapide vers leur perfection , on
voit que ceux à qui nous fommes redevables des
premiers détails, ont travaillé plus utilement qu’aucun
de leurs fucceffeurs. De-là la néceffité d’étudier
les anciens, & de ne pas ignorer leurs découvertes
& leurs obfervations.
C ’eft dans un traité allemand fur les maladies
des y eu x , publié à Drefde en 1583 , par George
Bartifch, qu’on trouve la première époque de la pratique
d’extirper Y oeil. L’auteur a orné fon ouvrage
de beaucoup de figures, & y a fait repréfenter plusieurs
maladies qui exigent cette opération. Il pro-
pofe un inftrument en forme de cueillere, tranchante
à fon bec , pour cerner Yoeil, & le tirer de l’orbite.
Treize ans après la publication de cet ouvrage,
Fabrice de Hilden eut occafion d’extirper un oeil ;
il fit conftruire l’inftrument de Bartifch, & en fit l ’ef-
fai fur des animaux. Il reconnut que fon ufage étoit
incommode & dangereux; qu’il étoit trop large pour
pouvoir être porté jufque dans le fond de l’orbite ,
& y couper le nerf optique, avec les mufcles qui
y font implantés : qu’ainfi il faudroit laiffer la moitié
du mal, ou fracturer les parois de l’orbite, en
pouffant l’inftrument avec violence dans le fond de
cette cavité, pour l’extirpation radicale. Fabrice de
Hilden imagina un autre inftrument, dont il s’eft
fiervi avec grand fuccès. C ’eft un biftouri, moufle
à fon extrémité comme le couteau lenticulaire, de
crainte d’offenfer les parois de l’orbite. Le tranchant
eft en-dedans ; la tige qui le .porte eft un peu courbe
, ni plus ni moins, dit l’auteur, que font les couteaux
dont on fe fert pour creufer les cueilleres de
bois. Il en a voit fait le modèle en plomb, en prenant
les dimenfions néceffaires fur une tête de fque-
lette.
Pour fe fervir.de cet inftrument, après avoir mis
le malade en fituation fur une chaife , Fabrîdé de
Hilden prit tout ce qu’il put faifir de l’excroiffance
cancereufe de Y oeil dans une bourfe de cuir, dont
les cordons furent ferrés fur la tumeur, afin de pouvoir
la tirer un peu en-dehors , & faciliter l’opération.
Cette méthode eft préférable aux anfes de fil,
qu’on forme par deux points d’aiguille donnés cru-
cialement, parce que les humeurs contenues dans
la tumeur qu’on veut extirper, venant à s’écouler,
les membranes s’aftaifî'oient , la tumeur devient
flafque, &c l’opération plus difficile. L ’excroifl’ance
faifie dans la bourfe, l’opérateur fit une iheifion à
la conjonélive pour couper les attaches de la tumeur
avec les paupières. Il porta alors dans le fond de
l ’orbite rinftrument que je viens de décrire, avec
lequel il coupa derrière le globe de l ’oeil lemerf
optique & les mufcles qui l’entourent, à leur origine.
L’opération ne fut ni longue ni douloureufe ;
& le malade panlé avec des remedes balfamiques,
fut guéri en peu de tems.
Tulpius qui n’ignoroit pas le fuccès de cette opération,
laifl'a mourir une fille d’un cancer à l’oeil,
par l’omifîion de ce fecours. Dans le même tems,
les faftes de l’art nous montrent une autre perfonne
qui èft la viélime d’une opération pratiquée d une
maniéré cruelle. Bartholin, dans les hiftoires anatomiques
, fait mention d’un homme à qui on arracha
Tafi/carcinomateux avec des tenailles , &
qui en mourut le quatrième jour.
On lit dans la collettion pofthume des obferva-
tions medico-chirurgicales de Job à Meckréen,
qu’il a fait l’extirpation de l’ oeil h Amfterdam’ à une
fille de dix-huit ans. L’inftrument qu’on a fait graver
eft précifément la cuilliere tranchante de Bartifch.
Voilà un inftrument défeftueux qui fe trouve
entre les mains d’un très-habile homme, cent ans
ou environ après avoir été inventé, quoiqu’il eût
été proferit prefqu’aufîi-tôt par la cenfure de Fabrice
de Hilden ; cenfure que Job à Meckréen devoit
connoître, puifqu’il cite cet auteur en plufieurs oc-
cafions.
Bidloo rapporte quatre obfervations fur l’heu-
reufe extirpation du globe de l’oeil. Il fe fervit d’un
biftouri droit qui failoit angle avec le manche. Son
procédé n’a pas été méthodique ; car il a été obligé
d’employer à différentes reprifes le biftouri & des
cifeaux. Quoi qu’il en foit, il a guéri fes malades,
& la réufîite eft un argument en faveur de' l’opé-,
ration.
Jufqu’ici nous n’avons pu citer que des étrangers.’
Je n’ai rien trouvé fur l ’extirpation de l'oeil dans les
écrits de nos compatriotes avant Lavauguyon. Ce
médecin , dans un traité d’opération de chirurgie ,
imprimé en 1696 , recommande l’extirpation*de
l'oeil cancéreux, en fe contentant de dire qu’il faut
le difféquer avec une lancette. Un autre médecin ,
dans une pathologie de chirurgie regarde comme
incurable le cancer de l ’oeil ; il ne confeille que la
cure palliative. Il cite l’opération pratiquée par
Fabrice de Hilden, en difant qu’elle eft trop délicate
, pour qu’on l’entreprenne fans de grandes précautions.
Un chirurgien a commenté ce texte de Ver-
duc , & il dit qu’il faut que l’opérateur, pour entreprendre
une telle affaire, y foit comme forcé par
inftances réitérées du malade & des afîiftans,à caufe
de l’incertitude du fuccès d’une cure prefqu’abfolu-
ment déplorée. Nous reconnoiffons là le langage
d’un chirurgien timide, qui n’a aucune expérience
perfonnelle, & qui a négligé de s’inftruire par celle
des autres. Antoine maître Jean , dont le traité fur
les maladies de l ’oeil a joui jufqu’ici d’une eftime
générale, proferit l’extirpation de Yoeil, ou plutôt
il fe contente de preferire quelques remedes palliat
ifs , pour Soigner autant qu’il eft poffible tes luîtes
funeftes du cancer de l’oeil.
Parmi les auteursfrançois, il n*y a que Saint-Yves
qui fait entré tians quelques détails très-fuccints ,
lur la pratique, .de cette opération. 11 paffoit au
moyen d une aiguille , une l'oie à.-travefs le globe
pour le ioulever pendant l'extirpatiort; il ne décrit
point le procédé qu’il fuivoit, & il (e borne à dire
que les malades font guéris en peu de tems.
Hetfter, attentif à recueillir toutes les méthodes
qui iont venues à la conr.oilTance pendant quarante
années d linç application continuelle , eft fort court
lur 1 extirpation de l'oeil. En admettant la neceftité
de cette opéra non, il prétend qu’il ne faut pas d’autre
inftrument pour la faire, qu’un biftouri droit or-
flmaire. L expertence & la raifon né font pas favo-
râbles à une aflertion auflî hafardée.
On voit par cet expofé , qu’on n’a point encore
c e règles précités- fur le manuel d’une opération,
dont la neceftité & l’utilité ne peuvent être équivo-
ques. Fabrice de Hilden eft le feul qui ait décrit fon
procédé avec quelque attention : il n’a point eu dli-
mttateur ; lé filçnce , la négligence ou la timidité
-S;.auteurs modernes fur ce point font difficiles à
Concevoir. La perte infaillible des malades à ‘qui
1 on ne.fera point cette opération, les cures heureii- .
les qu_on lui doit dévoient animer les praticiens à
Pertf«tonner & à la rendre auffi (impie & facile
qu elle eft avantageufe. Çonfulté plufieurs fois
dans des cas qui exigeoient cette opération , je me
luis.rait une méthode que la liruaure de. l'oeil fes
attaches & fe s rapports avec les parties circon’voi-
lines m ont fait concevoir comme la plus convena-
B H a. D 1 approbationjde l’académie royale
de Chirurgie , & plufieurs perfonnes l’ont pratiquée
depuis moi avec fuccès. ^
Il faut d’abord incifer'les attaches de l’oeil avec
les .paupières., comme Hitdznm l ’a fort bien remarque.
11 ne faut pas d’mftrument particulier pour
cela : tuais cette tncifion peut être faite avec plus
ou moins de méthode. Inférieurement il fuffit de
couper dans l’angle ou repli que font la conjonaive
« la membrane-interne de la paupière ; on doit pen-
lcr en metne-tems à l’attache fixe du mufcle petit
oblique, fur le jrord inférieur de l’orbite du côjé du
grand angle : fupérietirement il faut diriger la pointe
delmltrumentpour couper le mufcle reieveurdela
paupière fuperieure avec la membrane qui le dou.
oie ; Se en fanant: glifier un peu le biftouri de haut
en bas du cote de l’angle interne, on coupera le
tendon du grand obbque. Dès-lors l’oeil ne tient plus
à la circonférence anténedre de l’orbite : il ne s’agit
plus que de couper dans le fond de cette cavité le
nerf optique & les mufcles qui l’environnent : cela
■ [eul,couP de Cifeaux appropriés à cet-
n 3 | ! 1“ j-ames,“ font « o rb es du côté du
plat. 11 paroit allez indifferent de quel côté oh porte
la pointe des cifeaux dans le fond de l’orbite. Dans
1 état naturel, l’obliquité du plan de l’orbite, & la
fituation dp I,oeifprès de la paroi interne, preferi-
vent de pénétrer dans l ’orbite du côté du petit angle
, en portant la concavité des lames fur la partie
latérale externe du globe ; mais comme la protubérance
de 1 oeil & fa tumefaflion contre nature ne
gardent aucunes mefutes , & que les végétations
fongueufes fe font vers les endroits où il y a natu-
rellement le motns de réfiftance ; c’eft le côté du
L v . m” g ,.qrU fe,Irouve occbuaitement le plus em-
Mrrafie. Il fera donc au choix du Chirurgien d’en-
H B l °-rb', f aV,eC teS ci{eavx courbes > ^ côté
nerf W H e P US: commode. Les mufcles & le
vent cPomqme H C°l'pës ’ IeS dehors l Une H P°ur foulever l'oeil en-
Tme X I H Banif ch préten doit faireavec
HW tranchante. L ’opération eft fort fimple
de la façon dont je viens de la décrire ; & l’on fent
allez qu ayant pris de la main gauche l'oeil, qui tient
encore par des grailles moUaifes fit extenftbles, il
f o u ie s couper avec des cifeaux qu’on a dans’ la
n’ÜZ'iiüthn dC I aVCC n eft reglee par aucun preceptte0 U; to nau ftariet ambrfttrruamûieonnt
B B B | W opératoire relatif à la fituation & à
1 attache des parties. Au contraire, dans l’opération
queqe recommande, chaque mouvement de* la main
eft dirige par les connoiifances anatomiques • il „ V
en a aucun qui n’ait un effet déterminé, L’opéra^
non le fait promptement & avec précifion, chaauë
procédé eft ratfonné & -va direflement au but que
Loperateur fe propofe ; enfin, il y a une méthode
<x 1 on,' n en voit point dans Fopération pratiquée
avec le biftouri feulement. 1 q
Si la glande lacrymale étoit engorgée, il faudroit
la détacher de fa foffe particuliere avec la pointe
des cifeaux; courbes; après que IWé feroit extirpé
atnfi. que toutes les duretés skirrheufes qui pourl
rotent etre reliées dansl’orbite. Cette attention tient
aux préceptes generaux de l’extirpation des tumeurs
cancereufes ; les panfemens doivent être defficatlfs
avec des fubftances balfamiques , afin de réprimer
les grailles qui ont grande d i l p o f t t i o n à fe bourfouf-
t.er , parce que rien ne les contient , Sc qu'il faut
d r t f i e f e r ^ )™ ^ da” S r ° rbite P °ur PIac" «n
OE i l a r t i f i c i e l La Chirurgie n e s’occupe p a *
feulement du retabhffement de la fatité, elle déter
mine des moyens qui fuppléent aux’chofesqui manquent
La connoiffance de ces moyens eft un point
capital dans la Chirurgie , & la manière de donner
des îecours aux parties qui manquent naturellement
ôupar accident, forme une claffe générale des opé.
toes"*’ COnÖ“ e fo“S ie nom de W W M H j P r0.
Le moyen dont nous parlons ic i, n’eft point cu-
atit ' ,&, n a9iSde-- -à- -aAuwciuiwnuew ifio. ndieonn .u nC o’ebfjte ut nd eobjet de
pure décoration, fur la conftruaion duquel le chi-
rurgien doit donner fes confeils.
Les yeux artificiels peuventêtre faits d’or, d’argent
ou d email Les yeux d’or ou1 d ’argent doivent
être peints ou émaillés de façon à imiter la coût
leur naturelle. L inconvénient d’un oeil de métal'eft
degener par fon poids, & de procurer un écoulei
ment d humeur chaffieufe fort incommode. L’oeil de
verre ou d email eft bien plus léger, & I'on n’en
emploie pomt d autres ; il y a des ouvriers à Paris
y t l les font en imttant fi parfaitement les couleurs
1 H W quë0.n, " î s.’aPPerï oif Pasque eelui qui
porte un oeiUtufiad, foit privé de l’un de fes yeux.
Fabrice d Aquapendente fait le même éloge des
y e u x de verre qu’on conftrùifoit de fon lents A Ve-
nue.
L oeil artificiel doit être différemment configuré ’
jiuvant les cas où fon application eft néceffaire*
Loiiqu on a perdu les humeurs de l’oeil, à l’occafion
a une p laie, ou d’un abfcès qu’il a fallu ouvrir &c.
les membranes qui compofentle globe font confer-
vees ; i- refte un globe informe, une efpece de moignon
qui fait les mêmes mouvemens que l’oeil fain
par ladiion des mufcles. Dans ce cas, Y oeil artificiel
e, un hemifphere allongé, dont la partie concave
s adapte fur le moignon de l’oeil. On eft bientôt habitue
à porter cette machine qu’on gliffe très-faci
lemenc fous les paupières ; on la porte tout le jour"
& on 1 ote le foir pour la laver, & on la remet lé
matin Cette précaution journalière n’eft pas indif-
penfablement neceffaire ; mais la propreté l’e x i l
autant qüe 1 amour - propre. L’oeil artificiel craffeSk
eft comme un vafe de porcelaine mal nettoyé • faute
D d d ij